LE FOOTBALL MONDIAL DANS LE PIÈGE DE TRUMP
Le président américain veut faire des grands événements sportifs un outil de propagande politique. Mais sa rhétorique xénophobe et ses mesures migratoires risquent de compromettre le succès du Mondial des clubs, répétition générale avant le Mondial 2026

(SenePlus) - Donald Trump voit grand. De retour à la Maison Blanche depuis janvier, le président américain dispose d'un atout majeur pour les prochaines années : l'organisation des deux plus grands événements sportifs planétaires sur le sol américain. La Coupe du monde de football 2026, co-organisée avec le Mexique et le Canada, puis les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. « Regardez ce que j'ai… J'ai tout ! », s'était-il réjoui le 26 mai lors d'une visite au cimetière militaire national d'Arlington, selon Le Monde.
Pour la Maison Blanche, ces événements sont le symbole que les États-Unis sont redevenus une « destination mondiale de premier plan », dans la droite ligne du slogan trumpien « Make America great again ». C'est dans cette optique que la Coupe du monde des clubs, qui s'ouvre samedi 14 juin à Miami avec 32 équipes internationales, doit servir de répétition générale. Donald Trump a largement promu ce tournoi et annoncé qu'il remettrait personnellement le trophée au vainqueur le 13 juillet au MetLife Stadium, près de New York.
Pourtant, à l'aube du coup d'envoi, rien ne garantit le succès de l'événement. Selon The Athletic, le site sportif du New York Times cité par Le Monde, à peine 20 000 des 65 000 places du Hard Rock Stadium avaient trouvé preneur pour le match inaugural entre l'Inter Miami de Lionel Messi et l'équipe égyptienne d'Al Ahly.
La politique migratoire de l'administration Trump explique en partie cette frilosité. Los Angeles, où se déroulent plusieurs rencontres du tournoi, est depuis plusieurs jours le théâtre de tensions entre manifestants dénonçant les interpellations massives de sans-papiers et l'armée déployée sur ordre présidentiel. La chaîne NBC Floride a également révélé le 11 juin que des agents de l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) et du service des douanes seraient présents aux abords des stades, précisant que « les fans non américains assistant aux rencontres devraient disposer d'un document attestant de la légalité de leur présence sur le territoire », rapporte Le Monde.
Cette atmosphère hostile aux étrangers inquiète déjà les professionnels du tourisme. Selon un rapport de Tourism Economics cité par le quotidien français, les entrées sur le sol américain devraient reculer de 5,1 % en 2025, contre une hausse anticipée de 8,8 % avant l'élection de Trump, en raison de la « polarisation engendrée par la politique et la rhétorique du gouvernement Trump ».
La situation s'est encore durcie avec l'entrée en vigueur le 9 juin d'un nouveau « travel ban » interdisant l'entrée aux ressortissants de 12 nations, dont l'Afghanistan, Haïti et l'Iran, avec des restrictions partielles pour sept autres pays comme le Venezuela. Si des exceptions sont prévues pour les footballeurs et athlètes, elles ne concernent pas le public, compromettant notamment la venue des supporters iraniens pour le Mondial 2026.
Un "travel ban" qui complique l'accueil des supporters
« L'arrivée en masse d'étrangers va être un défi pour l'administration Trump, qui tient un discours très xénophobe », analyse Paul Dietschy, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Besançon, interrogé par Le Monde. « Beaucoup de supporteurs, en particulier les Sud-Américains, sont issus de zones géographiques qui ne sont pas les bienvenues aujourd'hui aux États-Unis. Il y a des rencontres où il pourrait ne pas y avoir grand monde. Avec le risque, au final, que la Coupe du monde des clubs, comme celle de sélection en 2026, soit un flop. »
Car pour Donald Trump, ces événements sportifs ne sont pas qu'une question de divertissement. « Donald Trump utilise le sport comme un vrai outil politique. Son idée, c'est de s'associer à des rendez-vous sportifs très suivis pour en faire un levier d'influence et de soft power », explique au Monde Kévin Veyssière, expert en géopolitique du sport. « Concernant la Coupe du monde, ce n'est pas le football en lui-même qui l'intéresse, mais le fait d'accueillir un événement planétaire qui réunit le plus de téléspectateurs au niveau mondial. »
L'équipe de Trump n'hésite d'ailleurs pas à présenter le Mondial 2026 comme « le plus grand événement sportif de l'histoire », précisant que le président compte saisir cette occasion pour « célébrer l'excellence américaine » et la « fierté nationale ». L'enjeu est d'autant plus important que le Mondial aura lieu quatre mois avant les élections de mi-mandat, souvent déterminantes pour le scrutin présidentiel suivant.
« Pour lui, c'est une occasion de montrer la puissance américaine, en donnant l'image que les États-Unis vont très bien sous sa présidence », poursuit Kévin Veyssière. Une stratégie que confirme Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport à Sciences Po Paris : « Le sport a toujours été un moyen d'avoir une vitrine d'exposition personnelle » pour Donald Trump.
L'organisation conjointe du Mondial 2026 avec le Canada et le Mexique pourrait également poser problème. Trump a créé en mars une « task force » pour superviser les préparatifs, mais celle-ci ne comprend aucun représentant des deux pays co-organisateurs. Les relations entre Washington et ses voisins sont particulièrement houleuses depuis le retour de Trump, entre les droits de douane qu'il veut imposer, sa volonté proclamée d'« annexer » le Canada ou son initiative de renommer le golfe du Mexique « golfe d'Amérique ».
Ces frictions suscitent des craintes légitimes sur la capacité des trois pays à coopérer efficacement. Pourtant, l'organisation représente un défi colossal. Pour Gianni Infantino, président de la FIFA, cela revient à gérer « trois Super Bowl par jour pendant un mois ». Une complexité qui ne semble pas inquiéter Trump, qui balayait le 6 mai : « Je pense que cela rendra la compétition plus excitante. La tension est une bonne chose. »
Reste à savoir si cette approche conflictuelle permettra aux États-Unis de réussir le pari de ces grands rendez-vous sportifs, ou si la politique trumpienne finira par gâcher la fête qu'elle prétend orchestrer.