MONDIAL EN TERRE INCONNUE
Délais de visa de 15 mois, supporters interdits d'entrée, prix prohibitifs : la Coupe du monde 2026 risque-t-elle de tourner au fiasco ? À un an du tournoi, les États-Unis courent après le temps pour résoudre une équation complexe

(SenePlus) - La promesse est grandiose : "le plus grand événement sportif de l'histoire de la planète", selon Landon Donovan, ancienne star de l'équipe nationale américaine. Mais à douze mois du coup d'envoi de la Coupe du monde 2026, coorganisée par les États-Unis, le Canada et le Mexique, les défis s'accumulent pour les organisateurs américains qui accueilleront 78 des 104 matches du tournoi élargi à 48 équipes.
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche complique l'équation. Si le président affiche ostensiblement son soutien au tournoi - une réplique du trophée trône dans le Bureau ovale lors de ses conférences de presse -, ses politiques migratoires inquiètent la FIFA et les organisateurs.
L'administration Trump a signé des décrets interdisant l'entrée sur le territoire à des citoyens de plus d'une douzaine de pays, dont l'Iran, déjà qualifié pour la compétition. Bien que des exemptions soient prévues pour les grandes compétitions sportives concernant les athlètes et leur entourage, ces interdictions de voyage menacent d'exclure les supporters de nations comme l'Iran, mais aussi le Venezuela et Haïti, tous deux encore en lice pour décrocher leur billet, révèle The Athletic.
Plus préoccupant encore : les délais d'obtention de visas touristiques. En Colombie, l'attente atteint actuellement 15 mois pour un rendez-vous, 10 mois en Équateur et 9 mois et demi au Costa Rica. Une situation d'autant plus problématique que de nombreux fans attendent habituellement le tirage au sort des groupes - probablement organisé à Las Vegas début décembre - pour réserver leurs voyages et hôtels, car c'est seulement alors qu'ils sauront dans quelles villes joue leur équipe.
Les villes hôtes américaines attendent toujours de savoir si leurs coûts seront compensés par une enveloppe fédérale de 625 millions de dollars qu'elles réclament conjointement pour assurer la sécurité du tournoi. Une demande justifiée par les risques terroristes : une lettre signée par 48 membres du Congrès en décembre 2024 avertissait que la taille du tournoi en faisait "une cible particulièrement attractive pour les acteurs malveillants".
Les enjeux financiers sont colossaux pour les municipalités. Le comté de Miami-Dade prévoit ainsi des coûts de 46 millions de dollars entre subventions, services de police et dépenses liées à l'organisation de sept matches de Coupe du monde au Hard Rock Stadium. Un défi d'autant plus sensible que ce même stade avait connu des scènes chaotiques lors de la finale de la Copa América l'été dernier.
Pour les fans, la facture s'annonce salée. La FIFA appliquera un système de tarification dynamique, où les prix fluctueront en fonction de la demande. Seuls les forfaits hospitalité sont actuellement disponibles, avec des tarifs débutant à 3 500 dollars par personne et pouvant grimper jusqu'à 73 200 dollars.
Un fossé béant avec 1994, quand les États-Unis avaient déjà accueilli la Coupe du monde : les billets coûtaient alors entre 25 et 475 dollars et avaient attiré plus de 3,5 millions de spectateurs pour un tournoi à 24 équipes - soit la moitié de la taille de celui qui arrive dans douze mois, rappelle The Athletic.
Cette inflation s'explique par les ambitions financières de la FIFA, qui vise 13 milliards de dollars de revenus sur le cycle se terminant en 2026, contre 7,6 milliards entre 2019 et le Mondial qatarien de 2022.
Contrairement au Qatar qui avait offert la gratuité des transports publics aux détenteurs de billets, les villes américaines adoptent des approches divergentes. Dallas confirme que les bus et systèmes ferroviaires seront gratuits pour les fans, avec 100 bus gratuits mis en service. Houston, en revanche, ne prévoit pas de transport gratuit.
La géographie complique la donne : certains stades de la Coupe du monde américaine ne sont pas facilement accessibles par les transports publics, comme le Hard Rock Stadium de Miami. Le Levi's Stadium en Californie se trouve à environ 43 miles de San Francisco, l'AT&T Stadium d'Arlington au Texas à environ 18 miles de Dallas et le Gillette Stadium à 25 miles de Boston.
Malgré ces défis, les organisateurs misent sur l'attractivité du tournoi. Chris Canetti, président du comité d'organisation de Houston, prédit que "chaque match se vendra à guichets fermés", comparant l'événement au Super Bowl américain.
Alex Lasry, directeur général du comité organisateur New York/New Jersey, insiste sur l'enjeu : "La Coupe du monde n'est pas un tournoi domestique. C'est LA Coupe du monde. Un des éléments les plus importants est d'avoir le monde entier qui vient aux États-Unis. Cela génère non seulement un impact économique sur 40 jours, mais aussi 5, 10, 15 ans après".
À un an du coup d'envoi prévu le 11 juin 2026, les États-Unis tentent de concilier ambitions politiques et réalités organisationnelles pour ce qui s'annonce comme le plus grand défi logistique de l'histoire du football mondial.