FRANÇOIS BOB, LA RIGUEUR PERSONNIFIÉE
Ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, il a servi l’Etat avec loyauté et objectivité. Le passage de cet énarque dans différents départements étatiques a été remarquable

En mars 1978, au sortir de l’élection présidentielle, le président Senghor nomme un jeune cadre au poste de Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargé de la Jeunesse et des Sports. Les Sénégalais découvrent pour la première fois François Bob, un natif de Fadiouth (département de Mbour). Cet ancien administrateur civil breveté de l’Ecole nationale d’administration (Ena) en 1970 fut l’un des plus brillants cadres du pays. Il est à offrir en modèle à la jeunesse sénégalaise pour avoir servi loyalement son pays. D’abord enseignant, il fut un grand militant des mouvements de jeunesse notamment les Cœurs vaillants – âmes vaillantes (Cv-Av). Ainsi, pendant sept années, François Bob dirigea le département de la Jeunesse et des Sports d’abord comme Secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre puis Ministre jusqu’à son départ en 1985 pour raisons de santé. Il s’était établi à Paris comme consultant dans un cabinet financier avant de s’éteindre en 1991. C’est avec lui que le Sénégal a connu de grands chantiers sportifs avec notamment la réalisation de nombreuses infrastructures, la régionalisation puis la décentralisation des semaines de la jeunesse et de la culture. La négociation du stade de l’Amitié devenu Léopold Sédar Senghor avec la Chine est aussi à son actif. Il fut un homme rigoureux mais surtout un grand manager qui fit ses preuves au Secrétariat général de la Présidence de la République au poste d’adjoint et au Ministère des Affaires étrangères, en qualité de Secrétaire général avec rang d’Ambassadeur.
Passage exemplaire au département des Sports
Parmi ceux qui ont côtoyé l’ancien locataire du département à l’ex-avenue Barachois devenue Abdoulaye Fadiga (ancien siège du Ministère de la Jeunesse et des Sports), il y a Majib Sène, son conseiller de presse, auteur du livre « Notre ami François Bob 1939-1991 ». L’ancien journaliste de Radio Sénégal salue la mémoire « d’un homme multidimensionnel qui a consacré toute sa vie au service de la communauté nationale ». « J’ai voulu l’offrir en exemple à la jeunesse sénégalaise qui a un rôle important à jouer dans le devenir de notre pays », ajoute M. Sène. Selon l’ancien conseiller de presse, partout où il est passé, le défunt François Bob avait su créer chez ses collaborateurs une mentalité nouvelle, une conscience, un esprit critique, une volonté de participer positivement à l’œuvre d’éducation commune de transformation de la société.
Parmi les anciens collaborateurs de François Bob, le premier Sénégalais Directeur de l’Institut national du sport et de l’éducation populaire (Inseps), Gérard Diamé, témoignait qu’il fut un ministre exigeant, très attentif à l’efficacité. « Rien d’approximatif ne devait lui être soumis, lui qui lisait minutieusement tout et ne laissait aucun dossier en souffrance. Tout travail présenté à M. Bob vous revenait sans délai, immanquablement annoté voire corrigé par endroits, avec des directives claires », révèle M. Diamé dans le livre de Majib Sène. Il ajoute qu’il était un pédagogue pointilleux, qui avait l’art de formuler des instructions avec précision. S’il prenait une décision ou une idée, explique M. Diamé, c’était tout réfléchi et il ne servait à rien de tenter de le dissuader de la mettre en application.
Fonctionnaire rigoureux
En service à la présidence de la République, l’ancien Secrétaire général adjoint y apporta une touche particulière en disant que chacun devait faire l’effort de mériter son salaire. Il y introduit le système de l’émargement de tous les agents. Tout retard constaté est déduit à la fin du mois sur les émoluments. Une décision jugée impopulaire par certains. Une secrétaire habitant la banlieue subit ce sort et alla se plaindre auprès de lui. « Vous êtes un homme sans cœur. Depuis cette mesure, je ne perçois plus de salaire en raison de mes nombreux retards. J’habite en banlieue, je conduis mes enfants à l’école avant de prendre le bus pour la ville. Pendant ce temps, votre chauffeur s’occupe de toutes ses tâches avant de vous conduire au travail. Vous n’avez pas essayé de comprendre pourquoi je suis constamment en retard. Je tenais à vous dire le mal dont je souffre ». C’est dans l’après-midi que François recevra à nouveau la dame pour lui exprimer ses regrets avant de lui rappeler que les raisons avancées sont sans valeur devant le règlement qui régit les travailleurs. De sa poche, il lui remboursa les retenues antérieures et lui donna 45 minutes de battement sur l’horaire officiel.
Dans une autre anecdote, alors Ministre, un de ses proches membres du cabinet arriva en retard à une réunion, un vendredi après-midi, sous le regard d’une salle pleine. Et chacun se demandait ce qui devrait lui arriver, tellement qu’ils étaient liés. François Bob l’interpella sèchement et ce dernier lui expliqua qu’il était à la prière du vendredi. M. Bob présenta ses excuses à tous ceux qui ont raté la prière en raison de l’horaire retenu pour la rencontre.
Le refus de confirmer Mawade Wade
L’un des faits les plus marquants sous le magistère de François Bob, c’est lorsque les entraîneurs avaient proposé la nomination du défunt Mawade Wade, expert de la Fifa, au poste d’entraîneur national. Malgré tout le bruit sur cette proposition, il n’accepta pas, indiquant que Mawade ne remplissait pas les critères objectifs définis pour tout candidat au poste. Lorsque Majib Sène, son conseiller, lui posa la question de savoir ce qu’il ferait si le Chef de l’Etat, compte tenu de la volonté populaire, lui donnait l’ordre de nommer Mawade. Il répondit : « Je le nomme et dans le même temps, je remets ma démission au Président. Pour moi, être Ministre aujourd’hui et me trouver le lendemain sous-préfet de Nguékokh, c’est la même chose ». Quelle humilité !
Valeurs judéo-chrétiennes
Entré au Gouvernement en même temps que François Bob en mars 1978, le Ministre d’Etat Robert Sagna, dans un document publié, note qu’il fait partie de cette catégorie d’hommes pour qui la vie n’a de sens qu’au service d’autrui. « Il était d’une grande disponibilité et d’une gentillesse sans limites. Attaché aux valeurs judéo-chrétiennes qui ont forgé son éducation, sa vie et sa manière d’être se ressentent par l’exemple », avait écrit l’ancien Ministre d’Etat. Et de rappeler ceci : « Rentré au Sénégal comme ingénieur agronome du génie rural, mon insertion dans la Fonction publique classe A posa problème : seuls les diplômés des écoles françaises avaient accès au grade A. Un conseiller français chargé d’établir les équivalences s’était opposé farouchement. Irrité par cette injustice, il (François Bob) s’était engagé à lever cet écart pour me rétablir dans mes droits ; il a convaincu le Président Senghor de la justesse de mes revendications ». Selon lui, l’Union européenne avait menacé de suspendre l’octroi de bourses à notre pays pour cette école belge si l’équivalence du diplôme délivré n’était pas acquise et la discrimination « coloniale » éliminée.
« Un modèle achevé de simplicité »
Dans un témoignage sur son ancien Ministre, le Président Abdou Diouf écrit : « J’exprime du fond du cœur ma reconnaissance et ma fierté à l’endroit de François Bob, éducateur émérite, grand parmi les grands serviteurs de l’Etat du Sénégal qu’il aimait passionnément et qu’il a, du reste, servi dignement et loyalement. Le Ministre François Bob a mérité de la Nation ». Et d’ajouter : « En effet, il fut un modèle achevé de simplicité et d’humilité ; un exemple de générosité et d’efficacité, d’engagement et de dépassement dans l’action ». Selon l’ancien Chef de l’Etat, par son style franc et direct ; par son sens de l’Etat qui n’altéra en rien son sens de l’amitié, par son attachement viscéral aux principes et par ses réalisations significatives qui couronnèrent son action frappée du sceau du pragmatisme, il a positivement marqué le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Enfin, conclut Abdou Diouf, ses grandes qualités morales et humaines, les vertus qu’il incarnait si profondément, constituent pour la jeunesse une source inépuisable d’enseignement et d’enrichissement.