MULTIPLE PHOTOSLA DETTE SÉNÉGALAISE RETROUVÉE ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Le peuple sénégalais a été pendant plus d’une décennie sacrifié à la tranquillité de prêter à une administration rassurante dans ses formes mimétiques de la pseudo gouvernance de l’Occident
Les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale ont été l’occasion d’un réexamen de la fameuse dette cachée (Hidden Debt) du Sénégal. Après l’arrivée au pouvoir du tandem Faye-Sonko, tout d’un coup le FMI et les marchés financiers découvraient que le volume de l’endettement du Sénégal était plus élevé qu’annoncé. Le FMI énonçait des fatwah contre les mauvaises pratiques du Sénégal en évoquant un des plus graves misreporting de son histoire et une fraude avérée. À la suite des élections de mars 2024, un audit de l’Inspection générale des finances et un rapport de la Cour des comptes ont révélé des « indicateurs budgétaires beaucoup plus faibles » que ceux annoncés. La dette de l’État central avoisinait les 100 % du PIB en 2023, soit environ 25 points de plus que les chiffres publiés jusque-là.
L’heur des dégradations
L’ampleur de ces corrections était inédite. Le ratio dette/PIB est passé de 74,4 % à 99,7 % fin 2023. Le déficit budgétaire, lui, a été réévalué de 4,9 % à 12,3 % du PIB. Sur ce constat, l’agence de notation Moody’s a été catégorique : « L’ampleur et la nature de ces écarts montrent que la marge budgétaire du Sénégal est bien plus étroite qu’annoncée, avec des besoins de financement beaucoup plus importants. Ces écarts révèlent aussi de sérieuses lacunes de gouvernance dans le passé. » La sanction n’a pas tardé et a été sévère. En février 2025, Moody’s a abaissé la note du Sénégal de B1 à B3 et a placé la perspective en « négative », après une précédente dégradation en octobre 2024. En en juillet 2025 , Standard & Poor’s a suivi avec une nouvelle dégradation[1]. En l’espace de quatre mois, la note souveraine du pays a perdu trois niveaux. Une telle dégringolade est rare, surtout pour un État qui n’est pas en défaut de paiement ou en pleine restructuration. L'effondrement des notations a provoqué une vente massive des Eurobonds du Sénégal. Elle a également compliqué les négociations en cours entre le pays et le Fonds monétaire international.
Le règne de l’extra-budgétaire
Les agences de notation ont sanctionné pour des fautes passées les nouveaux dirigeants sénégalais au moment même où ceux-ci produisaient des chiffres rectifiés sur la gravité du défi budgétaire de 2019 à 2023.
Le tableau de la Cour des Comptes du Sénégal (voir photo d’illustration 1) est édifiant sur l’impéritie des missions du FMI et sur la complète dérive de la gestion des finances publiques par Macky Sall. L’outil de mesure de la situation réelle des comptes publics se nomme TOFE, soit Tableau des Opérations Financières de l’État. Ce tableau (TOFE) est élaboré selon la méthodologie du FMI avec les données provenant du Sénégal à travers le ministère des Finances, la banque centrale, les statistiques financières et douanières, etc. Dès l’année 2019 on constate que le TOFE n’indique que moins d’un tiers du véritable déficit budgétaire recalculé par la Cour des Comptes. La différence provient du fait que les dépenses publiques n’ont pas été intégralement reportées dans le TOFE. Leur occultation a été rendue possible parce que leur financement par emprunts ou découvert bancaire n’était pas non plus enregistré.
En 2023, le déficit officiel base TOFE a quasiment doublé par rapport à celui de 2019. Mais à cet accroissement en volume des comptes connus se greffe une panoplie de charges et de dépenses cachées :
- Dépenses financées sur emprunts projets non communiquées
- Rattachements de recettes
- Dépenses extrabudgétaires payées par le surfinancement
- Avance de trésorerie non régularisée
- Dépenses extrabudgétaires financées par une partie du Sukuk[2] SOGEPA[3]
- Charges financières et acquisitions de biens et services financées par la dette bancaire hors cadrage.
L’État du Sénégal de l’époque Macky Sall a développé les dépenses extra-budgétaires à un niveau extraordinaire, sans aucune alarme de la part de la BCEAO ou du FMI. Et le déficit budgétaire réel de 2023 était le triple de celui indiqué par le TOFE. Le rapport de la Cour des Comptes a mis en lumière l’ampleur des dépenses non autorisées par les lois de finances et dont beaucoup correspondent à des détournements vers des comptes de particuliers.
Le calcul sérieux du misreporting
S&P’s s’est emparé de cet audit (publié en septembre 2024) demandé par le nouveau gouvernement pour chiffrer la dette non enregistrée à US$13 milliards. En aout 2025, le FMI a fait semblant de reprendre les données de la dette collectées par Forvis Mazard[4] pour se dire informé du montant du misreporting. « À l’issue de l’exercice de réconciliation mené par le cabinet d’audit international Forvis Mazars, les autorités ont révisé le stock de dette de l’administration centrale, qui passe de 74,4 pour cent à 111,0 pour cent du PIB à fin 2023. Cette révision reflète principalement des passifs précédemment non déclarés. À fin 2024, les statistiques révisées indiquent que la dette de l’administration centrale a atteint 118,8 pour cent du PIB.[5]»
Les chiffres en FCFA du tableau 2 en illustration montrent en seconde ligne le stock reconstitué en début d’année de la dette publique qui double de 2018 à 2023[6]. En fin d’année (ligne 5) apparaissent les nouvelles créances sur l’État et la dette 2023 grimpe de 3000 milliards en FCFA. Et la dette bancaire qui finance la trésorerie de l’État, mais n’est jamais remboursée, rajoute 2000 milliards portant l’encours total (ligne 7) à 18 558 milliards. Le ratio de la dette réelle au PIB est passé d’un peu plus de 50% en 2018 à quasiment 100% en 2023.
La finance de connivence
Les bailleurs de fonds ont augmenté leur encours de créances sur le Sénégal sans examiner la charge et la légalité des crédits accordés. Macodou Ndione dans une note publiée[7] le 8 octobre 2025 a montré l’écosystème de connivence internationale qui s’est créé autour Macky Sall darling. Il rappelait ainsi comment l’Agence française de développement (AFD), principal instrument français d’aide bilatérale, a financé entre 2014 et 2023 plus de 2 milliards d’euros de projets au Sénégal, dont une part importante en appui budgétaire direct. Le cycle d’autosatisfaction de la communauté financière est simple et attristant : « Ces financements étaient conditionnés à la mise en œuvre de réformes sectorielles, mais non à des audits exhaustifs de la dette publique. L’AFD s’appuyait sur les évaluations du FMI et de la Banque mondiale, considérées comme références en matière de transparence. Ainsi, tant que ces institutions validaient les rapports macroéconomiques, les décaissements français se poursuivaient.[8]»
Le peuple sénégalais a été pendant plus d’une décennie sacrifié à la tranquillité de prêter à une administration rassurante dans ses formes mimétiques de la pseudo gouvernance de l’Occident.
La mission que le Sénégal a confié à Mazars s’avère pertinente. Elle dégonfle les encours avancés encore une fois avec méconnaissance et légèreté par le FMI comme par les compagnies de notation. La dernière émission d’obligations en direction de la diaspora sénégalaise[9] a d’ailleurs été un succès. Barclays, la banque d’affaires britannique estimait d’ailleurs qu’une réévaluation du PIB sénégalais était justifiée, ramenant le ratio dette sur PIB à un peu moins de 100%.
Olivier Vallée est auteur de Le prix de l’argent CFA, heurs et malheurs de la zone franc, et de nombreux articles sur la dette africaine (Angola, Cameroun, Niger, Nigéria, etc.).
[1] https://theconversation.com/senegals-rating-downgrade-credit-agencies-ar...
[2] L’État du Sénégal a émis vendredi 22 avril 2022 un Sukuk d’un montant cumulé de 300 milliards de FCFA via la Société Nationale de Gestion et d’Exploitation du Patrimoine Bâti de l’État (SOGEPA SN). Cette structure a été créée en 2021 avec l’objectif de moderniser la gestion financière du patrimoine bâti de l’État.
L ’appel public à l’épargne dénommée FCTC Sukuk Ijara SOGEPA SN 2022 est basée sur une émissions de 3 sukuks via la titrisation.
L’opération, conforme aux principes de la finance islamique, est émise sous trois compartiments, à savoir :
- FCTC « SUKUK IJARA SOGEPA SN 5,80 % 2022-2029 » d’un montant de 50 milliards FCFA.
- FCTC « SUKUK IJARA SOGEPA SN 5,95 % 2022-2032 » d’un montant de 50 milliards FCFA
- FCTC « SUKUK IJARA SOGEPA SN 6,10 % 2022-2037 » d’un montant de 200 milliards FCFA
[3] La SOGEPA est à présent au cœur d’un scandale. Gestionnaire du patrimoine bâti de l’État, elle a été condamnée à payer plus de 500 millions FCFA pour l’occupation illégale d’une partie de l’hôtel Ngor Diarama. Une affaire qui met en lumière une gestion publique défaillante et des errements coûteux. La Société nationale de gestion et d’exploitation du patrimoine bâti de l’État est au cœur d’un scandale judiciaire retentissant. Le 22 janvier dernier, la troisième chambre civile de Dakar a lourdement condamné l’institution pour son occupation sans droit ni titre d’une partie de l’hôtel Ngor Diarama, appelée « ex-USAID Dakar ». Voir https://www.senegal.shafaqna.com/FR/AL/1955229
[4] https://laviesenegalaise.com/dette-senegalaise-le-fmi-a-recu-un-rapport-du-cabinet-forvis-mazars/
[5] https://www.imf.org/fr/News/Articles/2025/08/26/pr25282-senegal-imf-staff-concludes-visit
[6] Il s’agit de la dette non cachée telle que la loi de règlement (LR) de la loi de finances initiale (LFI) l’a établie.
[7] https://polidata.blog/2025/10/08/dettes-cachees-au-senegalque-savaient-v...
[8] Ibid.
[9] Environ sept cent mille (700 000) émigrés sénégalais résidaient dans le monde en 2020. La France est de loin le pays de l’OCDE privilégié par les émigrés sénégalais : environ cent soixante mille (160 000) émigrés sénégalais résidaient en France en 2020. Viennent ensuite l’Italie, avec cent dix mille (110 000) émigrés sénégalais, l’Espagne avec cinquante-sept mille (57 000) personnes environ, et les États-Unis, avec plus de trente-deux mille (32 000). Pour le budget 2024, le Sénégal a prévu d’emprunter 2138,4 milliards CFA pour payer l’amortissement de la dette publique (1248,2 milliards) et financer le déficit budgétaire de 840,2 milliards. Il suffit que chacun des sept cent mille (700 000) sénégalais de la diaspora souscrive en moyenne à des Diaspora-Bonds de 310 000 CFA. La Diaspora sénégalaise étant éparpillée à travers le monde, particulièrement en Afrique et les continents européen et américain. Le calcul de l’Index du taux d’intérêt des Diaspora-Bonds prendra en compte d’une part les données financières internationales, régionales et nationales et d’autre part, les retours sur investissement des placements privés et publics sur les marches boursiers et financiers. Cependant, puisque le Sénégal appartient au marché sous régional financier de l’UEMOA, il est permis de se référer au retour sur investissement de l’indice de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM). Le marché boursier BRVM sera utilisé comme un marché secondaire pour vendre et acheter ces Diaspora-Bonds une fois qu’ils feront l’objet de sécurisation.













