MACKY SALL ACCUSÉ DE "LA PLUS GRANDE FALSIFICATION" DE L'HISTOIRE DU FMI
Le FMI, la BCEAO, la France, l'Union européenne, tous ont failli. L'économiste Shahin Vallée dénonce vendredi une défaillance généralisée de la surveillance internationale face à une fraude d'ampleur historique
(SenePlus) - Dans une brève publiée vendredi 25 octobre sur Le Grand Continent, Shahin Vallée, économiste reconnu, accuse Macky Sall d'avoir supervisé "la plus grande falsification de données de l'histoire du FMI".
"Jusqu'à récemment, Macky Sall, l'ancien président du Sénégal, était l'une des figures de proue de la communauté internationale. Invité au G20, il était devenu le porte-parole de facto de la bonne gouvernance et de la démocratie en Afrique", écrit Vallée en introduction.
L'économiste s'appuie sur le rapport de la Cour des comptes sénégalaise publié en février 2025, dont "les conclusions sont progressivement vérifiées et acceptées par le FMI".
Les chiffres qu'il avance sont vertigineux : "De 2019 à 2023, le déficit budgétaire du pays a été en moyenne supérieur de 5% du PIB à ce qui était déclaré chaque année."
Cinq pourcent du PIB par an pendant cinq ans : c'est colossal. Pour mettre en perspective, cela représente des centaines de milliards de francs CFA qui ont été dépensés sans être déclarés année après année.
Vallée détaille les mécanismes de cette dissimulation : "Dépenses financées sur emprunts projets non communiquées", "dépenses extrabudgétaires payées par le surfinancement", "charges financières et acquisitions de biens et services financées par la dette bancaire hors cadrage"...
Les conséquences sur le niveau réel de la dette sont massives. "En termes d'endettement, la correction de cette fausse déclaration conduit à un ratio dette/PIB supérieur de +25% aux chiffres annoncés", écrit Vallée.
Autrement dit, quand Macky Sall annonçait une dette à 74% du PIB, elle était en réalité à près de 100%. L'écart n'est pas une simple erreur comptable, c'est un gouffre.
"Cette fraude à la dette a eu lieu de toutes les manières possibles, auprès des créanciers nationaux, internationaux, officiels et privés", poursuit l'économiste, utilisant explicitement le terme de "fraude".
Vallée précise que "à la suite du rapprochement exhaustif mené par Forvis Mazars depuis l'audit public, le stock de la dette publique centrale a été révisé de 74% à 100% du PIB à la fin de 2023".
"Cette révision reflète principalement des passifs non divulgués auparavant", souligne-t-il. "À la fin de 2024, les statistiques révisées de la dette montrent que la dette publique centrale avait atteint 118,8% du PIB."
Un échec collectif de la surveillance
Mais au-delà de l'accusation contre l'ex-président, Shahin Vallée pointe "un échec collectif" des institutions internationales et régionales censées surveiller les finances sénégalaises.
"Ce qui est encore plus impressionnant, c'est que le Sénégal devrait être l'un des pays soumis à la surveillance multilatérale la plus stricte — mettant en évidence un échec généralisé et embarrassant de la surveillance à tous les niveaux institutionnels possibles."
L'économiste énumère méthodiquement les défaillances.
"Premièrement, le Sénégal fait partie de la CEDEAO et de l'Union économique et monétaire ouest-africaine. Il est à ce titre soumis à des obligations strictes en matière de communication de données et de contrôle, notamment vis-à-vis de sa Banque centrale, la BCEAO."
Vallée ajoute un détail troublant : "Selon des sources proches du dossier, certaines voix courageuses au sein de l'institution auraient tiré la sonnette d'alarme — en vain."
"Deuxièmement, l'ancrage à l'euro est garanti par le Trésor français et devrait donc justifier que le gouvernement français, la Banque de France ainsi que son bras officiel et politique de prêt bancaire aient un accès privilégié aux données fiscales et une longue histoire de coopération et d'assistance technique."
Cette "longue histoire de coopération" n'a manifestement pas permis de détecter la fraude. Vallée note que cet accès privilégié "aurait permis la mise en place de systèmes d'alerte précoce".
Vallée élargit le cercle des responsabilités : "Plus encore, la politique de change de l'euro relève de la compétence du Conseil Affaires économiques et financières (ECOFIN) : on aurait pu espérer, étant donné que la BCE et l'ECOFIN approuvent en fin de compte l'ancrage du franc CFA à l'euro, que cela créerait une surveillance supplémentaire."
Là encore, cette surveillance n'a manifestement pas fonctionné. Comment l'Europe, si prompte à surveiller les finances de ses propres États membres (on se souvient de la Grèce), n'a-t-elle rien vu concernant un pays dont la monnaie est ancrée à l'euro et garantie par le Trésor français ?
Le plus embarrassant pour les institutions internationales est sans doute le silence du FMI. "Enfin — et ce n'est pas le moins important —, pendant tout ce temps, le Sénégal a fait l'objet de programmes successifs du FMI, avec des échanges d'informations approfondis et des missions fréquentes sur place."
Comment le FMI, qui envoie régulièrement des missions à Dakar, qui reçoit des données détaillées, qui dialogue avec les autorités, a-t-il pu ne rien voir pendant cinq ans ?
Vallée est sans appel : "Il s'agit là d'un échec collectif."
L'économiste conclut en soulignant que cet échec, "rendu manifeste durant les réunions d'automne du FMI et de la Banque mondiale, méritera d'être étudié pour l'avenir — au FMI et au-delà".











