LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE EVOQUE DES PERSPECTIVES MIRIFIQUES
Exploitation du pétrole et du gaz, Le président de la République, Macky Sall, a été très bref sur plusieurs questions d’actualité

Lors de son interview sur la Rfm, le président de la République a annoncé que le Sénégal paie une facture annuelle de 600 milliards de francs. Il a aussi parlé du fonds intergénérationnel issu de l’exploitation du pétrole et du gaz ainsi que de la loi qui permet d’injecter les revenus de ces hydrocarbures dans le budget national et du contenu local, en ramassé. Suite à ces déclarations, on se pose des questions. Qu’en est-il du Fonds d’appui et de péréquation des collectivités territoriales ? Quelle est la pertinence d’injecter les fonds issus de l’exploitation du pétrole et du gaz dans le budget national ?
Le président de la République, Macky Sall, a été très bref sur plusieurs questions d’actualité. Accordant une interview exclusive à la Rfm, il est revenu sur la gestion des ressources naturelles du pays. En plus de la mise en place d’un fonds intergénérationnel, il a rappelé que l’Etat paye chaque année une facture énergétique de 600 milliards de francs. Cela dit, il garde espoir que la donne va changer avec l’exploitation du pétrole et du gaz prévue pour débuter à la fin de l’année en cours ou au début de la prochaine. Les revenus tirés de cette exploitation vont permettre de prendre en charge d’autres éléments de la vie sociale sans compter que non seulement la facture énergétique de l’Etat va baisser mais aussi les Sénégalais vont payer moins cher leur carburant et leur électricité.
Selon Macky Sall, les revenus issus de l’exploitation du pétrole et du gaz seront injectés dans le budget national. Le Président a aussi évoqué les orientations du fonds intergénérationnel. Mais des questions demeurent concernant les autres fonds comme celui d’appui et de péréquation des collectivités territoriales. Une chose est sûre, concernant la décision d’injecter ces revenus issus des hydrocarbures dans le budget national, l’économiste Maïssa Babou en a injecté la pertinence.
Fonds issus des revenus de l’exploitation du pétrole et du gaz
Selon le président Sall, le fait d’injecter les revenus du pétrole et du gaz dans le budget de l’Etat aidera à mieux disposer d’une traçabilité. Très serein, il a évoqué une loi prise, donnant des garanties sur la manière de gérer les revenus du pétrole et il a donné le fonds intergénérationnel en exemple. Seul hic, le président de la République dit avoir pris une loi. Alors que les lois se votent à l’Assemblée nationale. Il a sûrement voulu dire qu’il a fait une proposition de loi. De plus, il n’a parlé que du fonds intergénérationnel alors que l’arrêté ministériel 22261 du 26 juillet 2022 a bien défini le Fonds d’Appui et de Péréquation aux Collectivités Territoriales (FAPCT) pour l’année 2020. Ce fonds s’établit à la somme de 5 447 534 719 de francs. Ledit fonds est strictement destiné à l’équipement des Collectivités territoriales bénéficiaires. Il est composé de 2 179 013 888 francs, soit 40 % du FAPCT, constitutif de la dotation de péréquation aux Collectivités territoriales, mais aussi de 3 268 520 831 de francs, soit 60 % du FAPCT, représentant la dotation d’appui à l’équipement des collectivités territoriales des régions et circonscriptions administratives, abritant les opérations minières.
Ainsi il a été explicité dans l’article 2 de la dotation de péréquation aux Collectivités territoriales d’un montant de 2 179 013 888 FCFA, versée au Fonds d’Equipement des Collectivités territoriales (FECT). Il en est ressorti suivant l’article 3, de la dotation d’appui à l’équipement des Collectivités territoriales au titre de l’année 2020 avec 817 130 208 FCFA. Soit 25 % pour les communes, abritant les opérations minières et 2 4511 390 623 de FCFA, soit 75 % pour les départements et communes y compris ceux qui abritent les opérations minières.
D’après nos sources, le fonds devant aller directement vers les collectivités territoriales n’est toujours pas effectif pour le secteur minier. En tout cas, plusieurs mairies se plaignent de n’avoir rien reçu. Et pourtant, dans l’article 2 du décret 2016- 1542 du 03 octobre 2016 portant sur la création et la fixation des règles d’organisation et de fonctionnement du comité d’orientations stratégiques du pétrole et du gaz, il est dit que le Cos-Pétro-gaz est chargé d’assurer le suivi de la bonne gestion du sous-secteur des hydrocarbures. « Nous nous demandons si cette mission est bien effectuée vu la situation de la répartition des fonds issus de ce secteur et la situation des populations impactées par l’exploitation du pétrole et du gaz dans les zones d’exploitations impliquées », s’interrogent nos interlocuteurs.
Non-respect de la loi sur le contenu local
Le contenu local, cité par le président de la République dans son interview, reste une loi qui n’a jamais été respectée par les acteurs. Il a été constaté que des entreprises étrangères sont favorisées par les exploitants sous prétexte que les entreprises sénégalaises ne remplissent pas les conditions des marchés publics. Pour le catering, Le Témoin avait publié un article intitulé « des chefs cuisiniers sénégalais licenciés dénoncent le recrutement d’une main d’œuvre étrangère sur le bateau Black rhino».
Le licenciement abusif d’une vingtaine de jeunes Sénégalais sous contrat (CDI) par la société intérimaire RMO confirmait les misères des populations sénégalaises face au manque de respect de la loi sur le contenu local par les entreprises étrangères et œuvrant dans les plateformes pétro-gazières. Un manque de respect qui intervient alors que l’article 25-1 de la Constitution annonce clairement que « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l’amélioration de ses conditions de vie. L’exploitation et la gestion de ces ressources doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général et à être écologiquement durable. L’Etat et les collectivités territoriales ont l’obligation de veiller au patrimoine foncier.»
Maïssa Babou, économiste : « Ces revenus doivent être réservés à des projets spécifiques au bénéfice d’un secteur bien défini »
L’économiste Maissa Babou recommande de réserver ces revenus issus de l’exploitation du pétrole et du gaz à des projets spécifiques au bénéfice d’un secteur bien défini. Il précise qu’il faut les mettre dansle secteur de l’énergie afin que la destination de ces revenus soit clairement définie pour apporter des solutions. Selon lui, le fait de les mettre dans un budget risque de ne pas avoir l’impact réel attendu. Par conséquent, ce revenu risque de disparaître comme les autres revenus des impôts et des taxes.
L’économiste a évoqué une hausse du taux de croissance qui va grimper à hauteur de 8,8 % au cours de l’année 2023. Pour dire que 10 % des revenus issus de l’exploitation du pétrole et du gaz vont propulser l’économie. « Ce taux n’a de sens que si c’est vraiment sénégalais, si c’est inclusif. Ça nous permet, nous en tant que pays, d’avancer. Mais quand c’est l’assurance étrangère, la banque marocaine ou française ou l’énergie de Total, cette croissance n’est pas sénégalaise. On ne la retrouvera jamais dans le panier de la ménagère. Les institutions nous imposent ces agrégats qui ne définissent pas notre vécu quotidien. Enfin, l’Afrique doit se ressaisir comme le Qatar où les pays européens qui se sont développés avec les ressources pétrolières et gazières. Nous devons renégocier ces contrats ou bien être plus fermes par rapport à ces investisseurs privés qui viennent nous narguer », estime Meissa Babou.
D’après l’économiste, le Gabon et le Congo n’ont rien. Et pourtant, ce sont des pays extrêmement riches mais qui sont, hélas, surexploités. Cette surexploitation, prévient-il, doit s’arrêter pour réfléchir sur un modèle d’appropriation des richesses nationales.