LA PROPOSITION AUDACIEUSE, MAIS D’ACTUALITE D’OUSMANE SONKO
Dans sa présentation de programme aux populations de Ziguinchor et de la Casamance de manière générale, le leader du Pastef a émis l’idée de la création d’une monnaie locale complémentaire à travers des billets à imprimer

Pour une région aussi sensible que la Casamance, émettre l’idée d’une monnaie locale comme vient de le faire Ousmane Sonko, candidat à la mairie de Ziguinchor relèverait presque d’un ‘’dérapage‘’ inconcevable. Mais il se trouve qu’au-delà des émotions que cette proposition pourrait soulever, les monnaies locales ont le vent en poupe dans le monde et entrent dans le cadre d’une économie sociale et solidaire.
Dans sa présentation de programme aux populations de Ziguinchor et de la Casamance de manière générale, le leader du Pastef a émis l’idée de la création d’une monnaie locale complémentaire à travers des billets qu’ils vont imprimer. «Cette monnaie va sécuriser l’argent des déposants et ça peut rapporter énormément en termes de gains et de capacité d’investissement de la commune», explique le chef de file des patriotes dont la proposition fait couler, depuis hier, beaucoup d’encre et de salive. Certains trouvent cette proposition inacceptable dans une zone qui sort à peine de 40 ans de conflit indépendantiste. Est-ce que Ousmane Sonko est allé trop loin en proposant cette alternative à la Casamance ? On ne saurait trancher le débat. Mais ce qui est sûr en revanche, c’est que les monnaies locales ont actuellement le vent en poupe, et le débat se pose avec acuité sur le plan international.
Loin des considérations identitaires et séparatistes, de nombreux économistes et citoyens considèrent que la monnaie ne sert plus à financer l’économie réelle. Pour eux, la monnaie telle qu’elle se présente actuellement est celle des banquiers. L’idée de la monnaie locale, c’est de se réapproprier la monnaie et de donner des marges de manœuvre au niveau local pour se fixer des objectifs assez contemporains comme le fait de promouvoir l’écologie, le développement local et de limiter l’exclusion de certaines personnes à l’échelle locale. Selon les économistes, les adeptes des monnaies locales complémentaires contestent le fonctionnement actuel du monde. «Ils s’élèvent contre les excès de la finance, le fait que la globalisation financière ait pris le pas sur l’économie réelle, le fait que les activités économiques exploitent l’humain, exploitent les ressources naturelles». Ainsi avec la monnaie locale, il y a une réelle volonté de modifier les comportements d’achat et d’orienter les choix de consommation. Elle constitue un outil pour inciter les particuliers comme les professionnels à acheter local et responsable. Comment cela marche ?
Une monnaie locale complémentaire est un titre de paiement qui circule sur un territoire dé- limité et au sein d’un réseau d’acteurs choisis (commerces et services de proximité, artisans, producteurs) sans possibilité d’épargne ni de spéculation. Elle facilite ainsi le développement des circuits courts, dynamise l’économie locale et soutient une économie solidaire et respectueuse de l’environnement. Limitant de ce fait pour les souteneurs de cette thèse les dérives et les excès de l’économie de marché, l’économie capitaliste. Une monnaie locale complémentaire soutient les commerces et les emplois de proximité, encourage les circuits courts et lutte contre la spéculation.
PLUS DE 5 MILLE MONNAIES LOCALES EN CIRCULATION DANS LE MONDE
Son existence remonte à plusieurs centaines d’années mais elle a pris un second souffle à partir de 2008 avec la crise économique qui a secoué la planète. Et en France, depuis la loi sur l’Economie Sociale et Solidaire en 2014, on compte plus d’une cinquantaine de monnaies locales en circulation. La plus connue étant l’Eusko en Pays Basques, mais aussi la Pêche qui est en circulation à Paris. Un pays comme la Suisse constitue une référence dans ce domaine. D’ailleurs, le WIR constitue 2% de son PIB. Dans le monde, plus de 5 mille monnaies locales complémentaires sont en circulation. Un débat économique et non identitaire pour la Casamance Par rapport à ce qui se fait ailleurs, l’idée de Ousmane Sonko est de sortir des sentiers battus en proposant une alternative économique pour le développement de la Casamance. Manifestement, la question est loin d’avoir des relents identitaires. Pour quelqu’un qui veut diriger le Sénégal, c’est quasiment absurde. Il a fait une panoplie de propositions pour la Casamance et celle-ci en fait partie. Opportunité pour la Casamance ? Proposition qui manque de pertinence ? Inopportune ?
Les économistes doivent s’emparer de cette question pour éclairer la lanterne des Sénégalais. Mais force est de constater que cette région mérite beaucoup plus d’attention. Mais le fait d’opérer des choix aussi ambitieux qu’une monnaie locale ne veut pas dire, comme le pensent certains, ostraciser cette localité ou bien avoir des velléités identitaires. Le Président Macky Sall ne disait-il pas en 2012 qu’il faut une discrimination positive pour la Casamance ?
Rappelons que la question de la confiance est centrale dans l’utilisation de la monnaie. Et partout dans le monde, des initiatives citoyennes comme la monnaie locale sont créées pour contourner le capitalisme sauvage. Donc osons ce débat sur cette question, dans la sérénité et sans verser dans un sentimentalisme de mauvais aloi...