LIBERIA : CHACUN DES ACTEURS ACTUELS PORTE SA PART DE RESPONSABILITÉ
Depuis deux siècles, le Liberia a connu le meilleur et le pire, les plus beaux espoirs et les plus grands massacres. Francis Kpatindé a travaillé à Monrovia pour le HCR. Il tente d’expliquer le paradoxe libérien

C’est en 1822, il y a tout juste 200 ans, que les premiers esclaves affranchis ont quitté les États-Unis, sont revenus en Afrique et se sont installés sur un territoire qu’ils ont appelé « Liberia ». Mais depuis deux siècles, le Liberia a connu le meilleur et le pire, les plus beaux espoirs et les plus grands massacres. Francis Kpatindé a travaillé à Monrovia pour le HCR. Aujourd’hui, il enseigne à Sciences Po Paris et collabore au « Monde Afrique ». Il tente d’expliquer le paradoxe libérien au micro de Christophe Boisbouvier.
RFI : 200 ans après, qu’est-ce qu’il reste du rêve de ces esclaves affranchis qui ont quitté les États-Unis pour revenir sur le continent africain ?
Francis Kpatindé : C’est vrai que le Liberia est devenu la deuxième république noire après Haïti, et le premier État libre du continent africain avec l’Éthiopie. Alors il y a eu du bon et du mauvais… il y eu surtout la domination donc des afro-américains, des Libériens d’origine américaine, longtemps jusqu’à l’irruption de Samuel Doe à la tête du pouvoir, donc en avril 1980. Samuel Doe a été le premier « native », c’est le premier autochtone à diriger ce pays, et son règne s’est passé de façon assez sanglante.
Donc ça c’est 1980, c’est la bascule le jour où les afro-américains perdent le pouvoir aux bénéfices des autochtones et déjà le sang commence à couler ?
Absolument, il y avait une forme de révolution dans le coup d’État de Samuel Doe, il faut le reconnaitre, parce qu’il y avait beaucoup de mépris à l’endroit des « natives », autochtones, donc on a pu considérer les premiers jours comme une révolution, une forme de libération des autochtones à qui appartenait le pays avant que les noirs américains y arrivent, mais très vite Samuel Doe a basculé dans un régime de terreur, et puis Samuel Doe lui-même a mal fini, il a été supplicié.
Alors après ces terribles scènes de 1990, démarre la guerre civile au bout de laquelle le chef de guerre Charles Taylor est élu président en 1997, il est élu avec ce slogan incroyable : « il a tué ma mère, il a tué mon père, mais je vais voter pour lui. »
Absolument, c’est horrible d’en arriver à ce type de citation.