DIOMAYE ET SES CONTRADICTIONS
Treize mois que la presse attend sa subvention, pendant que l'État s'empresse d'organiser un dialogue sur le financement partisan. Cette inversion des priorités révèle-t-elle un "parti pris" du pouvoir ?

Le chef de l'État a appelé à un dialogue pour des concertations sur le système politique. Il s'agit entre autres de réfléchir sur le financement de la vie politique en vue de renforcer la démocratie sénégalaise. Pourtant, au même moment, la presse, un pilier important de la démocratie, est menacée avec des mesures jugées scélérates.
Eh bien ! Vous l'aurez constaté. Depuis qu'il est arrivé au pouvoir, les lendemains de la presse se sont assombris. Cela fait maintenant 13 mois que les acteurs de la Presse courent derrière une subvention de l'État. Mais elle tarde toujours à être versée. Conséquence : beaucoup de groupes de presse traînent des arriérés de salaires comme nos confrères d'E-Media et de Sud Quotidien s'ils ne mettent pas la clé sous le paillasson comme Stades et Sunu Lamb.
À cette situation financière difficile s'ajoutent des mesures injustes entérinées au forceps avec comme maître d'œuvre le ministre de la Communication. En effet, Alioune Sall a, dès sa prise de fonction, entamé une restructuration de la presse qu'il invoque, pour se justifier, comme un vœu ardent des acteurs de la presse.
Pour ce faire, il a dressé une liste de médias que ses services certifient conformes. Puis, pour l'exécuter, le ministre fait fermer, par le concours de son collègue de l'Intérieur, des médias au motif qu'ils ne sont pas conformes. Une violation manifeste de la Constitution qui, en son article 11, stipule que la création d'un organe de presse n'exige pas d'autorisation. Sous cet angle, il ne s'agit ni plus ni moins que d'une restriction de la liberté d'expression garantie par la loi fondamentale du Sénégal.
Depuis un an, la presse suffoque et croule sous le poids des mesures de l'Exécutif sans que le Chef de l'État ne daigne prendre conscience de la gravité de l'affaissement d'un pan de la démocratie sénégalaise. Pourtant dans le narratif, le président de la République aime donner son régime comme un exemple de droiture et d'un État de droit. Mais dans le factuel, une dissonance se fait ressentir.
Et pour preuve, le dialogue politique. En effet, avec célérité, le chef de l'État a appelé à un dialogue sur le système politique avec un objectif clair de bâtir des consensus forts pour renforcer durablement la démocratie sénégalaise et garantir pleinement l'exercice des droits et libertés fondamentaux.
Parmi les nombreuses thématiques, le financement des partis politiques. Il s'agit en effet d'une subvention de l'État accordée aux partis politiques. Sur ces 386 partis politiques, révèle Diomaye himself, seuls 14 sont en règle. C'est-à-dire : il n'y a que ces 14 partis qui sont légalement constitués, qui disposent d'un siège et déposent leurs états financiers etc.
Donc, en guise de financement, le chef de l'État a déjà la grille sur laquelle se baser pour tirer des fonds des caisses de l'État en vue de financer la vie politique nationale à travers le système partisan. En termes clairs, il lui suffisait juste de financer ces 14 partis en règle. Mais en lieu et place d'appliquer ce que lui offraient les dispositions réglementaires, il a fait le choix d'ouvrir des concertations.
Un choix qui appelle à des questions. Pourquoi même un dialogue sur le système politique et non pas un dialogue sur le mal de la presse ? L'empressement du chef de l'État de parler de financement des partis politiques pendant que la presse est privée de subvention et de publicité ne révèle-t-il pas un parti pris ? Il faut se rendre à l'évidence que les partis politiques aussi bien que la presse sont importants dans une démocratie. Ils sont, en effet, deux narines nécessaires à la respiration démocratique. Être démocrate, ce n'est pas uniquement un discours, c'est aussi un état d'esprit et une conscience.