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25 mai 2025
LA LOI D’AMNISTIE, SOUS ECLAIRAGE
Selon Me Amath Thiam, consultant en droit pénal, l’amnistie est une mesure d’oubli qui fait disparaitre l’infraction. Elle ne peut résulter que d’une loi
L’amnistie est une mesure d’oubli qui fait disparaitre l’infraction. Elle ne peut résulter que d’une loi. Dans le Code Pénal, il n’existe aucune disposition générale sur l’amnistie. Chaque loi d’amnistie se suffit à elle-même. L’amnistie intervient surtout après les périodes de trouble pour faire taire les rancœurs et apaiser les esprits. Elle intervient aussi chaque fois qu’un Président de la République est nouvellement élu.
LES CONDITIONS DE L’AMNISTIE
L’amnistie est accordée par l’Assemblée Nationale conformément à l’article 67 de la Constitution. Si le législateur accorde l’amnistie en énumérant les infractions concernées sans désigner les personnes qui en bénéficient, on dit que l’amnistie a un caractère réel. Par contre, si le législateur énumère les infractions amnistiées en indiquant que seuls bénéficieront de l’amnistie, les auteurs de ces infractions qui seront désignés par décret, on est alors en présence d’une grâce amnistiante. Cette mesure est une grâce, car par son caractère personnel, elle ne profite qu’aux individus désignés par décret. Mais elle produit les effets de l’amnistie.
L’AMNISTIE FAIT DISPARAITRE L’INFRACTION, MAIS LA MATERIALITE DES FAITS SUBSISTE.
Pour bien comprendre l’effet extinctif de l’amnistie, il faut s’attacher au moment de l’intervention de la loi d’amnistie. Si la loi d’amnistie survient avant que les poursuites ne soient encore engagées, celles-ci ne pourront plus l’être. On dit que l’action publique est éteinte. Si l’amnistie intervient avant qu’une condamnation ait été prononcée, les poursuites doivent être abandonnées. On dit que l’action publique est éteinte. Si l’amnistie intervient après qu’une condamnation a été prononcée, la condamnation est alors rétroactivement effacée. Dans ce cas, la fiche est retirée du casier judiciaire, la condamnation prononcée ne compte plus pour la récidive et elle ne fait pas obstacle en cas de nouvelle condamnation à l’octroi du sursis. L’effet extinctif ne joue pas cependant pour les mesures de sureté à moins que la loi d’amnistie en dispose autrement.
LA MATERIALITE DES FAITS SUBSISTE
L’amnistie enlève à l’infraction son caractère délictueux. Mais la matérialité des faits subsiste. La victime de l’infraction amnistiée peut par conséquent agir en réparation. L’action en dommages-intérêts de la victime est toujours rappelée par les lois d’amnistie lorsqu’elles emploient la formule : « l’amnistie ne saurait préjudicier aux droits des tiers ». De même, le fait amnistié peut entrainer l’application d’une mesure disciplinaire sauf si la loi d’amnistie en dispose autrement.
UNE MESURE A LA FOIS D’APAISEMENT ET DE PEINE POUR LES FAMILLES
Loi d’amnistie sur les émeutes de mars 2021, mars et juin 2023 - Le président de la République est-il en train de jouer le tout pour le tout pour essayer de sauver sa face et sortir idem de cette crise politique
La loi d’amnistie sur des émeutes de mars 2021, mars et juin 2023, annoncée dans le cadre du processus de matérialisation du dialogue appelé par le chef de l’Etat, sonne comme un véritable coup de massue sur la mémoire des dizaines de victimes dénombrées lors de ces manifestations. En effet, l’adoption de cette loi va défensivement anéantir l’espoir des familles qui attendent d’être éclairées sur les conditions de décès des leurs.
Le président de la République est-il en train de jouer le tout pour le tout pour essayer de sauver sa face et sortir idem de cette crise politique qu’il a lui-même alimentée par sa décision unilatérale d’annuler le processus électoral pour la présidentielle du 25 février prochain, prise le samedi 3 février dernier, à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale. En effet, alors que son appel au dialogue à toute la classe politique « afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive » peine encore à trouver un écho favorable chez la plupart des vingt candidats autorisés par le Conseil constitutionnel à prendre part à cette élection, nos confrères du journal « Le quotidien » révèlent dans leur édition d’hier, lundi, un projet de loi d’amnistie générale dans le circuit .
Préparé par le gouvernement sur instruction du chef de l’Etat, ce texte sera présenté au Conseil des ministres de demain si on en croit nos confrères qui précisent que cette loi va couvrir les évènements ayant conduit aux émeutes de mars 2021 et de juin 2023. Avec cette loi d’amnistie, le président Macky Sall qui est fragilisé par le refus des acteurs politiques et de la société à tout report de la présidentielle et la pression des Etats-Unis et l’Union européenne qui continuent de réclamer le respect de la Constitution et la tenue de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels, semble vouloir montrer sa bonne foi.
A QUI PROFITE CETTE LOI D’AMNISTIE ?
Même si la situation actuelle commande des mesures d’apaisement, cette loi d’amnistie générale envisagée par le chef de l’Etat, Macky Sall sur les évènements de mars 2021 et de juin 2023 suscite des interrogations. En envisageant cette loi qui va passer l’éponge sur tout ce qui est arrivée lors des émeutes de mars 2021, mars et juin 2023, Macky Sall cherche-t-il en train d’anticiper sur les risques de poursuites judiciaires qui pèsent sur la tête de certains de ses partisans dont la responsabilité est pointée dans la mort de plus de 50 manifestants lors de ces émeutes de mars 2021, mars et juin 2023.
En effet, alors que les rapports d’autopsie de la plupart de ces victimes indiquent clairement qu’elles ont été tuées par balle, aucune enquête n’a été diligentée pour situer les responsabilités sur ces morts. Au contraire, on voyait plutôt l’ancien ministre de l’Intérieur, Antoine Felix Diome, son collègue de la Justice, Ismaila Madior Fall et des Forces armées, Sidiki Kaba, s’empresser de monter au créneau pour nier l’implication des forces de défense et de sécurités (Fds) dans ces morts en évoquant d’autres pistes que les médecins légistes démentent après leur travail. Il en est de même de la question des individus non identifiés qui opéraient aux côtés des Fds lors de leurs interventions de maintien de l’ordre et qui sont accusés d’être à l’origine de la plupart des violences et des tirs à bout portant sur des manifestants.
Dans son rapport sur les émeutes, Amnesty international dit avoir constaté la présence, dans plusieurs localités du pays, d’individus en civil armés de bâtons, de matraques et de fusils en train de frapper des manifestants sous les yeux des forces de sécurité.
Dans son rapport sur la répression meurtrière lors des manifestations, Amnesty International dit avoir dénombré au moins 23 personnes tuées durant les dernières manifestations du 1er juin, à Dakar et Ziguinchor, et 390 personnes blessées. Mais aussi d’avoir constaté la présence d’hommes armés, habillés en civil, aux côtés des forces de l’ordre. Une autre interrogation autour de cette loi d’amnistie porte sur les accusations de liens entre le maire de Ziguinchor avec les forces occultes ou forces spéciales très souvent évoquées par l’ancien ministre de l’Intérieur et actuel ministre du Pétrole.
Par Dr Emile Victor Coly
POUR UNE RESOLUTION APAISEE DE LA SUPPOSEE CRISE INSTITUTIONNELLE
L’idée d’un dialogue national prônée par le président de la république me paraît être une issue plausible. Cependant, il faudrait agir vite et sans calcul politicien. Mode d’emploi...
Pour rappel, le chef de l’État avait signé le décret n°2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral pour le 25 février 2024, date de l’élection présidentielle. Cela a permis aux parties prenantes du processus électoral (le ministère de l’Intérieur avec ses démembrements, le Conseil constitutionnel, la CENA, l’Administration territoriale, les partis politiques, la Société civile, entres autres) de démarrer les opérations devant aboutir à une élection régulière, libre, ouverte, inclusive et transparente.
Au cours du déroulement du processus électoral, divers dysfonctionnements ont été relevés par les parties prenantes et les observateurs : la non mise à disposition du fichier électoral aux concernés sur la base duquel la quête de parrains devait être faite, la « non fiabilité » de ce fichier décriée par les candidats lors de la vérification des fiches de parrainage, les interdictions systématiques de manifestations servies aux partis politiques de l’opposition et à la société civile, une restriction des données mobiles, foulant au pied la liberté des populations à s’informer. Aucun contrôle, aucune vérification des faits rapportés n’a semble-t-il été fait pour confirmer ou infirmer les dysfonctionnements constatés et dénoncés tout haut.
Pendant que les états-majors des partis politiques se préparaient à démarrer la campagne électorale le samedi 03 février 2024 à minuit, coup de tonnerre ! Monsieur le Président de la République, dans une allocution non planifiée et inhabituelle, quant à l’heure de sa diffusion en date du samedi 03 février 2024, annoncée à 12H00 et tenue à 14H00, informe ses concitoyens qu’il a signé le décret n°2024-106 du 3 février 2024 portant abrogation du décret n°2023-2283 du 29 novembre 2023. Le motif déclaré en sourdine lors de l’allocution est la saisine de l’Assemblée nationale par les membres de la coalition Wallu sur des « faits supposés de corruption » de membres du Conseil constitutionnel pour l’invalidation de la candidature de monsieur Karim Wade. Le peuple dans l’expectative, devra avaler la « pilule amère » qui lui a été servie. En effet, comment comprendre que l’Exécutif n’ait pu s’autosaisir suite aux errements constatés par tous dans le processus électoral afin de les corriger à temps et permettre une libre expression du vote le 25 février 2024. On ne peut qualifier ce comportement, car pouvant ouvrir les portes à une instabilité politique pouvant réveiller tous les démons.
Maintenant que la chose indicible a été commise, comment préserver la paix et la stabilité dans notre pays ? Que faut-il faire alors? Cette interrogation d’un homme politique célèbre prend ici tout son sens.
Profitant de la baisse de tension observée depuis le mardi 6 février 2024 dans les rues de nos différentes capitales régionales et départementales, malgré quelques soubresauts notés en fin de semaine dernière, l’idée d’un dialogue national prônée par Monsieur le Président de la république me paraît être une issue plausible. Cependant, il faudrait agir vite et sans calcul politicien. Mode d’emploi :
1. Le Président de la République doit convoquer rapidement les partis politiques, la société civile et l’ensemble des forces vives de la nation, pour s’entendre sur le choix d’une personnalité neutre et pouvant être acceptée par tous pour conduire à son terme le dialogue national prôné et dans un délai raisonnable.
2. Le dialogue devra cependant être sincère et républicain pour le bien de notre pays et de nos enfants à qui nous devrons léguer un pays stable, démocratique où il fait bon vivre, sans distinction d’appartenance politique, religieuse, d’idéologie et de couche sociale.
3. Le dialogue national devra revisiter tous les points liés au processus électoral, de la déclaration de candidature à la vérification des listes au niveau du Conseil constitutionnel jusqu’à la proclamation de la liste définitive des candidats. En effet, l’acte posé par le Chef de l’Etat le 03 février dernier nous renseigne qu’il s’agit bien d’une annulation de l’élection présidentielle et non d’un report. Tout le processus électoral devant être repris depuis le début.
4. Les limites du nouvel agenda électoral devront être fixées, en se référant au Conseil constitutionnel afin de tenir au plus vite le scrutin, sans tirer en longueur.
5. Les conclusions de ce dialogue, prises sur la base de décisions consensuelles et respectant à la lettre notre Constitution, devront être parafées et signées par les parties prenantes et applicables immédiatement par l’Exécutif.
Ainsi, seront certainement trouvées des solutions consensuelles aux dysfonctionnements constatés cette année. Vive le Sénégal ! Vive la République !