Le défi est là pour BBY : contenir les velléités de revanche d’Aminata Touré qui pourrait se placer désormais dans une posture d’opposante à son propre camp, un électron libre dans un contexte où toute voix perdue ou gagnée peut être lourde de sens
Aminata Touré s’est rebellée. Contre Macky Sall. Alors que la séance de préparation de l’élection du nouveau président de l’Assemblée nationale était en cours, l’ancienne première ministre élue député aux législatives du 31 juillet 2022 a quitté l’hémicycle, en grande colère. C’est après son arrivée à l’immeuble de la Place Soweto qu’elle a su que le président Macky Sall ne lui ferait ni l’honneur ni le plaisir de devenir la première femme présidente du parlement. A sa place, circulait déjà le nom d’un illustre inconnu, Amadou Mame Diop, maire de Richard-Toll, une commune agro-industrielle située à une centaine de km au nord-ouest de Saint-Louis.
Mais avant de partir « Mimi » a pris soin de dire ses états d’âme à Me Oumar Youm, ancien ministre des Transports terrestres et ex-directeur de cabinet du président sénégalais porté à la tête du nouveau groupe parlementaire de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY). « Je ne serais pas présente à la séance de vote. (…) Je ne voterais pas pour le candidat du président de la coalition (ndlr : Macky Sall) qui privilégie les relations familiales au détriment du mérite militant », écrit-elle à son collègue. Néanmoins, par souci de cohérence, précise-t-elle, « ayant dirigé la liste de la majorité, je ne voterais pas pour l’opposition. Je rentre chez moi tout simplement. »
Après les scrutins parlementaires de juillet, tout le monde (ou presque) la voyait trôner au perchoir de l’Assemblée nationale au soir du 12 septembre 2022, date et jour d’installation des 165 députés de la 14e législature sénégalaise. Même si les noms du rallié Pape Diop et de l’ancien ministre de l’Economie et des Finances Amadou Bâ ont circulé le temps d’une rose, le choix d’Aminata Touré restait le plus probable et le plus légitime au vu de son investissement dans la victoire certes étriquée de BBY.
En capitaine déterminée d’une équipe de BBY plus ou moins moribonde à l’entame de la campagne électorale, Aminata Touré a fait le job qu’il lui était demandé. Parcourir le Sénégal du nord au sud, d’est en ouest. Parler et vendre aux Sénégalais un produit appelé « Macky » visiblement en difficulté marketing aux rayons des soldes. Danser pour appâter un électorat dont une bonne partie est apparemment devenue très exigeante à l’endroit des politiques, en particulier de ceux qui exercent le pouvoir. Batailler ferme pour convaincre de la nécessité de reconduire une majorité pour le président de la république.
Au final, elle s’en est tirée avec une majorité précaire qui ne donne aucune garantie de cohérence et de solidité durables au chef de l’Etat. Mais était-ce sa faute au regard de l’impopularité grandissante de Macky Sall ? A posteriori, sa mission impossible s’est transformée en un exercice de limitation des dégâts pour le pouvoir. A partir de cet instant, Aminata Touré a cru que son heure parlementaire était arrivée – après sa consécration primatoriale de 2013. Mais le palais avait parfaitement camouflé son dessein avec deux atouts de taille dans sa besace : la faiblesse des performances locale de Mimi Touré, d’une part, sa position d’adversaire du 3e mandat pour le président Sall, d’autre part.
Aujourd’hui, celle qui a conduit la liste proportionnelle de la coalition BBY semble être dévastée par une immense déception. Certains de ses partisans dénoncent une « trahison froide » du président Sall coupable de n’avoir « pas rétribué à sa juste valeur l’engagement total et sincère » de leur championne qui a permis de « sauver » BBY. Le danger est là pour BBY : contenir les velléités de revanche d’Aminata Touré qui pourrait se placer désormais dans une posture d’opposante interne à son propre camp, un électron libre dans un contexte où toute voix perdue ou gagnée peut être lourde de sens.
Mais la trajectoire que compte emprunter Aminata Touré reste à déterminer alors que l’échéance capitale de février 2024 se rapproche. Cette nouvelle rupture avec Macky Sall – après celle intervenue après son limogeage du Conseil économique social et environnemental en octobre 2020. Elle était certes revenue dans les grâces du Palais, d’abord avec le titre d’Envoyée spécial du président de la république, puis comme tête de liste aux législatives de juillet dernier. Là, elle pourrait décider de mettre un terme à ce que certains considèrent comme une instrumentalisation de ses talents politiques par contrat à durée déterminée…
HIER GUY MARIUS, AUJOURD'HU BARTH
Ça chauffe à l’Assemblée nationale. Le scrutin pour les postes des huit vice-présidents se déroulait normalement jusqu’à l’appel de Aminata Touré. Farba Ngom se lève et brandit la procuration. Barthélémy Dias et Cie se lèvent, à leur tour, pour s’apposer
Ça chauffe à l’Assemblée nationale. Le scrutin pour les postes des huit vice-présidents se déroulait normalement jusqu’à l’appel de Aminata Touré. Farba Ngom se lève et brandit la procuration. Barthélémy Dias et Cie se lèvent, à leur tour, pour s’apposer au vote.
Sans crier gare, Guy Marius emporte avec lui l’urne, avant de la remettre suite à la médiation aussi des députés de son camp que de Benno. La séance est bloquée.
C’est par la suite que les trois présidents de groupes parlementaires en rapport avec le Président de l’Assemblée nationale ont décidé d’écarter le vote de madame Aminata Touré.
par l'éditorialiste de seneplus, félix atchadé
COUP DE FORCE À LA PLACE SOWETO
EXCLUSF SENEPLUS - Il faudra bien des arguments solides pour nous convaincre que ce qu’il s’est passé le 12 septembre à l'Assemblée n’est pas un putsch. Le camp présidentiel a montré qu’il n’avait que faire de la volonté des Sénégalais
Félix Atchadé de SenePlus |
Publication 13/09/2022
Contrairement à ce que certains d’entre nous avancent, ce n’est pas seulement l’image du Sénégal qui a été écornée hier à l’Assemblée nationale. Le plus grave est le coup d’État qui y a été perpétré aux yeux de tous par l’immixtion de forces armées dans le cours normal du débat parlementaire. Cette intervention s’est faite alors que la présidente de la séance inaugurale de la quatorzième législature n’avait pas épuisé les voies de dialogue qui s’offrent aux parlementaires lorsque les discussions semblent butées sur l’interprétation à donner à certaines dispositions du règlement intérieur.
La parole de Macky Sall est-elle si peu fiable aux yeux des siens ?
L’obstination des ministres en fonction à rester sur les bancs de l’Assemblée nationale alors qu’ils étaient frappés par les incompatibilités prévues par l’article 109 du règlement de l’Assemblée nationale et les dispositions constitutionnelles a de quoi surprendre sauf si on prend en compte le caractère inconfortable de leurs positions. Ces hommes et femmes étaient face à un dilemme cornélien : démissionner du Parlement sans garantie de reconduction dans un gouvernement qui en principe vit ses derniers jours. Ils ont donc voulu faire de leur problème celui de toute la représentation nationale. Celui qui aurait dû anticiper cette difficulté est le président de la République. Son Premier ministre et son gouvernement devraient être au travail depuis plusieurs jours ou semaines. Malheureusement, en violation de la Constitution et des usages institutionnels, il maintient une équipe dont aucun membre n’a d’assurance sur son avenir. Alors que la situation dans l’hémicycle s’enlisait, les ministres-députés, notamment ceux élus au scrutin majoritaire départemental (Abdoulaye Daouda Diallo, Abdoulaye S. Sow) n’ont pas pris le risque de parier que leur succès politique soit le gage de la reconduction au gouvernement. La démission de ces deux ministres et leurs remplacements par leurs suppléants attitrés auraient vidé le contentieux et montré la bonne volonté du camp présidentiel. Et pour finir, ôter un argument de poids à la contestation des opposants. Malheureusement, ce scénario ne s’est pas réalisé parce que, manifestement dans son camp, nul ne fait confiance à Macky Sall.
De quoi est le nom la présence de forces armées dans l’hémicycle ?
Pour la première fois dans l’histoire du Sénégal contemporain, des forces armées sont intervenues dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. L’intervention de ce peloton n’a pas consisté à maitriser quelques trublions. Il s’est agi de peser sur le cours des évènements en faisant triompher par la force les positions d’un des protagonistes de la controverse démocratique. Il faudra bien qu’on nous donne des arguments solides pour nous convaincre que ce qu’il s’est passé n’est pas un coup d’État. Hier, le fonctionnement régulier de l’Assemblée nationale a été perturbé. La présidente de la séance inaugurale a outrepassé ses compétences et pris des actes d’autorité violents et illégaux qui portent atteinte au fonctionnement normal du Parlement. Pour des faits moins graves, Mamadou Dia a été condamné pour « tentative de coup d’État ». Il avait ordonné en décembre 1962 à des gendarmes d’empêcher l’accès à la Chambre à des députés. En 2022, la présidente de la séance a ordonné l’occupation de l’hémicycle !
Un pouvoir aux abois
Depuis huit mois, le président Macky Sall a décidé de ne pas appliquer la constitution. Il refuse de nommer un Premier ministre, en revanche, il tient à ce que l’Assemblée nationale élise un président en quelques heures malgré les fortes divergences entre l’opposition et le camp présidentiel sur les qualités d’électeurs de ministres, qui sans démissionner se retrouvent sur le banc des députés. Il est singulier que messieurs Abdoulaye Daouda Diallo et Abdoulaye S. Sow nous expliquent qu’ils sont ministres et pas ministres en même temps. « Être ou ne pas être » ou, pour parler comme William Shakespeare, « To be, or not to be » est une question philosophique, pas politique et encore moins juridique. Le camp présidentiel nous a montré hier qu’il n’avait que faire de la volonté exprimée par les Sénégalais au cours de cette 2022. Deux fois, à l’occasion des élections territoriales et législatives, ils ont clairement dit qu’ils veulent des institutions démocratiques qui fonctionnent selon les principes de l’État de droit. En lieu en place, c’est le « débauchage des maires de l’opposition », des menaces de « délégation spéciale » et la juridisation du débat public.
La journée d’hier a été instructive à plusieurs égards. Il est inutile de revenir sur la stratégie du coup de force permanent du camp présidentiel. L’opposition a montré qu’elle est combattive et s’accroche aux principes. Si les opposants sont des prébendiers comme certains l’avancent, l’attitude la plus rationnelle de leur part aurait été de ne pas faire d’esclandre et laisser la présidence de l’Assemblée nationale à BBY pour partager à leur avantage les postes du bureau. Bravo à eux d’avoir dénoncé avec vigueur BBY.
Autre bonne nouvelle, jusqu’à présent l’opposition reste unie. L’intercoalition YAW/Wallu a boycotté l’élection du président et il n’y a qu’un groupe parlementaire pour les députés de YAW.
ABDOULAYE DIOUF SARR, 1ER VICE PRESIDENT
Il y a eu de la tension mais le verdict est tombé finalement, après près de six tours d’horloge. La constitution du bureau de l’Assemblée nationale est connue. Il comprend, outre le Président, 8 vice-présidents, 6 secrétaires élus et 2 questeurs.
Il y a eu de la tension mais le verdict est tombé finalement, après près de six tours d’horloge. Moustapha Niasse, remplacé depuis hier lundi, par Dr Amadou Mame Diop, choix du président de la Coalition présidentielle, Benno Bokk Yakaar (BBY), aux dépens d’Aminat Touré, on attend les autres membres du bureau de l’Assemblée nationale. C’est le sens de la séance d’aujourd’hui mardi, 13 septembre, convoquée à 11 heures.
Pour les 8 vice-présidents, il a fallu une longue pause pour arriver à un consensus. Le verdict est tombé à 17 heures passées, après une suspension de plus d’une heure, à partir de 13h31.
Rappeler que le bureau de l’Assemblée nationale comprend, outre le Président, 8 vice-présidents, 6 secrétaires élus et 2 questeurs.
De l’ancien bureau, Abdou Mbow a cédé sa place à Abdoulaye Diouf Sarr, 1er vice-président de l’Assemblée nationale. Yetta Sow rétrograde de la 2e à la 4e place. Aïda Sow Diawara quitte la 4e pour remonter à la 2e. Cheikh Tidiane Gadio, Abdoulaye Makhtar Diop, Ndeye Lucie Cissé, Aly LO et Yaya Mané Albis perdent leur place au profit de l’opposition, qui s’arroge 4 places dont 3 pour Yewwi et 1 pour Wallu.
Après un démarrage chaotique, les 3 présidents de groupe parlementaire, Oumar Youm (BBY), Birame Soulèye Diop (Yewwi) et Lamine Thiam (Wallu) ont dû se retrouver en aparté, Me Oumar Youm (BBY), Birame Soulèye Diop (YAW) et Lamine Thiam (Wallu), pour lever le blocage. Il a fallu une longue pause pour arriver à un consensus. Après BBY et Wallu, Yewwi a finalement déposé sa liste : Modou Bara Gaye, 5e vice-président, Fatou Gueye, 6e, Mamadou Lamine Diallo (Wallu), 7e et Gnima Goudiaby, 8e.
154 députés ont voté pour sur 158 bulletins.
Rappeler que Farba Ngom, collaborateur du président Macky Sall, a brandi une procuration, pour voter pour Aminata Touré. Sa tentative n’est pas passée. Les députés de son propre camp, BBY, s’y sont opposés.
Diouf Sarr a reçu les félicitations des siens. Sauf que plus tôt, Mame Diarra Fam (Wallu, opposition) avait pris la parole pour contester le choix porté sur Abdoulaye Diouf Sarr, réclamant le respect de la parité. Hors d’elle, elle a relevé que quand il s’agissait d’aller au front, c’est une femme qui avait été choisie, faisant allusion au cas Aminata Touré.
La séance se poursuit. Les autres membres du bureau attendus sont les 6 Secrétaires élus et les 2 questeurs.
La composition du bureau de l’Assemblée nationale
1er vice-président : Abdoulaye Diouf Sarr (BBY)
2e vice-président : Aïda Sow Diawara (BBY)
3e vice-président : Dr Malick Diop (BBY)
4e vice-président : Yetta Sow (BBY)
5e vice-président : Modou Bara Gaye (Yewwi)
6e vice-président : Fatou Gueye (Yewwi)
7e vice-président : Mamadou Lamine Diallo (Wallu)
8e vice-président : Gnima Goudiaby (Yewwi)
6 Secrétaires élus : Ndeye Lucie Cissé (BBY), Karim Sène (BBY), Astou Ndiaye (BBY), Babacar Mbaye (Yewwi), Awa Diène (Yewwi) et Abdoulaye Diop (Yewwi).
1er questeur : Daouda Dia (BBY)
2e questeur : Aïcha Touré (Yewwi)