Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
MARIAMA BÂ, L’ŒUVRE MAJEURE
EXCLUSIF SENEPLUS - À travers son récit, c’est l’histoire du Sénégal qui apparaît en filigrane avec ses oppositions et son lot d’absurdité, ses contrastes entre caste et liberté, cet entre-deux monde de la culture nègre
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Le récit de Mariama Bâ, Une si longue lettre, appartient assurément au patrimoine culturel africain, comme une œuvre intemporelle et universelle qui résonne au panthéon de la littérature avec précision et émotion. C’est que cette longue confession épistolaire d’une femme, Ramatoulaye, qui relate à sa meilleure amie les étapes de sa vie avec ses joies et ses douleurs, contient une vérité puissante, à la fois de manière littéraire et de manière profondément humaine.
Mariama Bâ, à travers des problématiques qui semblent au départ très personnelles, ouvre le débat sur les contradictions de la société sénégalaise contemporaine. Elle y évoque tour à tour le mariage, la mort, la maternité, la polygamie, l’hypocrisie qui entoure les rituels sociaux, la pauvreté des esprits parfois et la cruauté éblouissante de la vie.
Célébrant la force des femmes, leur courage, leur abnégation, Mariama Bâ, par cette longue lettre, dénonce toutes les injustices dont elles sont trop souvent victimes. Ces vies brisées sont le résultat de la société des hommes qui ne regarde pas assez l’incroyable créativité et l’intelligence féconde des femmes.
Femme de tête et appartenant à l’élite sénégalaise, Ramatoulaye traverse une période douloureuse, celle de la retraite traditionnelle liée à son veuvage, réclusion amère qui devient le récit du livre, celui de sa vie qui, si elle fut lumineuse en certains aspects, contient aussi des ombres indissociables qui alourdissent son regard.
À travers ce récit, c’est aussi l’histoire du Sénégal qui apparaît en filigrane avec ses oppositions et son lot d’absurdité, ses contrastes entre tradition et modernité, entre caste et liberté, entre chien et loup, cet entre-deux monde de la culture nègre et celle dévastatrice et imposante de l’univers occidental qui brouille les cartes et chasse les identités profondes tout en révélant un malaise culturel, héritage de la colonisation et de l’autonomie des Indépendances à reconquérir. Formidable époque d’espérance toutefois où l’unité est clamée comme une évidence. Quelques lignes du livre servent aussi à dénoncer déjà le gaspillage républicain, la corruption vermine prête à se lever pour tout dévaster.
L’importance de l’éducation et du savoir est également une des pierres angulaires du livre, le sacerdoce de Mariama Bâ qui se pose comme une auteure engagée, une philosophe inspirée d’une esthétique littéraire marquée par le bouleversement, par la réflexion faite de lumières, par la compréhension humaine et par l’efficacité.
Femme de lettres, intellectuelle et ayant reçu une éducation traditionnelle et religieuse, Mariama Bâ était aussi une militante de la cause des femmes, dénonçant ardemment la polygamie et le cloisonnement des castes. En deux livres seulement, elle a su dire, de manière sensible et talentueuse, l’essentiel des controverses de notre société. Comment ne pas voir, de façon assez troublante d’ailleurs, à travers les traits de Ramatoulaye, au moyen de sa voix, le combat de Mariama Bâ. En dévoilant ses sentiments intimes, pourtant jamais déplacés, Mariama Bâ touche tous les cœurs et engage une réflexion profonde de la condition des femmes, tout en dessinant la dureté de certains hommes veules.
Il y a aussi dans ce livre des fulgurances poétiques, des métaphores savamment construites qui expliquent sans lourdeur les complexités humaines. La plume de Mariama Bâ est à la fois assurée, pleine et fragile, comme la mère soucieuse qu’incarne Ramatoulaye : « On est mère pour illuminer les ténèbres. On est mère pour couver, quand les éclairs zèbrent la nuit, quand le tonnerre viole la terre, quand la boue enlise. On est mère pour aimer, sans commencement ni fin. » Veuve et refusant une nouvelle union, elle doit assumer toute la charge de son foyer. Ou encore quand elle installe une réflexion ample et vaste de la condition des hommes, de tous les êtres : « Les mêmes remèdes soignent les mêmes maux sous tous les cieux, que l’individu soit noir ou blanc : tout unit les hommes. »
Cette si longue lettre est aussi une parole qui vibre puissamment à travers un verbe immensément beau : « j’aurai autour de moi l’iode et le bleu de la mer. Seront miens l’étoile et le nuage blanc. Le souffle du vent rafraîchira encore mon front. Je m’étendrai, je me retournerai, je vibrerai. »
Voyant approcher la dernière page en refermant le livre, on a un sentiment de tristesse car on a partagé ce destin littéraire et Ramatoulaye est devenue une alliée, comme une sorte de confidente. Ainsi les femmes, toutes les femmes, à travers le regard de Mariama Bâ, incarnent le discernement, la tendresse, la grandeur et portent en elles une lumière incandescente, immortelle qui nous berce comme un chant sacré.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Un chant écarlate, Les Nouvelles éditions Africaines, Dakar, 1981
Une si longue lettre, éditions Le Serpent à Plumes, collection Motifs, Paris, 2001
Cette nouvelle alliance, qui se veut un rempart contre les "politiques néfastes" du pouvoir, pointe une détérioration de la démocratie. Leur déclaration constitutive dénonce notamment une gestion hasardeuse, plongeant la population dans la précarité
Face à ce qu'ils qualifient de "gestion aventureuse et médiocre" du Pastef, les opposants s'unissent au sein du Front pour la Défense de la Démocratie et de la République. Leur déclaration générale dresse un réquisitoire implacable contre les méthodes de gouvernance du nouveau pouvoir, accusé de s'écarter des traditions démocratiques du pays. Le texte révèle une situation préoccupante où s'entremêlent crise politique, sociale et économique, avec des conséquences directes sur les populations les plus vulnérables. Cette alliance entend mobiliser les forces vives de la nation autour de trois axes majeurs : la défense des libertés démocratiques, la gestion transparente du processus électoral et le soutien aux populations en difficulté.
"Déclaration générale
L'accession au pouvoir de Pastef se singularise par une nette rupture du processus de consolidation de la démocratie sénégalaise qui s'est toujours inscrit autour de règles du jeu politique élaborées de manière consensuelle par tous les acteurs. En effet, les élections législatives de novembre 2024 ont été caractérisées par une opacité notable allant de la dissimulation de la date du scrutin pour surprendre l'opposition jusqu'à l'utilisation massive de la violence et des arrestations arbitraires, notamment à Dakar, le tout pour s'octroyer une majorité parlementaire mécanique. Ces manœuvres, s'ajoutant à une gestion unilatérale et non concertée du processus électoral, ont artificiellement amplifié une victoire qui était prévisible au vu de la tradition de donner au pouvoir entrant les moyens législatifs de gouverner.
Cependant, en dépit de ces manœuvres et de la transhumance massive des maires, 3.721.932 Sénégalais, soit plus de la moitié des électeurs, n'ont pas jugé utile d'aller voter et, parmi les votants, plus de 45% ont choisi les listes de l'opposition. Tout le monde comprend dès lors que la composition de l'Assemblée nationale, avec plus des deux tiers de députés affiliés à Pastef, ne reflète aucunement la réalité du rapport des forces politiques de notre pays.
La démocratie supposent une expression plurielle des opinions, ces Sénégalais qui se sont exprimés massivement contre le pouvoir Pastef ont droit à la parole et à une représentation efficace. Tel est la première raison de notre décision de rassembler toutes les forces vives de la nation.
Il s'y ajoute que le pouvoir Pastef s'enlise dans une logique de règlement de comptes et une volonté de liquidation des libertés démocratiques si chèrement conquises par des décennies de lutte de notre peuple. Plusieurs journalistes et opposants ont été injustement emprisonnés ou poursuivis en justice en raison de leurs opinions. Certains détenus sont maintenus en prison pour des raisons opaques malgré que des conclusions des enquêtes leur soient totalement favorables. Le poste de Vice-président de l'Assemblée nationale, dévolu à l'opposition, a été illégalement confisqué par la majorité mécanique Pastef. Le maire de Dakar a été démis de ses fonctions dans des conditions indignes d'un pays démocratique, par une administration aux ordres.
L'immunité parlementaire d'un député a été scandaleusement levée, sans que le pouvoir n'ait présenté un quelconque dossier l'incriminant et des demandes de lever des immunités parlementaires pour des gestions relevant, au mieux des cas, de la Haute Cour de Justice ont été actées démontrant aux yeux de tous un dérèglement de la justice de notre pays. Comme si l'administration ne devait plus reposer sur le principe de neutralité, pendant de l'impartialité de l'État.
Les manifestations pacifiques des populations sont systématiquement interdites. Une campagne insidieuse est orchestrée contre les partis politiques et, par conséquent, l'esprit d'une compétition démocratique plurielle de plus en plus remis en question.
Et, pour la première fois de notre histoire, une révision ordinaire des listes électorales est engagée sans y associer les partis d'opposition. En effet, aucune rencontre avec les partis n'a été organisée à ce jour, ce qui constitue une trahison de nos traditions de concertation politique sur les opérations électorales et la mise à jour du Code électoral. Ce qui augure de nouveaux coups de force antidémocratiques, en relation notamment avec les prochaines élections territoriales.
Par ailleurs, les dirigeants de Pastef, manifestement peu préparés à gérer le pouvoir, ont, en l'espace de quelques mois et à coups de tâtonnements, de populisme et de promesses sans lendemain, fini d'entraîner de larges secteurs de la population dans la paupérisation et le désarroi.
La quasi-faillite de l'État, après 10 mois de gestion aventureuse et médiocre de nos finances publiques, vient d'être officiellement avouée par le pouvoir. Et ce sont les populations déjà pressurisées qui en paient le prix. A l'exemple des victimes des inondations dans la vallée du Fleuve Sénégal qui se plaignent de l'absence de soutien effectif du gouvernement, malgré les importants moyens qui avaient été annoncés ou des paysans confrontés à l'échec de la campagne agricole, notamment arachidière, sans que le gouvernement ne songe un seul instant à des mesures de solidarité. Dans le même temps, les étudiants se mobilisent contre le non-paiement de leurs bourses et le blocage des chantiers d'infrastructures universitaires. Plus globalement, le désespoir de la jeunesse s'exprime dans la recrudescence préoccupante des départs en pirogue vers l'Europe et les images insoutenables des rassemblements consécutifs aux promesses intempestives de départ vers l'Espagne pour deux mois de cueillette dans les champs. C'est donc peu dire que d'indiquer que la désillusion a commencé à s'installer partout !
Ces raisons majeures fondent notre engagement à nous mobiliser pour défendre notre République dont les valeurs fondamentales se trouvent gravement menacées par les agissements du pouvoir Pastef. C'est pourquoi nous décidons de constituer une alliance dénommée Front Pour la Défense de la Démocratie et de la République (FDR).
La vocation du FDR est de rassembler l'ensemble des forces vives de la nation en vue de donner forme et contenu à la résistance du peuple sénégalais contre les politiques néfastes du pouvoir Pastef.
Le FDR engagera, dans les prochaines semaines, des actions décisives autour des exigences suivantes :
1-Défense des libertés et droits démocratiques, et notamment
La libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques et la fin des persécutions contre les opposants, les journalistes et les voix critiques ;
Le respect effectif des droits constitutionnels, en particulier la liberté de manifestation pacifique et la liberté d'expression.
2-Gestion démocratique du processus électoral, et notamment
L'ouverture immédiate de concertations politiques autour de l'évaluation des élections présidentielle et législatives et la révision du Code électoral ;
La révision concertée de la législation sur les partis politiques respectant le pluralisme et l'ensemble des garanties offertes par la Constitution.
3-Solidarité avec les populations en lutte.
Le FDR apportera un soutien actif à l'ensemble des luttes engagées par les forces vives pour défendre leurs droits sociaux et économiques contre les agressions du pouvoir Pastef.
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FAUX DÉBAT AUTOUR DE LA RÉSIDENCE DE LA PREMIÈRE DAME
Contrairement aux affirmations relayées sur les réseaux sociaux et par certains chroniqueurs, aucune villa n’est officiellement affectée au président de l’Assemblée nationale
Contrairement aux affirmations relayées sur les réseaux sociaux et par certains chroniqueurs, aucune villa n’est officiellement affectée au président de l’Assemblée nationale. Selon la Société de Gestion et d’Exploitation du Patrimoine Bâti de l’État (SOGEPA), la résidence où loge l’une des Premières Dames n’appartient pas à l’Assemblée nationale. L’origine de cette infox remonte à une déclaration du chroniqueur Bachir Fofana, qui a affirmé que cette villa de fonction était occupée par l’une des épouses du chef de l’État. Or, les documents officiels consultés par Soleil Check attestent que le terrain concerné est une propriété de l’État sénégalais, sans lien avec l’Assemblée nationale.
Quelle est la situation actuelle de la villa de Fann ?
L’échange entre l’État du Sénégal et la société Ding Ding est toujours au cœur d’une controverse. Selon la SOGEPA, cette transaction est entachée d’irrégularités. L’État, souhaitant disposer d’un terrain à Yoff, avait accepté en contrepartie une parcelle de plus de 5 000 m², estimée à un peu plus de 300 millions de FCFA.
En échange, il a cédé la villa de Fann, autrefois occupée par les présidents de l’Assemblée nationale. Cette villa, d’une superficie supérieure de 400 m² par rapport au terrain obtenu, avait été évaluée à 740 millions de FCFA.
Toutefois, la SOGEPA précise que la cession d’un bien public nécessite une approbation législative, première chose ayant fait défaut dans cette affaire. Entre-temps, le promoteur a saisi la justice en vue de récupérer les clés de la villa après une première décision de justice en sa faveur. Face à cette situation, une procédure de récupération a été engagée par l’État.
POUR QUE LE TATA DE CHASSELAY DEVIENNE SANCTUAIRE NATIONAL
Pascal Blanchard, Julien Fargettas, Achille Mbembe et Erik Orsenna estiment que la profanation de cette nécropole rappelle le sacrifice des tirailleurs morts pour la France. Ce site sacré abrite leurs corps, dont 48 tués par les Allemands en 1940
(SenePlus) - Dans une tribune poignante publiée dans Le Monde, quatre éminents intellectuels - Pascal Blanchard et Julien Fargettas, historiens, Achille Mbembe, historien et politologue, et Erik Orsenna, écrivain - élèvent leurs voix pour transformer un acte de profanation odieux en une opportunité de réaffirmation mémorielle nationale.
L'événement qui déclenche leur intervention est la dégradation du tata sénégalais de Chasselay, dans le Rhône, un lieu de mémoire unique en France. Le texte rapporte des actes d'une violence symbolique extrême : souillure de 48 stèles sur 198, maculage de peinture noire sur l'ocre rouge caractéristique du site, inscriptions offensantes et vol du drapeau national. Mais au-delà de la condamnation de ces actes, les auteurs développent une réflexion approfondie sur la signification historique et contemporaine de ce lieu sacré.
Le tata, expliquent-ils, n'est pas une simple nécropole nationale. C'est un témoignage vivant d'une tragédie historique : l'exécution raciste de 48 soldats africains par les troupes allemandes le 20 juin 1940. Les auteurs rappellent que ces hommes avaient choisi de poursuivre le combat alors même que Pétain capitulait. La découverte en 2019 de photographies prises par un soldat allemand, retrouvées par le collectionneur Baptiste Garin, a permis de documenter précisément cette tragédie, renforçant encore la valeur testimoniale du site.
Les signataires de la tribune développent une analyse éclairante de la dimension symbolique du tata. Conçu par Jean-Baptiste Marchiani comme une "enceinte de terre sacrée", ce lieu devait servir de trait d'union entre la France et l'Afrique. Plus qu'un simple cimetière militaire, il incarne la reconnaissance perpétuelle de la nation envers tous ses enfants, quelle que soit leur origine. Cette dimension prend une résonance particulière dans le contexte actuel de distension des liens entre la France et l'Afrique.
Les auteurs établissent un parallèle saisissant entre les profanateurs d'aujourd'hui et les bourreaux de 1940. En s'acharnant sur les noms des "inconnus" inhumés dans la nécropole, les vandales reproduisent, consciemment ou non, la volonté nazie d'effacer l'identité et l'humanité de ces combattants. Cette mise en perspective historique donne à leur plaidoyer une force particulière.
Face à cette situation, les intellectuels proposent une réponse ambitieuse : faire du tata sénégalais de Chasselay un haut lieu de la mémoire nationale en France. Ils soulignent le rôle éducatif crucial du site, déjà visité chaque année par des centaines d'élèves qui y découvrent cette page tragique de notre histoire commune. Cette mission pédagogique représente, selon eux, la meilleure réponse à la haine et à l'ignorance.
Leur tribune se conclut par un appel solennel au président de la République Emmanuel Macron, l'invitant à venir prononcer un grand discours à Chasselay. Cette visite présidentielle symboliserait, selon eux, l'engagement de la République française contre le racisme et sa reconnaissance envers ces héros venus d'Afrique. À travers cet appel, les auteurs cherchent à transformer un acte de haine en une opportunité de réaffirmer les valeurs fondamentales de la République et de renforcer les liens historiques entre la France et l'Afrique.
LE PUTSCH NUMÉRIQUE D'ELON MUSK
L'historien Timothy Snyder révèle comment le milliardaire orchestre un coup d'État d'un genre nouveau. Armés de simples clés USB, ses hommes s'infiltrent dans les administrations pour prendre le contrôle des systèmes informatiques gouvernementaux
(SenePlus) - Dans un texte publié le 5 février 2025, l'historien Timothy Snyder tire la sonnette d'alarme sur ce qu'il qualifie sans détour de coup d'État en cours aux États-Unis. Un putsch d'un genre nouveau, qui ne s'appuie pas sur la force militaire traditionnelle, mais sur le contrôle des systèmes informatiques gouvernementaux.
Oubliez les images traditionnelles du coup d'État, nous dit Snyder. Plus besoin de "Cybertrucks Tesla camouflés avec un X géant sur le toit" ni de "jeunes hommes en costumes Devil's Champion rouge et noir faisant des saluts nazis". Dans le monde numérique du XXIe siècle, la prise de pouvoir s'effectue différemment : quelques dizaines d'hommes en civil, armés de simples clés USB, s'introduisent dans les bureaux gouvernementaux en utilisant "un jargon technique et de vagues références à des ordres venus d'en haut".
L'objectif est clair : prendre le contrôle des systèmes informatiques fédéraux pour donner à leur "leader suprême" - en l'occurrence Elon Musk - "l'accès aux informations et le pouvoir de démarrer et d'arrêter tous les paiements gouvernementaux". Une stratégie qui, selon l'historien, est déjà en cours d'exécution.
"Au cours de la troisième décennie du XXIe siècle, le pouvoir est plus numérique que physique", explique Snyder. Les bâtiments et les fonctionnaires ne sont plus que les gardiens des systèmes informatiques qui font fonctionner l'État démocratique. En prenant le contrôle de ces systèmes, Musk et ses partisans mènent ce que l'historien qualifie sans ambiguïté de coup d'État, "car les individus qui s'emparent du pouvoir n'y ont aucun droit".
"Elon Musk n'a été élu à aucun poste et il n'existe aucun poste qui lui donnerait l'autorité de faire ce qu'il fait. Tout cela est illégal", souligne Snyder. Les conséquences sont potentiellement dévastatrices : en accédant aux données personnelles des citoyens, Musk "a piétiné toute notion de vie privée et de dignité", ouvrant la porte au chantage et à d'autres crimes.
Plus inquiétant encore, le contrôle des paiements du Trésor américain par Musk rendrait "la démocratie sans signification". Comme l'explique Snyder : "Nous votons pour des représentants au Congrès, qui adoptent des lois déterminant comment notre argent est dépensé. Si Musk a le pouvoir d'arrêter ce processus au niveau du paiement, il peut rendre les lois insignifiantes."
Cette prise de contrôle numérique affecterait tous les élus, républicains comme démocrates. Même le président Trump serait à la merci de Musk, car "il ne peut pas faire grand-chose sans l'utilisation des ordinateurs du gouvernement fédéral", note l'historien.
Face à cette menace, Snyder appelle à une "résistance au coup d'État" qui représente "la défense de l'humain contre le numérique et du démocratique contre l'oligarchique". Le temps presse : "Chaque heure où cela n'est pas reconnu rend le succès du coup d'État plus probable."
L'historien conclut sur un avertissement solennel : un coup d'État est en cours "contre les Américains en tant que détenteurs de droits et de dignités humaines, et contre les Américains en tant que citoyens d'une république démocratique".
L'AXE TRUMP-MUSK MENACE LE MONDE
Derrière les déclarations fracassantes du président américain sur Gaza se cache un projet bien plus vaste : l'instauration d'un apartheid mondial soutenu par la puissance numérique, selon une analyse du fondateur de Medipart, Edwy Plenel
(SenePlus) - Dans une analyse alarmante publiée sur Mediapart, Edwy Plenel décrypte l'émergence d'un nouvel ordre mondial marqué par l'alliance entre le pouvoir politique de Donald Trump et l'oligarchie technologique incarnée par Elon Musk. Cette convergence dessine les contours d'une gouvernance mondiale inédite, où la technologie se met au service d'une idéologie séparatiste et suprémaciste.
Le 4 février dernier, lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche, Donald Trump a dévoilé sans ambages sa vision pour Gaza, aux côtés de Benyamin Nétanyahou, lui-même visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. "Nous la posséderons" et "nous ferons tout simplement le ménage", a déclaré le président américain, évoquant sans détour un projet de transformation radicale du territoire palestinien en une "Riviera du Moyen-Orient", après l'expulsion de sa population vers l'Égypte et la Jordanie.
Selon l'analyse de Mediapart, cette vision pour Gaza n'est pas qu'un simple projet régional, mais le prototype d'une nouvelle conception des relations internationales. Loin de la destruction du Hamas initialement revendiquée après le 7 octobre, l'objectif apparaît désormais clairement : "la disparition de la Palestine, la destruction de son idée même, l'effacement de son peuple du territoire conquis par Israël."
Cette nouvelle administration Trump incarne ce que Plenel nomme "l'empire d'un mal politique radical", caractérisé par "la négation assumée de toute humanité commune" et "l'affirmation internationale de la loi du plus fort". Le slogan "Make America Great Again" prend ici tout son sens : rien ne doit résister à la volonté de puissance américaine, qu'il s'agisse des nations souveraines, des migrants ou des marchandises étrangères.
Cette doctrine de l'illimitisme trouve un écho particulier dans l'oligarchie technologique qui soutient Trump. Comme le souligne Mediapart, cette "oligarchie technophile portée par la révolution numérique" a atteint "un niveau de richesse incommensurable qui l'ancre dans la certitude de l'absolu et de l'impunité de son pouvoir."
L'analyse révèle qu'un véritable coup d'État est en marche aux États-Unis, orchestré notamment par Elon Musk depuis sa position non élue au département de l'efficacité gouvernementale. Le 28 janvier, rapporte Plenel, une action sans précédent a été menée : "deux millions d'employés fédéraux ont reçu un e-mail les invitant à démissionner", tandis que les bases de données du Trésor américain passaient sous le contrôle de l'équipe de Musk.
Le texte de Plenel établit un parallèle historique édifiant avec l'apartheid sud-africain, système de ségrégation raciale instauré en 1948. Ce n'est pas un hasard si les principales figures de ce "techno-féodalisme oligarchique" - Elon Musk, Peter Thiel et David Sacks - sont issues de l'Afrique du Sud de l'apartheid. Selon le fondateur de Mediapart, ils portent en eux cette vision d'un monde fondé sur "la séparation et la ségrégation, le rejet de l'humanité et le tri des êtres."
Cette nouvelle alliance représente, selon l'analyse de Mediapart, un "défi de civilisation" majeur. Elle incarne la résistance d'un "vieux monde de prédation qui ne veut pas mourir" et qui, pour survivre, "enfante des monstres dans l'espoir d'éradiquer définitivement l'espérance d'un monde meilleur."
Ce programme politique, qualifié de "foncièrement séparatiste" par Plenel, rompt avec l'idéal d'un monde commun. Il cible non seulement les peuples, mais aussi "les droits des femmes, les questions de genre, les luttes des LGBTQI+ et, plus largement, toutes les supposées minorités dont les prises de conscience bousculent les conservatismes."
Face à cette menace globale, le journaliste appelle à une prise de conscience urgente qui transcende "des querelles secondaires et des divergences momentanées." L'enjeu n'est plus simplement politique ou économique, mais civilisationnel : il s'agit de la survie même des valeurs humanistes et démocratiques face à l'émergence d'un système technologique d'apartheid mondial.
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GOUVERNANCE DIOMAYE : LE CAP EST BON
EXCLUSIF : Le haut représentant du président de la République, Aminata Touré, estime que la gouvernance du nouveau régime est satisfaisante en évoquant les différentes initiatives prises comme la reddition des comptes et la rationalisation des ressources…
Dans cette interview exclusive accordée à SenePlus, la Haut Représentante du Président de la République, Aminata Touré, évoque la nouvelle dynamique impulsée par le nouveau régime, qu’elle juge salutaire. Selon elle, des efforts notables sont faits en matière de bonne gouvernance, de reddition des comptes et de mise à disposition de semences pour le monde paysan, entre autres.
Pour l’ancienne ministre de la Justice, le cap est bon car les différents actes posés par le duo Diomaye-Sonko en matière de gouvernance répondent aux attentes des Sénégalais. Aussi, contrairement aux acteurs de la société civile, initiateurs du Pacte national de bonne gouvernance démocratique, Aminata Touré considère que la mise en œuvre de cet outil de gouvernance est déjà effective, si l’on se fie aux différentes initiatives lancées par le régime, qui, selon elle, a toujours associé la société civile depuis son avènement.
Femme politique expérimentée, Aminata Touré a été candidate à la dernière présidentielle de mars 2024. Recalée, comme beaucoup d’autres candidats, pour non-conformité supposée des parrainages, elle a décidé de soutenir le candidat du Pastef, Bassirou Diomaye Faye. Après la victoire du Pastef, l’ancienne Première ministre – deuxième femme à occuper ce poste au Sénégal – a été nommée Haut Représentante du Président de la République, un poste de conseil et de représentation du chef de l’État aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Elle possède sans doute l’expérience nécessaire pour assurer cette mission, au vu de son parcours politique et de son expérience en tant qu’ancienne fonctionnaire des Nations unies pendant plus de 24 ans.
par l'éditorialiste de seneplus, Arona Oumar Kane
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SILENCE, ON DÉPENSE !
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est indispensable d’expliquer aux Sénégalais comment nous en sommes arrivés à dépenser près de 30 milliards de FCFA en frais médicaux pour 1% de la population, sans aucun rapport avec le contexte sanitaire
Arona Oumar Kane de SenePlus |
Publication 08/02/2025
Les frais d’hospitalisation des agents de l'Administration publique sénégalaise ont connu une hausse record en 2024. D’après les chiffres publiés par la DPEE[1], ils atteignent pour la première fois le montant exceptionnel de 29,9 milliards de FCFA en 2024, pulvérisant ainsi le précédent record de 15,3 milliards de FCFA qui avait logiquement été établi en 2020, année de la Covid-19.
30 milliards de FCFA en 2024 : Près du double des dépenses de la Covid
Depuis la fin de la pandémie, ce poste de dépense était resté sur une tendance annuelle baissière jusqu’à descendre sous les 12 milliards en 2023. Ce saut spectaculaire de +18 milliards par rapport à l’année dernière, soit une hausse de +149%, ou +14,6 milliards par rapport à l’année Covid, soit une hausse de +95,4%, paraît donc tout à fait exceptionnel.
Pour rappel, les agents de l'Administration publique, actifs et retraités, bénéficient, avec leurs familles, d’une couverture partielle de leurs frais médicaux (hors achat de médicaments). Pour obtenir cette couverture, le bénéficiaire demande une “imputation budgétaire” auprès de la Direction de la Solde, un sésame qui lui permet ensuite de ne payer que 20% des frais, l’Etat prenant en charge les 80% restants. Pour les hospitalisations, l’Etat règle l’intégralité de la facture et effectue une retenue sur salaire des 20% dûs par l’agent. Cette prise en charge peut également passer par des mutuelles de santé auxquelles certains agents sont affiliés, moyennant une cotisation retenue sur leurs salaires que l’Etat complète et verse à ces organismes.
Les montants imputés sont publiés tous les mois par la DPEE et les données disponibles, que nous avons analysées, remontent à janvier 2006. Cette perspective de 18 ans permet de voir le caractère inhabituel de cette hausse.
Deux facteurs pour expliquer cette explosion en 2024
Tout d’abord, un montant de 4,5 milliards a été enregistré sur le mois de janvier 2024, probablement pour une régularisation par rapport aux deux précédents mois, novembre et décembre 2023, sur lesquels un montant nul (0 FCFA) a été enregistré. Cette probable régularisation pourrait toutefois ne pas être la seule explication du montant très élevé de janvier 2024 car, comme nous le signalions dans une précédente publication, des mouvements suspects avaient également été constatés sur la masse salariale à la veille de l’élection présidentielle.
L’autre facteur, plus évident, se trouve dans l’augmentation continue des dépenses mensuelles sur ce poste, depuis l’avènement du nouveau pouvoir. En effet, alors que les frais d’hospitalisation mensuels des fonctionnaires tournaient, depuis quelques années, autour d’un milliard de FCFA, ils ont commencé à croître de façon soutenue depuis le mois d’avril 2024, passant de 1,1 milliard à 1,5 puis à 1,6, puis 1,7 jusqu’à atteindre 2,5 milliards de FCFA en Novembre, avant d’exploser littéralement à 9,5 milliards en décembre !
Une nécessaire clarification
Dans un contexte de fortes incertitudes pesant sur la situation économique du pays, et de marges de manœuvre budgétaires et financières qui n’existent quasiment plus, pour reprendre l’expression du président de la République, ces chiffres sur les frais d’hospitalisation des agents de l'Etat posent problème et doivent être adressés par le gouvernement. Il est indispensable d’expliquer aux Sénégalais comment nous en sommes arrivés à dépenser près de 30 milliards de FCFA en frais médicaux pour 1% de la population, sans aucun rapport avec le contexte sanitaire.
Ces dépenses de santé sans précédent doivent faire l’objet d’une clarification, à l’image du déficit abyssal de plus de 2200 milliards de FCFA creusé dans le budget 2024 - autre record historique. Si ces chiffres publiés par la DPEE correspondent effectivement à des décaissements destinés à régler les frais médicaux des fonctionnaires, alors il va falloir expliquer pourquoi ils ont atteint ces proportions. Il en va de la crédibilité et de la réussite du Projet. La Vision Sénégal 2050, tant vantée, n’aura de matérialisation concrète qu’au prix d’une gestion rigoureuse et transparente des deniers publics. Les Sénégalais doivent avoir foi dans la manière dont leur argent est dépensé si on veut les mobiliser autour d’un projet national.
Plaidoyer pour un accès plus large aux informations financières de l’Etat
Enfin, nous profitons de cet article pour rendre un hommage mérité aux agents de la DPEE et de l’ANSD[2], et les remercier pour la qualité de leur travail de collecte et de diffusion des données économiques et financières.
Nous avons pu réaliser cette étude, et celles qui l’ont précédée, grâce à des données rendues publiques à travers ces deux structures. Nous rappelons, comme nous l’avons écrit dans l’article intitulé le Projet est mal parti, que ce travail s’inscrit dans une action de veille citoyenne et d’alerte à l’endroit des autorités. Il s’agit d’un exercice rigoureux et honnête d’analyse et de vérification, basé exclusivement sur des données officielles et publiques. Nous lançons donc un plaidoyer pour un accès plus large aux informations financières de l’Etat - dans les limites légales, bien entendu - pour nous permettre de faire ce travail de veille et d’alerte avec plus d’efficacité.