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25 septembre 2025
LE MINISTÈRE DE LA COMMUNICATION DÉTOURNE L'AIDE À LA PRESSE
Le ministre se vante d’avoir octroyé aux «sept plus grandes entreprises de presse 225 millions contre 122 millions l’année précédente». Cela représente à peine 16% de l’enveloppe de 1.4 milliard FCFA octroyée par l’État - COMMUNIQUÉ DU CDEPS
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS), daté du 10 mai 2020, dénoncant les conditions d'octroi de l'aide à la presse par le ministère de la Communication.
"Le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS), organisation patronale des médias sénégalais, voudrait lever toute ambiguïté sur sa position concernant l’aide à la presse 2020.
Le CDEPS a été informé lundi 4 mai 2020, par le ministère de la Culture et de la Communication, de la disponibilité de l’aide à la presse, sous forme de chèques à retirer par les entreprises de presse. Grande a été sa surprise quand les entreprises ont découvert que les montants alloués étaient simplement dérisoires par rapport à l’enveloppe de UN MILLIARD QUATRE CENT MILLIONS (1.400.000.000 FCFA), annoncée par le président de la République, le vendredi 27 mars, lors de l’audience que le chef de l’État a accordée aux acteurs des médias.
Depuis, le ministère de la Culture et de la Communication mène une campagne de dénigrement du patronat de la presse et abuse l’opinion publique sénégalaise par la désinformation.
Le CDEPS n’a jamais donné un mot d’ordre de boycott du retrait des chèques comme l’a affirmé le Directeur de la Communication sur les antennes de la RTS mercredi soir, tout comme ce dernier de manière fallacieuse a prétendu que les montants alloués aux entreprises de presse ont été doublés, voire triplés. De même, le ministère de la Culture et de la Communication affirme de manière éhontée que les acteurs des médias ont été associés à la définition des critères d’attribution de l’aide à la presse.
C’est avec surprise également que nous nous étonnons de l’information ou de la rumeur selon laquelle le CORED aurait réconcilié le CDEPS et le ministère de la Culture et de la Communication. Cette rencontre du jeudi 7 mai a au contraire montré les divergences de fond sur l’aide à la presse entre le ministère et le patronat.
Contrairement à une soi-disant compromission, le CDEPS continue toujours de dénoncer les critères iniques de répartition de l’aide à la presse et de réclamer la publication d’un arrêté du ministre sur les bénéficiaires et les montants alloués.
La rencontre de jeudi dernier a au contraire encore plus démontré l’incurie du ministère de la Culture et de la Communication qui ne connaît ni l’histoire de l’aide à la presse, ni le cadre légal de celle-ci.
L’aide à la presse, matérialisée par la loi 96-04, est un acquis de haute lutte pour la presse privée sous la houlette des «quatre mousquetaires» (Babacar Touré, Abdoulaye Bamba Diallo, Mamadou Oumar Ndiaye et feu Sidy Lamine Niasse), alors porte-drapeau d’une presse privée émergente dans les années 90.
Cette aide, destinée aux seules entreprises de presse privée, a été détournée par le ministère qui l’a dilapidée en la distribuant à tout organe de presse :
- Les médias de service public, qui ont un statut de médias de service public et reçoivent à ce titre des subventions de l’État.
- Les radios associatives et communautaires, qui sont des associations et non pas des entreprises.
- Les organes de presse qui ne sont pas érigés en entreprises de presse
- Certains éditeurs qui n’existent plus et ont cessé leurs activités.
Le ministère de la Culture et de la Communication ne saurait créer la zizanie avec les médias de service public, tous membres du patronat de la presse, dont nous défendons les intérêts en demandant qu’il leur soit octroyé des moyens financiers et matériels plus conséquents pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle dans la politique de communication de l’État.
Le patronat de la presse reconnaît également le rôle fondamental des radios associatives et communautaires dans le développement local et, qu’à ce titre, ces médias de proximité devraient bénéficier de soutien massif de l’État et des collectivités locales.
En aucun cas, les fonds alloués à la presse privée ne sauraient être détournés par le ministère de la Culture et de la Communication, qui révèle ainsi son incapacité à définir et mener une politique de communication, pour répondre aux défis de notre développement économique et social.
En définitive, le ministre se vante d’avoir octroyé aux «sept plus grandes entreprises de presse 225 millions contre 122 millions l’année précédente». Cela représente à peine 16% de l’enveloppe de 1.4 milliard FCFA octroyée par l’État du Sénégal au titre de l’aide à la presse 2020. Les autres entreprises de presse, qui ne rentrent pas dans les critères du ministre des «7 plus grandes entreprises», ont, elles, reçu des sommes dérisoires. Certaines entreprises de presse ont simplement été ignorées. L’aide à la presse a profité à tous, sauf aux entreprises de presse.
Si le ministère de la Culture et de la Communication s’est fondé sur des critères très subjectifs pour dilapider l’aide à la presse, c’est que c’est une tutelle qui méconnaît totalement le secteur qu’il est censé maîtriser et réguler.
Le ministère de la Culture et de la Communication a une ignorance totale du secteur d’activités qu’il est censé manager par la méconnaissance des informations les plus élémentaires :
- Le nombre d’entreprises de presse au Sénégal ;
- Le capital des entreprises de presse et leur statut juridique ;
- Le chiffre d’affaires du secteur de la presse ;
- Le nombre de salariés des sociétés de médias au Sénégal ;
- La contribution fiscale et sociale du secteur de la presse…
C’est pour éviter les dérives du ministère que les acteurs des médias avaient soumis au président de la République deux requêtes qu’il a acceptées :
- Concertation avec les acteurs des médias pour la définition des critères de répartition de l’aide à la presse. Le CDEPS fonde cette requête sur le fait que le ministère n’a aucune connaissance de l’environnement économique, social et fiscal des entreprises de presse. L’assistance des acteurs des médias aurait permis au ministère d’avoir des critères objectifs de répartition de l’aide à la presse.
- Publication d’un arrêté de répartition de l’aide à la presse par le ministre de la Culture et de la Communication : l’affectation de fonds publics, à quelque bénéficiaire que ce soit, doit se faire dans la transparence comme gage de bonne gouvernance dans la gestion de l’argent public.
Comment peut-on occulter toutes ces données de base d’un «secteur prioritaire et névralgique», selon les termes mêmes du président de la République, et prétendre en être le ministre de tutelle ?
Pas étonnant alors que le ministre se fourvoie dans la politique «humanitaire» envers la presse qu’il s’est inventée.
Que le ministre se réinvente en Bill Gates avec ses fonds propres, mais laisse aux entreprises de presse privée la subvention de l’État.
En plus, de fortes suspicions pèsent sur les motivations du ministre de la Culture et de la Communication dès lors qu’il refuse de publier l’arrêté de répartition de l’aide à la presse :
- Pour arroser sa clientèle politique, propriétaire d’organes de presse ?
- Pour favoriser certaines entreprises de presse par leur proximité politique ?
- Pour se constituer des fonds politiques avec l’argent public ?
Eu égard à toutes ces considérations, le CDEPS, en toute responsabilité, dénonce les critères inavouables du ministre de la Culture et de la Communication, qui a détourné l’aide à la presse destinée aux entreprises de presse privée. À ce titre, le patronat continuera de réclamer la publication de l’arrêté de répartition de l’aide à la presse, qui démontrera toute l’illégalité des agissements du ministère de la Culture et de la Communication.
Cela va à l’encontre de la politique du président de la République, qui a réaffirmé «l’importance qu’il accorde au développement de la presse» en Conseil des ministres le 6 mai.
Cette volonté du président de la République, réaffirmée, permettra de «finaliser le dispositif d’application du Code de la presse», pour se libérer du scandale de cette «aide» aliénante, humiliante et corruptrice, par le décret dès 2020 sur la création du Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP). Beaucoup d’autres textes et actions pourront enfin créer un environnement favorable à la préservation d’une presse viable, libre et indépendante : loi sur la publicité, statut de l’entreprise de presse, effectivité de la carte de presse…
Le CDEPS mènera toutes les actions nécessaires, dans la stricte légalité, pour que les entreprises de presse privée soient rétablies dans leurs droits."
UN 19E DÉCÈS DU COVID-19 ANNONCÉ
La victime, une femme âgée de 53 ans, est décédée ce dimanche à Dakar
Une femme âgée de 53 ans est décédée ce dimanche à Dakar, des suites du nouveau coronavirus, a appris l’APS du ministère de la Santé et de l’Action sociale.
Elle est décédée au service d’accueil et de traitement des urgences (SAU) de l’hôpital le Dantec, précise le ministère dans un communiqué.
La défunte est une habitante des SICAP, un quartier résidentiel de Dakar.
Son décès porte à quatre le nombre de morts enregistrés ces dernières 48 heures dans le pays. Tôt ce matin, un homme de 75 ans demeurant aux Parcelles Assainies, dans la banlieue dakaroise, a succombé au Covid-19 à l’hôpital de Fann, à Dakar.
Samedi, une femme de 37 ans et un homme de 45 ans sont aussi décédés à Dakar.
Ces décès viennent s’ajouter à un celui d’un homme de 69 ans, survenu au centre de santé Nabil Choucair, mais annoncé seulement samedi.
Le Sénégal a enregistré son premier décès lié au nouveau coronavirus le 31 mars, en la personne de Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille (élite française).
En tout, neuf personnes sont décédées de la maladie en près d’une semaine.
Le Sénégal comptabilise 1709 cas positifs de Covid-19, dont 650 guéris. Les centres de traitement accueillent encore 1040 malades.
Après avoir réuni le Comité national de gestion des épidémies, le chef de l’Etat, Macky Sall, doit s’adresser à la Nation ce mardi, pour évoquer la situation et la gestion de la pandémie.
Dans une précédente annonce, le 23 mars, il avait décrété l’état d’urgence et un couvre-feu pour endiguer la propagation du Covid-19.
Malgré une lente progression de la maladie depuis son apparition dans le pays, les contaminations ont connu une hausse ces dernières semaines, avec notamment l’apparition de plusieurs cas communautaires.
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POURQUOI BILL GATES EST LA CIBLE DE NOMBREUSES ATTAQUES DEPUIS LE DÉBUT DU CORONAVIRUS ?
Il est notamment accusé de vouloir contrôler la population mondiale grâce aux puces de géolocalisation ou encore de profiter de l'épidémie de coronavirus pour s'enrichir. Mais sur quoi reposent ces accusations ?
Le milliardaire américain Bill Gates a déjà donné 250 millions de dollars pour la lutte contre l'épidémie de Coronavirus. Il veut financer plusieurs programmes de recherches sur le vaccin. Mais il est aussi l’objet de nombreuses attaques. On le soupçonne d’avoir des intentions cachées et notamment de vouloir profiter du coronavirus. Ou mieux, d’avoir créé ce virus pour s’enrichir en vendant le vaccin. Ou mieux encore, de viser à un contrôle mondiale de la population à travers des puces de géolocalisation qu’on nous placerait sous la peau en même temps que le vaccin.
Ces accusations sont reproduites des dizaines de milliers de fois sur Facebook, des vidéos ont des millions de vues sur YouTube. Et on trouve des personnalités pour les relayer. Par exemple, l’actrice Juliette Binoche. Elle est à l’initiative d’une tribune publiée cette semaine et signée par Madonna ou Jane Fonda et par des prix Nobel. Une tribune pour refuser un retour à la normale et pour demander des changements profonds de nos modes de vie. Mais en même temps sur son compte Instagram elle écrit : “On nous manipule ! Non à la puce sous-cutanée, Non à Bill Gates, Non à la 5G…”.
Parce que selon ces théories, la 5G c’est-à-dire le téléphone nouvelle génération, et le coronavirus sont liés.
Deux anciennes déclarations qui sèment le doute
Mais alors sur quoi s’appuie ces accusations contre Bill Gates ? Sur deux de ses anciennes déclarations. En 2015, au cours d’une célèbre conférence, il avait dit : “Si quelque chose doit tuer plus de dix millions de personnes dans les 20 ans qui viennent, ce ne sera pas une guerre, mais un virus hautement contagieux”. Et il avait à peu près décrit ce qui est en train d’arriver. Pour ses détracteurs, c’est la preuve qu’il a créé l'épidémie puisqu’il l’avait annoncée.
Deuxième déclaration en 2018. Bill Gates avait prédit que pour lutter contre une grande épidémie, on pourrait un jour s’appuyer sur des certificats numériques pour savoir qui est guéri, qui a été testé, qui a reçu un vaccin. Et de fait, c’est un peu ce que les Coréens mettent en place avec leur application de traçage, un peu aussi ce que les Allemands et les Anglais ont envisagés avec le passeport Covid.
Et donc pour ces détracteurs encore une fois, s’il a annoncé ces outils numériques, c’est qu’il souhaitait contrôler et fliquer la population du monde entier à travers des puces géolocalisable que l’on va nous introduire sous la peau.
Ce qui est sûr, c’est qu’il voudrait à terme que l’on puisse vacciner l’ensemble de la planète.
Ce projet est au moins aussi fou, mais beaucoup moins diabolique. Bill Gates, à travers sa fondation se dit prêt à investir des dizaines de milliards de dollars sur la recherche sur le vaccin. Il a sélectionné huit programmes qui lui paraissent prometteurs. Parmi eux l’institut Pasteur en France ou encore, le laboratoire privé américain Moderna, qui est dirigé par un Français, Stéphane Bancel, un des programmes les plus avancé.
Bill Gates estime que l’on pourrait avoir le vaccin dans 12 à 18 mois, et plutôt 12 mois. Mais si l’on attend de savoir qui l’a trouvé pour lancer la production, on risque de perdre encore un an. Alors il veut financer sept usines de fabrication à grande échelle. Sachant qu’au maximum une ou deux se révéleront utiles. Les autres auront été construites à fond perdu. Son objectif, c’est que les industriels puissent produire 7 à 15 milliards de doses. C’est-à-dire une ou deux doses, pour tous les habitants du monde. C’est un projet fou.
Il se repose sur sa fondation qui est la plus riche du monde. La plus riche et la plus puissante d’ailleurs. Le milliardaire et sa femme Melinda sont les premiers donateurs privés de l’OMS l’organisation mondiale de la santé. Ils donnent plus que la France. Ils sont mobilisés depuis 20 ans contre le paludisme, contre la polio, contre le Sida. La fondation affirme avoir participé à la vaccination de 760 millions d’enfants, et sauver 13 millions de vies, surtout en Afrique.
Alors pourquoi est il aussi controversé ?
À cause de sa première vie. Pendant 25 ans, le fondateur de Microsoft a été un requin des affaires malgré sa gueule d’ange. En 1998, il a été condamné dans un procès retentissant pour abus de position dominante. Il avait imposé “Windows” et “Internet explorer” à tous les fabricants d’ordinateurs du monde avec des méthodes de voyou et en éliminant tous ses adversaires. C’est ce qui lui a permis de devenir à 45 ans l’homme le plus riche du monde en partant de rien.
EXCLUSIF SENEPLUS - Les peuples responsables délibèrent pour aller de l’avant - Ils ne s’enferment pas dans des logiques de châtiment et de fondamentalisme étroit - NOTES DE TERRAIN
Lundi 4 mai 2020. Je suis avec Cheikh. J’ai quelques courses à faire en ville, en ce début d’après-midi. J’ai rarement vu le quartier du Plateau aussi peu animé. Il n'y a personne à l’entrée du centre-ville. Tout est calme, en face de la Direction générale des douanes. D’habitude, beaucoup de marchands ambulants et de mendiants attendent, à cet endroit, les voitures qui viennent de la Corniche. Où sont-ils ? En longeant l’avenue Peytavin, le calme devient plus saisissant. Les grands arbres, qui trônent le long des couloirs, s’affirment. Majestueux. Ils sont joyeux. Comme si la solitude leur rendait plus d’éclat et de gaieté. Le soleil est au rendez-vous. Il est vif aujourd’hui. Je me protège de ses caresses déplaisantes, en redressant le pare-soleil de la voiture.
J’ai l’impression d’un manque. Quelque chose d’important a disparu, on dirait. Je trouve ça triste. Les tables qui jonchaient les trottoirs du marché Sandaga sont absentes du décor. Les petites rues, d'habitude encombrées d’étals et d’humains, sont presque dégagées. Des bacs à fleur sont installés sur le rond-point Sandaga. Un peu moche, je trouve. Il y avait peut-être mieux à faire. Pourquoi le fleurissement urbain semble toujours laid ? Je pose la question à Cheikh. Lui, non plus, ne trouve pas joli ces gros pots de fleurs jetés improbablement au milieu de la rue. Par contre, il est content de voir le centre-ville “respirer”. Il trouve que c’est génial de pouvoir circuler tranquillement dans les rues de Dakar. Il n’a jamais pensé que certains chemins pouvaient être désobstrués. Et qu’ils étaient destinés à la circulation.
Notre discussion a porté, pendant longtemps, sur l’atmosphère inédite qui règne sur le quartier du Plateau. Que nous avons traversé de long en large, presque. Nos pérégrinations nous ont même menés jusqu’à la Corniche-Est. Comment organiser les espaces communs pour que tout le monde y trouve son compte ? Pour que le citadin et le marchand vivent en bon voisinage ? Comment créer des souks multicolores, accueillants et ordonnés ? Peut-être qu’il faut commencer par fermer une grande partie du Plateau à la circulation automobile. Des rues piétonnes partout en centre-ville. Ça serait génial, non ? Ça se fait bien ailleurs. C’est possible de le réaliser ici. Nous avons discuté de l'aménagement de la ville. Jusqu’à ce que Cheikh me parle d’une histoire qui m’a un peu bouleversé. Une histoire cruelle. Qui dit, à mon sens, tout le tourment de la jeunesse du Sénégal.
Je vais vous conter cette histoire, telle que Cheikh me l’a relaté. Un jour, ce dernier a été interpellé par un jeune homme. Très maladroitement.
- Grand, peux-tu m’aider ? Je viens de sortir de prison et je n’ai absolument rien avec moi.
- On ne peut pas s’adresser à quelqu’un que l’on ne connaît pas de la sorte. Sans lui dire bonjour et de manière aussi brutale ?
- Je suis désolé. Je ne connais personne ici. Je cherche juste quelqu'un pour me dépanner. Je veux rentrer à Kolda.
- Qu’est-ce qui me prouve que tu viens de sortir de prison ? Tu as ton billet de sortie avec toi ?
- Oui, le voici.
- Tu étais dans quelle chambre ? Connais-tu O. D. ? C’est mon ami.
- Oui. C’est un super gars, très sympa. Il partage son repas avec tout le monde. Il est très respecté là-bas. Il a même maintenant son propre lit.
- Tu t’appelles comment ?
- Saliou. Saliou Baldé.
Cheikh lui a remis une somme d’argent et quelques habits. Mais, il lui a expliqué que le transport interurbain est actuellement interdit. Il lui a aussi dit qu’il pouvait compter sur lui. En cas de nécessité, il n’a qu’à venir dans le même lieu, où ils se sont rencontrés. Tout le monde le connaît ici. C’est un peu son QG. L’ancien détenu l’a remercié, et a insisté : il se débrouillera pour rentrer à Kolda.
Saliou Baldé lui a précisé les raisons de son incarcération, lors de leur échange. Il était maçon dans un chantier à Cité Kër Goorgi. Il habitait dans l'immeuble en construction, avec d’autres ouvriers. Un soir, avec ses camarades, ils fumaient du yamba. Comme d’habitude. Comme le font beaucoup de jeunes de leur âge. Pour suspendre le temps. Pour éteindre les murmures de leurs angoisses. Pour goûter à la vacuité de l’esprit. Pour s’échapper des corps, meurtris par le labeur. Pour fuir la responsabilité d’une vie de tourments. Pour prendre une bouffée de liberté. Pour vivre dans une dimension sans temps, sans confusion, sans soucis. Pour se promener dans des spectres irréels et euphoriques. Pour habiter un lieu-autre, pacifique. Alors qu’ils grillaient paisiblement leurs joints, des flics ont débarqué. Ils ont tous été arrêtés. Selon Saliou Baldé, l’alerte a certainement été donnée par une voisine. Ils seront déférés à Rëbës.
Finalement, Saliou Baldé n’a pas pu rentrer à Kolda. Il a essayé pourtant, en trouvant un camion de transport. Mais, l’aventure s’est terminée à Diamniadio. Il a acheté un nouveau téléphone et a appelé Cheikh. Il l’a chaleureusement remercié. Il lui a expliqué sa nouvelle situation et a prié longuement pour lui. Il lui a annoncé qu’il a trouvé un boulot, dans un nouveau chantier. Il a pu trouver un logement. Pas trop cher. Dans le petit bidonville qui se trouve à l’ancienne piste. Cette histoire m’a beaucoup ému. Elle montre les méfaits de l’extrême pudibonderie de la société sénégalaise. Les faux-semblants qui nous empêchent d’avancer, en discutant sainement.
L’usage et la consommation de drogue sont interdites par la loi, au Sénégal. Prohibées par la morale. La voisine a sans doute été incommodée. Et les services de l’ordre ont fait leur travail. Tout cela semble bien normal. Mais Saliou Baldé, qui a quitté son Kolda natal pour venir s’échouer à Dakar, parce qu’il n’avait pas d’autres perspectives, parce que le hasard de la naissance ne lui promettait pas de larges possibilités de réussite, parce que dans son pays la jeunesse est abandonnée à elle-même, a été écroué pendant six longs mois. Beaucoup de jeunes fument. Ce sera encore le cas à l’avenir. La répression aveugle n’y changera rien. De même aucun recours à la morale ne fera cesser les envies d’évasion. D’une jeunesse qui se cherche et qui veut vivre.
Les peuples responsables délibèrent pour aller de l’avant. Ils ne s’enferment pas dans des logiques de châtiment et de fondamentalisme étroit. Pourquoi envoyer des jeunes en prison, pour la seule raison qu’ils fument du yamba ? Au lieu de déranger les forces de l’ordre et les magistrats, déjà débordés, ou de surpeupler davantage les prisons, d’autres possibilités existent. La première relèverait de l’assouplissement de la loi sur la consommation du cannabis. Elle consisterait au paiement d’amendes ou à des travaux d’intérêt général pour les contrevenants. En plus de cela, des campagnes de prévention contre les dangers de la drogue pourraient être organisées, régulièrement, dans les écoles. Et même faire partie du programme d’enseignement. Cela pourrait réduire dans le long terme l’usage de la drogue mais ne l’abolirait pas.
La seconde réponse serait la légalisation du yamba. On peut d’emblée avoir des incertitudes, ou être angoissé par cette perspective. Et penser aux malheurs que cela pourrait avoir sur la jeunesse de notre pays. Majoritairement désoeuvrée. On peut imaginer les probables répercussions sur la santé publique. Des fous partout ? Justement, non. En tout cas, pas selon les études menées dans les pays où le cannabis a été légalisé. Mieux, la légalisation permet de contrôler les activités criminelles liées à la vente du yamba. En faisant rentrer le yamba dans le circuit de l’économie formelle. Ce qui serait une manne financière utile, qui pourrait être redéployée dans les politiques de Jeunesse et de Santé. De toute façon, c’est une question de temps. Dans 5 ans, 10 ans, 25 ans ? Le monde suivra cette évolution. Le Sénégal aussi.
Ces solutions doivent être débattues pour des raisons de bon sens. Car la violence subie par des jeunes comme Saliou Baldé est disproportionnée. Abjecte. Pourtant elle est banale. Ce n’est pas éthique de fermer les yeux face à cette brutalité de la loi, sur l’utilisation du yamba. L’inquisition et l'incantation de valeurs et principes moribonds ne mèneront absolument à rien. Sinon à la punition des plus faibles. Ce sont des impostures. Elles ne profitent qu’à la souche sociale dominante. C’est vulgaire de laisser croupir un jeune, à la fleur de l’âge, en prison. Pour avoir seulement fumé du yamba. Notre pays peut, aussi, discuter de ces choses-là. Tout de suite, sans tabou. En faire des sujets de société. Faudrait encore que sa jeunesse se fasse violence. Qu’elle soit plus courageuse et impose ses vrais problèmes dans le débat public. Sans s’en remettre au consensus d'une société qui n’accorde que très peu d’intérêt à son avenir.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Le 28 avril 2010, son Inter Milan arrache une qualification héroïque pour la finale de la Ligue des champions sur le terrain du grand Barça. Face à ses anciens coéquipiers, le buteur camerounais se réinvente et brille par son travail... défensif
Un certain Samuel Eto'o est à l'honneur ! Le 28 avril 2010, son Inter Milan arrache une qualification héroïque pour la finale de la Ligue des champions sur le terrain du grand Barça. Face à ses anciens coéquipiers, le buteur camerounais se réinvente et brille par son travail... défensif. Une performance mémorable dans une saison exceptionnelle pour le Lion !
[Réalisation : Laure Temperville] [Propos de Samuel Eto'o recueillis par Laurent Correau]
UN 18e DÉCÈS, 75 NOUVEAUX CAS
Le bilan passe à 18 décès. Ce dimanche, un homme âgé de 75 ans a succombé des suites de la maladie, à 6h15, à l’hôpital Fann.
Le bilan passe à 18 décès. Ce dimanche, un homme âgé de 75 ans a succombé des suites de la maladie, à 6h15, à l’hôpital Fann. La victime habitait les Parcelles assainies, informe le Dr Aloyse Waly Diouf qui faisait le point du jour.
Sur les 1336 tests réalisés, 75 sont revenus positifs, indique le Directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’Action Sociale. « 70 sont des contacts suivis par nos servis et 5 sont issus de la transmission communautaire répartis entre Ouaga Niaye (1), Yoff (1), Grand Yoff (2) et Touba (1) », détaille le communiqué du ministère. Lequel relève qu’à ce jour, 7 patients sont admis en service de réanimation.
7 patients ont été contrôlés négatifs et donc guéris, ce dimanche. Quant à l’état de santé des autres patients, il reste stable.
À ce jour, 1709 cas ont été déclarés positifs, 650 guéris, 18 décédés, 1 évacué à sa demande en France, et donc 1040 sous traitement dans les différents centre du pays.
par Achille Mbembe
LA GRANDE TRANSITION !
Il faut s’attaquer radicalement à la logique sociale, politique et économique de l’extraction et de la prédation. La prospérité n’est pas synonyme de ponction indéfinie des corps humains et des richesses matérielles
Cette tribune – ainsi que d'autres points de vue d'experts, penseurs, artistes ou sportifs – est publiée dans le cadre de journées spéciales « Après le Covid-19, un nouveau monde ? », les 8, 9 et 10 mai, sur les antennes radio et numérique de RFI.
À l’heure où nous sommes, nul ne peut dire avec exactitude comment finira cette tragédie. Ce qui va en sortir est encore plus flou. L’incertitude nonobstant, on sait au moins une chose.
C’est un autre ordonnancement du monde et d’autres rapports de force qui se mettent en place. D’autres failles géopolitiques vont bientôt se cristalliser. L’Afrique doit organiser au plus vite une « grande transition » si elle veut assurer sa survie, sa sécurité et la prospérité de ses habitants.
Encore faut-il comprendre que le drame en cours est plus qu’une crise sanitaire. Cela fait en effet très longtemps que maints chercheurs, scientifiques et autres voix autorisées ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. L'humanité a atteint un seuil critique, et la planète est à la veille d’un dérèglement majeur.
Ce dérèglement, n’ont-ils cessé de prédire, ne sera pas une simple crise, semblable à celles que l’on a connues auparavant. Il risque de prendre les allures d’une panne sèche, car ce qui désormais est en péril, c’est l'équilibre des processus naturels de la planète.
Et voilà que nous y sommes. Ou presque.
Au cours des semaines de confinement, nous avons eu le loisir de le constater : ce sont les moteurs du monde eux-mêmes qui sont cette fois-ci touchés. Ces moteurs, ce ne sont pas seulement les usines et les factoreries, les infrastructures et la logistique, bref l’économie abstraite à laquelle il faut opposer les vivants. Ce sont d’abord les êtres humains, la population humaine. Mais c’est aussi l’ensemble de la biosphère, des espèces vivantes aux métaux de toutes sortes, des forêts aux océans, des pathogènes à toutes sortes de microbes. Ce sont tous ces moteurs de la vie, à commencer par l’air que nous respirons, dont les clignotants sont au rouge.
Le plus grave, sans doute, c’est la rapidité avec laquelle l'humanité est en train de détruire la couche d’ozone. C’est la concentration, dans l'atmosphère, de dioxyde de carbone, d’oxyde nitreux, de méthane. Et que dire des poussières extrêmement tenues, des rejets de gaz toxiques, des substances invisibles, des fines granulations et particules de toutes sortes ? Bientôt, il y aura plus de gaz carbonique dans l’air que d'oxygène.
Pour ce qui concerne l’Afrique en particulier, c’est la déplétion des stocks de pêche, la dégradation des mangroves, la hausse des flux de nitrate et l'altération des zones côtières. C’est aussi le bradage des forêts, l’épandage agricole, l’artificialisation des sols, la perte des espèces rares, bref, la destruction de la biosphère.
Rien de tout ceci n’est le fait du hasard. Au contraire, c’est l’aboutissement inéluctable d’un modèle d’extraction et de gaspillage des richesses de la Terre qui ne survit que grâce à la combustion constante et ininterrompue de carburants fossiles, dans un dispositif technique et industriel planétaire fait d’interconnexions mondialisées.
Or, l’humanité ne survivra pas si elle continue de fonctionner sur la base d’une combustion continue de masses gigantesques d’énergie qu’il faut de plus en plus aller chercher dans les entrailles de la Terre. Un tel modèle n’a qu’une seule finalité, à savoir une artificialisation accrue de l’existence. Le virus n’est qu’un symptôme de cette course folle vers le néant.
Il nous faut donc marquer une pause, ouvrir les yeux, nous laisser secouer et prendre de la distance. Demain ne saurait être simplement une répétition d’hier. Ce dont l’Afrique a besoin, c’est d’une « grande transition ».
Il faut s’attaquer radicalement à la logique sociale, politique et économique de l’extraction et de la prédation. La prospérité n’est pas synonyme de ponction indéfinie des corps humains et des richesses matérielles. Elle est affaire de qualité des liens sociaux, de sobriété et de simplicité.
L’impératif aujourd’hui est à la décélération et à la désaddiction. Un tel programme suppose que nous élaborions ensemble, à petite échelle, des actions de relocalisation de l’économie. Cette nouvelle économie doit être orientée vers les besoins locaux, ceux de première nécessité. Car, c’est à travers la satisfaction des besoins de première nécessité que nous restaurerons à tous la dignité perdue. Réhabiliter la localité exige, de son côté, de soutenir les pratiques de résilience territorialisées dont regorge le continent.
L’Afrique a développé, notamment depuis le XIXe siècle, des formes hybrides d’organisation, qu’il s’agisse de la production ou des échanges. Cela n’est pas une faiblesse, mais plutôt une force.
Dans une large mesure, elle a échappé à la domination totale aussi bien par le capital que par l’État, deux formes modernes et puissantes qu’elle n’aura eu de cesse de mettre en échec.
Il faut par conséquent revenir aux communautés et à leurs institutions, à leurs mémoires et à leurs savoirs, leur intelligence collective. Il faut en particulier apprendre de la manière dont elles distribuaient autrefois, et encore de nos jours, les ressources nécessaires à l’autoreproduction humaine.
Car, à côté de la société officielle, faite de hiérarchies internes, bienveillantes ou prédatrices, et résultat de la colonisation, ont toujours existé des sociétés de pairs. Dans ces espaces du commun et de l’en-commun, les ressources sont gérées de manière participative, par le biais de systèmes contributifs ouverts, qui ne se limitent pas à l’impôt.
Ces sociétés de pairs sont régies par le double principe de la mutualité et de la négociation sociale. Que dire, par exemple, des multiples associations à bénéfice social ? L’économie dite informelle montre que beaucoup sont habités par le désir de créer quelque chose qui soit directement utile à ceux qui contribuent. Ils gagnent ainsi leur vie en produisant de la valeur ajoutée pour le marché. Par-delà l’échange, c’est donc le développement de communautés productives qu’il importe de favoriser.
L’Afrique doit rentrer, de son propre gré, dans une « grande transition ». L’objectif de cette transition serait de créer les conditions de renforcement de l’investissement sociétal. Il faut reconfigurer l’équilibre entre le marché et l’État, puis l’État et la société, dans la perspective de la mutualisation. Pendant très longtemps, l’État a été et est encore dominé par une classe de prédateurs qui utilisent leurs positions de pouvoir au sein de la bureaucratie pour maximiser des profits personnels. Dans sa formule actuelle, l’État ne réinvestit guère dans l’entretien et le renforcement des capacités génératives des communautés.
Il faut sortir d’une relation exclusivement extractive et prédatrice avec l’État et imaginer une relation générative, celle qui enrichit le social. Ce rééquilibrage doit se faire en faveur de toutes les couches productives de la société, au détriment des couches bureaucratiques et de la force armée formelle ou informelle. En d’autres termes, la parole, l’argument et la persuasion doivent remplacer la force.
Afin d’inverser le rapport de force au bénéfice des couches productives de la société et aux dépens des chercheurs de rente, il est possible de s’appuyer sur les capacités généralisées de communication libérée par les nouvelles technologies et sur le médium universel du numérique, à condition que cet instrument serve à accroître les facultés critiques et les capacités d’auto-organisation, ainsi que les capacités de creer et de redistribuer de la valeur.
Enfin, gouverner, c’est désormais veiller, dans nos environnements écologiques, à l’interaction la plus harmonieuse possible entre tous les vivants. Telle doit être la base de refondation d’un nouveau contrat qui ne serait pas seulement social, mais qui impliquerait les autres habitants non-humains de la planète, les individus autant que les espèces.
Dans une large mesure, c’est l’idée même de souveraineté qu’il faudrait réinventer. Le biotope (ou encore l’écosystème) devrait désormais être le souverain en dernière instance. C’était, au demeurant, le cas dans les sociétés africaines précoloniales.
Le gouvernement des humains consistait à assurer constamment l’équilibre du biotope. Les sociétés humaines étaient celles qui savaient accueillir tous les autres environnements. Là où ils existaient, la fonction première des États était d’assurer la couverture sociale des populations, notamment face aux crises et aux risques de tout genre.
AVANT BOCANDÉ, DIOUF ET MANÉ, MBAYE FALL FUT LA STAR DU FOOT SÉNÉGALAIS
Son redoutable talent de buteur,l'attaquant – vedette du Jaraaf de Dakar et de l’équipe nationale de football des années 1970 – 80, n’a malheureusement jamais eu l’opportunité de le démontrer à la face de l’Afrique en phases finales de Can
Ils ont en commun d’avoir été des footballeurs de grand talent et de n’avoir jamais disputé une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations (Can). Pour une raison ou pour une autre. Nous vous proposons d’aller à la rencontre de cette belle brochette de joueurs qui auraient certainement fait bonne figure dans cette compétition si courue. Aujourd’hui, Mbaye Fall.
Ses grandes qualités de footballeur et son redoutable talent de buteur, Mbaye Fall, attaquant – vedette du Jaraaf de Dakar et de l’équipe nationale de football des années 1970 – 80, n’a malheureusement jamais eu l’opportunité de les démontrer à la face de l’Afrique en phases finales de Can. « À l’époque, c’était beaucoup plus compliqué que maintenant de se qualifier à une Coupe d’Afrique des Nations. Surtout que la phase finale ne regroupait que 8 équipes dont celle du pays organisateur. Ce qui fait qu’il ne restait que 7 places à prendre », justifie l’ancien attaquant du Jaraaf devenu international à 19 ans et qui avait étrenné sa première cape lors de la victoire 2 – 1, le 25 juillet 1971, face à la Sierra Leone. « Depuis, avec 12 équipes finalistes lors de « Sénégal 92 », puis 16 et maintenant 24 depuis « Egypte 2019 », même une équipe qui finit 3ème de sa poule peut se qualifier ».
Autre facteur limitant, selon ce génial footballeur que les spécialistes classent parmi les tous meilleurs que le Sénégal ait jamais vus naître, la formule des éliminatoires. « Avant, c’était à coups de double confrontations alors que depuis plusieurs années, c’est sous forme de poules souvent de 4 que les qualifications se jouent ». Selon Mbaye Fall, l’actuelle formule offre plus de possibilités de se rattraper sur la durée, en cas de contreperformances. « On passait très souvent le premier tour. Mais au deuxième ou au dernier tour, on tombait sur des équipes nord-africaines qui avaient plus de métier voire plus d’astuces de toutes sortes pour nous éliminer », regrette-t-il. En plus, vu le règlement alors en vigueur, une équipe ne pouvait aligner que deux expatriés. « Je me rappelle d’un Sénégal – Tunisie où seuls Badou Gaye et Locotte avaient pu jouer et pas Ibrahima Bâ « Eusebio ». Or maintenant, on peut ne convoquer que des expatriés ».
Mbaye Fall se souvient plus particulièrement d’une double confrontation Maroc – Sénégal en 1973 où les Chérifiens s’étaient largement imposés à l’aller (4 – 0) dans le froid de Fez. « Au retour, on a voulu leur rendre la monnaie de leur pièce en les amenant à Kaolack pour les faire souffrir de la chaleur ambiante. Ils étaient venus avec des maillots à mailles, et bien que nous ayons gagné grâce à 2 buts de Christophe Sagna, c’était insuffisant pour passer », se rappelle-t-il.
Elégant, racé et efficace
Sinon, Mbaye Fall estime qu’il aurait peut-être pu être de la Can 86 en Egypte. Sauf qu’il avait raccroché ses crampons 3 ans plus tôt, histoire de laisser à la postérité le souvenir de l’attaquant élégant, racé et efficace qu’il avait toujours été. C’est après la demi-finale retour Kotoko de Kumasi – Jaraaf où il avait pour la première fois été remplaçant chez les Vert et blanc, qu’il avait jugé que l’heure de la retraite avait sonné. « Je me suis dit qu’il était temps de laisser la place aux plus jeunes. J’ai alors décidé de partir à 33 ans », explique-t-il. Pourtant, des joueurs de sa génération avaient bel et bien disputé cette Can qui marquait le retour du Sénégal au banquet continental, 18 ans après celle de 1968 en Ethiopie, tels Boubacar Sarr « Locotte » ou Christophe Sagna.
Mais il n’en garde aucune amertume, convaincu qu’en football comme dans tous les secteurs de la vie (dont le métier de transit qu’il a embrassé après et où il exerce depuis 18 ans), il faut parfois compter avec la chance. Le mérite aussi, sommes-nous tentés d’ajouter. Car, lui qui n’a jamais été professionnel (il a juste évolué à Saint Quentin en National en France, malgré les sollicitations de clubs pros comme Lille ou Reims)… Lui qui était parti en France justement, en 1974, parce qu’un touriste français qui avait entendu parler de lui comme le meilleur footballeur sénégalais de l’époque et s’était présenté au stade « armé » de sa photo, s’était démené comme un beau diable pour le convaincre de franchir le pas… Lui qui ne s’entrainait que moins de 2 heures par jour sur le terrain sablonneux de l’Ecole Médine, après ses cours au Lycée Maurice Delafosse… Lui qui jouait essentiellement pour le plaisir… Lui qui avait toujours privilégié les études par rapport au football… Lui qui, donc, n’a jamais disputé de phase finale de Can, est tout de même considéré comme l’un des meilleurs footballeurs sénégalais de tous les temps. « Que l’on me classe à côté de joueurs comme Sadio Mané, Bocandé ou Diouf qui sont ou ont été des professionnels au plus haut niveau, est une belle reconnaissance pour moi », dit-il.
Seigneur sur les terrains, Mbaye Fall l’est resté dans la vie. Désormais, il compte partager son expérience en montant un centre de formation. Heureux sont les jeunes qui grandiront sous sa coupole. Pour modèle, ils ne pourront trouver mieux.
Et dire que ce surdoué du ballon rond a failli être basketteur…
Dans l’histoire du football sénégalais, Mbaye Fall restera comme l’un des plus doués toutes générations confondues. Avec le Jaraaf ou avec l’équipe nationale des années 1970 – 80, il a été un redoutable buteur ; mieux un joueur complet. Formé à … l’école de l’Uassu, il aurait également pu devenir basketteur, voire handballeur. Le ballon rond sénégalais aurait raté l’un de ses plus beaux joyaux.
Lorsqu’on lui demande si, comme le disait un ancien footballeur très talentueux, il n’était pas « né trop tôt », Mbaye Fall esquisse un sourire et répond clairement que « non ». « Puisque, ajoute-t-il, en toute chose le facteur chance intervient d’une manière ou d’une autre. Voyez, dans mon secteur d’activité qu’est le transit, depuis 18 ans que j’y suis, il y a beaucoup de personnes qui y sont arrivées bien après moi et qui possèdent des immeubles ou des hôtels. Ce qui n’est pas mon cas ». Il a vécu sa vie de footballeur et continue de vivre tranquillement sa vie, fier d’avoir réussi le parcours qui est le sien.
Mbaye Fall, attaquant du Jaraaf (« je jouais soit comme 9 soit comme 10 », signale-t-il) des années 1970 – 80 est incontestablement l’un des footballeurs sénégalais les plus doués de la période post-indépendance. International à 19 ans, en 1971 face à la Sierra Leone, il a définitivement remisé ses crampons en 1983, à 33 ans. C’était relativement jeune, non ? « Oui, acquiesce-t-il. C’est lorsqu’à la demi-finale retour de Coupe d’Afrique des clubs Kotoko de Kumasi – Jaraaf au Ghana, j’avais été remplaçant que j’avais compris qu’il était temps pour moi de me retirer et de laisser la place aux plus jeunes », explique-t-il. Très grand footballeur, Mbaye Fall n’avait pas voulu faire le match encore moins la saison de trop. C’est peut-être pourquoi, aujourd’hui encore, son nom revient à chaque fois qu’on cite les meilleurs footballeurs sénégalais de tous les temps. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que certains spécialistes l’aient inscrit dans le meilleur onze sénégalais possible depuis l’indépendance. Pour quelqu’un qui ne s’entraînait qu’une heure par jour au terrain de l’Ecole Médine, en fin d’après-midi après les cours, dribbler tous ces pros qui lui ont succédé sur les terrains pour figurer dans l’équipe – type du Sénégal, ce n’est pas banal comme performance.
Footballeur professionnel, Mbaye Fall n’a d’ailleurs jamais voulu l’être. Pourtant, ce ne sont pas les occasions qui lui avaient fait défaut. Car, de 1974 à 1978, il avait évolué en championnat amateur en France, à Saint-Quentin. Celui qui rappelle qu’il claquait alors « 26 à 28 buts par saison et était à chaque fois meilleur buteur» avait eu des contacts avec des clubs comme Reims, Lille ou Thonon-les-Bains où vivait un certain Louis Gomis, autre superbe footballeur sénégalais. « Mais, même comme amateur et en plus de mon boulot et de mes études auxquelles mes parents tenaient particulièrement, je gagnais plus que ce que ces clubs pros me proposaient. Alors, cela n’en valait pas la peine », note-t-il sans regret. Sur les conditions de son départ en France, Mbaye Fall a une anecdote amusante. Selon lui, un Français passionné de foot en vacances au Sénégal s’était un jour présenté au stade muni de sa photo à lui Mbaye Fall, parce qu’on lui avait dit que c’était le meilleur footballeur sénégalais du moment. Et il avait entrepris de le faire partir en France. Ça tombait bien : l’attaquant du Jaraaf aussi avait fortement envie d’aller faire admirer son talent en Europe. « Comme à l’époque, c’était plus facile puisqu’on n’avait même pas besoin de visa pour aller en France, cela s’était vite fait ».
Des goûts et des couleurs
Joueur technique, habile des deux pieds et d’une adresse diabolique devant le but, Mbaye Fall refuse cependant de se situer dans la hiérarchie des footballeurs sénégalais ou de se comparer à qui que ce soit. « Vous savez, tout cela est très subjectif. D’ailleurs, je connais au moins 2 joueurs totalement inconnus du grand public qui, de mon point de vue, sont meilleurs que toutes nos célébrités du ballon rond dont moi-même. C’est comme pour les goûts et les couleurs », note-t-il. La preuve, il ne connaît pas son nombre exact de sélections en équipe nationale, encore moins le nombre de buts inscrits en club et en sélection. Même les titres remportés avec le Jaraaf, il ne se les rappelle pas exactement. « Quelques victoires en Coupe du Sénégal (en 1973, 1981 et 1982 Ndr) et en championnat national (en 1982 Ndr) », parvient-il juste à dire.
C’est que Mbaye Fall s’est beaucoup déconnecté du football. « Je ne vais même plus au stade voir les matches ». Mais, il reste un conseiller du président du Jaraaf, Cheikh Seck. Et, super bonne nouvelle, il envisage de revenir dans son « milieu naturel » et partager son expérience à travers un projet qui lui tient particulièrement à cœur : mettre en place un centre de formation. « Je pense qu’il est temps que je m’investisse davantage », se décide-t-il, convaincu de franchir le pas par un de ses enfants « malheureux » de constater que malgré tout ce qu’on lui a raconté sur son père en tant que footballeur, celui-ci n’en fasse pas profiter aux plus jeunes.
Ce serait peut-être sa contribution à l’essor du football sénégalais dont il a été l’un des plus beaux spécimens à travers les âges. Mbaye Fall se félicite d’ailleurs que les centres de formation existant aident à combler un tant soit peu « le cruel manque d’infrastructures de qualité qui plombe le développement de nos clubs ». Selon lui, tous les clubs professionnels devraient disposer de centres de formation. Il faut aussi changer de méthode de gestion des clubs pour espérer les voir décoller.
Ce n’est pas qu’il soit nostalgique, mais Mbaye Fall est d’avis que beaucoup de choses ont changé ; mais forcément pas dans le bon sens. « Au début, j’étais plus basket que foot. J’étais avec les Demba Ndir, Serigne Der et autres Thioub. Et j’excellais même au handball », rappelle-t-il. Alors, qu’est-ce qui l’a décidé à opter finalement pour le football ? « C’est un certain Grand Mbodj avec qui j’ai joué dans l’attaque du Ceg (Collège d’enseignement général, Ndr) Malick Sy qui m’a inspiré. C’était mon modèle ». On peut donc remercier cet ancien super attaquant de l’Us Gorée d’avoir sorti Mbaye Fall des parquets pour le projeter sur le rectangle vert.
MILLE MILLIARDS DE QUESTIONS AUTOUR DU FONDS FORCE COVID-19
Les acteurs du secteur touristique se taillent la part du lion dans la répartition de cette manne financière ; pendant que les pauvres débrouillards de l'informel, les ouvriers et certains travailleurs, même de la classe moyenne, souffrent en silence
Depuis l’annonce des 1 000 milliards du fonds Force-Covid-19, ça s’agite de partout pour demander sa part. Même des artistes qu’on n’a pas vus sur scène depuis des lustres, se sont levés pour se plaindre de la perte de millions de F CFA. Pour leur part, les milliardaires du secteur touristique se taillent la part du lion, dans la répartition de cette manne financière ; pendant que les pauvres débrouillards du secteur informel, les ouvriers et certains travailleurs, même de la classe moyenne, souffrent en silence.
Après plus de deux mois de crise du coronavirus, le Sénégal n’entrevoit toujours pas le bout du tunnel. Les choses empirent même, jour après jour. Chaque matin, l’Etat, à travers le ministère de la Santé et de l’Action sociale, compte ses malades et ses morts. Mais il ne donne aucun chiffre sur ses nouveaux pauvres, ceux-là qui sont plongés dans un dénuement total à cause de la pandémie et de ses mesures barrières. Par milliers, travaillant dans l’informel, l’artisanal, dans les chantiers, dans certaines entreprises, ils ont perdu tout ou partie de leurs revenus.
Marché central de Rufisque, à côté des attelages de tissus, de prêt-à-porter, il y a les commerces de légumes, de viandes, d’alimentations, de produits de beauté, presque de tout ce qui se vend dans le commerce juridique. Bon an, mal an, les acteurs parvenaient à subvenir à leurs besoins, grâce à leurs activités quotidiennes.
Aujourd’hui, ils peinent à assurer même l’essentiel. Adama Thioune est un jeune boucher. Il arrive difficilement à joindre les deux bouts. Marié et père de 7 enfants, il témoigne avec plein d’amertume : ‘’Vous ne pouvez imaginer à quel point nous sommes fatigués. Depuis deux mois, presque toute notre activité est à l’arrêt. C’est une situation de plus en plus intenable. Nous avons dépensé toutes nos économies. Et nous ne savons pas à quand la fin de cette crise. Nous ne savons plus où donner de la tête. ‘Sikkim dafa lakandoo’ (tout le monde souffre ; on ne peut solliciter des amis pour demander de l’aide).’’
En fait, renseigne le jeune vendeur de viande, avec la crise, le prix du bœuf a considérablement augmenté. Ce qui est dû, selon lui, au fait que ces ruminants qui venaient essentiellement du Mali n’arrivent plus au Sénégal comme auparavant, à cause des restrictions dans les différents pays. A cela, il faut ajouter la baisse du pouvoir d’achat pour certains de ses clients, les mesures préventives pour les autres... Il ajoute : ‘’Avant, nous pouvions vendre jusqu’à 350, 500 000 F CFA par jour. Maintenant, c’est impossible. Nous ne faisons plus de bénéfices. Souvent même, nous vendons à perte. C’est très difficile. Nous demandons vraiment que l’Etat pense à nous, sinon c’est la catastrophe.’’
Mallé Diouf, vendeur de divers articles, embouche la même trompette. Les temps, selon lui, sont très durs. ‘’Nous sommes des chefs de famille. Nous ne pouvons pas rester chez nous indéfiniment. Nous souffrons en silence, puisque nous croyons en Dieu. Nos revenus ont drastiquement baissé et les besoins ont augmenté à cause du ramadan. Mais nous nous en remettons au bon Dieu et prions que cette crise disparaisse le plus vite’’. Devant faire face à cette crise à durée indéterminée, ces acteurs du secteur informel sont aussi confrontés aux multiples engagements contractés avant la crise. Khady Ngom renchérit : ‘’On n’arrive plus à avoir le quart de nos revenus. Nous sommes tous plongés dans des difficultés. Comme toutes les femmes, nous sommes dans les tontines et parfois c’est difficile de pouvoir cotiser. Quand on n’a pas de quoi manger, on ne pense pas à la tontine. Il y en a qui suspendent jusqu’à un moment plus propice. D’autres continuent non sans difficultés. Dans tous les cas, c’est difficile pour certains.’’
Le secteur informel, parent pauvre du fonds Force-Covid-19
Durement éprouvés, ces Sénégalais ne sont pas sûrs d’être pris en charge par le fonds Force-Covid-19 mis en place par l’Etat, dans le cadre du Plan de résilience économique et social. Lequel repose essentiellement sur 4 piliers : le soutien au secteur de la santé, l’aide à la résilience et à la cohésion sociale, la stabilité macroéconomique et le maintien des emplois et, enfin, la sécurisation des circuits d’approvisionnement et de distribution pour les denrées alimentaires, les médicaments et l’énergie. A en croire Adama Thioune, ils ne se sentent nullement dans cette pluie de milliards. ‘’Nous n’avons encore rien vu. Nous entendons juste parler de l’aide. Mais, pour le moment, nous n’avons même pas vu quelqu’un qui en a bénéficié’’.
Pourtant, d’habitude si autonomes, ne comptant que sur leurs efforts pour leur survie, ces soldats – même souterrains - de l’économie, ont plus que jamais besoin du soutien de l’Etat.
Selon l’économiste Ibrahima Ndiaye, il serait très dommageable pour le tissu économique d’abandonner ces petits acteurs. En effet, rappelle-t-il, citant une enquête de l’ANSD datant de 2011, ce secteur emploie 48,8 % de la population active et pèse 41,6 % du produit intérieur brut (PIB). Pour beaucoup, l’Etat, non seulement doit les soutenir, mais aussi en profiter pour les formaliser. ‘’A ce jour, indique M. Ndiaye, aucune information ne nous permet de dire que l’Etat va les accompagner ; et comment ? Ce qui est quand même un peu regrettable, vu l’importance de ce secteur. Je pense que, quels que soient, par ailleurs, les problèmes inhérents à ce domaine, l’Etat devrait les accompagner. Sans quoi, notre économie risque d’être plombée à l’issue de cette crise’’. Son collègue Bassirou Bèye confirme et suggère à l’Etat de ne pas se baser uniquement sur la base de données des entreprises. ‘’Parce que, souligne-t-il, plus de 80 % des acteurs de l’économie sont dans l’informel. Ce qui est sûr, c’est que l’impact sur le secteur informel sera plus grand que celui subi par le secteur formel. Et la conséquence sur notre économie sera aussi énorme. L’Etat devrait donc voir comment amoindrir le choc pour ce pan important de notre économie. Si on n’y prend pas garde, on risque de tout donner aux acteurs touristiques, en laissant en rade les autres’’.
SANTE, EDUCATION, AGRICULTURE
Des efforts largement en deçà des défis
Avec la pandémie de la Covid-19, nombre des tares des pays comme le Sénégal ont aussi été exposées au grand jour.
Un système éducatif fragile. L’illusion d’une autosuffisance alimentaire, notamment en riz. Un système sanitaire moribond, malgré ses ressources humaines de qualité… ‘’Tout cela, souligne l’économiste Bassirou Bèye, ancien formateur à l’ESEA, devrait nous amener à bien réfléchir sur le comment utiliser ces ressources financières importantes dégagées par l’Etat. Je dois juste regretter le manque de transparence dans la gestion de ces fonds. On annonce urbi et orbi des chiffres, mais on ne dit rien de précis sur les modalités, les critères pour en déterminer les bénéficiaires, les montants donnés à chacun’’. Pour lui, l’aide ne devrait nullement servir à sauvegarder le profit des entreprises, mais plutôt d’agir sur les coûts.
‘’On doit juste les accompagner, afin qu’elles puissent faire face à leurs charges, dans le but de préserver les emplois et les salaires des travailleurs’’, analyse le spécialiste.
A l’instar de nombre d’observateurs, l’économiste considère que l’Etat devrait profiter de cette situation pour résoudre définitivement les problèmes de certains secteurs clés comme la santé et l’éducation. Hélas, regrette-t-il, les investissements sont largement en deçà des attentes pour la santé, insignifiants, voire nuls pour l’éducation. ‘’La grande clé de répartition, estime M. Bèye, c’est l’intérêt public. Qu’est-ce qui est dirigé vers l’intérêt public ? Ici, c’est la santé, en premier lieu. Ensuite, vient l’éducation que je n’ai pas sentie dans la clé de répartition des 1 000 milliards. Je pense qu’on pouvait mettre en place des plateformes permettant aux élèves et étudiants de faire des cours où qu’ils se trouvent. Même après la Covid-19, ces investissements auraient pu servir pour améliorer le système éducatif’’.
‘’Premier pilier’’ du fonds Covid avec une enveloppe de 64,4 milliards de F CFA, la santé est encore malade de sa gouvernance. Pour certains, comme le spécialiste en santé sécurité Cheikh Faye, ce montant est très insuffisant. ‘’Pour moi, avec ce qui est en train de se passer, on devrait mettre en place un véritable plan Marshall pour le système sanitaire. En fait, la santé est fondamentale dans le développement d’un pays. On parle beaucoup de l’économie, mais quand on n’a pas la santé, on n’est pas productif. Si vous ne soignez pas votre population, vous n’aurez pas des ressources humaines productives. Il est donc inconcevable que l’Etat dépense des centaines de milliards sans penser à équiper davantage les structures de santé’’, souligne l’enseignant-chercheur établi au Canada.
Encore que l’utilisation même de ces 64 milliards est sujette à de multiples controverses. Au lieu de servir à régler de manière structurelle les problèmes de ce secteur vital, l’on en est encore à discuter de questions relatives à la motivation des acteurs, aux subventions des hôpitaux… Au même moment, les structures de santé, dans les coins les plus reculés, réclament des masques, des solutions hydro-alcooliques, des gants pour faire face au coronavirus. Sans compter le nombre étriqué de respirateurs artificiels disponibles sur le territoire pour la prise en charge des cas graves de Covid-19. Chose que déplorait dernièrement le professeur Moussa Seydi, coordonnateur de la prise en charge.
Pourtant, à en croire des sources médicales, lesdits respirateurs artificiels coûteraient aux alentours de 10 millions de F CFA. Et le plus souvent, indique un de nos interlocuteurs, les hôpitaux les achètent en seconde main, entre 5 et 6 millions de F CFA. Mais au lieu de répondre à ces questions essentielles, les services de Diouf Sarr se refusent à tout commentaire relatif à l’utilisation des 64 milliards du contribuable.
Interpellé sur le niveau d’exécution des 64 milliards alloués à son département, dans le cadre du fonds Covid, le directeur de cabinet, Aloyse Diouf, déclare ne pas disposer de toutes les informations et avait promis de nous mettre en rapport avec la personne appropriée. Il ne fera plus signe, malgré nos relances.
C’est d’ailleurs tout le sens des sorties du coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck, qui n’a eu de cesse de réclamer la publication des plans d’investissement du ministère, gage de transparence. Mais audit département, l’on semble allergique à toute remarque allant dans ce sens. Aux dernières nouvelles, le bilan dressé par les services d’Abdoulaye Daouda Diallo faisait état d’un taux d’exécution de 26 %, soit 16,790 milliards F CFA déjà mobilisés. Ce montant est réparti comme suit : 1,440 milliard d’avance à régulariser ; 5 milliards d’arrêté de virement de crédits ; 5,350 milliards par un premier arrêté d’ouverture de crédits ; 5 milliards par un deuxième arrêté d’ouverture de crédits. Autrement dit, les 64 milliards vont bientôt être dépensés, alors même que le virus n’aura pas dit son dernier mot.
Autre inquiétude, c’est le secteur éducatif plongé dans un trou sans fond. Ailleurs, constatait le secrétaire exécutif du Cnes Mor Talla Kane pour s’en désoler, ce secteur est au cœur des préoccupations. Au Sénégal, il semble totalement oublié, malgré certaines promesses assez vagues. Et pourtant, l’enseignement privé, qui est partie intégrante du secteur éducatif, fait partie des secteurs les plus touchés. Contrairement au tourisme qui subit les effets induits par la situation au niveau international, le secteur de l’éducation souffre directement d’un préjudice causé par l’Etat. Quel qu’en soit le motif.
Tourisme et transport aérien, les privilégiés
C’est à croire qu’ils sont les seuls impactés par la crise. Sur les 300 milliards de francs CFA (200 milliards de remise fiscale et 100 milliards d’aide directe) composés de dons, subventions et financements, les patrons du secteur touristique se taillent la part du lion. En attendant d’y voir plus clair sur les bénéficiaires de l’effacement de la dette, on sait que sur les 100 milliards d’aide directe aux entreprises les plus affectées, 77 milliards vont revenir aux enfants gâtés de la République. Quarante-cinq milliards sont réservés au hub d’Air Sénégal, 15 milliards pour le crédit hôtelier, 12 milliards pour le paiement des hôtels réquisitionnés, 5 milliards pour soutenir et accompagner les entreprises et agences du portefeuille de l’Etat. Ce qui signifie que seule une portion congrue de 23 milliards pourrait être partagée entre tous les autres acteurs impactés, y compris encore les acteurs touristiques.
Au demeurant, les amis de Racine Sy pourraient également compétir pour les 200 milliards de F CFA dégagés au titre du mécanisme de financement, destinés aux entreprises affectées pour la relance de leurs activités.
En fait, des 1 000 milliards dégagés par l’Etat, dans le cadre du fonds Force-Covid-19, une enveloppe de 802 milliards de F CFA est prévue pour le volet sauvegarde de la stabilité macroéconomique et financière, dont le but est de ‘’soutenir le secteur privé et maintenir les emplois’’. Le plus grand chapitre de ce pilier concerne un montant de 302 milliards de francs CFA, destiné au paiement des fournisseurs de l’Etat. Parmi les secteurs qui vont bénéficier en priorité de cette mesure, il y a encore le tourisme et l’hôtellerie, et les transports. Ensuite, viennent l’agriculture, les BTP, l’éducation, la santé (programme de couverture maladie universelle), les services, l’énergie et l’industrie.
Quant au pilier n°2 consacré au renforcement de la résilience et de la cohésion sociale, il va engloutir 100 milliards de F CFA répartis comme suit : prise en charge des factures d’électricité (15,5 milliards pour 975 522 ménages), d’eau (3 milliards pour 662 000 ménages), de l’aide alimentaire d’urgence aux populations défavorisées (69 milliards pour 1 million de ménages), et de l’appui à la diaspora (12,5 milliards). Mesure largement saluée par l’opinion, sa matérialisation a permis de mettre en évidence la grande dépendance alimentaire des Sénégalais vis-à-vis de l’extérieur.
L’image d’un président de la République recevant des milliers de tonnes de riz au Port autonome de Dakar a définitivement convaincu que les multiples programmes d’autosuffisance alimentaire ont échoué. Et ce n’est pas demain la fin de cette dépendance, si l’on sait que seules des miettes sont réservées à l’agriculture, dans le cadre du Fonds Covid. Heureusement, lors du dernier Conseil des ministres, le chef de l’Etat a annoncé une enveloppe de 60 milliards de F CFA pour la prochaine campagne agricole.
MACKY SALL S’ADRESSE À LA NATION, MARDI
Le président de la République, Macky Sall, va s’adresser à la Nation, mardi 12 mai à 20 heures, pour évoquer la situation et la gestion de la pandémie de Covid-19 au Sénégal, a annoncé la Radiotélévision sénégalaise
Le président de la République, Macky Sall, va s’adresser à la Nation, mardi 12 mai à 20 heures, pour évoquer la situation et la gestion de la pandémie de Covid-19 au Sénégal, a annoncé la Radiotélévision sénégalaise (RTS, publique).
La Télévision publique sénégalaise indique que ‘’d’importantes décisions ont été prises ce samedi lors de la réunion du comité national des gestion de l’épidemie’’.
Mi-mars, le président de la République avait pris cinq mesures pour endiguer la propagation du coronavirus, à l’issue d’une réunion du Comité national de gestion des épidémies.
Il s’agit de l’annulation pour une durée de 30 jours de toute manifestation publique, de la fermeture du port pour les bateaux de croisière, des écoles, universités et crèches pour 3 semaines à partir du lundi 16 mars 2020.
Il avait aussi décidé d’un renforcement des moyens de lutte contre le virus pour le personnel de santé et de l’arrêt des formalités pour les pèlerinages religieux.
Le 23 mars, dans une adresse à la Nation, il avait décrété l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu de 20h à 6 h du matin.
A ce jour , on dénombre 1.634 cas confirmés, dont 643 guérisons et 16 décés.
Ces derniers jours, le nombre journalier des nouvelles contaminations a beaucoup augmenté dans un contexte marqué par une hausse des cas issus de la transmission communautaire.
Limitée dans un premier temps aux régions de Dakar et à la ville de Touba, la maladie s’est étendue à certaines autres localités, dont Louga, Thiès, Saint-Louis, Tambacounda, Ziguinchor, Sédhiou, Médina Gounass, Kaolack et Mbacké.