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22 juillet 2025
AUX MONDIAUX D'ATHLÉTISME DE DOHA, LE NAUFRAGE DU SPORT
Chaleur insoutenable, tribunes vides… Le spectacle offert par les championnats organisés au Qatar, qui se terminent dimanche, montrent que lorsque les intérêts financiers et diplomatiques priment, ce sont les sportifs qui sont sacrifiés
Comme on pouvait le craindre, le spectacle offert par les Mondiaux d’athlétisme, qui ont débuté le 27 septembre et se déroulent jusqu’au 6 octobre à Doha (Qatar), est celui d’un naufrage. Il y a d’abord les conditions climatiques. Les compétitions avaient été décalées pour éviter les brûlures de l’été. Mais, avec une chaleur étouffante et surtout de forts taux d’humidité (jusqu’à 60 % et 70 %), les épreuves s’enchaînent au détriment de la santé des athlètes, y compris de nuit, quand le thermomètre ne redescend pas en deçà de 45 °C. Le jour de l’ouverture, le marathon féminin a donné lieu à 28 abandons.
Huit stades ont été construits dans des conditions socialement indignes en vue de la Coupe du monde de football organisée en 2022 dans ce pays du golfe Persique. Nul n’a semblé se soucier du sort des travailleurs dépourvus de toute protection sociale qui ont bâti ces infrastructures parfois au prix de leur vie. Le bilan humain est lourd : un mort par jour sur les chantiers. Selon Amnesty International, des centaines de tâcherons attendent toujours d’être payés depuis des mois et sont parfois expulsés s’ils demandent à l’être.
Soupçons de dopage
Si ces deux derniers soirs le stade Khalifa a fait le plein, la plupart des compétitions ont été disputées devant des tribunes quasiment vides. Des spectateurs ont été recrutés dans la main-d’œuvre est-africaine locale, d’autres ont été rémunérés pour garnir les travées d’un stade équipé de trois milles bouches d’aération pour faire baisser la température. Cette assistance famélique a accentué le caractère crépusculaire de ces Mondiaux d’athlétisme.
Comme pour ternir un peu plus encore l’image du sport, des soupçons de dopage ont resurgi à l’occasion des progressions exceptionnelles de certains athlètes et de l’annonce de la suspension d’Alberto Salazar, entraîneur star des courses de fond. L’Américain, qui tenait son sponsor, Nike, au courant de ses expérimentations, a fait appel. La France est loin d’être immunisée : Morhad Amdouni, sacré champion d’Europe du 10 000 mètres il y a un an, et qui a renoncé au marathon de Doha, est soupçonné d’avoir acheté de l’EPO et des hormones de croissance en 2017.
En toile de fond, les soupçons sur l’attribution de la compétition par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) sont lourds, au point que le Parquet national financier a ouvert une information judiciaire, en 2016, pour « corruption » et « blanchiment aggravé ». Comme pour les Mondiaux d’athlétisme de 2017 (Londres) et 2021 (Eugene, Oregon), comme pour les Jeux olympiques de Rio 2016 et Tokyo 2020, l’enquête porte sur des versements d’argent à une société du fils de l’ancien président de l’IAAF, le Sénégalais Lamine Diack.
On comprend le dépit du décathlonien Kevin Mayer, quand il dit à propos de ces championnats de Doha : « On voit tous que c’est une catastrophe. » Tous, sauf Sebastian Coe, président de l’IAAF, censé incarner une nouvelle génération de dirigeants après le départ de Lamine Diack. Le Britannique, contre toute évidence, assure que ces Mondiaux sont un succès.
Lui qui fut athlète de haut niveau devrait s’apercevoir que, lorsque les intérêts financiers et diplomatiques priment, ce sont les sportifs qui sont sacrifiés. Les prochains seront les footballeurs, confrontés lors de la Coupe du monde 2022 à l’absurdité de l’organisation de cette compétition gigantesque dans un micro-Etat richissime. Là aussi, une enquête pour corruption est en cours.
QUI ÉTAIT THOMAS SANKARA, HÉROS DE LE JEUNESSE AFRICAINE ?
Travailleur acharné, parfois autoritaire, il inquiète, dérange de vieux bastions et se sait menacé. En 1987, il déclare : « Je me sens comme un cycliste qui est sur une crête et ne peut s’arrêter de pédaler sinon il tombe. »
Un homme charismatique, anticolonialiste et panafricaniste
Né le 21 décembre 1949 à Yako (Nord de l’ex-Haute-Volta), Thomas Sankara a été formé militairement à Madagascar. En janvier 1983, à la faveur d’un coup d’Etat, il est nommé premier ministre. Le pays connaît alors une période d’instabilité et de nombreuses tensions minent l’armée. Arrêté en mai, Thomas Sankara resurgit en août à la suite d’un nouveau coup d’Etat mené par son ami, le capitaine Blaise Compaoré.Agé d’à peine 33 ans, il devient président et symbolise l’Afrique des jeunes et de l’intégrité. D’allure sportive, charismatique et le sourire facile, il bénéficie d’une indéniable popularité. Travailleur acharné, parfois autoritaire, il n’apparaît qu’en treillis avec, à la ceinture, un pistolet à crosse de nacre offert par le dirigeant nord-coréen Kim Il-sung.
Il vit simplement, avec sa femme et ses deux fils dans un palais présidentiel délabré et n’a pour seuls biens que sa guitare et sa Renault 5 d’occasion, un véhicule qu’il impose comme voiture de fonction à tous les membres du gouvernement.
A peine au pouvoir, il change le nom de son pays et la Haute-Volta devient le Burkina Faso (« pays des hommes intègres »). Ses priorités : assainir les finances publiques, améliorer la situation sanitaire avec de grandes campagnes de vaccination et la construction de dispensaires – par les habitants eux-mêmes –, faciliter l’accès à d’éducation, développer l’agriculture, la production et l’artisanat local.
< >Un président à la poigne de fer, qui parfois dérange
Sous son règne, la population burkinabée est surveillée par les « comités de défense de la révolution » (CDR) et sanctionnée par les « tribunaux populaires de la révolution » (TPR). Thomas Sankara achève une grève d’instituteurs par des licenciements et l’opposition syndicale est réprimée par des arrestations.Sur la scène internationale, ses relations avec les autres pays sont parfois complexes. Ses prises de position, ses liens avec les sulfureux dirigeants de la Libye et du Ghana lui valent quelques inimitiés en Afrique, à commencer par la Côte d’Ivoire, où Felix Houphouët-Boigny redoute que la jeunesse ivoirienne s’inspire de celle du Burkina Faso. Au président français François Mitterrand, qui avait accueilli officiellement le Sud-Africain Pieter Botha, lié à l’apartheid, il donne une leçon sur les droits de l’homme.
Thomas Sankara appelle aussi l’Afrique à ne pas payer sa dette aux pays occidentaux : « La dette ne peut pas être remboursée parce que si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en sûrs. Par contre, si nous payons, nous allons mourir. Soyons-en sûrs également. » Il inquiète, dérange de vieux bastions et se sait menacé. En 1987, il déclare :
« Je me sens comme un cycliste qui est sur une crête et ne peut s’arrêter de pédaler sinon il tombe. »
Le 15 octobre 1987, après quatre années au pouvoir et alors que« l’homme intègre », comme il est appelé, se rend à un conseil des ministres extraordinaire, il est assassiné avec douze de ses compagnons lors d’un putsch qui laisse Blaise Compaoré seul au pouvoir. Les corps sont enterrés en catimini le soir même au cimetière de Dagnoën, dans l’est de Ouagadougou.
< >Une mort entourée de mystères
La mort de Thomas Sankara est restée taboue pendant les vingt-sept années au pouvoir de Blaise Compaoré, qui a été renversé en 2014 et vit aujourd’hui en exil en Côte d’Ivoire. En septembre 1997, quelques jours avant la prescription de dix ans, Mariam, la veuve de Sankara, avait porté plainte contre X pour « assassinat ». Mais ce n’est qu’en mars 2015, cinq mois après la chute de M. Compaoré, que la plainte a été relancée.Les corps présumés de Thomas Sankara et de ses compagnons ont été exhumés à la fin de mai 2015 pour une expertise ADN, afin de déterminer avec certitude l’identité des victimes et de lever le voile sur les circonstances de leur mort. Mais malgré des analyses en France puis en Espagne, il n’a pas été possible de confirmer les identités.
Trente ans après l’assassinat de M. Sankara, une douzaine de personnes ont été inculpées, parmi lesquelles des militaires de l’ex-régiment de sécurité présidentielle – l’unité qui a perpétré le coup d’Etat avorté du 17 septembre 2015 et qui a été dissoute –, dont le chef des putschistes, le général Gilbert Diendéré. Inculpé pour « attentat à la sûreté de l’Etat » et « haute trahison » pour le putsch avorté, le militaire est également poursuivi dans l’affaire Thomas Sankara pour « atteinte à la sûreté de l’Etat, séquestration, terrorisme et crime contre l’humanité ».
Outre cet ancien chef d’état-major du président Compaoré, l’ancien adjudant-chef Hyacinthe Kafando, un des anciens gardes du corps de Thomas Sankara, présenté comme le chef du commando, fait également partie de la douzaine d’inculpés.
Dans cette affaire complexe, les suspects ne manquent pas : Blaise Compaoré, des Libyens, des Ivoiriens ou encore des Français ? « J’admire ses qualités qui sont grandes, mais il tranche trop, à mon avis. Il va plus loin qu’il ne faut », avait déclaré François Mitterrand après avoir rencontré le « Che Guevara africain ». Une chose est sûre : par son incorruptibilité légendaire, le leadeur charismatique dérangeait.
< >Pourquoi déclassifier les archives ?
En promettant que tous les documents français concernant l’assassinat de l’ancien président seraient « déclassifiés », Emmanuel Macron entend mettre un terme à des décennies d’opacité entretenues par ses prédécesseurs.En affirmant qu’il « n’y a plus de politique africaine de la France », il espère instaurer un rapport d’égal à égal avec le continent, basé sur la confiance. En 2015, François Hollande avait engagé une déclassification des archives françaises sur le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. Mais celle-ci ne fut que partielle et finalement décevante. Emmanuel Macron étendra-t-il sa volonté de transparence à l’ensemble du continent ?
Cet article a été précédemment publié en novembre 2017
QUAND LES CONFRÉRIES SE POSENT EN MÉDIATRICES
Le politologue Papa Fara Diallo revient sur les principaux faits d'armes des religieux, acteurs incontournables de la vie politique sénégalaise, au lendemain de la libération de Khalifa et du rapprochement affiché entre Macky et Wade
Jeune Afrique |
Marième Soumaré |
Publication 06/10/2019
Au lendemain de la libération de Khalifa Sall et du rapprochement affiché entre Macky Sall et Abdoulaye Wade, nombre de commentateurs soulignent l'importance des médiations menées par les responsables religieux, notamment confrériques. Le politologue Papa Fara Diallo revient sur les principaux faits d'armes de ces acteurs incontournables de la vie politique sénégalaise.
Une visite qui ne surprend pas dans le contexte sénégalais, où les confréries jouent un rôle qui dépasse de loin le seul périmètre spirituel. En politique, les chefs religieux ont ainsi joué régulièrement les médiateurs entre le pouvoir et les différentes composantes de l’opposition.
L’intervention du huitième khalife général des mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, aurait d’ailleurs conduit à la grâce accordée le 29 septembre à Khalifa Sall et à deux de ses coaccusés par le président Macky Sall. C’est du moins ce qu’estime Papa Fara Diallo, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger (Saint-Louis), qui voit dans ces actions de médiation une manière, pour les leaders religieux, de conserver leur pouvoir symbolique.
Jeune Afrique : Macky Sall a pris tout le monde de court en graciant Khalifa Sall, dimanche 29 septembre. Pourquoi a-t-il pris le risque de laisser l’opposition se restructurer en vue des prochaines élections locales et législatives ?
Papa Fara Diallo : On peut émettre trois hypothèses. D’abord, il est possible que Macky Sall ait pris cette décision parce qu’il n’a pas trouvé de dauphin potentiel au sein de son propre camp. Sa logique serait donc très différente de ce qu’elle pouvait être à la veille de la présidentielle, puisqu’en 2024 lui-même n’est pas censé être candidat.
La seconde – la moins probable selon moi -, c’est que le président veut donner des gages de bonne volonté afin d’apaiser le climat politique et de sortir par la grande porte au terme de son second mandat.
La troisième hypothèse consiste à dire que la pression du khalife général des mourides, lors de l’inauguration de la mosquée Massalikoul Jinaan, à Dakar, a été telle que le président ne pouvait pas refuser d’accéder à sa demande.
N’oublions pas que Khalifa Sall a été condamné aux côtés de Yaya Bodian et Mbaye Touré. Or ce dernier est très proche du khalife général de Touba, qui était d’ailleurs allé lui rendre visite en prison. Il est donc possible que son rôle, lors d’une journée chargée de symboles, ait été décisif.
Au Sénégal, jusqu’où remonte ce lien très fort entre les pouvoirs religieux et politique ?
À la crise du 7 décembre 1962 entre le président Léopold Sédar Senghor et le président du Conseil Mamadou Dia, qui se partageaient la tête de l’exécutif. Dans un pays composé à 95 % de musulmans, c’est pourtant Senghor, le catholique, qui a bénéficié du soutien des quatre principales confréries, ce qui lui a permis de rester au pouvoir pendant 20 ans.
Il avait mis en place un contrat social tripartite composé des religieux, des disciples citoyens et de l’État central. L’État a donné aux confréries le moyen d’accéder à de nombreuses ressources – octroi de terres agricoles, recrutement de dignitaires… En retour, les khalifes généraux faisaient appel au soutien de leurs disciples à travers les ndiguël, les consignes de vote.
Bien sûr. À partir de la vague de démocratisation des années 1990, une jeunesse urbaine faisant une distinction nette entre vie privée et vie de citoyen a commencé à émerger. Certes, les ndiguël ne sont plus opératoires, mais les confréries n’ont rien perdu de leur pouvoir symbolique.
Chaque personne qui cherche à entrer en politique ou à présenter sa candidature doit faire le tour des confréries. Avec cette fonction légitimatrice quasi mystique, celles-ci conservent un rôle décisif dans la vie politique.
Il arrive aussi que cela s’étende aux conflits sociaux…
Au début du mandat de Macky Sall, entre 2012 et 2013, les syndicats étaient engagés dans un bras de fer avec le gouvernement. Ils se sont alors rapprochés des chefs religieux pour obtenir gain de cause. Le khalife général des tidianes les a reçus et a joué un rôle décisif qui a, en partie, permis de dénouer cette crise.
Quel rôle ont-ils joué lors des campagnes électorales, qui correspondent à des moments de tension politique exacerbées ?
Après les élections locales de 1996, qui correspondaient à un moment très tendu de la vie politique sénégalaise, les khalifes généraux s’étaient exprimés publiquement à la télévision pour demander à ce que le président intervienne. Abdou Diouf avait alors décidé de faire revoter les citoyens dans les circonscriptions les plus litigieuses.
Et en 1998, il créait l’Observatoire national des élections (Onel), dirigé à l’époque par le général Niang.
Les médiations politiques sensibles ne sont pas pour autant l’apanage des confréries…
À l’issue des présidentielles et législatives de 1988, extrêmement chaotiques et contestées par l’opposition, le président Abdou Diouf avait convoqué une table ronde nationale, confiée au juge Kéba Mbaye et à un professeur de droit. Celle-ci a permis d’adopter à l’unanimité un nouveau code électoral, lequel a mené le pays à sa toute première alternance, en 2000.
Le président Wade n’a jamais caché son appartenance indéfectible à la confrérie mouride. C’est à Touba qu’il a réservé son premier déplacement après son élection. Il a forcément joué de cette proximité pour que son fils puisse être gracié et libéré, en 2016, puisqu’il n’y avait plus de voie de recours légal possible.
Pourtant, Abdoulaye Wade n’a pas toujours bénéficié du soutien de la communauté mouride…
Lors de l’élection présidentielle de 1993, qui a généré un climat délétère dans le pays, Abdoulaye Wade et d’autres membres de l’opposition avaient été emprisonnés à l’issue de la proclamation des résultats. C’était une manière pour le pouvoir d’empêcher une mobilisation massive de la jeunesse.
Le front social était alors en ébullition. Une bonne partie de la société civile et certains religieux sont sortis dans les rues. Serigne Moustapha Sy, un dignitaire des moustarchidines, liés aux tidiane, avait été mis en prison pendant plus d’un an suite à une manifestation.
Les mourides, eux, étaient beaucoup plus en phase avec le gouvernement. C’est quand il est devenu président de la République, en 2000, que cette allégeance mouride est devenue favorable à Abdoulaye Wade.
Avant son élection, il n’avait jamais remporté d’élection à Touba. Ce n’est qu’après 2000, et même après sa défaite en 2012, qu’il a gagné de l’influence en pays mouride. Certes, il entretient une relation d’affinité avec la confrérie. Mais elle ne lui a été bénéfique qu’une fois qu’il a pu financer des projets pour la région de Touba. Il connaissait les rouages du système de clientélisme initialement mis en place par Léopold Sédar Senghor pour obtenir le soutien des autres confréries. Il n’a fait que perpétuer cette tradition.
Aujourd’hui, un leader politique pourrait-il se passer des confréries ?
Ousmane Sonko [arrivé troisième de la présidentielle] affiche un discours et un style novateurs, lui qui affirme vouloir faire la politique différemment. Il a toutefois fait le tour des confréries avant d’annoncer sa candidature à la présidentielle. Et lorsque les travaux de la mosquée Massalikoul Jinaan ont été achevés et que le khalife général des mourides est arrivé à Dakar en vue de l’inauguration, il a été l’un des premiers à lui rendre visite. C’est bien la preuve qu’aujourd’hui encore, quelle que soit la volonté de rupture affichée par les hommes politiques, ils restent conscients du poids sociologique et symbolique des confréries.
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AU MALAWI, DU SEXE POUR DU POISSON
Le long des rives du lac Malawi, la pauvreté et les pénuries alimentaires sont des problèmes chroniques. Les femmes dans le besoin ont parfois recours aux rapports sexuels avec des pêcheurs pour joindre les deux bouts
Le long des rives du lac Malawi, la pauvreté et les pénuries alimentaires sont des problèmes chroniques dus à la diminution des prises de poissons. Les femmes dans le besoin ont parfois recours aux rapports sexuels avec des pêcheurs pour joindre les deux bouts.
"J'AI TOUJOURS TROUVÉ LES RÉPONSES DANS LA POÉSIE"
Économiste, écrivain, penseur, musicien, Felwine Sarr est un amoureux de la poésie. Au festival des Francophonies, il est monté sur scène pour « habiter le monde poétiquement ». Entretien
Un moment de grâce. À l’occasion du festival des Francophonies, Les Zébrures d’automne, à Limoges, en France, Felwine Sarr a présenté avec le comédien burkinabè Étienne Minoungou et le musicien burkinabè Simon Winsé un spectacle sur la force politique de la poésie et la poésie d’une pensée politique pour faire le monde « autrement ».
RFI: Vous avez intitulé ce spectacle Habiter le monde poétiquement. La poésie, quelle place occupe-t-elle dans votre vie?
Felwine Sarr: La poésie est fondamentale. Elle m’a nourri quand j’étais jeune adolescent. J’ai beaucoup fréquenté les textes qu’on a interprétés aujourd’hui [la poésie de René Char et Aimé Césaire, NDLR]. Ils m’ont aidé à grandir. Ils ont construit ma sensibilité. Et je suis venu à l’économie et aux autres disciplines bien plus tard, à travers l’université. Je trouve que les poèmes sont des clés et des compagnons de route qui vous accompagnent dans vos pérégrinations et, à un moment donné, vous décillent les yeux, vous ouvre le regard sur la réalité et vous font toucher des dimensions profondes et existentielles.
J’ai toujours trouvé les réponses dans les textes de poésie. J’y ai toujours trouvé des éclaircissements. C’est une quête qui - à travers de l’espace du langage – cherche à toucher quelque chose qui est fondamental, qui est parfois difficilement dicible, mais qui nous constitue. J’ai grandi en fréquentant ces textes et énormément d’auteurs. Là, c’était un dialogue entre René Char et Aimé Césaire, deux de mes grands maîtres, mais j’en ai plusieurs, comme Djalâl ad-DînRûmi [grand poète mystique persan du XIIIe siècle, NDLR], avec qui j’ai dialogué dans un temps diachronique toutes ces dernières années.
Vous êtes connu pour votre essai Afrotopia, une utopie africaine essayant à repositionner l’Afrique. Quel est le rôle de la francophonie dans ce repositionnement? Est-ce plutôt un outil de domination culturelle ou un atelier de la pensée pour vous?
La langue devrait être un espace de dialogue, d’échange et de féconde mutualité. On est actuellement plus de 200 millions de locuteurs du français dans le monde, avec une majorité d'Africains. C’est une langue qui est arrivée avec l’histoire coloniale et la violence de l’histoire coloniale. Mais, je me dis, un siècle et demi après, on devrait se l’approprier comme une de nos langues. Elle doit devenir une des langues d'Afrique, ce n’est pas une langue africaine d’origine. Et comme le dit Aimé Césaire, les langues et les mots sont des armes miraculeuses. Plus on en a, plus on a de mondes et d’univers.
Le reproche que je ferais à une certaine idée de la francophonie, c’est cette idée de centre et de périphérie, cette idée de domination culturelle. Qu’on conçoit la langue comme un lieu de conquête et un instrument d’hégémonie culturelle. Alors qu’on pourrait en faire justement un instrument d’horizontalité et un espace de rencontres. Et c’est peut-être cet imaginaire-là qu’il faut quitter. Un imaginaire de la conquête et de subjugation vers un imaginaire d’horizontalité et la rencontre dans l’espace de la langue.
Le rapport sur la restitution des œuvres africaines que vous avez écrit avec Bénédicte Savoy et remis, il y a un an, au président français Macron, a suscité beaucoup de réactions. Quel est pour vous, jusqu’à aujourd’hui, l’élément le plus important parmi ces répercussions?
Il y en avait plusieurs et c’était intéressant. Certains étaient pour. Et j’ai remarqué qu’ils étaient jeunes. Qu’il y avait probablement un clivage générationnel. Beaucoup de jeunes étaient progressistes sur la question. Ils ont compris qu’il fallait faire « monde » autrement. Et cet « autrement » était d’articuler une autre éthique relationnelle. On peut hériter une manière de faire - des objets étaient spoliés pour la plupart - mais on peut décider soi-même de construire une histoire différente au présent. Dire : « Voilà, j’entre dans un rapport de partage de cet héritage-là qui était le vôtre, que nous avons pris par la violence et la force, mais nous, on peut décider d’articuler une autre économie de l’échange. » Ça, je l’ai trouvé chez énormément de jeunes.
J’ai trouvé aussi des gens qui étaient complètement contre et chez qui j’ai lu un rejet d’interroger une histoire, une histoire coloniale. Un refus de sortir d’un inconscient qui a été forgé par une relation asymétrique. Je me suis rendu compte que le travail pour décoloniser les mentalités et les imaginaires restaient encore à faire chez certains. Cette histoire de restitution a soulevé un certain nombre de… C’est comme si l’on soulevait une chape de plomb et les présupposés sont là, de manière consciente ou inconsciente. J’ai entendu des choses ahurissantes, qui relevaient de ces présupposés qui fondaient le regard qu’on avait sur les autres. Il y avait là un espace à soigner et à traiter, au vrai sens clinique du terme.
Le rapport a été lu dans plusieurs géographies du monde. Et j’ai le sentiment qu’il y a quelque chose qui se mettait en marche et qui appelait à une réarticulation de la relation, à redéfinir les rapports, à aller vers plus d’équité, vers plus de réciprocité, à faire circuler ces objets dans d’autres géographies, à reconsidérer leur histoire et à faire acte de justice et de rééquilibrage.
Avec Bénédicte Savoy, on était dans plusieurs lieux. C’est ce sentiment-là qui domine. En Afrique, bien évidemment, ils étaient très heureux que l’on entame un tel processus. Même s’ils savent que les choses seront longues et difficiles.
LA SOCIETE CIVILE GAMBIENNE DEMANDE LES RÉSULTATS D’UNE ENQUÊTE SUR L’ÈRE JAMMEH
1 600 pages classées en 9 volumes, c'est ce que représente le rapport de la Commission Janneh. Une mine d'information qui malheureusement n'est pas disponible sur internet, condamne Saikou Jammeh, secrétaire général du syndicat des journalistes gambiens
La société civile gambienne réclame la mise en ligne d'un rapport sur les crimes économiques commis sous Yahya Jammeh.
La Commission Janneh (du nom du président de la Commission)a évalué l'ampleur du pillage à 360 millions d'euros par l'ancien dictateur et son entourage. Le rapport a été rendu public le 13 septembre, mais il est quasiment inaccessible. Dans une lettre ouverte, le collectif Right 2 Know (« le droit de savoir ») et le syndicat des journalistes réclament une meilleure diffusion du rapport.
1 600 pages classées en 9 volumes, c'est ce que représente le rapport de la Commission Janneh. Une mine d'information qui malheureusement n'est pas disponible sur internet, condamne Saikou Jammeh, secrétaire général du syndicat des journalistes gambiens.
« Ce rapport aurait du être publié sur le site de la présidence et de tous les ministères pour que le public puisse y avoir accès. Si on ne peut pas se procurer le rapport, on ne saura pas ce qu'il contient et si on ne connaît pas son contenu alors pourquoi avoir fait une Commission d'enquête ? Cette Commission n'a pas seulement travaillé pour le gouvernement, mais pour tous les Gambiens. Pour qu'ils sachent comment leur argent a été utilisé et volé par l'ancien gouvernement. »
Trois exemplaires ont été remis au syndicat des journalistes, d'autres ont été donnés à des institutions se défend le porte-parole du gouvernement, qui assure qu'il n'y a rien à cacher.
Si un citoyen veut se procurer le rapport, il devra payer 6 325 dalasi, l'équivalent de 115 euros à l'imprimerie nationale, 10 euros (575 dalasi) de plus s'il veut acheter le livre blanc du gouvernement. Inabordable pour le commun des Gambiens et inaccessible pour la diaspora. Cette forme de publication est « irrespectueuse, irresponsable et cruelle » dénonce le collectif Right 2 Know qui se dit prêt à porter l'affaire devant les tribunaux.
LES CHEFS D'ÉTAT DISENT NON A UN TROISIÈME MANDAT PRÉSIDENTIEL
Sujet brûlant, la limitation des mandats présidentiels a été débattu pendant trois jours à Niamey, au Niger, à l'occasion d'un forum consacré à la consolidation de la démocratie en Afrique.
La limitation des mandats des chefs d'État était au menu d'un forum de trois jours qui réunissait d'anciens présidents africains à Niamey, au Niger, et qui s'est terminé le 4 octobre.
Sujet brûlant, la limitation des mandats présidentiels a été débattu pendant trois jours à Niamey, au Niger, à l'occasion d'un forum consacré à la consolidation de la démocratie en Afrique.
D'anciens chefs d'État ont participé à la rencontre, qui s'est terminée ce 4 octobre. Parmi eux, on comptait notamment Mahamane Ousmane du Niger, Nicéphore Soglo du Bénin, Goodluck Jonathan du Nigeria, Catherine Samba-Panza de Centrafrique et Amos Sawyer du Liberia.
Les participants ont dit « non », à l'unanimité, à un troisième mandat présidentiel. « La suppression de la limitation du mandat sape la conscience des populations et accroît la concentration du pouvoir entre les mains d'une minorité », peut-on lire dans la « déclaration de Niamey ».
Question « taboue »
La seule Centrafricaine présente, Catherine Samba-Panza, ancienne cheffe d'État de transition, estime qu'il faut vaincre les résistances et les tabous. « C’est une grande évolution d’avoir organisé un sommet sur cette question jusque-là taboue et que personne n’abordait de manière ouverte », a-t-elle déclaré.
Sans les citer nommément ou donner des leçons, le président béninois Nicéphore Soglo a conseillé à ceux qui s’accrochaient encore de savoir partir à temps. « Je crois que c’est le bon sens pour eux-mêmes », estime-t-il.
L’alternance démocratique est le crédo du président nigérien Issoufou Mahamadou. Sa promesse de s’en aller en 2021 a été saluée et encouragée.
« Mon désir le plus ardent est de passer le pouvoir en 2021 à un successeur démocratiquement élu », a-t-il affirmé. Si elle se concrétise, il s'agira d'une première dans l’histoire du Niger depuis l’indépendance.
LE SÉNÉGAL DÉTRÔNE LA TUNISIE AU TITRE DE MEILLEUR COUSCOUS DU MONDE
Cette semaine, une cheffe sénégalaise originaire de Dakar, Marème Cissé, et son fils Falilou Diouf, qui tiennent un restaurant en Sicile, ont remporté la 22e édition du concours Cous Cous Fest organisé en Italie
Un tandem sénégalais a remporté, cette semaine, la 22e édition du concours « Cous Cous Fest », organisé en Italie. Le Sénégal se classe devant la Tunisie, sacrée l’an dernier.
Dans sa cour et comme chaque jour, Aïssatou Cissé, 60 ans, assise sur un petit tabouret, s’active devant cinq énormes bassines de couscous. Tout devra disparaître le soir au marché. « C’est la tradition, les ancêtres le préparaient pour le repas du soir, et c’est bon pour la santé aussi », explique-t-elle.
Cette semaine, une cheffe sénégalaise originaire de Dakar, Marème Cissé, et son fils Falilou Diouf, qui tiennent un restaurant en Sicile, ont remporté la 22e édition du concours Cous Cous Fest organisé en Italie. Une consécration pour le thiéré, le couscous sénégalais à base de mil ou de maïs, qui vient détrôner la Tunisie, sacrée l'an dernier.
Tradition
Dans son boubou orange, Aissatou Cissé s’arme de patience. La graine de mil est trempée, pilée, mélangée avec de l’eau, puis passée à la vapeur. Il faut ensuite la tamiser et ajouter une poudre à base de feuilles de baobab. « Quand il y a un mariage, on le prépare pour servir le dîner », explique-t-elle.
Ce plat est consommé en particulier par la communauté sérère, mais aussi à l’occasion de la Tamkhrarit, le Nouvel An musulman. Ensuite, à chacun sa sauce. Quatre marmites sont sur le feu, avec des haricots, du poulet ou du névadaye, sauce de feuille de moringa et recette populaire.
Seul problème pour Aïssatou Cissé et sa famille : le prix du maïs importé du Canada, 300 francs CFA le kilogramme, environ 45 centimes d’euros. Mais la tradition du thiéré se transmet de génération en génération. Elle-même l'a appris de ses grands-parents. Ce savoir-faire a été revisité par la lauréate du prix du couscous de l’année avec une version au poulpe sur lit de mangue.
AUDIO
DIANO BI AVEC NDEYE DIOUF
La "Khalifiste" fait le tour de l'actualité au micro de Maodo Faye, dans l'émission dominicale en Wolof
La "Khalifiste" Ndeye Diouf, fait le tour de l'actualité au micro de Maodo Faye, dans l'émission dominicale en Wolof.
« LA QUESTION DE L’APRÈS MACKY NE DOIT PAS SE POSER »
Pour Makhtar Cisse, les priorités sont ailleurs. « On veut en permanence amener les Sénégalais à des débats de carrière, de personne, alors qu’il faudrait avoir la perspective du pays et de son avenir »
Il est souvent cité parmi les potentiels successeurs de Macky Sall. Ceux qui ont instauré le débat sur « l’après-Macky » le voient comme un vrai challenger. Mais, Mouhamadou Makhtar Cisse, puisque c’est lui qu’il s’agit, juge « malsain » ce débat. « Non, ce débat ne m’inspire pas. Et, il ne peut pas m’inspirer », a-t-il répondu à Mamoudou Ibra Kane qui lui a Interpellé sur la question, à l’émission, Jury Du Dimanche. Pour lui, cette question, non seulement, elle est prématurée, mais elle ne devrait même pas se poser au sein de coalition présidentielle. « La question de la succession du président Macky Sall ne doit pas se poser, en tout cas, pas au sein du gouvernement. Elle ne doit pas aussi se poser au sein de la majorité qui gouverne », a-t-il déclaré.
Pour Makhtar Cisse, les priorités sont ailleurs. « On veut en permanence amener les Sénégalais à des débats de carrière, de personne, alors qu’il faudrait avoir la perspective du pays et de son avenir », a-t-il souligné.
Même si l’après Macky Sall interpelle tous les Sénégalais, parce qu’il va arriver, le ministre du Pétrole et des Énergies pense que cela devrait être discuté à l’interne sur initiative de leur patron, Macky Sall. « Le moment venu, la discussion devrait se faire en interne et sur initiative exclusive du président de la République », note Makhtar Cisse qui soupçonne les absents sur la ’’short liste’’ d’être derrière ce débat. C’est un débat qui peut nuire au pays, beaucoup plus, qu’aux acteurs qui sont souvent cités. Parce qu’il y a beaucoup d’absents sur les listes qui circulent. Est-ce que ce ne sont pas ces absents qui organisent ce débat ? Je ne vais pas faire un déni. Je vois mon nom circuler tous les jours sur les listes alors que moi je suis un haut fonctionnaire, Inspecteur général d’Etat. Le président de la République m’a investi de sa confiance. Il m’a trouvé Directeur général des Douanes, nommé par son prédécesseur, il m’a confirmé à ce poste. Il m’a nommé ministre du Budget, Directeur de son Cabinet, Dg de Senelec et aujourd’hui ministre du Pétrole et des Energies. Vous pensez que, j’ai le droit et l’indélicatesse de penser à autre chose qu’à être loyal envers cet homme, travailler avec lui et réussir les missions qui me sont confiées, quand on a le privilège de faire autant dans ce secteur aussi sensible pour son pays ? J’appelle à un sursaut pour bâtir un consensus fort autour du président de la République à travers le dialogue national auquel il a convié l’ensemble des acteurs de la vie nationale », a plaidé Makhar Cissé.