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17 septembre 2025
PAR ABABACAR GAYE
CONSEILLER SPECIAL DU PRESIDENT, TOUNKARA EN MISSION IMPOSSIBLE ?
Si le choix de l’animateur vedette de la 2STV fait tellement jaser, c’est dû aux qualités décelées en l’homme et sa liberté de ton qu’il a démontrées durant tout le temps qu’il a passé dans cette boîte ; réputation qu’il pourrait perdre...
La nomination du professeur Mamadou Sy Tounkara a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. En cette veille d’élections, on devrait pourtant se réjouir qu’un esprit aussi éclairé soit près du chef de l’Etat. Au moins, sur la situation électorale, les gens pourraient espérer que le sieur Tounkara joue un rôle prépondérant auprès du président de la République. Mais la question principale est : est-ce qu’il sera entendu ?
« Le président Macky Sall a un problème de casting, de coaching et de monitoring », disait le porte-parole de REWMI Abdourahmane Diouf lors de la présentation de la vision programmatique de leur parti. Mais le recrutement de Mamadou Sy Tounkara par le président qui n’a jamais manqué de conseillers ferait exception à cette assertion de l’opposant. Nul besoin d’avoir des yeux de lynx pour se rendre compte de la kyrielle de ministres conseillers à son actif en sus des conseillers spéciaux. Visiblement, Mamadou Sy Tounkara n’est donc qu’un autre conseiller de plus. Donc il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Mais si le choix de l’animateur vedette de la 2STV fait tellement jaser, c’est dû aux qualités décelées en l’homme et sa liberté de ton qu’il a démontrées durant tout le temps qu’il a passé dans cette boîte ; réputation qu’il pourrait perdre dans le confort du palais. Il aura « conseillé » pour ne pas dire « critiqué » le régime sur le niveau à la limité médiocre de la communication du gouvernement notamment quand celui-ci publiait un communiqué de conseil des ministres truffé de fautes.
Tout porte à croire que le président n’écoute pas ses conseillers
En vérité, Tounkara a toujours été un conseiller « spécial » puisqu’il donnait son point de vue et prodiguait ses conseils sur son plateau de « Senegaal ca kanam » notamment. Avec cette nomination, sa fonction officieuse est juste devenue officielle à côté du président de la République qui peut-être était parmi ses suiveurs. Sinon comment pourrait-il avoir confiance en lui de la sorte pour en faire un conseiller spécial ? Il faut juste rappeler que le président Macky Sall s’était engagé à aller chercher les compétences, où qu’elles soient, pour remplir la mission qui lui est confiée. Vu sous cet angle, que Tounkara soit au palais ne devrait pas surprendre. Lui dont le nom de l’émission « Senegaal ca kanam » se confond littéralement avec le « Sénégal Emergent » de Macky Sall.
Le président n’a pas comme conseillers que ceux dont les noms apparaissent dans la longue liste de ministres conseillers. Il a aussi et surtout le privilège de recevoir les conseils des régulateurs sociaux, des chefs religieux. Macky Sall ne rate jamais l’occasion de renouveler sa disponibilité envers eux comme l’ont toujours fait ses prédécesseurs. Ce capital de confiance dont jouissent les marabouts et évêques dans notre pays fait qu’ils peuvent saisir le président sur tous les sujets, qu’importe la nature. Le seul bémol est que le président semble les entendre mais ne les écoute pas pour agir en conséquence. Les réponses qu’il a eues à donner aux défunts khalifes Serigne Abdou Aziz Al Amine et Cheikh Seydi Moukhtar relatives aux cas Khalifa Sall et Karim Wade en sont des preuves les plus palpables.
Le comportement de Macky Sall envers ses conseillers n’est pas un cas isolé. On peut même dire que c’est en vogue, cette attitude peu regardante envers les collaborateurs. En France par exemple, Emanuel Macron fait l’objet de critiques allant dans ce sens. Ses collaborateurs révèlent au grand jour cette attitude du président français consistant à faire fi des conseils qu’on lui prodigue. Dans un article publié le 3 janvier 2019 par www.leparisien.fr, un vieil ami du président confesse qu’ « il entend mais il n’écoute personne » pour expliquer la démission annoncée pour fin janvier de son conseiller Sylvain Fort. De même, cet espèce de suffisance présidentielle se dénote chez Donald Trump dont Newt Gingrich, son ancien porte-parole dit « c’est un joueur de golf, il ne pratique pas de sport d’équipe. Tout se passe entre lui et la balle ».
Tounkara et le « muut mbaa mott », l’impossibilité d’une mission
Normalement, la présence de Tounkara au palais comme conseiller spécial du président de la République devrait être source d’espoir. Si beaucoup de Sénégalais se sont sentis estomaqués après avoir appris la « bonne » nouvelle, c’est juste parce que le palais sait bien tanner les personnes. Grace aux largesses à portée de la main généreuse du président, bien des personnes de la société civile se sont retrouvées complétements changées. Des anciens leaders de la société civile tels que Penda Mbow et Abdou Aziz Diop et d’autres grands noms, journalistes ou juristes devenus ministres à l’image d’Abdou Latif Coulibaly et Ismaila Madior Fall, ont complètement tourné leur veste aujourd’hui. A la lumière de ces exemples, on ne peut que donner raison à ceux qui râlent contre une telle nomination puisque le pouvoir corrompt et peut venir à bout des convictions.
Bien avant Tounkara pourtant, il y a tous ces ministres conseillers dont les conseils n’ont visiblement pas changé le décor politique, social, et économique du pays. En effet, quelle que soient sa sagesse et sa clarté d’esprit, on ne peut pas conseiller à quelqu’un si l’on craint toujours de l’offusquer. Voilà pourquoi, nombreux sont ceux qui, craignant d’être mis au placard, vont jusqu’à avaler des couleuvres. La règle du « muut mbaa mott » de Mor Ngom qui a fait quitter Idrissa Seck et compagnie serait en effet érigée en mode de gestion des ressources humaines aussi bien dans le gouvernement, au palais qu’au niveau de la coalition de la majorité. Tel une épée de Damoclès, cette méthode qui consiste à « se taire ou se casser » aura eu raison de beaucoup de personnes dont la liberté de ton n’a jamais été remise en question.
Beaucoup de ministres conseillers tels que les universitaires, les professeurs Malick Ndiaye, Amsatou Sow Sidibé et l’économiste Moubarck Lo ont fait les frais de cette règle. Comme secoués par la nostalgie des amphithéâtres où leur mission est d’expliquer les causes de ceci, les conséquences de cela, la juriste et le sociologue finiront simplement par être sabrés à cause de leur sortie médiatique contre le régime. A défaut d’un canal officiel, ils ont tout simplement choisi le canal le plus facile et le plus audible c’est-à-dire les médias.
En février, Amsatou Sow Sidibé déplorait : « un conseiller c’est pour s’asseoir avec le président de la République et lui parler les yeux dans les yeux. Quand ce n’est pas possible, on utilise les voies qui sont possibles ». Autant qu’Amsatou Sow Sidibé, si le professeur Malick Ndiaye avait la chance de donner ses conseils, il n’aurait pas écrit « Où va la République ? Les vérités sur la seconde Alternance ». Tous deux avaient choisi le déballage au détriment de la fonction hautement discrète de conseiller le chef de l’Etat. Avec Tounkara, bien qu’elle soit à prioriune mission impossible, on peut quand même espérer que l’hoimme ne fasse pas des courbettes devant le chef de l’Etat à qui il doit venir en aide surtout en ce temps électoral. Rien n’a changé des questions qu’il traitait, si ce n’est la proximité géographique avec Macky Sall. On attendra donc de sa nomination, qui est une aubaine, qu’elle apporte des changements que les 300 conseillers réunis dans le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) n’ont jamais pu donner.
Dans un communiqué, Jim Yong Kim, qui a présidé l'institution pendant six ans, a uniquement indiqué qu’il comptait rejoindre « une société » et se focaliser « sur les investissements dans les infrastructures dans les pays en développement »
Le président de la Banque mondiale Jim Yong Kim a annoncé le 7 janvier qu'il démissionnait de l'institution de développement à partir du 1er février, quatre ans avant la fin de son second mandat.
Jim Yong Kim sera remplacé à partir du 1er février par Kristalina Georgieva, l’actuelle directrice générale de la Banque mondiale, qui assumera sa succession à titre intérimaire. Le mandat de Jim Yong Kim, qui est âgé de 59 ans, arrivait initialement à expiration fin 2022.
Dans un communiqué, Jim Yong Kim, qui a présidé la Banque mondiale pendant six ans, a uniquement indiqué qu’il comptait rejoindre « une société » et se focaliser « sur les investissements dans les infrastructures dans les pays en développement ».
« Cela a été un grand honneur que de servir en tant que président d’une institution remarquable, forte d’un personnel passionné dédié à leur mission qui est d’éliminer l’extrême pauvreté de notre vivant », a-t-il déclaré dans un communiqué qui ne donne pas de détails sur les raisons de son départ.
« Le travail de la Banque mondiale est plus important que jamais alors que les aspirations des pauvres progressent dans le monde et que les problèmes comme celui du changement climatique, des épidémies, des famines et des réfugiés continuent de croître en ampleur et en complexité », a encore écrit Jim Yong Kim.
Il sera remplacé dès le 1er février par Kristalina Georgieva, qui assurera l’intérim. Un Américain est habituellement nommé à la tête de la Banque mondiale tandis que la direction du Fonds monétaire international (FMI) est généralement confiée à un Européen. Un partage des rôles désormais fortement contesté par les pays émergents.
PAR SERIGNE SALIOU GUÈYE
AFFRANCHIR LA JUSTICE DE LA TUTELLE DE L'EXÉCUTIF
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - C’est un impératif catégorique pour tout candidat à cette présidentielle de donner des gages assermentés d’une profonde réformation de la justice en cas de victoire
#Enjeux2019 - On ne peut pas parler de vraie démocratie si l’on ne fait pas de la séparation des trois pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire) un principe de bonne gouvernance. « Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », disait Montesquieu. Donc, il convient d’éviter la concentration totalitariste des trois pouvoirs dans une seule main. Ce principe de la séparation des pouvoirs est tellement important en démocratie qu’il est consacré dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 en son article 16 : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Mais il se trouve que dans tous les régimes du monde, le pouvoir politique a tendance à dominer le pouvoir judiciaire. Au Sénégal, de Senghor à Macky Sall en passant par Abdou et Wade, la justice n’a jamais échappé à l’emprise de l’exécutif. Pourtant, l’article 88 de la Loi fondamentale qui stipule que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif » garantit l’indépendance de la justice. Mais le traitement arbitraire de beaucoup d’affaires politiques a mis à nu la soumission du judiciaire à l’exécutif. Et depuis l’accession Macky Sall à la magistrature suprême en 2012, on tombe de Charybde en Scylla dans le traitement de beaucoup d’affaires judiciaires. Alors, c’est un impératif catégorique pour tout candidat à cette présidentielle de 2019 de donner les gages assermentés d’une profonde réformation de la justice en cas de victoire.
- La tache noire du régime senghorien -
Notre justice, nonobstant les dispositions constitutionnelles qui lui garantissent son indépendance, n’est jamais parvenue à s’affranchir de l’exécutif. L’affaire la plus marquante sous le règne de Senghor est le procès de Mamadou Dia, où la Haute cour de justice contrôlée par l’exécutif a prononcé une sentence sévère et disproportionnée variant de cinq ans à la perpétuité pour Mamadou Dia et ses co-accusés que sont Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall. Ousmane Camara, l’alors procureur général, évoque dans son ouvrage « Mémoires d’un juge africain », la soumission de cette justice au pouvoir de Senghor qui a envoyé le 13 mai 1963 Mamadou Dia à Kédougou pour 12 ans : « Je sais que cette Haute cour de justice, par essence et par sa composition, a déjà prononcé sa sentence, avant même l’ouverture du procès. La participation de magistrats que sont le président (Ousmane Goundiam), le juge d’instruction (Abdoulaye Diop) et le procureur général ne sert qu’à couvrir du manteau de la légalité une exécution sommaire déjà programmée ». L’histoire retiendra, même si l’on sait que cette Haute cour de Justice est une cour politique parce que composée essentiellement de députés pro-Senghor qui ont voté la motion de censure qui a renversé le gouvernement de Dia, l’image d’une justice sénégalaise vassale dont s’est servi le premier président de la République pour se débarrasser d’une personnalité politique qui compromettait les intérêts économiques de sa France néo-coloniale.
Dans l’affaire de l’étudiant Oumar Blondin Diop, mort dans des circonstances jamais élucidées, la justice qui l’a faussement condamné pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » s’est révélée être aux ordres du pouvoir senghorien qui magnifiait le culte du parti unique et rechignait toute opposition à sa monocratie. Sous Senghor, l’Assemblée nationale n’a pas échappé à ses manipulations récurrentes. Et c’est d’ailleurs la manipulation de l’Assemblée nationale monocolore qui a valu au Sénégal d’insérer, dans sa charte fondamentale, le 6 avril 1976, le très controversé article 35 qui a érigé notre République en monarchie, le 31 décembre 1980 quand le Premier ministre Abdou Diouf succède à Senghor à la tête de l’Etat.
- Abdou Diouf et l’assassinat de Me Babacar Sèye -
Et ceux qui avaient pensé que le président Abdou Diouf allait renforcer l’Etat de droit en dotant la justice sénégalaise de moyens conséquents qui peuvent renforcer son indépendance ont déchanté. Sous le régime de Diouf, la justice n’a eu comme tâche principale que de suppléer l’exécutif et d’écraser toute adversité. Et c’est cela qui explique la mise sur pied très tôt de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) chargée de mettre à carreau des adversaires politiques de même parti.
On ne pourra jamais expliquer le nombre de fois où l’opposant principal du président Diouf, Abdoulaye Wade, s’est retrouvé, pour des raisons politiques, en prison avec ses ouailles et alliés à la suite de jugements arbitraires. N’est-ce pas sous le magistère de Diouf qu’est né dans le parquet, le ridicule concept de « flagrant délit continu », aux seules fins de mettre le holà aux troubles et désordres dont on accusait l’opposant Abdoulaye Wade ?
Dans l’affaire du juge constitutionnel Babacar Sèye assassiné le 15 mai 1993, la justice n’est pas sortie indemne puisque, en dépit des condamnations des sicaires Clédor Sène et compagnie à 25 ans de prison ferme, il y a toujours un mystère qui oblitère les vrais auteurs et le(s) commanditaire(s) de cet assassinat. D’ailleurs, ce malaise fortement ressenti dans la justice par ses propres acteurs, poussera ces derniers à s’adonner à une profonde introspection en 1998 pour améliorer l’image du pouvoir judiciaire fortement dégradée par sa subordination au pouvoir politique.
- Abdoulaye Wade et les chaines de la justice -
Sous le régime libéral, le plus grand discrédit à l’égard de la justice survint lorsque que le président Wade s’est adressé aux magistrats lors d’une rentrée des Cours et Tribunaux en soutenant que « ces derniers ne voulaient pas se départir des chaines séculaires qui les lient à l’exécutif ». Cela est d’autant plus vrai que lui, chef de l’exécutif, s’est toujours servi de la justice pour protéger des proches ou écraser des adversaires. Le point d’orgue des exactions du pouvoir judiciaire est atteint quand le Conseil constitutionnel a validé la troisième candidature de Wade à la présidentielle de 2012 avec à la clé plus 10 morts.
- L’exécutif sous Macky Sall et les rendez-vous manqués de la justice -
Lors de son premier message à la nation, le 3 avril 2012, le tout nouveau président Macky Sall, symbole de rupture, d’abord par son appartenance à la génération post-indépendance, ensuite par ses annonces fortes sur la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des deniers publics, déclare ceci : «Au gouvernement, je donne mission de traduire en actes la forte aspiration au changement massivement exprimée le 25 mars. Cette occasion historique constitue pour nous tous, un nouveau départ pour une nouvelle ère de ruptures en profondeur dans la manière de gérer l’Etat au plan institutionnel et économique ». Et on pouvait penser qu’avec le quatrième président du Sénégal, l’ère de l’iniquité entre citoyens est révolue quand il déclare : « C’est pourquoi, je tiens à ce que toutes les femmes et tous les hommes qui m’accompagnent dans l’exécution du contrat de confiance qui me lie au peuple, comprennent et acceptent que cette mission ne crée pas une catégorie de citoyens privilégiés, au-dessus des autres et de la loi. Gouverner autrement, c’est bannir les passe-droits, le favoritisme et le trafic d’influence ; c’est mettre l’intérêt public au-dessus de toute autre considération et traiter tous les citoyens avec la même dignité et le même respect. »
Et les Sénégalais qui ont souffert de la gabegie impunie, de la dilapidation des ressources publiques, fondaient à nouveau un espoir quand de façon péremptoire, le tombeur d’Abdoulaye Wade s’engage en ces termes : « Je mets à ma charge l’obligation de dresser les comptes de la Nation et d’éclairer l’opinion sur l’état des lieux. A tous ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers public, je tiens à préciser que je ne protègerai personne. Je dis bien, personne ! J’engage fermement le gouvernement à ne point déroger à cette règle ».
Ainsi l’on pensait que l’élection du président Sall allait être l’ère des ruptures avec l’avènement d’une justice réellement indépendante. Mais que nenni !
- L’immixtion récurrente de l’exécutif dans les affaires judiciaires -
Joignant l’acte à la parole, le président de la République réactive la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) par le décret n° 2012-502 du 10 mai 2012 avant de saisir le Parquet général aux fins de poursuivre tous les dignitaires du régime libéral déchu qui sont mêlés à un scandale financier.
- L’affaire Karim Wade –
Mais, des 25 dignitaires libéraux ciblés par la traque des biens mal acquis, seul Karim Wade est appréhendé, jugé et embastillé pour six ans avec 138 milliards à payer à l’Etat sénégalais. Puisque le procès avait des soubassements éminemment politiques, des gens du pouvoir s’attendaient à ce que le président de la CREI, Henri Grégoire Diop, prononçât la déchéance des droits civiques de celui qui, deux jours auparavant, a été investi candidat du PDS à la prochaine présidentielle. Mais aucune disposition de la loi 81-53 du 10 juillet 1981 relative à la répression de l’enrichissement illicite n’interdit l’exercice des droits civiques pour le délit 163 du Code pénal. D’ailleurs, Sidiki Kaba, alors ministre de la Justice, précisa lors d’une conférence de presse le 24 mars 2015 : « Karim n'a pas perdu ses droits civiques. Il n'y avait pas de question politique dans ce procès. C'est une affaire judiciaire. Si le projet politique existait pour couler un adversaire politique, il va de soi que l'objectif n'est pas atteint, puisque l'exercice de ses droits civiques (vote, éligibilité…, ndlr), civils et familiaux, prévu par l'article 34 du Code du code pénal, ne fait pas partie des sanctions rendues ».
Une telle position détonna avec celle de l’actuel Garde des Sceaux, Ismaïla Madior Fall qui, faisant référence à la candidature agitée de Karim Wade, a soutenu lors d’une émission à la TFM que « tout citoyen, qui est condamné à au moins cinq ans de prison, perd d’office ses droits civils et politiques ». Cela est conforté par le ministre de l’Intérieur, Ali Ngouille Ndiaye, qui, lors de son passage à l’Assemblée nationale le 18 juin dernier, lâcha cette précision qui sonne comme une disqualification de Karim à la présidentielle de 2019 : « Karim Wade ne s’est pas inscrit sur les listes électorales. Il a seulement demandé à s’inscrire sur les listes. Etre sur les listes électorales, c’est celui qui y figure ou possède sa carte d’électeur ». A nouveau, le Garde des Sceaux, lors de son passage à l’Assemblée nationale le 29 novembre dernier, déclara devant les députés que « Karim Wade condamné à une peine de six ans ne peut pas faire acte de candidature à la présidentielle ». Ces deux ministres se sont substitués aux juges, seuls compétents pour invalider une candidature, pour décider du sort politique de Karim Wade.
Ainsi l’on découvre aujourd’hui que la traque des biens mal acquis n’était qu’un saupoudrage judiciaire, un mensonge d’Etat pour baliser et déblayer le terrain électoral de toute embûche qui compromettrait la réélection du président sortant, Macky Sall.
- L’affaire Khalifa Sall -
Il apparait aussi que dans l’affaire Khalifa Sall, l’intention du pouvoir exécutif est manifeste : priver le député-maire de Dakar de toute possibilité de candidature en février 2019. Comme dans l’affaire Karim Wade, les deux derniers ministres de la Justice et le ministre de l’Intérieur ont joué et continuent de jouer un rôle de premier plan pour anéantir le projet présidentiel de Khalifa Sall.
Sidiki Kaba, présidant le 19 août dernier 2017, l’assemblée générale de l’Union des magistrats (UMS) ne s’est pas privé de se servir de cette occasion pour se prononcer sur ladite question : « ce n’est pas le député Khalifa Sall qui a été arrêté mais c’est le maire qui a été appréhendé suite au rapport de l’Inspection général d’Etat ». Il conclut en disant : « L’antériorité des faits par rapport à son élection, c’est un autre problème et lorsque le débat sera posé, la justice répondra en tenant compte des éléments de l’inviolabilité ou de l’immunité parlementaire, mais encore une fois, Khalifa Sall ce n’est pas Khalifa Sall en tant que député qui a été arrêté. »
Deux jours auparavant, c’est-à-dire le 17 août 2017, après la proclamation des résultats des législatives par le Conseil constitutionnel, les avocats de Khalifa Sall ont déposé une demande de mise en liberté d’office en invoquant l’immunité parlementaire qui, selon eux, s’attache à sa nouvelle qualité de député comme le dispose les articles 61 de la Constitution et 51 de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
D’ailleurs, Ismaïla Madior Fall, lors de l’examen de son budget en novembre 2017, s’est prononcé sur cette immunité en ces termes : « La levée de l’immunité parlementaire ne remet pas en cause sa présomption d’innocence. La levée de l’immunité parlementaire ne présume pas de la culpabilité du député concerné. Le procès respectera les standards les plus élevés d’un procès équitable ».
Cette intervention scandaleuse du Garde des Sceaux est considérée par les avocats de Khalifa comme une immixtion dans ledit dossier au moment où ils ont déposé des requêtes d’annulation de la procédure. Après Madior Fall, c’est au tour du couple procureur de la République-Doyen des juges, bourreau de Khalifa Sall, d’entrer dans la danse. Serigne Bassirou Guèye s’oppose à la liberté provisoire de Khalifa Sall « au motif que l’inculpé a été arrêté dans le courant du mois de mars 2017, alors que son élection comme député à l’Assemblée nationale a eu lieu près de quatre mois plus tard ». Autrement dit, l’immunité parlementaire ne saurait s’appliquer de manière rétroactive. Se fondant sur ces arguments, le Doyen des juges d’instruction, Samba Sall, rejette donc la demande de liberté de Khalifa Sall. Pourtant le 29 juin 2018, les juges de la Cour de justice de la Cedeao, réunis à Abuja, ont estimé qu’à partir du 14 août 2017, date de la déclaration officielle du statut de député de Khalifa Sall par le Conseil constitutionnel, une nouvelle situation juridique lui a été conférée par les urnes. Par conséquent, une procédure de levée de son immunité parlementaire ou une suspension de sa détention devait être entamée, selon les juges de l’instance communautaire. Mais la justice sous la contrainte de l’exécutif l’a maintenu irrégulièrement en prison parce que la levée de son immunité parlementaire n’a été sollicitée que le 25 novembre 2017, soit deux semaines avant la clôture de l’information par ce même procureur de la République. Demande que les députés du pouvoir satisferont sans barguigner.
Et la députée socialiste Aïssata Tall Sall de railler en déclarant : « On nous demande de statuer un fait négatif. L'immunité n'a de sens que si la personne en jouit, que si la personne est libre. Le parquet devait immédiatement sortir Khalifa Sall, lui faire bénéficier de son immunité parlementaire, avant de venir nous demander de la lever ». Ainsi en 12 mois, l’affaire Khalifa Sall est pliée comme l’a voulu le pouvoir. Après les jugements successifs par le Tribunal de grande instance de Dakar et la Cour d’appel, il reste à la Cour suprême de valider la décision de la Cour d’appel, le 3 janvier 2019. L’objectif final sera atteint. Il faut condamner définitivement Khalifa et lui appliquer l’article L31 du Code électoral qui stipule en son alinéa 2 que « ne peuvent être inscrits sur les listes électorales les individus condamnés pour escroquerie ».
Cette intrusion de l’exécutif dans le judiciaire vient corroborer les propos du journaliste Pape Alé Niang qui déclarait dans sa chronique du 13 décembre que l’arrestation et l’incarcération de Khalifa Sall ont été concoctées au palais de la République en présence « du président Macky Sall, de Massamba Sall, Doyen des juges, de Serigne Bassirou Guèye, Procureur de la République, du juge Maguette Diop, d’Antoine Diome, Agent judiciaire de l’Etat, de Malick Lamotte, de Demba Kandji, de Lansana Diaby, Procureur général, de Gallo Syr Diagne, Président de la Chambre d’accusation, de Cheikh Tidiane Coulibaly, Procureur général de la Cour Suprême, de Mamadou Badio Camara, Président de la Cour Suprême, de Pape Oumar Sakho, juge constitutionnel, d’Oumar Youm, Directeur de cabinet du président de la République et d’un journaliste connu pour ses révélations à charge dans l’affaire Khalifa Sall ».
- Nécessité urgente d’une réforme -
L’ordonnance n° 60-17 du 03 septembre 1960 qui a créé le Conseil supérieur de la magistrature du Sénégal consacre en son article 1, l’hégémonie du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire. C’est dans cette disposition que se trouvent les fondements de la subordination du pouvoir judiciaire à l’Exécutif. Les magistrats dépendent du Président de République, patron du Conseil supérieur de la magistrature, pour leurs nominations, leurs promotions, la gestion de leur carrière et leurs rémunérations. Mais si le chef de l’Etat, garant de l’indépendance de la magistrature, est le premier qui pourrait porter atteinte à son indépendance par les pouvoirs exorbitants dont il dispose, on ne pourrait plus en réalité parler d’indépendance. D’ailleurs le juge Babacar Ngom, dans son ouvrage « Comment renforcer l’indépendance de la magistrature au Sénégal ? » confirme que le pouvoir judiciaire « dépend totalement du pouvoir exécutif, ordonnateur de ses dépenses et du pouvoir législatif qui les autorise ».
Aujourd’hui, respecter la séparation des pouvoirs telle que Montesquieu et John Locke l’ont théorisé au 18e siècle respectivement dans «l’Esprit des Lois » et dans « Le second traité de gouvernement », c’est tout faire pour que le président de la République et ses ministres n’empiètent pas sur les prérogatives des autres institutions. Par conséquent, c’est faire en sorte que l’Assemblée nationale ne soit plus une institution godillot. C’est faire de sorte que les magistrats jugent en toute indépendance et en toute impartialité sans la pression de l’Exécutif.
Le candidat Macky Sall, soucieux de l’indépendance de la justice, disait à la page 25 de son « Yonou Yokkuté » que « mis sous tutelle du pouvoir exécutif, instrumentalisé par ce dernier et insuffisamment doté en ressources humaines et matérielles, le pouvoir judiciaire n’est pas toujours en mesure d’assurer pleinement ses missions dans l’impartialité et l’indépendance. Mettre fin à cet état de fait exige de renforcer l’indépendance du Conseil Supérieur de la Magistrature par sa composition, son organisation et par son fonctionnement ». Mais une fois élu président de la République, il s’est attelé à faire de cette justice son bras armé pour éliminer des adversaires politiques et protéger ses partisans. Où est le ministre Mame Mbaye Niang éclaboussé par les 29 milliards du Prodac ? Où est Aliou Sall trempé dans le scandale de Petrotim ? Où est le directeur du Coud Cheikh Oumar Hanne épinglé par un rapport de l’Ofnac ? Quelle est aujourd’hui, la valeur de ce serment : « je tiens à préciser que je ne protègerai personne… La patrie avant le parti » ? C’est pourquoi, au-delà des promesses de campagne, il faut que les prétendants à la magistrature suprême fassent des engagements assermentés sur des réformes qui garantissent une justice libre, impartiale et indépendante.
Serigne Saliou Gueye est éditorialiste à SenePlus depuis plus de 6 ans. Il est également journaliste chroniqueur au quotidien Le Témoin
PAR ROKHAYA CISSÉ
COMMENT LA DÉSTRUCTURATION FAMILIALE REND VULNÉRABLE LA FEMME SÉNÉGALAISE
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Les abus sexuels ne sont pas seulement effectifs que dans les espaces publics mais bien plus souvent, au sein des espaces domestiques - Les enfants ne sont pas toujours en sécurité dans la sphère de proximité
#Enjeux2019 - A l’origine, la famille sénégalaise est organisée sur le mode des sociétés rurales. Il en ressort une structure hiérarchique plaçant le pouvoir de décision entre les mains du chef de famille et une subordination de tous les autres membres. Le mode de régulation était fondé sur une vie de groupe. L’espace domestique était intégré au mode de production agraire entrainant un contrôle du patrimoine par l’homme et les ainés. Progressivement, le contexte se transforme du fait de plusieurs déterminants, entre autres, l’urbanisation et les vulnérabilités multidimensionnelles qui ont eu pour effet la dégradation des conditions de vie.
Pour ce qui est de l’urbanisation, les prévisions font état d’une forte poussée des populations urbaines, d’ici 2035. Déjà en 2017, la population urbaine du Sénégal était estimée à 7 089 780 dont 3 529 300 pour Dakar soit 49,8%.[1]. Cependant, une multipolarité urbaine se profile avec le développement de nouveaux pôles urbains dans des régions des foyers de migrations, des capitales religieuses et des grandes zones de production.
Si l’on s’intéresse aux vulnérabilités ainsi que les chocs subis par les individus et les familles, celles-ci entrainent une situation de relégation sociale et un maintien des couches précaires dans leurs conditions d’origine. La mobilité sociale devient particulièrement faible. Les risques naturels liés aux changements climatiques, les risques sur le cycle de vie (décès, maladies chroniques…), les risques sociaux et économiques comme en témoigne la précarisation des couches moyennes, tandis que les classes populaires sur plusieurs générations s’enlisent dans la pauvreté chronique. Les données du baromètre "Jàngandoo" en 2016, montrent que seulement 13% des familles estiment avoir des conditions de vie convenables, contre 43, 8% qui les jugent moyennes et enfin 42,7% qui les qualifient de modestes.
Dans ce contexte de mutations économiques et sociales, les structures familiales évoluent également dans des dynamiques de recomposition : relâchement de l'autorité des aînés, développement de familles réduites, expérimentation de formes d'unions exogamiques, entrée en union retardée, rapports distancés avec la zone d'origine. Les acteurs en reviennent à expérimenter d'autres activités lucratives par les femmes : petit commerce, création des réseaux d'entraide via les voisins, participations à des associations. Les changements des structures familiales ne favorisent pas les pratiques traditionnelles d’entraide et de co-veillance qui permettaient la mobilité sociale.
- Les structures familiales évoluent vers des dynamiques de recomposition -
La configuration des structures familiales a subi des mutations importantes à travers le passage du rural à l’urbain. Le type d’habitation, les modes de résidence où la femme était parfois laissée dans la zone de provenance, les charges diverses (location, scolarité, etc.) ont contraint nombre de ces nouveaux candidats à la ville à une nouvelle vie.
Si la structure familiale traditionnelle était calquée sur le modèle villageois, agricole, elle s’en échappe de plus en plus. Le système du salariat fait que l’accès aux ressources est souvent individualisé. C’est au travailleur que revient son salaire. De ce point de vue, le modèle n’est plus celui de à la soumission à une autorité patriarcale centrale mais, de plus en plus, fait référence à d’autres modèles : émergence d’une famille plus restreinte, citadine, dont l’image est traduite à travers la location de chambres pour couples ou d’appartements. Quant aux jeunes, la ville leur offre souvent l’occasion de ne pas vivre les formes traditionnelles de l’autorité patriarcale. Ils louent des chambres, expérimentant, très tôt, la prise de responsabilités, pour ceux qui ont la chance de trouver un travail.
Globalement, on observe un relâchement de l'autorité des aînés, l’expérimentation de formes d'unions exogamiques, l’entrée en union retardée. Ces mutations s’opèrent dans un contexte de raréfaction des emplois et d’un surenchérissement du coût de la vie qui fait que la famille finit par développer des réflexes d’autoprotection en se repliant sur le noyau «père, mère, enfants »[2].
- Les mutations dans les relations d’alliance -
L’étude des mutations des structures familiales est indissociable de celles des transformations des relations d’alliance. Des changements matrimoniaux et conjugaux sont largement documentés, depuis plusieurs décennies[3]. Ils dénotent une mutation des valeurs, des normes et des aspirations qui président aux unions. On note une accélération de ces transformations profondes, qui ont des incidences très fortes sur les itinéraires individuels tant féminins que masculins et également, par ricochet, sur le quotidien des enfants. La monoparentalié, les nouvelles formes polygamiques, l’augmentation des divorces, la croissance des naissances hors mariages sont autant d’indicateurs forts de ces mutations.
Par ailleurs, un nombre important de femmes (27%)[4], chefs de ménage, de fait (27%),[5] séparées, divorcées, veuves, célibataires…, se retrouvent seules à subvenir aux besoins de leur famille. Dans les zones de migrations importantes des hommes, les femmes et les filles se retrouvent dans des situations de vulnérabilité qui font qu’elles peuvent être davantage exposées à des violences de toutes sortes (sexuelles, physiques, morales et/ou psychologiques, sociales et économiques). Elles peuvent subir des violences intrafamiliales que les conditions de vie précaires au sein des familles viennent exacerber.
En définitive, les femmes qui font face seules à l’éducation des enfants sont de plus en plus nombreuses. Cependant, il est probable que les évolutions sociales particulièrement marquées en milieu urbain telles que l'amélioration de leur scolarisation, l'augmentation de leur nombre sur le marché du travail sont à même de faire évoluer ces modèles familiaux.
- Des individualités ou des noyaux au sein de l’unité familiale -
La famille, qui a été longtemps la principale source de protection, manque maintenant, très souvent, de moyens pour assurer cette fonction, en raison d'une exposition à des vulnérabilités multiples, principalement économiques. Les nouvelles structures familiales laissent transparaître des individualités, ou noyaux face à la pression quotidienne.
Les femmes, au cœur de ces mutations des structures familiales, cumulent plusieurs handicaps : un faible accès aux ressources matérielles, un accès à l’emploi limité, un niveau d’éducation faible et un environnement socio-culturel pas toujours favorable. L’on observe une inadéquation notoire entre la proclamation des principes de l'égalité et leur situation réelle : les emplois, dans le secteur formel étant souvent réservés aux femmes instruites. Ainsi, de nombreuses femmes sénégalaises et plus particulièrement celles non instruites ou faiblement, entreprennent, individuellement ou collectivement, pour se prendre charge et améliorer leur situation économique et sociale.
Les mutations profondes, au sein des structures familiales ainsi que dans une catégorie spécifique que sont les femmes, débouchent sur une diversité de formes d’arrangements sociaux qui se substituent aux institutions sociales. Ceux-ci méritent d’être étudiés pour que leur potentiel transformationnel inspire les politiques.
- Quelques incertitudes sur le devenir des familles -
En premier lieu, la faiblesse de la qualité du capital humain reste pendante avec les jeunes générations et les femmes qui continuent d’être exposées à toute une série de risques : des insuffisances dans la qualité des apprentissages, le chômage[6] ou le sous-emploi, les difficultés d’insertion sociale, le déficit de transferts de capital humain, social, culturel et économique. La relégation sociale et l’immobilité sociale restent une menace permanente.
La perte progressive de patrimoine observée dans les trajectoires familiales est aussi à noter. En effet, les parents se retrouvent obligés de prendre en charge les enfants et petits-enfants. Cette pression sur un seul pourvoyeur de ressources de la famille se traduit par la nécessité d’exercer un emploi à un âge avancé ou à vendre des biens pour faire face aux charges du ménage. On observe, dès lors, une dégradation de la qualité de vie (accès aux soins de santé, alimentation de qualité, cohabitation dans des espaces limités ou déménagement dans des zones défavorisées…).
En milieu rural, les effets de la polygamie sur la répartition du patrimoine familial sont importants. Cette segmentation entre plusieurs noyaux familiaux a freiné le développement des grandes entreprises familiales.
Dans le domaine de la protection de l’enfance, le nombre important d’enfants qui expérimentent plusieurs formes de vulnérabilités, notamment dans les rues, appelle des mesures urgentes. De même, les politiques et les pratiques pour mieux soutenir la prise en charge et la protection des enfants, placés dans des familles et dans des cadres de type familial, restent à définir. Par ailleurs, l’éclatement et la reconfiguration de la famille, combinés aux autres facteurs aggravants de la précarité rendent obsolètes les barrières érigées à travers les valeurs morales et sociétales. Dès lors que les valeurs de solidarité et de co-veillance peinent à être opératoires, la porte reste ouverte aux violences et abus, en particulier, les abus sexuels y compris au cœur des familles[7].
Les abus sexuels ne sont pas seulement effectifs que dans les espaces publics mais, bien plus souvent, au sein des espaces domestiques. Les enfants ne sont pas, toujours, en sécurité dans la sphère de proximité. Les espaces domestiques sont aussi des lieux qui abritent une diversité de formes de violence envers les enfants tels que les châtiments corporels, les violences symboliques (insultes…), et autres privations (éducation, nourriture, vêtements…). L’ouvrage sur le confiage des enfants, publié par le Lartes en 2018 a révélé que 8 % des enfants interrogés mentionnent des cas de maltraitance allant de la violence symbolique à la violence verbale ou physique. En effet, contrairement aux transferts d’enfants harmonieux, en tant que pratique culturelle ancrée au sein de la parenté proche, certains transferts se développent sous une certaine contrainte et peuvent placer l’enfant dans un état de grande vulnérabilité.
Les familles issues des couches défavorisées connaissent des dynamiques d’exclusion sociale qui résultent de la sévérité des chocs multiples subis par les structures et leur incapacité à y faire face. Elles savent qu’ils sont déjà dans la survie et ne se remettront pas d’un choc supplémentaire à cause de la faible capacité à se défendre en cas de pertes dommageables (décès, maladie chronique, perte de récoltes, inondations…). Cette incapacité d’action et de mobilisation de l’aide des couches moyennes qui se retrouvent elles-mêmes précarisées, restreint les possibilités de choix dans toutes les sphères de la vie. On peut noter ces restrictions dans l’alimentation, l’habitat, la mobilité, l’accès à l’école la santé… N’ayant donc presque aucune possibilité d’agir et de contrôler leur environnement, les interactions avec les institutions même relevant du service public sont fortement appréhendées et se teintent d’angoisse. Celle-ci est renforcée par le fait que ces pauvres habitent souvent dans des zones en périphérie, conséquence de la relégation sociale et géographique dont ils font l’objet. Ce qui limite les contacts avec l’extérieur, l’accès à l’information, aux services essentiels et opportunités d’emplois. Rester dans le corps social devient un défi car la restriction des relations avec les autres, procède généralement d’une stratégie de protection contre la stigmatisation induite par la situation de pauvreté. L’autolimitation est opérante au point de produire une anticipation des difficultés liées à la vie communautaire. [8]
- Des structures familiales résilientes -
Face à ces mutations et contraintes, les structures familiales se reconfigurent. Elles s’ajustent à travers des stratégies de sécurisation pour maintenir ou améliorer le niveau de vie et prévenir les chocs. De nouveaux arrangements se mettent en place, au sein des structures familiales. Les stratégies résidentielles changent et les générations cohabitent, le plus souvent, sous la forme de noyaux familiaux, avec des règles de réciprocité et de partage bien définies.
La mobilité est également l’une de ces réponses qui a mobilisé un nombre considérable d’actifs, à la fois, dans les zones rurales et au sein des populations socialisées, dans les villes. Les migrations internationales se sont généralisées avec une diversification des profils des candidats au départ. La migration a cessé d’être très sélective car les profils se sont diversifiés.
L’entreprenariat populaire avec le développement des activités menées par les femmes, notamment, dans l’entreprenariat populaire et l’économie sociale. Les femmes mettent en œuvre des stratégies de survie qui vont leur conférer un rôle de premier plan dans la gestion de l’économie domestique. Il n’est pas rare que les femmes se retrouvent à assumer, seules, la responsabilité de trouver les ressources nécessaires à la préparation des repas quotidiens.
Ces efforts de « colmatage » des ressources favorisent, dans le même temps, la revitalisation des liens sociaux, dans la mesure où ils participent de la réhabilitation sociale des familles en leur donnant une opportunité d’affirmer leur statut dans le corps social. La finalité étant le renforcement des solidarités par l’investissement dans le capital familial.
La capacité des femmes à mobiliser des ressources et à favoriser la création de richesses dans l’espace domestique à travers une consommation plus responsable et la valorisation des produits locaux est un des leviers les plus édifiants pour lutter contre la précarité. Les femmes ne sont pas les seules mises à contribution pour mobiliser des ressources, il y a aussi certaines catégories, notamment, les personnes âgées et les enfants dont la contribution s’érige désormais presque en obligation.
De même, l’élan de l’entreprenariat populaire porté par les jeunes et son potentiel de créativité en dehors des circuits normatifs, s’il s’accompagne d’investissements structurants devrait avoir pour effet la création d’emplois décents en milieu urbain comme en milieu rural et briser les chaines de la transmission de la pauvreté.
- Pour des structures familiales solidaires et créatrices de richesses -
Pour restaurer les structures familiales dans leur fonction de protection, de création et mutualisation des richesses, il serait opportun de mutualiser les différents programmes de filets sociaux en cours, afin de permettre l’élaboration de paquets de programmes plus adaptés à la diversité des situations. Faire de l’unité familiale un cadre d’ancrage des différentes interventions sectorielles au niveau des politiques publiques serait un gage de réussite de celles-ci.
Un premier axe serait l’élargissement de la protection sociale aux familles pauvres ou vulnérables de manière à les aider à mieux gérer le risque et à leur fournir un appui ciblé. Pour cela, les aides sociales sous forme d’allocations régulières doivent être renforcées (transferts monétaires, mutuelles de santé, nutrition communautaire, extension de la sécurité sociale).
En somme des mesures d'équité sociale demeurent nécessaires pour protéger les familles contre les risques sociaux et économiques en termes d’accès à la propriété, au crédit, aux biens et services, ainsi que des mesures de discrimination positive pour remédier aux ségrégations.
Une deuxième voie réside dans une meilleure planification de l'arrivée des nouvelles générations qui se trouvent plus importantes que les personnes âgées. De plus, il faut noter que le décalage important entre l'âge des parents et les enfants, induit des situations de décapitalisation et de perte de patrimoine des générations ascendantes pour soutenir les nouvelles générations.
Une troisième voie pourrait être le soutien au potentiel de création de richesses par les familles et les communautés par l’entreprenariat populaire et l’économie sociale. Celles-ci ont démontré leurs capacités à produire, créer des emplois et à mutualiser les ressources selon leurs besoins (surtout dans les services de proximité) à travers plusieurs modalités que sont les associations, les coopératives, les mutuelles et les entreprises sociales.
Le développement de l’entreprenariat populaire et l’économie sociale en tant qu’une « autre manière » de créer de la richesse présente l’avantage de rompre le cercle vicieux des vulnérabilités et de resserrer les liens sociaux en réhabilitant les solidarités horizontales au sein des structures familiales.
Dr Rokhaya Cissé est Titulaire d’un Doctorat d’université de sociologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Maitre de Conférences assimilé au sein du Laboratoire de Recherche sur les Transformations Economiques et Sociales de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN/UCAD). Ses domaines de recherche portent sur l’étude des changements sociaux dans les domaines de l’éducation, la famille et l’enfance, la santé, ainsi que sur les questions de pauvreté, inégalités et vulnérabilités.
[2] CISSE Rokhaya., FALL Abdou Salam, ADJAMAGBO Agnès, ATTANE Anne (2017), Thème : Parentalité In : Vidal Laurent (coord.). Renforcement de la recherche en sciences sociales en appui des priorités régionales du bureau Régional Afrique de l'Ouest et centrale de l'Unicef (WCARO) : analyses thématiques. Dakar (SEN), Dakar: IRD, Unicef, p. 34-52 multigr.
[3] Marcoux R., Antoine P, 2014, editors. Le Mariage En Afrique: Pluralité des formes et des modèles matrimoniaux. 1st ed, vol. 1, Québec, Presses De l'Université Du Québec.
[4] Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, Situation économique et sociale du Sénégal, version définitive, février 2013.
[6] Les jeunes entre 15 et 24 ans sont en chômage dans une proportion de 12,7% (ANSD, 2013).
[7] FALL Abdou Salam , CISSE Rokhaya, 2018, « Le confiage des enfants au Sénégal : Ay yaxam rekk lañu la laaj », Nouvelles Editions Numériques Africaines (NENA), Dakar ISBN : 978-237015-975-5, 210 p.
[8] CISSE Rokhaya (2014), L'héritage de la pauvreté : entre récurrence, rupture et résilience dans les trajectoires des pauvres au Sénégal », l'Harmattan, Collection Populations,. ISBN : 978-2-343-03415-7, 229 p.
PAR HADJIBOU SOUMARÉ
L'HEURE EST GRAVE
Le peuple ne s’est jamais autant enfoncé dans l’extrême pauvreté, dans un environnement de gabegie, de concussion et de corruption comme le pays n’en a jamais connu
Je me permets, en ce jour du 7 janvier 2019, à la veille des élections présidentielles, compte tenu de la gravité de la situation, de vous adresser cette lettre en guise de témoignage des moments sombres de l’histoire de Notre pays, que le président de la République, Macky Sall, par ses actes, va léguer aux générations futures. L’heure est si grave, que chaque Sénégalais, quelle que soit la position qu’il occupe dans l’appareil d’Etat, comme fonctionnaire judiciaire, administratif, militaire, para militaire ou comme simple citoyen doit être conscient, que par sa posture il est en train d’écrire les pages d’histoire d’un Sénégal de stabilité ou d’instabilité, dont les seuls responsables, seront ceux qui n’auront pas su prendre leur responsabilité. Le peuple ne s’est jamais autant enfoncé dans l’extrême pauvreté, dans un environnement de gabegie, de concussion et de corruption comme le pays n’en a jamais connu.
Le président Mamadou Dia disait, «nous avons des droits et des devoirs, les droits on peut décider de ne pas les exercer, mais les devoirs nous ne pouvons pas nous en soustraire». C’est faisant miens ces propos, que j’ai décidé d’exercer non seulement mes droits, mais aussi mes devoirs de citoyen, aimant profondément son pays. Je m’étais abstenu, depuis ma sortie du 22 juillet 2018, au grand théâtre, de participer à la médiatisation des griefs à l’encontre du pouvoir, dont chacun a été bien documenté par d’autres et qui tenaient de l’évidence même. Je pensais, qu’en hommes responsables, ceux qui exercent le pouvoir auraient donné l’occasion à tous les Sénégalais qui le souhaitent, de parler de leur pays à travers des projets de société qui seraient arbitrés par le libre choix des citoyens. Mais par la ruse, la manigance, la tricherie éhontée le pouvoir est resté sourd à l’appel des citoyens, ainsi qu’au «silence» d’autres qui attendaient une réelle posture de démocrate à travers une gestion irréprochable du processus électoral. Nous sommes des citoyens du monde, le Sénégal fait partie du monde libre, nous voulons pour notre pays ce que chaque patriote veut pour le sien. Nous voulons pour nos enfants ce que les autres veulent pour les leurs et non ce spectacle insoutenable des traversées de la Méditerranée, qui nous met au banc des pestiférés, dans cette Europe de la déclaration universelle des droits de l’homme.
Malheureusement depuis un certain temps, par le tripatouillage de la Constitution et de la loi électorale, le pouvoir sans concertation sérieuse avec les acteurs politiques, a fait un forcing pour imposer SON Parrainage à des acteurs pourtant acquis au parrainage avec des règles qui seraient claires et impartiales pour tous. J’en veux pour preuve, le spectacle désolant à l’Assemblée nationale, lors de l’examen d’une loi aussi importante que celle sur le parrainage, votée sans débat par la seule majorité présidentielle. Cette forfaiture dans la préparation de ces élections, n’a été possible que grâce à des cabinets étrangers et sénégalais, avec la complicité de fonctionnaires zélés qui seraient seuls responsables d’un tel crime contre le peuple sénégalais. Aucun acteur politique, aucun arbitre des élections, aucun représentant de la société civile ne peut attester aujourd’hui sur l’honneur, de la fiabilité du fichier électoral.
Tout cela s’est fait avec le silence coupable de certains amis du Sénégal au détriment d’un peuple assoiffé d’une gestion vertueuse de ses biens, de l’égalité de chance entre ses enfants, de tracer sa propre voie dans le concert des nations en étant ancré dans ses valeurs ancestrales que sont l’honneur, la dignité, le respect de la parole donnée et la démocratie. C’est pourquoi, en ces moments difficiles de l’histoire du Sénégal, je me veux être dans le camp de ceux qui auront pris leur responsabilité face à la dérive d’un pouvoir devenue sans limite, pour défendre les intérêts d’une jeunesse en désarroi, de familles qui continuent de se paupériser, de fonctionnaires gagnés par la politisation extrême de notre administration dont les grades ne se gagnent plus au mérite, d’une justice piégée, d’une représentation du peuple chahutée, d’une société civile utilisée par certains comme tremplin d’accès au pouvoir, d’un monde rural à l’agonie laissé à lui-même.
En qualité d’ancien Premier ministre, d’ancien Président de la Commission de l’Uemoa, je sais ce que la mise en place de la pratique des coûts unitaires dans la commande publique, comme dans le cas de l’Ocde, aurait épargné à notre pays. La conséquence en est aujourd’hui la surfacturation maintes fois dénoncée et qui nous a amenés à cette nécessité de comblement de déficits importants de trésorerie.
Je sais également, que des pans entiers du secteur parapublic sont aujourd’hui mis à contribution pour entretenir un clientélisme politique érigé en règle, ce qui a fini d’en faire le réceptacle de tous les déficits. Le peuple sénégalais est en droit d’exiger la tenue des élections à bonne date conformément à la Constitution. Le peuple sénégalais est en droit d’exiger des élections libres et transparentes organisées par des personnes au dessus de tout soupçon de collusion. Le peuple sénégalais est également en droit d’exiger de la part du pouvoir, la non utilisation de la force contre lui, quand il sera amené à défendre fermement ses droits les plus élémentaires.
Le peuple sénégalais est en droit d’exiger de la communauté internationale non pas de la compassion ou de l’aide, mais d’être la sentinelle de l’Etat de droit à ses côtés, face à un pouvoir qui ne veut pas prendre en charge ses aspirations légitimes comme peuple libre, fière de ce qu’il est et maître de son destin. Le Sénégal a toujours été une nation debout, elle le restera par la mobilisation de tous ses enfants contre toutes les dérives autoritaires.
J’en appelle encore à la responsabilité du pouvoir, en particulier à celle de celui qui l’incarne au plus haut niveau, le président de la République, pour se ressaisir pendant qu’il est encore temps. J’en appelle à la responsabilité des arbitres de cette élection, pour choisir la voie du peuple, celle de la vérité. J’en appelle à la responsabilité de la communauté internationale, à celle de tous les amis du Sénégal pour agir ici et maintenant, au lieu de se porter au chevet du Sénégal quand certains finiront d’écrire les pages sombres de notre histoire et que le peuple prendra la responsabilité de défendre ses biens les plus précieux, la Démocratie et la République.
J’en appelle à la responsabilité de notre jeunesse, en lui disant, que les plus grandes batailles ont été gagnées par la non violence, et l’exemple le plus illustratif a été celui de Madiba, Nelson Mandela, un grand Africain, pétri de ses valeurs et qui demeure une référence et une fierté pour toute l’Afrique.
VIDEO
"LE RABAT D'ARRÊT EST BEL ET BIEN SUSPENSIF"
Me El Mamadou Ndiaye sur l'affaire Khalifa Sall, au micro de la Rfm ce lundi.
"Membre du pool d'avocats de Khalifa Ababacar Sall dans l'affaire dite la caisse d'avance de la ville de Dakar, Me El Mamadou Ndiaye, est revenu sur la décision rendue par la Cour suprême qui déboute les pourvois déposés par l'ex maire de Dakar. Me Ndiaye déclare que le rabat d'arrêt est bel et bien suspensif et qu'une procédure sera entamée dès qu'ils auront l'arrêt de condamnation qui selon lui reste toujours indisponible. Il était l'invité de Rfm matin, ce lundi."LE
PAR MOMAR WADE
L’IRRESPECT BANALISÉ
Les adeptes des injures et autres invectives déplacées, ignorent que la force d’une nation démocratique réside, à n’en pas douter, dans le respect des institutions républicaines incarnées par des hommes, librement choisis par le peuple souverain
Depuis l’avènement du président Macky Sall à la magistrature suprême, toutes les vertus cardinales de notre société (kersa, soutoura, worma, yar, sak) semblent avoir déserté le pays de la téranga. Le nouvel opus du groupe Keur Gui de Kaolack (kilifa et Thiath) a mis en exergue une excécrable insolence, des paroles discourtoises à l’encontre du chef de l’Etat et des plus hautes autorités. On ne le sait que trop. Le Hip Hop, un genre musical, inspiré, original et moderne, né dans les bas-fonds des quartiers noirs aux USA, dénonciateurs des tares des sociétés anglo-saxonnes, incite les adeptes de ce flow à l’impertinence, la raillerie et l’ironie mordante. Pourtant outre-Atlantique, peu de rappeurs franchissent le Rubicon des injures aux autorités politiques, morales ou religieuses. Chez nous, la nouvelle détestable mode, est devenue le créneau de certains rappeurs en mal d’inspiration. Il aurait pu s’inspirer de Malal Talla « Fou malade », qui, bien que partageant une vision politique avec les kids de Kaolack dans le mouvement « Y en a marre » s’interdit de franchir les sentiers immoraux de la vulgarité qui peut être l’apanage de tout citoyen dépourvu d’esprit civique. L’artiste de Guédiawaye qui s’est bonifié, l’âge et l’expérience aidant, favorise le rap institutionnel tout en tentant de préserver son intégrité artistique et morale.
Les jeunes Kaolackois ne sont pas les seuls fautifs dans ces dérapages verbaux qui sont devenus si récurrents que peu de gens s’en offusquent ; ils sont les derniers à injurier l’institution présidentielle avec leur titre « Sai Sai au cœur ». De Los Angeles à New york en passant par Montreal, quelques membres de notre diaspora s’évertuent à manquer de respect au chef de l’état dans des vidéos diffusées par Youtube. Assane Diouf, Francoise Hélène Gaye, Ousmane Tounkara. A l’intérieur du pays, Aby666 déverse ses insultes sur la classe maraboutique sans distinction confrérique. Certains politiciens ne sont pas en reste et ne manquent pas, faute d’arguments, d’utiliser l’arme des faibles : Les insultes. Les adeptes des injures et autres invectives déplacées, ignorent que la force d’une nation démocratique réside, à n’en pas douter, dans le respect des institutions républicaines incarnées par des hommes, librement choisis par le peuple souverain. Il est temps que la puissance publique sévisse afin de mettre fin à ses dérives verbales …
PAR MOUHAMADOU MOUNIROU SY
DU RABAT D’ARRÊT A L’ARRÊT DU DÉBAT
La loi organique qui prévoit le rabat d’arrêt ne prévoit nullement et aucunement le caractère suspensif du rabat - une chose est d’avoir la recevabilité d’une requête en rabat d’arrêt une autre est d’être éligible à une élection
Selon George Santayana, "le chaos est le nom que l’on donne à tout ce qui produit la confusion dans notre esprit". Depuis le 03 janvier 2019, date à laquelle la Cour suprême a rejeté le pouvoir en cassation contre la décision d’appel rendue sur l’affaire dite de la Caisse d’avance de la Mairie de Dakar, la notion de "rabat d’arrêt" est sur toutes les langues et domine la quasi-totalité des médias. A force d’arguments contradictoires, la confusion s’installe et l’opinion s’y perd. De quoi s’agit-il alors ? Le rabat d’arrêt est-il suspensif et produit-il un effet quelconque sur la candidature de l’ancien maire Dakar à l’élection présidentielle ?
Avant tout, les besoins de la pédagogie nous impriment à être d’accord sur la définition, en sens et en signification, de ce qu’est le rabat d’arrêt. Il est la décision par laquelle une juridiction met en néant une précédente décision, rendue par elle-même dans la même affaire suite à une erreur matérielle de procédure commise aussi par elle-même. Donc, la requête en rabat d’arrêt a pour objectif de "rabattre" comme il est admis dans le jargon procédural, afin de procéder à un "retrait", à une "rétractation" pour permettre un nouvel examen. Ce procédé est utilisé en instance de cassation et réservé à des hypothèses très exceptionnelles.
Notons qu’en droit civil, l’étude des recours, même extraordinaires, ne fait aucunement mention au rabat d’arrêt. Seule la loi organique 2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême fait référence au rabat d’arrêt à l’exposé des motifs repris textuellement par l’article 51 de la même loi, aux articles 7 et 52 qui, lui, renvoie aux articles 32 et 42 sur l’application des procédures proprement dites. Le législateur de 2017, plus que celui de 2008 sur la Cour suprême, semble intégrer le rabat d’arrêt dans le régime normal du pourvoi en cassation par le procédé qu’on appelle en légistique "le renvoi balai", puisqu’aux termes de l’article 52 al. 2, il est dit que : "les dispositions des articles 32 et 42 de la présente loi organique sont applicables aux procédures en rabat d’arrêt déposées par les parties".
La référence à ces dispositions, qui sont les seules à régir le rabat d’arrêt, montre qu’aucune d’elle ne parle de l’effet suspensif de la requête du rabat. La loi organique qui prévoit le rabat d’arrêt ne prévoit nullement et aucunement le caractère suspensif du rabat. Il est vrai que l’article 36 peut le laisser croire lorsqu’il dispose que "les délais de recours et le recours ne sont suspensifs que dans les cas suivants (...) : 4 - en matière pénale, sauf, d’une part, en ce qui concerne les condamnations civiles et, d’autre part, l’existence de dispositions législatives contraires". Cela prouve qu’en matière de rabat d’arrêt, le principe demeure le caractère non suspensif et l’exception étant en matière pénale hormis les condamnations civiles.
La lecture de cette disposition soulève plusieurs commentaires sur l’effet de la requête en matière pénale. D’abord, la requête en rabat ne porte pas sur la décision d’appel mais sur le rejet d’un pourvoi par la juridiction de cassation ayant violé une règle ou commis une erreur de procédure assortie d’une incidence sur le caractère définitif de l’arrêt. Si cela avait pour conséquence la suspension des effets produits par l’arrêt rendue par la Cour d’appel, rien que le pourvoi, introduit devant la Cour suprême et dont le rejet suscite la question du rabat, devrait mettre fin à la détention des requérants puisque l’article 36 semble l’autoriser. Et pourtant, tout le long du pourvoi, l’idée d’une libération n’a point été évoquée encore moins invoquée puisque la détention, elle, n’est pas suspensive.
Mais avant d’en arriver à la conclusion d’une décision favorable à la suite d’une requête en rabat d’arrêt, il faut d’abord étudier la recevabilité de celle-ci. Elle semble s’adosser sur une violation de l’article 10 de la loi organique qui instaure une règle procédurale relative à la composition impaire des chambres de la Cour suprême pour statuer. Ainsi, dit-il : "les chambres sont composées chacune d’un président, de conseillers et de conseillers délégués ou référendaires. Elles siègent obligatoirement en nombre impair". Il est soutenu que seuls six personnes auraient siégé à l’audience. Ainsi, par cette requête en rabat d’arrêt, on inviterait la Cour à rétracter la décision qu’elle aurait rendue au motif qu’il y eut eu une faute imputable au dysfonctionnement du greffe. Un élément de taille doit être intégré sur la recevabilité de la requête correspondant à un critère supplémentaire d’erreur de procédure que l’adverbe "obligatoirement" vient renforcer.
Mais, en droit de procédure judiciaire, une décision de justice est largement tributaire du greffier. Sans greffier, pas d’audience, dit-on. Or, le plumitif d’audience contient des mentions matérielles qui font foi jusqu’à inscription de faux. C’est ce que consacre l’article 18 du Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC) en ces mots : "l’acte authentique fait pleine foi à l’égard de tous et jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier a fait pour constater personnellement conformément à ses fonctions".
Donc, le nombre pair ou impair ayant rendu la décision émanera des constatations matérielles établies par l’officier public qu’est le greffier tel qu’il ressort de l’arrêt de la Chambre d’accusation 213 du 27 septembre 2001, Ministère public/Alassane Diakhaté. Il faut donc que ce motif de recevabilité soit établi pour que le recours en rabat puisse prospérer.
Ensuite, si elle était recevable, le caractère suspensif de l’arrêt de la Cour d’Appel recherché par les requérants installerait le mécanise du double pourvoi. Ce serait un pourvoi sur le pourvoi. En filigrane, cela voudrait dire qu’un pourvoi ne suffit plus pour qu’un acte soit exécutoire. Or, le droit processuel enseignerait que le rabat d’arrêt porte uniquement sur la décision de la Cour suprême, juge de droit, et non sur l’arrêt de la Cour d’Appel, juge de fond dont la décision est frappée de l’autorité de la chose et s’applique erga omnes.
D’ailleurs, il faut le prendre pour dit : l’effet dévolutif de l’appel ne s’applique pas dans l’occurrence de cette cassation. Ce qu’il faut exécuter au fond, c’est l’arrêt de la Cour d’appel qui condamne à 5 ans. Sur le caractère suspensif du rabat qui pourrait frapper la décision de la Cour suprême, il faut noter que l’arrêt de la Cour d’Appel reste exécutoire et c’est ce qui explique la détention des accusés nonobstant le pourvoi dûment introduit par leurs avocats et l’article 36 de la loi organique qui prévoit le caractère suspensif des délais de recours et du recours lui-même (c’est-à-dire le pourvoi en cassation) en matière pénale.
On comprend maintenant la raison d’une certaine méfiance du juge suprême, dès le début, à l’égard du rabat d’arrêt. Pour lui, il serait susceptible d’être utilisé comme dilatoire et argument superfétatoire. Ce qui l’avait amené très tôt à en restreindre l’usage à tel point que le Professeur Elhadj Mbodj proclamait "la mise à mort du rabat d’arrêt". Mais, il ne faut pas s’y tromper pour éviter d’être aveuglé. En droit, si on ne nomme pas la chose, on perd le nord. Et si les juristes, théoriciens comme praticiens du droit, perdaient la capacité à nommer, ils n’auraient plus de crédibilité.
On serait même amené à croire que par "rabat", les requérants l’ont confondu avec l’autre nom qu’on lui donne, correspondant au morceau de tissu blanc plissé que portent les agents de la justice, qui prend le col de leur tenue d’audience sous forme de bavette et très visible chez les sages du Conseil constitutionnel. Cela peut paraitre même vrai puisque l’issue du pourvoi fait croire à une possible ou non-participation de Monsieur Khalifa Sall à l’élection présidentielle.
Or, une chose est d’avoir la recevabilité d’une requête en rabat d’arrêt. Une autre est d’être éligible à une élection. Mais, LA CHOSE est d’être déclaré candidat à une présidentielle. Le droit nous le dira par la bouche des juges !
Mouhamadou Mounirou Sy est Maitre de Conférences en droit public à l’université de Thiès
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, DEMBA NDIAYE
C'EST QUI LE COQUIN...
EXCLUSIF SENEPLUS - Tous les "saï saï" du pays, levez-vous pour défendre le sens et l’intégrité de votre expression moqueuse préférée, contre les faux dévots et autres "intégristes" du langage
Voilà un pays de grands pêcheurs devant l’éternel, qui aiment pourtant plus que tout, jouer aux vierges effarouchées et autres puritains d’occasion, des jours saints de vendredi et dimanche. Une recherche désespérée de vertus improbables et de contritions mortifères pour des péchés qu’aucune confession ni « Wird » ne peut absoudre..
Ainsi donc, pour une des expressions les plus populaires et plus usitées par toutes les catégories sociales de notre pays, quelques auto-proclamés défenseurs des valeurs, et par ricochet, « bodyguards » d’un président qui serait atteint par les goujateries linguistiques de jeunes (pas, plus, si jeunes que ça du reste) rappeurs.
« Saï saï » ! Ou « Saay saay » ! Une diversité orthographique à l’image de ses significations kaléidoscopiques. Selon mes interlocuteurs, l’orthographe, se délite, se déroule comme du reste ses différentes significations, diverses et variées, affectueuses et singulièrement humaines. Ainsi, « saÏ saÏ » ou « saay saay », peut signifier (en Ouolof, comme en Pulaar - on ignore l’origine ethnique du mot, parait-il - bandit, voyou, crapule, coquin, vicieux...ou, « taquin, espiègle, boute-en-train, gentil, voyou... ». Où est l’Insulte là-dedans ? Où se nicherait donc le manque de respect au président ou à qui que ce soit du rester à l’encontre de qui on destinerait cette expression de...familiarité ? Quand par ailleurs, à longueur de journée on débite des saletés sur nos mères et pères, sans que cela n’appelle une « fatwa » réparatrice.
Que celui qui n’a jamais utilisé l’expression dans de multiples situations et postures, à l’endroit de multiples destinataires selon vos rapports, que celui-là donc lève sa main mensongère ! Dans vos salons ou grands-places, dans vos confidences salaces et autres goujateries, vous n’avez donc jamais dit ; « qui moy saï saï » ? « Oko saay saay » ? Indécrottables hypocrites ! Vous dites et prononcez cette expression plusieurs fois dans la journée, avec un accent de tendre affection aux antipodes de diatribes haineuses...
Parce que voyez-vous, cette expression, quand on y réfléchit, n’est utilisée que dans des moments de tendres plaisanteries, mais rarement (voire jamais ) dans des moments de colère. L’insulte ne la qualifie pas, au contraire. Remémorez-vous : quand votre père, mère, grand-père ou mère, ou même votre « Sérigne » (marabout, oui ça arrive) vous dit « yay saï saï », c’est toujours en riant, de manière taquine, jamais dans des situations de colère. Vous aussi, quand vous le dites à votre enfant, c’est toujours avec une caresse sur la joue, ou une petite tape sur les fesses. Où est la haine, ou l’injure, ou le mépris là-dedans ? Aucune indulgence envers ces psychorigides et autres faux-culs qui veulent jouer aux censeurs.
J’ai même lu et entendu, des attardé(e)s politiques, monter sur leurs grands chevaux et lâcher des brides d’imbécilités du genre « le président est une « institution, dire de lui qu’il est saï saï, c’est insulter l’institution qu’il incarne » ! Et de demander au Procureur de la République de s’autosaisir contre les rappeurs, auteurs de cette merveilleuse chanson de ...lèse-majesté ! Quand l’inculture politique s’accouple avec le crétinisme partisan, la progéniture qui en est issue, ne peut être incontestablement, que déficiente mentale. Le Procureur de la République n’a pas d’autres dossiers autrement plus importants socialement, à ouvrir que d’aller à la chasse au vocabulaire populaire. Évidemment, châtier les expressions populaires, fussent-elles outrancières, bien de chez nous, est sans doute plus courageux que de s’attaquer aux vrais profanateurs des valeurs : les voleurs des deniers publics.
Dans un pays qui vit sous perfusion et dans une « tension financière » de longue durée, enfin reconnue, le Procureur de la République devrait plutôt s’occuper des 29 milliards du Prodac, des 90 milliards qu’un ancien des impôts et domaines aurait escamotés, ou bien, demander au président de la République, de lever son lourd coude, des dossiers de ceux qui ont pillé nos maigres ressources quand ils étaient ensemble dans les différents gouvernements de Me Wade, et qui sont venus trouver refuge dans ses prairies. Décidément, le ridicule ne tue pas ! Il faut être vigilant, car, plus on va s’approcher de l’échéance du 24 Février, plus fébriles ils seront, plus de conneries diverses ils sortiront. Pour nous embrouiller les neurones et réussir leur projet de hold-up électoral, pour un « coup ko » au premier tour.
Allez, (tous les ) « saï saï » du pays, levez-vous pour défendre le sens et l’intégrité de votre expression moqueuse préférée, contre les faux dévots et autres « intégristes » du langage. Parce que nous avons des « convictions républicaines » et que non seulement nous avons le « pays au cœur » mais aussi « à cœur ». Il faut démystifier les faussaires du sens ; les adeptes du « parti sur la patrie », « l’indécence contre la vertu », la gabegie envahissante, contre la « sobriété » promise...dans une autre vie. Parce que voyez-vous, ils sont convaincus que nous avons la mémoire courte et que, de leurs promesses et professions de foi de 2012, nous n’en avons aucun souvenir...
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Des élèves qui bravent le vent et les rayons du soleil pour suivre les cours, un tableau mangeur de syllabes et de voyelles, effectif pléthorique dans les classes - Incursion dans un abri provisoire
#Enjeux2019 - C’est jour de classe au Cem 3 de Vélingara. Monsieur Mandiang épelle les mots qu’il vient d'écrire sur le tableau. Une quarantaine d’élèves fixent sans sourciller ce tableau noir mangeur de syllabes et de voyelles. Ils essayent de transcrire correctement les lettres invisibles enfouies dans les centaines de troues qui ornent ce grand rectangle accroché à deux poteaux en bois.
‘’Regardez ce tableau, on ne voit qu’une partie des mots écrits par le professeur’’, confie l'élève Ousmane Baldé. Il regarde autour de lui et lance avec impuissance, ‘’c’est ici notre classe, un abri provisoire’’. Dans cet établissement de la commune de Vélingara, 160 élèves en classe de sixième étudient dans des classes faites essentiellement de ‘’krinting’’ soutenus par des poteaux en bois.
Selon le principal de l’établissement, Kéba Bayo, la situation est très difficile mais c’est la seule alternative qui lui permet d’accueillir tous les élèves recus à l’examen d’entrée en sixième et orientés dans son établissement. "Nous construisons ces abris provisoires. Ils nous permettent de contenir le flux d’élèves qui entrent en sixième. C’est une situation très difficile mais je pense que c’est aussi un mal nécessaire’’, déclare-t-il.