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17 septembre 2025
PAR ELGAS
PEUPLE, L’ABSENT SURREPRÉSENTÉ
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - Ce qu’on appelle peuple, c’est une masse disparate, absente des débats, avec des porte-parole illégitimes - Le vote est la perpétuation d’un système. Il n’a pas la portée transformatrice qu’il peut avoir.
#Enjeux2019 - Les ressorts du vote dans les pays africains ont fait l’objet de nombreux articles et travaux. Des journalistes, chercheurs, commentateurs, simples diaristes, ont déjà expliqué les dimensions clientéliste, rationnelle, ethnique, intellectuelle, banalement politique, du choix électoral. La désaffection pour l’engagement en politique (dite politicienne) par les classes moyennes supérieures, plutôt dans le secteur privé, a été elle aussi largement documentée. La relative déconnexion des gouvernants, irrigués par des Etats riches dans des pays pauvres, revient souvent dans l’analyse.
L’inintérêt des classes paupérisées pour la chose politique est une autre donnée largement étudiée. La classe médiane, populaire, constitue le corps politique le plus actif, peut-on toujours apprendre. De nombreuses monographies ont ainsi été faites sur le comportement électoral des africains, pour voir ce qui relève de l’effet contextuel et de l’effet structurel. Si la dimension ethnique parait toujours revenir, comme vieux fond, elle n’est pas plus déterminante dans le vote que les autres motivations. Ces différentes conclusions sont globalement justes et délimitent un périmètre d’hypothèses crédibles.
Comme partout, la politique est une « agitation par les élites sur des masses », pour reprendre la formule de Talleyrand, avec leur consentement et leur refus. Tout appelle à considérer les scènes politiques africaines comme les autres. Eviter ainsi de trop les singulariser, pour leur appliquer des lectures communes, et ne pas les dissoudre, pour saisir leur essence propre. Il ne serait pas de trop de s’arrêter un instant, à la veille des élections au Sénégal, pour comprendre si le peuple, et avec lui ses adhésions spirituelles, sa situation économique, sa démocratie encore fragile, ses soubresauts récents, est plutôt absent ou surreprésenté dans sa pluralité. En clair, cela revient à répondre aux modes de participation politique et aux freins qui rendent le scrutin (presque) inutile.
- Parcours de l’engagement politique -
Contrairement à une idée reçue, largement propagée, la société sénégalaise se défend plutôt bien en termes d’engagement politique. A trop voir l’engagement dans son expression admise (c’est-à-dire dans le cadre des partis et du jeu électoral) tout un pan de l’inscription dans la vie sociale des populations a tendance à être omis. L’intérêt pour la chose politique dans les quartiers, avec les associations de « gox » - justement pour contourner le manque de présence institutionnelle - a été pour beaucoup la première manière, très inclusive du reste, de se familiariser avec la politique. La gestion du quartier, avec l’incitation à s’engager, toutes générations mêlées, dans une organisation sans hiérarchie verticale, est un fait politique majeur. Il s’exprimera avec la même spontanéité et la même vitalité dans des mouvements comme Yen a Marre, qui partagent cette même généalogie par le bas et la proximité.
Entre les quartiers, les tontines, les systèmes de résolution de conflits à l’amiable, le recours aux sages, la responsabilité agricole, et même le schéma familial, communautaire ou ethnique, cela a créé les éléments d’un engagement politique pour les siens, localement et dans la diaspora. Toutes ces aires de socialisation sont un apprentissage du fait public. A cela il faut ajouter la vie politique dans les collèges, les lycées, les foyers scolaires, qui constituent très vite le sas des revendications et le canal des aspirations politiques.
Le désengagement politique par conséquent est le fait de ceux qui sont assez peu impactés par la politique et qui s’en passent. Ils ne sont pas nombreux A trop surévaluer cette part minoritaire ou oublie la majorité des classes populaires, elles bien touchées par les décisions et déjà engagées diversement pour faire valoir leurs droits. En politique la colère et l’inaction ne sont pas des désengagements, c’est un langage propre.
- Le schéma traditionnel de la massification et le plafond -
Cependant, ces premiers corps politiques, sans distinction d’appartenances religieuses et ethniques, perdent en pluralité dès leur exploitation par le politique partisan. Le schéma de la « massification » (mobilisation des partisans) dans les régions du Sénégal obéit à une logique imparable : la popularité dans le quartier, la capacité à mobiliser, sont souvent les critères de l’épaisseur pour devenir une autorité de premier plan. Dès la perspective d’un poste, le militantisme tend à être rétribué. D’autres dimensions, autres que les bienfaits pour le quartier, entrent en jeux. Les affinités de premiers ordres, le réseau premier, potentiellement familial ou clanique, devient donc un recours. La chose publique est ainsi percutée par la sphère privée.
Avec l’identification, à l’échelle du pays, des individus à leurs communautés premières, l’engagement politique devient une part dévoyée. Il ne reste des recrues que leur adhésion culturelle étant donné que leur sens critique et leur participation ne sont jamais sollicités. L’engagement stagne donc à ce plafond pour la majorité du corps populaire qui devient la matière première du commerce clientéliste. Les hommes politiques ainsi investis ne sont dépositaires d’aucune légitimité populaire. Ils valident le sentiment répandu que la politique est une lutte âpre pour des postes, et que l’investissement le plus sûr est pour celui qui nous ressemble et avec qui on a des liens primaires. L’élection de son « poulain » pourrait ainsi nous récompenser en subsides.
- Déficit de nation et la rescousse des autorités morales -
Ce qu’on appelle ainsi peuple, c’est une masse disparate.Très absente des débats. Mais avec beaucoup de porte-parole illégitimes, même élus. Un peuple existant physiquement mais fantôme politiquement. Docile et gouvernable. Lui qui n’a pas encore saisi sa force, ses droits, empêché par des représentants dont les privilèges dépendent de cette léthargie générale. Visible lors des colères, mais la plupart du temps, oublié car mal représenté. Sa voix est étouffée. Colorée autrement.
L’assemblée et la classe politique sont les illustrations du dévoiement et de l’usurpation avec consentement des électeurs. Ce sont des blocs très partiels et très partisans qui deviennent des représentations d’une totalité. D’où le malaise, le sentiment que les individus ont : ils votent pour des dirigeants par affinité, contrainte, clientélisme, tout en disqualifiant la politique qu’ils considèrent comme corrompue. Il faut remonter à loin pour comprendre que les panachages ethniques ou régionaux dans la construction des gouvernements par exemple, l’absence de références communes à échelles nationales pour tous les sénégalais, hors des seules appartenances, a créé ce déficit de « nation sénégalaise ». Le peuple est une somme d’intérêts divergents encore plus marqués qu’ailleurs. La cassure entre lettrés et illettrées achève de diviser l’électorat en blocs distants et distincts. La politique se vit comme une compétition, avec de la violence, car la capacité d’analyse des contenus est tellement rare, confinée à une minorité élitaire, que l’option de la confrontation reste la plus accessible à tous.
Autre élément, l’incapacité des populations à lire les institutions, les conduit à se retourner vers les références qu’elles connaissent, en l’occurrence les autorités morales. Ces dernières deviennent des agents de régulation du désordre possible, car elles sont les seules dont les institutions sont respectées et sanctifiées. Cela conduit inexorablement les politiques à déléguer leur pourvoir aux autorités morales. S’il manque un peuple politique, il existe un peuple religieux. La conscience d’appartenance confrérique est plus forte que la conscience de classe sociale. Le disciple plus fort que le citoyen.
L’ensemble des élections sénégalaises, entre espoir et déception, conforte ce constat de dévitalisation collective et de renforcement communautaire. Le vote est la perpétuation d’un système. Il n’a pas la portée transformatrice qu’il peut avoir. Ce qui est représenté du peuple à l’assemblée ce n’est pas le produit de sa pensée, ses idées, ses aspirations, ni même ses doléances, mais son éloignement, ses instincts d’appartenance. Eux ont tendance à chercher la survie coûte que coûte.
Outre la traduction du langage politique en termes concrets pour l’ensemble des populations, la mise à la diète financière des emplois politiques pour les rendre peu attractifs, les enjeux de cette nouvelle élection doivent poser les bases d’une nation, pour que le Sénégalais puisse voir en l’autre d’abord, et surtout, un Sénégalais. Et rien d’autre.
Elgas est journaliste, chercheur et écrivain. Son premier roman, "Un Dieu et des mœurs", a été publié en 2015 par Présence africaine. Né en 1988 à Saint-Louis, et ayant grandi à Ziguinchor, il est diplômé de communication et de science politique et, depuis peu, titulaire d'un doctorat en sociologie. Depuis deux ans, Elgas publie sur SenePlus.com une chronique hebdomadaire : "Inventaire des idoles".
AUDIO
DIANO BI AVEC BOUGANE GUÈYE
Le président de Guem Sa Bopp fait le tour de l'actualité sociopolitique nationale au micro de Maodo Faye, dans l'émission dominicale en Wolof
Bougane Guèye est au micro de Maodo Faye dans l'émission dominicale "Diano-bi" (Wolof) sur Sud FM.
PAR BACARY DOMIGO MANÉ
CES JEUNES FERONT LA RÉVOLUTION
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 – Ces jeunes candidats ne doivent pas commettre l’erreur des vétérans qui se sont substitués à la jeunesse, en décidant à sa place de ce qui est bon pour elle, sans même avoir la modestie de lui donner la parole
#Enjeux2019 - Dans un pays de 15 millions d’habitants où les jeunes représentent 54 % de la population, il est alors inutile d’indiquer l’enjeu que ces derniers constituent pour la présidentielle du 24 février 2019. L’histoire récente (2000 à 2012) a montré, chaque fois que les jeunes s’impliquent dans la campagne, ils parviennent facilement à faire pencher la balance dans le sens souhaité.
Mais cette jeunesse numériquement plus importante que toutes autres couches de la population sénégalaise, est-elle réellement consciente du poids qu’elle représente ? Se mêle-t-elle de ce qui le regarde, à savoir la politique ? Les régimes qui se sont succédé ont-ils façonné le citoyen de demain, prenant la juste mesure de ses responsabilités dans la construction d’un Etat démocratique ? Observe-t-on les mêmes comportements chez la jeunesse politique et citoyenne ? Y’ a-t-il des signes avant-coureurs qui présagent d’un réveil salutaire de cette jeunesse qui doit prendre le pouvoir ?
Ce questionnement démontre, à suffisance, de la complexité du sujet, même si le constat nous amène à admettre que cette jeunesse, dans son écrasante majorité, est dans une posture passive qui pense à tort, que la chose politique est l’affaire des aînés, des papis et des grands-parents.
- De jeunes candidats pas comme les autres -
La prochaine campagne électorale, alignera certainement des candidats jeunes, en dessous de la barre des 50 ans (42, 44 ans). Et ce n’est pas une nouveauté, puisque les précédentes présidentielles (de 20O7 à 2012) ont aussi enregistré des candidatures jeunes, parfois de la société civile. Mais leurs messages avaient moins de résonnance face à ceux des vétérans qui ont blanchi sous le harnais d’une politique populiste privilégiant le folklore au discours programmatique, avec une vision clairement définie. Ce sont de jeunes candidats qui, pour la plupart, sont issus des partis politiques ou des flancs de formations politiques.
Le rendez-vous du 24 février 2019, dresse un profil intéressant de jeunes cadres, issus de la société civile (qui se sont réalisés en dehors de la politique) et dont le discours antisystème est très marqué. Ce sont des jeunes décomplexés qui affichent leur préférence nationale en matière de développement et leur panafricanisme, avec cette volonté de «brûler» le dernier symbole d’une colonisation opportuniste et cancérigène : le franc Cfa. Leurs discours parlent aux populations, dans un wolof châtié, grâce à une communication maîtrisée qui intègre dans son message les préoccupations de l’écrasante majorité. Le marketing politique, qui vise l’efficacité, nous enseigne que pour qu’un discours pénètre les masses, celui ou celle qui le prononce doit réfléchir en intellectuel et parler en homme du peuple.
- Ils veulent redonner au Sénégal sa grandeur -
Ces jeunes candidats servent un discours de rupture, avec comme finalité un Sénégal qui retrouve sa grandeur maintenant (greatness now). Mais est-ce que cela (le discours) emballe les nombreux jeunes en âge de voter ? Les rêves de ces derniers sont-ils pris en compte ? Comment faire entendre raison à ces jeunes qui pensent à tort, que leur Eldorado à un nom : l’Europe, l’Amérique et l’Asie ?
Peut-être que le fameux «Gueum sa bopp» (avoir confiance en soi) va, enfin, titiller leur orgueil. Mais une fois que cela est dit, qu’elle vision mettre en œuvre pour créer les conditions d’un sursaut permettant une éclosion d’un esprit entrepreneurial chez cette jeunesse pleine de créativité ? Ce déficit de vision claire pour la prise en charge de cette jeunesse a caractérisé tous les régimes, de Senghor à Macky Sall.
La réponse servie par l’actuel président, aux fins de faire face à cette question de l’employabilité des jeunes, ne semble pas pertinente, en dépit des agences mises en place, pour la prise en charge de leurs préoccupations. Non seulement l’offre n’est pas adaptée à la demande – nous ne sommes pas sûrs que des enquêtes ont été menées auprès des jeunes pour détecter leurs vraies préoccupations – puisque les politiques ont réfléchi à leur place. De plus, l’initiative de création de ces agences a souffert du péché mignon des hommes politiques qui, une fois au pouvoir, songent d’abord et avant tout à récompenser les militants et les parents proches. Du coup, l’écrasante majorité des jeunes est larguée et laissée à son sort. Sa dernière trouvaille – pour ne pas dire sa DER (Délégation à l’emploi rapide) – confirme la règle et renseigne sur l’échec des politiques des emplois au Sénégal, de l’indépendance à nos jours. Rien de solide ne se construit dans l’urgence, à moins d’avoir des visées politiciennes.
L’erreur à ne pas commettre -
Ces jeunes candidats ne doivent pas commettre l’erreur des vétérans qui se sont substitués à la jeunesse, en décidant à sa place de ce qui est bon pour elle, sans même avoir la modestie de lui donner la parole. Pour une communication politique efficace, il faut inverser la perspective : imprimer l’offre du candidat sur la demande de cette jeunesse qui saura, mieux qu’un politicien prétentieux, exprimer ses maux et donner les clés de solutions.
La jeunesse apolitique constitue l’écrasante majorité des jeunes en âge de vote, c’est pourquoi tout candidat qui veut être élu au soir du 24 février 2019, doit forcément trouver un message qui leur parle. Mais elle souffre d’un déficit de citoyenneté et l’on se demande quel est le contenu de l’éducation civique enseigné dans nos écoles. Forme-t-on des citoyens de demain ayant une claire conscience de leurs devoirs envers la République ? Le manque de vision de nos gouvernants, en la matière, n’est-elle pas volontaire, pour ne pas avoir en face des citoyens défenseurs de la République et de ses valeurs ?
Les choses sont en train de changer sans en avoir l’air. Le mouvement du 23 juin 2011 a démontré que chaque fois que cette jeunesse se réveille, elle sait trouver les ressources nécessaires pour combattre l’injustice sociale. Les réseaux sociaux sont en train de tisser la toile de l’indignation et de la contestation, en dépit des stratégies de contre-feu allumées par les spin doctors pour contenir la déferlante. Ajouter à cette ambiance de réveil, le discours des rappeurs dénonçant des pratiques qui sapent les fondements de la République.
- Au premier rang de la responsabilité citoyenne -
Certes, le défi de prendre le flambeau ne saurait être relevé si cette jeunesse perd de vue qu’elle a le devoir d’occuper le premier rang de la responsabilité citoyenne. Cela suppose un sens élevé du sacrifice, mettant toujours en avant les intérêts des populations. D’ailleurs, Frantz Fanon ne lui donne aucun choix, lorsqu’il affirme, avec pertinence, que chaque génération à une « mission à remplir ou à trahir ». C’est parce qu’au tribunal de l’histoire, on jugera sur pièce, que chaque génération se fera le devoir de « bâtir ses pyramides », comme le disait fort bien le professeur Joseph Ki Zerbo.
Mais cette responsabilité citoyenne a aussi ses exigences. D’abord la hauteur de vue ou d’esprit. Le regard prospectif s’affranchit toujours de l’appât du présent et du gain. Tel l’intellectuel organique d’Antonio Gramsci debout dans sa tour de contrôle, cette génération, a le devoir de jouer le rôle d’avant-garde de la société : lutter pour la justice sociale, la transparence dans la gestion des deniers publics, servir de bouclier contre tout corps étranger qui veut saper l’unité nationale…
C’est faire preuve de lâcheté, en s’installant confortablement dans l’oasis de l’insouciance au moment où le désert de l’impunité, de la corruption, de la mal gouvernance, du crime organisé, du pillage systématique des deniers publics, de l’agression des valeurs… avance inexorablement.
- Exit la jeunesse politique -
Pour créer les conditions d’un big bang générationnel, le pays ne saurait compter sur sa jeunesse politique, trop vieille pour assurer la relève. Aussi responsable du passif d’une certaine classe dont elle a intériorisé les défauts, les tares, pour ensuite les ressasser et les reproduire à la moindre occasion. Le ver est malheureusement dans le fruit d’un système verrouillé par des adultes qui en gardent jalousement le code secret.
Tout comme leurs aînés, le champ de vision de ces jeunes politiciens se réduit comme une peau de chagrin sous le soleil des désirs futiles. Ils se contentent de postes, de quelques billets de banque, de séjours à l’hôtel… et leur horizon devient ainsi le cimetière de grandes ambitions qui auraient pu transformer le monde. Comme si ces jeunes ont été formatés de manière à tuer en eux ce désir d’aller toujours de l’avant et de faire du monde un lieu où les générations montantes retrouveront enfin cette envie de vivre. Ils n’ont jamais cru au libre arbitre, préférant agir sous la dictée d’adultes aveuglés par la quête des honneurs et des privilèges.
Eux, ne feront pas la révolution …mais les autres, oui ! A moins que…
L’enfant vient de pousser un éclat de rire. Comme Zarathoustra. Il a le goût du danger dans la gorge.
Bacary Domingo Mané est journaliste et formateur. Il est éditorialiste à SenePlus et président du Conseil pour l'observation des règles d'éthique et de déontologie (Cored).
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OBJECTION AVEC MAMADOU DIOUF
Le professeur d'histoire à l'université de Columbia aux Etats-Unis est l'invité de Baye Oumar Guèye
Mamadou Diouf, enseignant d'histoire à l'université Columbia aux Etats-Unis, est au micro de Baye Omar Gueye de (Sud Fm) dans l'émission Objection.
BOFA PLEURE ENCORE LA CRUAUTÉ
Ce dimanche 6 janvier 2019, les familles des victimes de la tuerie de Bofa Bayote se souviennent de cette nuit où l'horreur s’est abattue sur 14 des leurs - Retour sur les lieux du drame un an après
Situé en Basse-Casamance, à l’Est de Nyassia et à la lisière de la frontière sénégalo-bissau-guinéenne, Bofa-Bayote était un village paisible, sans histoires. Peuplée de différentes ethnies, cette contrée est soudainement entrée dans l’histoire de la Casamance et du Sénégal, depuis le 6 janvier 2018. Ce dimanche 6 janvier 2019, tout comme les carnages de Diagnon, survenu dans la forêt de Bissine, de Babonda, de Mandina-Mancagne, les familles martyrisées vont se souvenir de leurs morts. Un anniversaire qui sera célébré dans la plus grande sobriété. «Notre vœu le plus ardent sera de célébrer cet anniversaire de nos enfants qui ont été tués, le 6 janvier 2018, dans la forêt de Bofa-Bayote.
Nous entendons honorer la mémoire de nos fils, de nos talibés dans la plus grande sobriété. Des morts que nous continuons toujours de pleurer», explique le maître coranique Thierno Omar Diallo. Lequel avait la charge, au quartier Néma 2, à la périphérie de Ziguinchor, des exploitants forestiers Ousmane Seydi et Abdoulaye Baldé. «Nous subissons toujours ce drame du 6 janvier 2018. Nous gardons également ces mauvais souvenirs qui continuent, jour et nuit, de hanter notre sommeil. S’en remettre à Dieu est la seule chose qui nous reste», confient les parents éplorés, d’avis qu’il s’est agi d’exécutions préméditées. «Certains de nos amis qui tentaient de fuir, ont été achevés, dans certains cas, avec des coupe-coupe. C’était horrible», nous apprend, sous le couvert de l’anonymat, ce rescapé du drame qui a décidé de ne plus se rendre dans cette forêt et de rester vivre à Ziguinchor, pour faire face, à sa manière, à cette forme de barbarie qui a frappé la Casamance.
En Guinée-Bissau, les familles d’Abdoulaye Baldé, d’Ousmane Baldé et d’Ibrahima Diallo vont également marquer l’événement. «Des récitals de Coran seront organisés à leur mémoire», nous dit-on. Pour rappel, les dépouilles de ces trois jeunes Bissau-guinéens avaient été, après le carnage, gardées à la morgue du Centre hospitalier régional de Ziguinchor pendant plus de six jours, avant d’être remises à leurs proches, le 12 janvier 2018. A Néma 2, voisins et parents des victimes, indignés, avaient même dénoncé la «stigmatisation». «Les corps des victimes étaient dans un état lamentable, avec des fractures, d’énormes hématomes. C’était dramatique», se souvient Boubacar Diallo, proche ami d’Abdoulaye Baldé.
Aux quartiers Néma 2, Kandialang, Grand-Yoff où vivaient la plupart des victimes, en attendant ce premier anniversaire, on rivalise de témoignages pathétiques, parfois glaçants sur cette barbarie de Bofa-Bayote. Les familles éplorées, toujours angoissées, sont inquiètes, Bofa-Bayote ayant provoqué un choc brutal. Des exploitants forestiers ont laissé des veuves en état de grossesse et de petits enfants.
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BIENTÔT UNE AFRIQUE SANS LIONS, SANS GIRAFES ET SANS GORILLES ?
Environ 30 % des espèces de vertébrés sont en déclin, et parmi eux la plupart des animaux emblématiques du continent africain, dont les guépards, les lions, les gorilles, les girafes, les éléphants, les hippopotames, les pangolins et bien d’autres
Dans une étude très alarmante publiée en 2017, des chercheurs américains et mexicain concluent que les espèces de vertébrés reculent de manière massive sur Terre, à la fois en nombre d’animaux et en étendue. C’est ce qu’ils nomment « un anéantissement biologique ». Environ 30 % des espèces de vertébrés sont en déclin, et parmi eux la plupart des animaux emblématiques du continent africain, dont les guépards, les lions, les gorilles, les girafes, les éléphants, les hippopotames, les pangolins et bien d’autres.
PAR BOSSE NDOYE
TOUNKARA, QU'EST-CE QUI A CHANGÉ ?
Son ralliement au gouvernement – si c’est avéré – me rend encore plus méfiant de ceux que l’on a souvent présentés comme des clercs dans le pays
La nomination de Mamadou Sy Tounkara en tant que conseiller spécial du Président de la République du Sénégal, à moins de deux mois de l’élection présidentielle, en a étonné plus d’un. L’information a tellement paru invraisemblable qu’il a fallu parcourir les sites Internet pour en avoir le cœur net. Mais le silence de la présidence et celui de l’animateur de l’émission Xel ak Xol ont fini par convaincre les sceptiques. Dès lors une seule question taraude les esprits : « qu’est-ce qui a changé dans la relation qu’entretenaient ces derniers”?
En essayant d’y réfléchir, le combat politique de Cheikh Anta Diop m’est revenu en mémoire. Qui saurait oublier les nombreux postes importants et avantages qui lui avaient été proposés de son vivant? Le natif de Céytu restait cependant toujours droit dans ses bottes et ses convictions. Il les déclinait sans hésiter pour éviter de tomber dans quelque compromission avec le gouvernement de Senghor tant et aussi longtemps que ce qu’il lui reprochait n’avait pas changé. Si l’enseignement de ses œuvres dans nos écoles est très réclamé, il ne faudrait pas moins insister sur son comportement.
En ces moments où les individus versent dans le reniement facile, avalent leurs vomissures, pour se mettre au banquet du pouvoir, jamais le pays n’a eu autant besoin d’avoir des références qui inspirent son peuple. Surtout pendant cette période où la transhumance et le wax-waxeet sont devenus fréquents et banalisés. Pour ce qui est de la nomination de Tounkara, bien que lui seul puisse donner les raisons ayant motivé son choix, nous sommes en droit de nous poser certaines questions. D’autant qu’il a été, ces dernières années, très critique vis-à-vis du gouvernement en place. Qui plus est, les pratiques pour lesquelles il était souvent en porte-à-faux avec lui n’ont guère changé. Dans ses critiques habituelles, il allait jusqu’à corriger certaines « fautes » de grammaire ou de syntaxe – réelles ou supposées – dans le discours présidentiel, fussent-elles vénielles. Son souci de faire bouger les choses l’avait même poussé à se présenter aux dernières élections législatives.
Dès lors, son ralliement au gouvernement – si c’est avéré – me rend encore plus méfiant de ceux que l’on a souvent présentés comme des clercs dans le pays- pour reprendre le mot de Julien Benda. Les discours d’opposant d’Abdou Latif Coulibaly, celui d’Ismaila Madior Fall et de Souleymane Jules Diop entre autres sont encore frais dans nos mémoires. Pourtant depuis qu’ils sont du côté du pouvoir, ils se taisent sur nombre de choses qu’ils étaient prompts à dénoncer avant leur nomination. Sera-ce le cas pour Tounkara ? L’avenir nous le dira. Ce qui est sûr c’est qu’un ministre ou autre proche collaborateur du président « ça ferme sa gueule ou ça démissionne ».
Dès lors certaines nominations sont de véritables étouffoirs entraînant la perte de sa liberté de parole et de pensée et poussant même à l’autocensure. D’autant que l’équipe gouvernementale a adopté comme stratégie l’effacement des énoncés plutôt que la résolution des problèmes. Emprisonnement, exil, « débauchage », filtrage de candidatures font entre autres partie de ses techniques. Par conséquent un critique de moins dans le camp de l’opposition fera bien son affaire à l’approche des prochaines élections. Est-ce à dire pour autant que quand on est opposé à son gouvernement qu’il faudrait refuser de l’intégrer et/ou de travailler pour lui ? Non évidemment. Tout bon citoyen doit œuvrer dans le sens de l’avancement de son pays. De plus, il est beaucoup plus facile de se cacher derrières ses critiques que de se confronter aux dures réalités du terrain. Cependant, il faut une certaine cohérence puisqu’il y a une réelle contradiction à intégrer une équipe qu’on a souvent critiquée alors que les raisons ayant occasionné les critiques demeurent encore.
En tout état de cause, c’est toujours le peuple qui sort perdant des compromissions entre opposants et gouvernants. Mais opportunité lui sera bientôt donnée pour qu’il choisisse son camp. Cette pensée de Cheikh Aliou Ndao tirée de Mbaam dictateur doit toujours nous faire réfléchir : « Il n’y a pire qu’une époque trahie par ses intellectuels. Ayant eu la chance de posséder un esprit éclairé par le savoir, leurs compatriotes ne s’attendent pas à ce qu’ils abandonnent la voie de la vérité. »
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COMMENT FAIRE DIRE À SONKO PLUS QU'IL N'EN A DIT
Bien que plus difficile, la manipulation d'une vidéo est possible - Et depuis quelques jours, le candidat à la candidature Ousmane Sonko en fait les frais après son passage dans l'édition spéciale de la 2stv le 31 Décembre dernier
La manipulation d'images est bien connue, celle du son aussi. Bien que plus difficile, la manipulation d'une vidéo est également possible et depuis quelques jours le candidat à la candidature Ousmane Sonko en fait les frais après son passage dans l'édition spéciale de la 2stv le 31 Décembre 2018.
PAR YOUSSOUPH SANÉ
REPENSER LA DÉCENTRALISATION
EXCLUSIF SENEPLUS #Enjeux2019 - La décentralisation sénégalaise a souvent été guidée par une logique de contrôle politique ou électoraliste, voire clientéliste, et non par un souci d’aménagement harmonieux du territoire
#Enjeux2019 - Depuis le début des années 1990, la décentralisation est au cœur du débat public en Afrique. Ces années correspondent à la période de démocratisation, d’ouverture et de libéralisation économique, en rupture avec la décennie précédente marquée par une profonde crise socio-économique et politique, symbolisée au Sénégal par les violentes contestations post-électorales de 1988. Pour calmer les tensions, Abdou Diouf fait entrer dans le gouvernement des partis de l’opposition significative, le PDS d'Abdoulaye Wade notamment. Autant, cet "entrisme" a pu apaiser les tensions politiques, autant sur le plan social et économique, la crise était latente. Le point culminant c’est la dévaluation du francs CFA en 1994.
Il fallait par conséquent trouver des solutions pour juguler la crise de confiance entre l’Etat et les citoyens. L’amorce, sur le plan institutionnel, c’est la réforme de la décentralisation de 1996 qui prône la gestion de proximité et établit le transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités locales. La réforme de 2013, appelée maladroitement "acte 3" de la décentralisation s’inscrit dans la même logique avec pour mots d’ordre, la territorialisation des politiques publiques, la départementalisation et la communalisation intégrale. La décentralisation sénégalaise dans sa forme actuelle, permet-elle aux collectivités territoriales d’avoir une autonomie politique, économique et financière, et de manière générale, leur autorise-t-elles d’enclencher le développement endogène afin d’offrir à leurs populations un meilleur cadre de vie ? Ne révèle-t-elle pas plutôt un jeu complexe d’acteurs qui consacre la mainmise de l’appareil d’Etat sur les collectivités territoriales ?
- De la complémentarité et la concurrence -
Si nous devions faire le bilan de la décentralisation, nous serions certainement face à un tableau contrasté. D’une part, nous avons un maillage territorial qui s’affine, accompagné d’une meilleure organisation juridique de la gestion municipale, avec le code de l’administration communale de 1966, la création des communautés rurales en 1972, le transfert de neuf domaines de compétence en 1996, la mise sur pied de la fonction publique locale en 2011. De l’autre côté, on constate, une velléité de domination et de contrôle du pouvoir central. Déjà en 1964, c’est le gouverneur de région qui exerce les attributions confiées auparavant au maire, dans le but d’épargner aux communes les luttes d’influence entre rivaux au sein du parti au pouvoir. La création des communautés rurales en 1972 va de pair avec le renforcement du pouvoir de contrôle des représentants de l’Etat, ce qui ne leur laissait pas toute liberté. En outre, la dissolution de conseils municipaux et l’instauration de communes à régime spécial (délégations spéciales), n’ont pas été favorables à l’instauration d’un véritable pouvoir local. Enfin, le cadre de vie étant une compétence décentralisée, il y a une forte concurrence entre certains ministères et les municipalités, contribuant à affaiblir davantage celles-ci. En 2015, arguant de la situation insoutenable d’insalubrité dans la capitale, l’Etat, en contradiction avec les textes, leur soustrait la gestion des déchets et la lutte contre l’insalubrité. Cette rivalité a également été constatée lorsqu’il s’est agi de l’aménagement des places de l’Indépendance et de la Nation (Obélisque). Comment les collectivités sénégalaises peuvent-elles s’affirmer, être proches de leurs administrés, si, en lieu et place, l’Etat pourvoit aux mêmes besoins et préoccupations, avec des moyens sans commune mesure ? En principe l’Etat et les collectivités territoriales devraient être complémentaires, et jamais concurrents, le principe de subsidiarité gouvernant les actes et décisions.
Pour des collectivités territoriales entrepreneuses
Il est primordial de s’interroger sur le financement des collectivités. Au-delà du concours financier de l’Etat, elles doivent chercher elles-mêmes les ressources pour assurer leur autonomie. Nos collectivités doivent être capables d’attirer des entreprises, des investisseurs nationaux et étrangers, pour proposer des emplois à leurs populations et élargir leur assiette fiscale. La coopération décentralisée ne constitue nullement une alternative économique. Elle a un fondement purement social, humanitaire dans certains cas. Les collectivités sénégalaises, les plus importantes en particulier, doivent se donner les moyens de transcender leur cadre économique, miser sur l’exploitation de leurs potentialités et adopter des mesures incitatives : unités agro-industrielles de petites dimensions, parcs artisanaux (menuiserie, cordonnerie, tissage, couture…), encadrement des entrepreneurs locaux par la formation, l’achat ou le renouvellement de matériels (créer ou renforcer les banques municipales, favoriser les prêts aux acteurs économiques locaux). L’Etat doit les accompagner, mais c’est à elles de s’approprier les premiers rôles. Il est important que les collectivités se responsabilisent et abandonnent leur position trop attentiste.
Toutefois, pour remplir convenablement leurs missions, l’Etat doit leur laisser la latitude de travailler et d’entreprendre à leur guise. On se souvient de l’échec de l’emprunt obligataire lancé par Khalifa Sall, maire déchu de Dakar. Le ministère des Finances l’a entravé sous prétexte du niveau d’endettement élevé de la ville. Certains observateurs y ont décelé la crainte du pouvoir de laisser à l’ancien maire de Dakar, rival déclaré du président de la République, se constituer un « trésor de guerre » en vue de l’élection présidentielle de 2019. De plus, la réussite de ce projet aurait consolidé la crédibilité de Khalifa Sall qui bénéficiait déjà de la sympathie de nombre de Sénégalais, en raison de ses efforts de modernisation de sa ville.
- Une véritable réforme s’impose -
Si, pour des raisons politiques ou électoralistes, l’Etat intervient directement à la place des communes, il serait inopportun de maintenir certains domaines de compétence qui ne sont jamais exercés, faute de moyens ou de savoir-faire, encore moins d’augmenter les compétences comme le réclament certains élus. Il nous faut une véritable réforme de la décentralisation, pour qu’enfin, les collectivités territoriales jouent pleinement leur rôle.
Il faut d’abord questionner le découpage politico-administratif et associer décentralisation et aménagement du territoire. La décentralisation sénégalaise a souvent été guidée par une logique de contrôle politique ou électoraliste, voire clientéliste, et non par un souci d’aménagement harmonieux du territoire. L’audace aujourd’hui reviendrait à repenser le nombre de régions et de communes, surtout dans la région de Dakar fragilisée par l’émiettement territorial et son corolaire que constitue la cantinisation, l’encombrement de nos rues et trottoirs, reflet du manque d’imagination des élus face à la problématique des moyens.
Les collectivités sénégalaises ont très peu de capacités d’investissement, les budgets de fonctionnement avoisinent 70% et plus. Pour les rendre viables, il était suggéré de fusionner un certain nombre, en vue de mutualiser les moyens. Ignorant les recommandations, l’Etat non seulement augmente leur pouvoir potentiel, mais en crée de nouvelles (les départements). Pourtant, pleinement consciente des risques à ériger des collectivités synonymes de coquilles vides, puisqu’incapables d’accomplir leurs missions, la loi stipule que « ne peuvent être constituées en communes que les localités ayant un développement suffisant pour pouvoir disposer de ressources propres nécessaires à l’équilibre de leur budget. »
La réduction du nombre de régions est préconisée, pour revenir à sept comme au moment de l’Indépendance : Casamance, Sine Saloum, région du Fleuve, Sénégal oriental, Cap Vert, Thiès et Diourbel. Le gouvernement parle de « pôles de développement économique et social » et de « pôles-territoires » qui se trouvent complètement inopérants, dans la mesure où ce sont des dispositifs purement administratifs et mal conceptualisés, car ne favorisant pas une meilleure intégration des territoires.
D’un point de vue symbolique et pratique, pour lutter contre l’absentéisme, pour plus de proximité et d’efficacité, exiger que le maire réside dans la même région que la municipalité qu’il dirige. Il est important aussi d’interdire le cumul des postes, notamment avec une fonction au niveau national (ministre, directeur…). Nous sommes un pays pauvre, nos communautés de base sont frappées par un sous-développement chronique. Elles doivent être la priorité. Comment un ministre ou un directeur qui a toute sa vie à Dakar peut-il connaître et résoudre les problèmes du quotidien (c’est le rôle du maire) à 250 kms de là ? La gouvernance par procuration a ses limites. La proximité suppose la gestion directe. Il est temps qu’émerge au niveau local des personnalités avant tout préoccupées par le développement de leur terroir, sans prétention pour le niveau national.
Enfin, la responsabilité des maires dans la défense des intérêts de leurs communes et la participation-implication des populations dans la préservation de leur environnement et de leur cadre de vie doit être sans équivoque. Nous constatons malheureusement le silence coupable des élus locaux et la complicité tacite des autorités administratives sur des questions aussi sensibles que la destruction des écosystèmes : avancée de la mer, bradage du foncier, extraction minière, pollutions industrielles ou des terres agricoles, déforestation (bande verte du littoral nord, forêt de Mbao, Niokolo Koba, Casamance…).
La décentralisation sénégalaise pourrait être qualifiée de « décentralisation institutionnelle », c’est-à-dire qui s’attache plus aux textes qu’à la réalité et surtout à la capacité ou non des collectivités à s’autogérer et à investir. Elle accorde aux collectivités des compétences et des pouvoirs qu’elles ne peuvent pas exercer, faute de moyens. Cette mise en perspective du local créé des situations conflictuelles entre les élus et leurs administrés, certains services n’étant pas correctement distribués. La décentralisation dans ce contexte pourrait s’assimiler à une variable d’ajustement, permettant à l’Etat, de se décharger de ses missions classiques et de désigner de nouveaux responsables des dysfonctionnements. L’Etat, avec la dernière réforme, a procédé à un léger toilettage du code de 1996 pour que rien ne change, ou dit autrement, pour maintenir les équilibres, donc son pouvoir de contrôle et sa mainmise.
La décentralisation est un dispositif important pour équilibrer le territoire national d’un point de vue politique, économique et social, en permettant aux communautés à la base de s’autogérer, donc d’exploiter au mieux leurs potentialités. Pour cela, il faut que les rôles soient clairement définis et séparés, bien que complémentaires, entre l’Etat et les collectivités territoriales, en misant sur la capacité des élus locaux à mobiliser des ressources internes et externes. Les collectivités ne doivent pas être de simples relais de l’action gouvernementale, elles doivent être au cœur du processus, penser elles-mêmes leur développement. Toutefois, pour réussir leurs missions, elles doivent être autonomes, fortes, structurées, bien outillées, capables de se projeter vers l’avenir, et rester au service exclusif des populations, donc avec des élus compétents, uniquement obsédés par le destin de leurs territoires.
Docteur Youssouph Sané est Enseignant-chercheur, vacataire au Département de Géographie, Université Cheikh Anta Diop, Dakar. Spécialiste en aménagement du territoire, urbanisme et décentralisation.
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