2021, ANNUS HORRIBILIS
EXCLUSIF SENEPLUS - S’il y a un événement qui aura marqué à jamais d’une pierre noire le magistère de Macky Sall, c’est cette violence mortifère qui a maintenu le Sénégal, pendant la première décade du mars, dans des conditions dantesques

Les fins d’année sont propices aux compte-rendus bilanciels et aux prophéties futuristes. Mais pour le président Macky Sall dont le mandat expire bientôt, le message de fin d’année douloureuse ne sera certainement pas consacrée à dresser un bilan et à s’engager à vaticiner l’avenir en formulant de nouvelles promesses pour les deux ans qui lui restent à gouverner.
Depuis 2012, les annus horribilis se suivent et se ressemblent. En sept ans, les ruptures et solutions aux difficultés attendues des Sénégalais n’ont pas réellement été au rendez-vous. Le manque de transparence dans la gestion des ressources publiques, la gabegie, la flopée de détournements de deniers publics et l’impunité politique et judiciaire, la gestion ethnique, clanique et familiale ont caractérisé la gouvernance du président Macky Sall. A cela s’ajoutent la manipulation permanente de la justice et la mise au pas d’une Assemblée nationale entièrement assujettie à l’exécutif. Et cela n’est pas sans conséquence dans la quiétude du pays. L’embrasement du pays pendant cinq jours au mois de mars dernier résulte de la collusion de la triarchie exécutif-législatif-judiciaire contre un adversaire politique coriace de sa Majesté Sall.
Par conséquent, à l’occasion de la mise en bière de cette tragique année 2021, on ne tergiversera pas pour la qualifier d’annus horribilis. S’il y a un événement qui aura marqué à jamais d’une pierre noire le magistère du président Macky Sall et qui confirme cette « tragicité », c’est cette violence mortifère qui a maintenu le Sénégal, pendant la première décade du mars, dans des conditions dantesques.
Le Sénégal a vécu du 4 au 8 mars passés une violence inouïe entre des populations déchainées et des forces de défense et de sécurité débordées par la submersion des manifestants. Comme un effet boule de neige, la violence, partie de Dakar et de Ziguinchor, a engendré 14 morts. Et jusqu’à aujourd’hui, aucune once d’enquête n’est ouverte pour élucider ces pertes en vies humaines. Nonobstant les assurances du ministre de la Justice voire du président de la République, les Sénégalais restent convaincus que la lumière ne sera jamais faite sur ces manifestants qui ont perdu sauvagement leur vie lors de ces événements sanglants.
Tout est parti des accusations fallacieuses de viol d’une fille dénommée Adji Sarr contre le député et leader de Pastef, Ousmane Sonko. Il s’en suivra toute une péripétie de manipulations politico-judiciaires pour plonger le pays dans une violence jamais connue ces quatre dernières décennies. Certes la rébellion contre le troisième mandat sous Wade et la tension politique née de la tentative de dévolution monarchique avait enregistré 17 morts dans un espace de plusieurs mois. Mais dans l’affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko, en quatre jours de violence, 14 jeunes ont perdu la vie. Et cela par l’irresponsabilité coupable des autorités étatiques qui ont voulu faire tomber dans la nasse le leader de Pastef. On ne reviendra pas sur toutes les manœuvres politiciennes qui ont entouré cette accusation de viol accompagnée de strangulation et de menaces avec arme. Il faut remarquer que le mortal kombat auquel le Pastefien en chef appelait ses partisans la veille de sa convocation par le 8e cabinet a fini par porter ses fruits parce que ces derniers ont tenu à escorter leur leader jusqu’au palais de justice pour le protéger de la tronçonneuse politico-judiciaire qui a broyé Karim Wade et Khalifa Sall. L’alors préfet de Dakar Alioune Badara Samb promu gouverneur de Saint-Louis pour bons et loyaux à l’égard du Prince et Serigne Bassirou Guèye, ex-procureur de la République du tribunal de grande instance de Dakar, recasé auprès de sa Majesté, feu le Doyen des juges, Samba Sall, autorités policières et gendarmiques ont été les boutefeux qui ont embrasé ce pays pendant plusieurs jours. Sans exonérer tous ces avocaillons, plumitifs, pseudo-féministes, ministres et proches du président de la République dans ce qu’il est convenu d’appeler le complot raté de l’année. L’arrestation médiatisée du jésus des Patriotes, qui a refusé de passer par la « via dolorosa » pour porter sa croix jusqu’au calvaire de Lat-Dior, produira des déflagrations de violence débridée partout dans le pays. Nonobstant les affrontements entre policiers, gendarmes et manifestants, la joint-venture des ministres des Forces armées, de l’Intérieur et de la Justice a voulu garder Sonko dans la Section de recherche de la gendarmerie de Colobane avant de le livrer au Doyen des juges pour interrogation et inculpation.
Des emblèmes commerciaux français auront subi la furia dévastatrice des émeutiers hystériques. Des institutions et des sceaux de la République ont été attaqués, lapidés ou incendiés. Pendant tous ces moments de violence apocalyptique, le président est resté cloitré mystérieusement dans sa tour d’ivoire. Aucune autorité étatique ne s’est levée pour tenir un discours responsable (à part le minable laïus comminatoire du ministre de l’Intérieur) qui allait mettre un terme ou atténuer la haine et la rancœur bouillantes des manifestants factieux qui, au-delà de l’affaire Adji Sarr-Sonko, laissait exploser leur mécontentement vis-à-vis d’un régime dont le chef ne privilégie que son clan politique et ses laquais. N’eussent-été l’intercession et la diligence de Serigne Mountakha Mbacké, khalife général des mourides, assorties de la libération de Sonko, le pouvoir serait, peut-être aujourd’hui, hors des mains de celui à qui le peuple a renouvelé sa confiance en février 2019.
Et c’est à la suite de l’intervention califale que le lion a hérissé sa crinière pour sortir de sa tanière, pas pour rugir mais pour communier à l'ardeur de son peuple éprouvé par quatre longs jours de violence. Le discours jubilatoire et triomphale du leader de Pastef libéré détonnait avec la tartine languissante du chef de l’Etat chevrotant. La République pleure encore ses morts et aucune initiative n’est prise pour ouvrir une enquête indépendante et situer les responsabilités. Mais au rythme où vont les choses et vu des ramifications sinusoïdales qui mènent directement vers certains pontes de la République, ce n’est pas demain la veille que la justice informera sur le grand mensonge d’Adji Sarr dont l’avidité pécuniaire démesurée a provoqué tous ces crimes commis sur d’innocents citoyens. Et après plus de dix mois de grossesse fantôme, les Sénégalais attendent toujours l’accouchement de l’ex-employée du défunt Sweet Beauté.