BARTHÉLÉMY DIAS, LE BOUILLONNANT CANDIDAT À LA MAIRIE DE DAKAR
Entre ironie grinçante et outrance, Dias entretient son image de jeune leader impétueux. De son père Jean-Paul Dias, le maire de Mermoz-Sacré-Coeur a hérité une certaine intransigeance dans les relations humaines. Portrait

Sa convocation par la justice le mercredi 10 novembre a provoqué d'importantes manifestations dans la capitale sénégalaise. Barthélémy Dias est le candidat de la principale coalition d'opposition pour l'élection municipale de Dakar, le 23 janvier prochain. Energique, voire bouillonnant, son caractère lui vaut de nombreux qualificatifs.
Un blouson de cuir, des lunettes noires et un revolver. Au milieu d’un chaos indescriptible, l’homme avance, le pas sûr et il tire sur ceux qui lui font face. Nous sommes en décembre 2011 à Dakar. Le tireur s’appelle Barthélémy Dias. A 40 ans, il est le maire de Mermoz-Sacré-Coeur, l’une des 19 communes de la capitale sénégalaise. A quelques mois de la présidentielle, le climat social et politique est alors explosif. Grèves dans les transports, l’éducation et la santé. Le président Abdoulaye Wade achève un deuxième mandat et, à 85 ans, il s’apprête à se faire désigner candidat à sa succession par son parti, le PDS (Parti démocratique sénégalais).
L’opposition conteste cette candidature. Dakar bouillonne et à Mermoz-Sacré-Coeur, des "nervis" du parti au pouvoir marchent sur la mairie pour en découdre avec le jeune maire socialiste. "J’avais un permis de port d’armes et j’étais en état de légitime défense", se justifiera Barthélémy Dias. Ce 22 décembre 2011, un homme est tué par balle.
La mort du jeune lutteur Ndiaga Diouf vaudra à Barthélémy Dias cinq mois de détention provisoire puis une condamnation à deux ans de prison dont six mois ferme en 2017. Immédiatement libéré, Barth pourrait tourner la page. Mais il fait appel, réfutant toute responsabilité dans la mort de Ndiaga Diouf.
Dix ans après les faits, l'affaire s'est bruyamment invitée dans la campagne pour les élections municipales du 23 janvier 2022. Après de multiples reports, l'appel de Barthélémy Dias court toujours. Convoqué par le juge ce 10 novembre 2021, il a décidé de jouer l'épreuve de force, accusant le pouvoir d'instrumentaliser la justice et appelant ses partisans à descendre dans la rue pour le soutenir.
Se pencher sur les messages de Barthélémy Dias postés ces derniers jours sur les réseaux sociaux donne une idée assez précise du personnage public qu'il souhaite incarner. "Le dictateur ne comprend que le rapport de force et le langage de la rue", "Pitié pour les Mackystrats". Entre ironie grinçante et outrance, Dias entretient son image de jeune leader impétueux. Y compris lorsqu'il exhume une vidéo de Macky Sall lui apportant tout son soutien lors de l'épisode de la mairie de Mermoz-Sacré-Coeur.
Car à l'époque, Dias et le futur président appartiennent au même camp. Socialistes, ils s'opposent l'un et l'autre au vieux président Abdoulaye Wade. Né en 1971, d'origine cap-verdienne, Dias a été élu en 2009 maire de Mermoz-Sacré-Coeur. Il est alors le plus jeune édile du Sénégal.
Etudiant aux Etats-Unis
Le jeune homme a passé plusieurs années aux Etats-Unis où il a décroché un master MBA en transports, mais il a aussi -et surtout- profité de ces années outre-Atlantique pour forger sa réputation. Jeune adhérent au Parti socialiste, il a choisi de s'exiler au moment de la défaite de son camp à la présidentielle de 2000, lors de l'élection d'Abdoulaye Wade et la fin de l'ère Abdou Diouf.
Paradoxalement, "c'est aux Etats-Unis qu'il va se faire connaître des Sénégalais", rapporte Ibrahima Kane, militant sénégalais des Droits de l'Homme au sein de la RADDHO et observateur attentif de la vie politique.
En Amérique, en effet, "il booste la section locale du Parti socialiste et surtout s'affirme comme quelqu'un qui n'a pas froid aux yeux, raconte Ibrahima Kane. Lors des visites du président Abdoulaye Wade, il n'hésite pas à aller à la charge, à dire au président que ce qu'il fait au Sénégal n'est pas bon. C'est aux Etats-Unis que beaucoup de jeunes vont commencer à apprécier ses talents d'orateur et son goût pour la bataille politique". Son mariage avec une Américaine octroie en outre à Barthélémy Dias une double-nationalité.
Energique, bouillonnant...
De retour au Sénégal, Barthélémy Dias s'attelle à remettre sur les rails le Parti socialiste alors emmené par Ousmane Tanor Dieng, incontournable figure du PS depuis de nombreuses années.
C'est à cette époque qu'il se rapproche encore davantage de Khalifa Sall, futur maire de Dakar, et lui aussi futur adversaire politique du président Macky Sall.
De son père Jean-Paul Dias, Barth a hérité une certaine intransigeance dans les relations humaines. Personnalité politique sénégalaise, Jean-Paul Dias a été compagnon de route d'Abdoulaye Wade avant d'être exclu du PDS en 1993 puis de se rallier à Macky Sall lors de la présidentielle de 2012. "Son père était à cheval sur ses principes et n'aimait pas se faire marcher sur les pieds, rappelle Ibrahima Kane. Je pense que ses problèmes avec Abdoulaye Wade sont davantage liés au comportement de Wade avec son entourage qu'à des désaccords politiques. Le père et le fils ont le même genre de caractères".