«L’ATTITUDE DE CERTAINES ORGANISATIONS DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME RISQUE DE CONTRIBUER A L’EFFONDREMENT DE NOTRE ETAT DE DROIT»
Babacar Ba s’inscrit en faux contre ses pairs et estiment que leur attitude risque de compromettre l’Etat de droit. Cela, tout en les invitant à rappeler les acteurs à la règle de droit, quel que soit leur bord politique.

Les cas Guy Marius Sagna et Adama Gaye défraient la chronique avec surtout des organisations des droits de l’homme qui réclament leur libération, tout en dénonçant l’article 80. Toutefois, si pour le cas de l’activiste membre du mouvement Frapp/France dégage, ces organisations semblent accorder leurs violons, cela n’est pas le cas pour l’affaire du journaliste Adama Gaye. En effet, le Président du Forum du justiciable, Babacar Ba s’inscrit en faux contre ses pairs et estiment que leur attitude risque de compromettre l’Etat de droit. Cela, tout en les invitant à rappeler les acteurs à la règle de droit, quel que soit leur bord politique.
Comment appréciez-vous les arrestations de l’activiste Guy Marius Sagna et celui du journaliste Adama Gaye ?
Pour le cas de Guy Marius Sagna, il faut reconnaitre que sa détention est purement arbitraire, son arrestation ne repose sur aucune base légale. L’article 429 bis objet de son inculpation dispose que «celui qui, par un moyen ou procédé quelconque, communique ou divulgue une information qu’il sait fausse dans le but de faire croire à l’existence ou à l’imminence d’un attentat… ». A la lecture de cette disposition, l’on se rend compte que le délit pour lequel Guy Marius Sagna a été inculpé suppose l’existence de deux éléments constitutifs à savoir : la divulgation d’une information et que la personne savait à priori que l’information divulguée était fausse. Mais, aujourd’hui, nous sommes tous d’avis que Guy Marius Sagna n’a divulgué aucune information dans le but de faire croire à l’existence ou à l’imminence d’un attentat, il n’est ni rédacteur ni signataire de la déclaration. Et quand j’ai parcouru ladite déclaration, j’ai eu l’impression qu’elle fait juste l’analyse d’un certain nombre de faits relatifs aux propos du ministre de l’Intérieur français.
Quid alors du cas du journaliste Adama Gaye ?
Pour le cas d’Adama Gaye, je précise d’emblée que je tiens énormément à la liberté d’expression qui est un droit fondamental. La Constitution du Sénégal garantit à chaque citoyen la liberté de réunion, de manifester et de s’exprimer librement. D’ailleurs, c’est ce qui fait le charme d’une démocratie. Mais faudrait-il rappeler également que la liberté d’expression n’est pas synonyme d’insulte. La liberté d’expression ne doit nullement porter atteinte ni à l’honorabilité et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public. Ces limites ont été bien précisées par le constituant sénégalais à travers l’article 10 de la Constitution en ces termes : «Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public». Donc il est bien clair que la liberté d’expression a des limites qui sont fondamentales. Les propos d’Adama Gaye à l’endroit de la plus haute institution du pays ont été qualifiés par une bonne frange des citoyens comme excessifs et je pense que tout républicain doit le condamner. Le Président de la République est une institution que chacun de nous doit respecter.
Que reprochez-vous aux associations des droits de l’- homme qui réclament leur libération ?
Alors pour le cas de Guy Marius Sagna, on n’a rien à reprocher aux organisations de défense des droits de l’homme. D’ailleurs je pense que sur ce cas, elles ont bien joué leur rôle en dénonçant son arrestation et en réclamant sa libération car son arrestation encore une fois de plus ne repose sur aucune base légale. Mais par rapport au cas de Adama Gaye qui est totalement diffèrent de celui de Guy Marius Sagna, certaines organisations de défense des droits humains devraient commencer par dénoncer les propos excessifs de M. Gaye et lui rappeler que nous vivons dans un Etat organisé, soumis à des règles qui répriment toute atteinte à l’honorabilité des gens et qu’on n’a pas le droit de jeter le discrédit sur les institutions. C’est comme ça qu’on arrivera à protéger les fondamentaux de notre Etat de droit. Mais, malheureusement tel n’a pas été le cas.
A votre avis, que devaient être leurs postures ou encore comment défendre au mieux les citoyens ?
L’attitude de certaines organisations de défense des droits de l’homme risque de contribuer à l’effondrement de notre Etat de droit. Si aujourd’hui, nous voulons construire un Etat de droit fort, certaines organisations de défense des droits de l’homme doivent prendre leur courage à deux mains pour dénoncer toute injustice et toute dérive notées, aussi bien du côté du pouvoir que du côté de l’opposition ; je dirais même de quelque bord que ce soit. Une organisation de droits de l’homme ne doit pas simplement se limiter à dénoncer les dérives du pouvoir et laisser de côté celles qui ne sont pas issues du pouvoir. La meilleure manière pour les Ong d’aider un citoyen à se maintenir dans la légalité, c’est de lui rappeler la règle de droit à chaque fois qu’il s’en éloigne et cela sans distinction d’appartenance politique ou citoyenne. C’est uniquement dans ce sens qu’on arrivera à construire un Etat de droit fort.