LE «LEADER DE L'OPPOSITION» PEUT-IL RECONQUERIR LE TERRAIN PERDU ?
Idy annonce sa candidature pour 2024 dans un contexte politique très agité. D’aucuns pensent qu’il appartient désormais au vieux temps, perdant du coup, son lustre d’antan.

Après avoir déclaré sa candidature à l’élection présidentielle de 2024, Idrissa Seck a quitté le gouvernement et Benno Bokk Yaakaar (Bby), coalition au Pouvoir. Désormais, le leader du parti Rewmi compte aller vers les Sénégalais pour les convaincre de le porter à la tête du pays au soir du 25 février 2024. Cependant, ça ne semble pas être une mince affaire vu ‘’tout le temps perdu durant son long compagnonnage avec le président de la République’’. Pour certains analystes politiques, Idrissa Seck a laissé filer beaucoup de points et céder du terrain au profit de grandes figures et prétendants au fauteuil présidentiel. Mais, d’autres suggèrent qu’il serait tôt de juger puisque beaucoup de ces ténors sont, jusque-là, entre les mailles de la justice.
D’aucuns pensent qu’il appartient désormais au vieux temps, perdant du coup, son lustre d’antan. Toutefois, Idrissa Seck ne veut pas l’entendre de cette oreille. La preuve, lors de sa dernière sortie, le président du parti Rewmi a déclaré urbi et orbi être le leader de l’opposition. À dix mois de l’élection présidentielle du 25 février 2024, l’arène politique connaît un autre retentissement, surtout avec cette phrase de l’ancien maire de Thiès lors de sa récente sortie médiatique : ‘’je connais mieux que tout autre candidat le fonctionnement d’une élection, y compris le président Macky Sall’’. Alors, une question taraude les esprits dans ce contexte politique très agité où la participation de certains favoris est encore compromise : Idy peut-il s’imposer en lauréat lors du scrutin de 2024 ? Ce n’est pas moins difficile à répondre si on s’en tient aux avis des analystes.
Son entrée «clair» et sa sortie «obscur» du gouvernement auraient grillé ses chances
Au sortir du scrutin présidentiel de 2019, Idrissa Seck était incontestablement le chef de file de l’Opposition, en témoigne le rang qu’il avait occupé. Deuxième, derrière Macky Sall, vainqueur de l’élection. C’est ainsi qu’il était devenu un leader charismatique. Il avait même réussi à réunir et à convaincre les candidats malheureux pour éviter toute ‘’contestation violente des résultats et parer à toute éventualité’.
Toutefois, le premier novembre 2020, une situation inédite s’est produite. À la surprise générale, Idrissa Seck est nommé président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) par le président Macky Sall, devenant ainsi membre de Benno Bokk Yaakaar, la coalition au Pouvoir. Par conséquent, il se retrouve sous les ordres de son ancien adversaire.
Cependant, sa décision de se présenter à l’élection présidentielle de 2024 a mis fin à leur collaboration qui a duré trois ans. Et pour certains analystes politiques, l’ancien Premier ministre sous le régime d’Abdoulaye Wade n’a pas ses chances de peser sur la balance électorale. Ce, pour plusieurs raisons dont son entrée dans le gouvernement étant pourtant la figure de proue de l’Opposition. Babacar Dione est de ceux qui voient en Idy, un homme ayant gâché toutes ses chances. Et l’une des causes est d’avoir sacrifié son parti au profit de sa curieuse collaboration avec le président Sall. Pour l’analyste politique, il y a eu un réel manque d’animation de son parti. Ce que regrette M. Dione :’’Même si on est dans un gouvernement, la moindre des choses à faire, c’est d’animer son parti. Mais, durant sa collaboration avec le président Macky Sall, Idrissa Seck n’a bougé d’un seul iota pour faire vivre son parti. Par exemple, lorsque le chef de l’Etat était parti à Thiès, on ne l’a même pas vu, même pas sa petite photo sur les affiches. Or, ces genres de moments solennels sont importants pour un leader politique. Ils lui permettent de faire vivre son activité politique et son parti aussi. Mais, on ne voyait que des photos de Yankoba Diattara aux côtés du président de la République’’.
A entendre parler M. Dione, le leader du parti Rewmi n’a mené aucune activité politique depuis deux ou trois ans, le temps qu’il a duré à la tête du Cese. Ce qui serait à son désavantage. Cette inaction d’Idy vis-à-vis de ses troupes et décriée par Babacar Dione a eu son lot de conséquences. M. Dione de laisser entendre :’’Il a perdu beaucoup de temps. D’ailleurs, c’est ce qui explique ses sorties. Il est en train d’essayer de rattraper le temps perdu. Et l’autre chose qu’on ne peut pas comprendre, c’est le fait qu’il soit resté dans le gouvernement durant tout ce temps alors qu’il avait en tête l’idée d’être candidat. Tout ça n’est bon pour son image. D’autant plus qu’entre temps, des leaders politiques comme Ousmane Sonko ont marqué énormément de points’’.
Pour l’analyste politique, la sortie d’Idrissa Seck du gouvernement est trop tardive. Il estime même que le président du parti Rewmi n’a plus la même tonalité et le même statut des années passées. Et pour appuyer sa pensée selon laquelle Idy n’a pas choisi le bon moment pour sortir du gouvernement, M. Dione avance :’’Quand on sort d’un gouvernement à la dernière minute, espérant pouvoir convaincre les Sénégalais, ça pose problème. Encore une fois, je crois que M. Seck a perdu beaucoup de points’’.
Le contexte politique actuel joue-t-il en sa faveur ?
Beaucoup de Sénégalais sont d’avis que la réalité politique actuelle ne profite plus à Idrissa Seck. Toutefois, cela peut être perçu comme des conclusions hâtives au regard de ce que nous offre, jusque-là, la situation politique. Certes, il y a plusieurs sérieux prétendants au fauteuil présidentiel, mais l’incertitude quant à la participation de certains d’entre eux, plane toujours. Par exemple, ces cas évoqués par Ibrahima Bahoum. ‘’Il y a de potentiels candidats, mais très peu sont assurés de pouvoir participer. Sur la question judiciaire ou politico-judiciaire, il y a des dossiers en instance. Et dans certains cas, on a l’impression que ça dépendrait de la volonté du président Macky Sall. Autrement dit, ce serait les cas de Karim Wade, de Khalifa Sall et éventuellement d’Ousmane Sonko’’, explique l’analyste politique.
Pour le cas de Karim Wade, il y a ceux qui croient qu’il lui serait possible de se rabattre sur les institutions internationales pour sauver sa candidature. Ce qui revient à dire qu’il n’aurait pas besoin de la fameuse amnistie qu’il a d’ailleurs, toujours rejetée. À cet effet, M. Bakhoum donne les détails :’’Certains disent qu’il pourrait s’appuyer sur les décisions de la Cedeao ou du comité des Droit de l’homme des Nations unies. Et même indépendamment de tout ça, ses avocats soutiennent que la déchéance des droits politiques n’excède pas cinq ans. De ce point de vue-là, on peut dire que plus rien ne le retiendrait vu qu’il a déjà grillé ses cinq ans. On peut considérer donc qu’il ne dépendrait plus de la volonté du président Macky Sall’’.
A la lumière de ces explications, on peut en déduire que la situation du fils de l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade semble moins compliquée que celle de Khalifa Sall. En effet, l’ancien maire de Dakar, ayant encore des démêlés avec la justice, n’a jusque-là pas demandé à être amnistié. Ce qui, aux yeux de l’analyste politique, est plus compliqué. ‘’La condamnation de Khalifa est encore récente. Il n’a pas passé les cinq ans dont parlent les avocats de Karim Wade. En plus, pour l’amnistie, M. Sall n’est pas demandeur alors que de l’avis de certains, il faut qu’il y ait demandeur pour que cette amnistie soit envoyée à l’Assemblée nationale’’, a fait savoir M. Bakhoum.
Sonko toujours en pole position !
Parmi tous ces cas, le plus en vue est sans doute Ousmane Sonko. Bien que considéré comme le leader de l’Opposition par pas mal d’observateurs politiques, ce dernier n’est pas encore totalement à l’abri. Sa participation à la présidentielle de 2024 est jusque - là incertaine. En cause, le procès en appel l’opposant au ministre Mame Mbaye Niang, renvoyé au 8 mai prochain. Des problèmes judiciaires qui pèsent toujours sur ses épaules. C’est la raison pour laquelle Ibrahima Bakhoum, attentif, déclare :’’Concernant Ousmane Sonko, il y a encore l’épée de Damoclès qui est suspendue jusqu’au 8 mai. Mais on verra ce qui se passera». Toutes ces réalités qui créent encore une situation confuse peuvent-elles profiter au leader de Rewmi ? Même si le bonheur des uns fait le malheur des autres, il est encore difficile de tirer des conclusions. Au vu de la situation indécise et confuse, on pourrait admettre que rien n’est encore joué pour le scrutin présidentiel du 25 février 2024.