LE SÉNÉGAL SUR LE FIL DU RASOIR
L’attitude du pouvoir sénégalais irrite à Paris. L’idée du troisième mandat, la répression, tout cela déclenche, hors micro, de l’inquiétude chez plusieurs diplomates français. Parfois, servir la démocratie c’est savoir renoncer au pouvoir

La tension politique est forte au Sénégal, pourtant un ilot de stabilité en Afrique de l'Ouest. Plusieurs manifestations ont eu lieu en soutien au principal opposant traduit en procès. Ce climat électrique inquiète à Paris, au moment où la France a déjà été « mise à la porte » du Mali et du Burkina.
Dakar, ces dernières 24h, s’est transformé en camp retranché.
Avec des scènes auxquelles le Sénégal ne nous a pas habituées. Ce pays de 17 millions d’habitants, familier des alternances politiques, résiste jusqu’à présent à l’instabilité qui frappe la région.
Mais ça se dégrade.
Hier et aujourd’hui, nombre de banques et de commerces sont restés fermées, les vacances scolaires ont été avancées de 48h, et les embouteillages habituels de la capitale sénégalaise ont cédé la place à des quadrillages policiers.
L’opposition avait en effet appelé à des manifestations, interdites. Manifestations pour soutenir le principal adversaire du président Macky Sall, Ousmane Sonko, traduit en procès pour diffamation.
Sonko ne s’est pas rendu au tribunal. Et à l’issue d’une audience expéditive, il a été condamné à 2 mois de prison avec sursis et 300.000 euros d’amende.
C’est très en deçà des réquisitions du Parquet, 2 ans fermes.
Mais l’incertitude demeure sur l’éligibilité de Sonko pour être candidat lors de la présidentielle dans un an. D’autant que l’opposant est poursuivi dans une autre affaire, accusé de viol.
Ses partisans, qui multiplient les manifestations depuis plusieurs semaines, y voient un complot pour l’écarter de la course électorale. Et ils dénoncent une répression violente des forces de l’ordre.
Le pouvoir répond que le parti de Sonko est « un mouvement dangereux pour la démocratie ».
La tentation illégitime du 3ème mandat
Dit comme ça, ça peut ressembler une simple rivalité politique. Pourquoi c’est aussi tendu ?
Parce que le président en place, Macky Sall, au pouvoir depuis 11 ans, semble avoir l’intention de briguer un 3ème mandat l’an prochain.
Or la Constitution le lui interdit. Elle a certes été modifiée pour ramener le mandat à 5 ans, mais ça ne change rien à l’interdiction d’un 3ème mandat.