L’UNITÉ OU LE DÉLUGE
Le chef du gouvernement dont la candidature ne fait pas l’unanimité au sein surtout de l’Alliance pour la République aura ainsi la lourde tâche de remobiliser les troupes s’il espère devenir le prochain président du Sénégal

Soutenu et adoubé par le Président Macky Sall qui l’a désigné pour porter les couleurs du pouvoir à la prochaine élection présidentielle, le Premier ministre Amadou Ba a tout pour remporter les joutes électorales. Mais force est de constater que dans la mouvance présidentielle, « l’ennemi » est de l’intérieur, puisque presque dans toutes les localités où Benno Bokk Yaakaar (BBY) a perdu une élection, ce sont les responsables de la coalition au pouvoir qui y ont joué un grand rôle à cause de guerres de positionnement et de problèmes crypto-personnels. Le chef du gouvernement dont la candidature ne fait pas l’unanimité au sein surtout de l’Alliance pour la République (APR) aura ainsi la lourde tâche de remobiliser les troupes s’il espère devenir le cinquième président de la République du Sénégal. La tâche s’annonce difficile, car un combat n’est jamais gagné d’avance.
Après l’euphorie, place à la réalité du terrain. Le Premier ministre Amadou Ba a été désigné comme le candidat du pouvoir pour la prochaine élection présidentielle. Certains sont en train de le féliciter, d’autres rivalisent pour lui faire les yeux doux pour entrer dans ses bonnes grâces. Mais être désigné ne veut pas dire gagner. Le plus difficile reste à faire pour l’ancien ministre des Affaires étrangères quand on sait que partout où Benno Bokk Yaakaar (BBY) a perdu lors d’une élection, ce n’est pas systématiquement du fait de l’opposition mais plutôt de l’attitude de ses propres responsables. A Dakar par exemple, les partisans de l’ancien ministre de la Santé Abdoulaye Diouf Sarr avaient accusé l’actuel chef du gouvernement d’avoir saboté la campagne de la coalition au pouvoir durant les Locales, avec plusieurs candidatures dont celles de Mame Mbaye Niang et autres. A Tambacounda, les responsables s’accusent. Ce qui les a conduits à un faible score, lors des dernières élections locales et législatives
Donc l’enjeu principal aujourd’hui est de savoir si Amadou Ba va réussir à recoller les morceaux. Déjà, au sein de son parti l’Alliance pour la République (APR), qui est la locomotive de BBY, on n’a pas vu l’enthousiasme des structures. Celles-ci sont restées aphones depuis sa désignation. On n’a entendu ni la COJER, ni le MEER, ni le mouvement des femmes. Non seulement les structures régulières de l’APR sont restées aphones mais les personnes qui les symbolisent n’ont pas encore exprimé leur enthousiasme. Alors, la question qui taraude l’esprit des observateurs de la scène politique est de savoir si l’actuel chef du gouvernement réussira à remobiliser les troupes, ce qui est son plus grand défi.
Une tâche qui s’annonce déjà difficile avec la rébellion d’Abdoulaye Daouda Diallo. Tout le monde sait que même si l’actuel président du Conseil économique social et environnemental (CESE) rentre dans les rangs, il ne se donnera pas à fond pour l’aider parce qu’il n’est pas son candidat. On le lui a imposé. Il en est de même pour Harouna Dia qui, quoique proche du président de la République, est peut-être obligé de suivre la mouvance, mais il n’est pas forcément un homme d’Amadou Ba. Dans sa philosophie, l’actuel Premier ministre n’est pas un membre de l’APR dans les premières heures et il n’est pas un bon exemple, car le fait qu’il traîne la casquette de «fonctionnaire-milliardaire» pose problème pour lui. Si le maire de Kolda Mame Boye Diao est dans la rébellion, Moustapha Diop, Racine Sy et autres ont tous exprimé leur désir de se présenter à la prochaine élection présidentielle, sans compter le cas Aly Ngouille Ndiaye. Donc beaucoup d’autres dans les chaumières ne sont pas forcément en phase avec la décision du président de la République.
L’une des faiblesses d’Amadou Ba également, c’est que pendant tout le temps qu’il est aux affaires, il s’est limité seulement à Dakar. Il ne s’est pas fait de réseaux au niveau national. Dans les régions périphériques, les gens semblent ne pas le connaître très bien. Autrement dit, les responsables de BBY et de l’APR dans les coins les plus reculés du Sénégal disent ne pas le connaître pour la plupart du temps.
SES FORCES
La principale force d’Amadou Ba, en tant que candidat du pouvoir pour la prochaine élection présidentielle, est qu’il est parrainé par le chef de l’Etat Macky Sall et que ce dernier fera tout son possible pour le voir lui succéder après les joutes électorales prévues en février. Le locataire du Palais qui termine visiblement son mandat dans l’optimisme, avec de nombreuses réalisations à son actif grâce au Plan Sénégal Emergent (PSE), sera sans nul doute à ses côtés pour lui permettre de triompher de ses adversaires et d’assurer la continuité de ses réalisations comme il l’a toujours souhaité. Dire que l’actuel Premier ministre a le soutien de Macky Sall signifie aussi qu’il aura derrière lui la coalition Benno Bokk Yaakaar, qui depuis sa création jusqu’à ce jour, n’a jamais perdu une élection. Contrairement au parti au pouvoir où la rébellion est très visible, les alliés de l’APR dans la coalition BBY sont en phase avec le président de la République pour soutenir son candidat.
En sa faveur, les Dakarois peuvent se dire également que c’est la première fois qu’ils ont la chance d’élire un « boy Dakar » à la tête du pays. Puisque depuis son accession à la souveraineté internationale, le Sénégal n’a connu que des présidents de la République qui viennent de l’intérieur du pays. Léopold Sédar Senghor vient de Joal, Abdou Diouf de Louga, Abdoulaye Wade de Kébémer et Macky Sall est natif de Fatick où il était d’ailleurs élu même maire de la ville. Etant donné que Dakar est presque le tiers de l’électorat, cela peut jouer également en sa faveur.
Sorti de l’École nationale d'administration et de magistrature (Enam, devenu Ena), il pourra bénéficier de l’appui des fonctionnaires, surtout de proches de l’opposant Ousmane Sonko disqualifié pour la prochaine Présidentielle. Ils pourraient voir en Amadou Ba un homme providentiel, pour ses relations personnelles avec le leader de Pastef. Mais aussi, il bénéficie d’une bonne réputation chez ceux qui le connaissent, car on susurre que c’est quelqu’un de très zen et qui ne s’énerve pas très vite.
La force de l’actuel chef du gouvernement relève également de ses milliards qui font fantasmer. Beaucoup disent qu’il est riche comme Crésus. Et comme le roi CFA est là, certains pourraient rejoindre la locomotive pour espérer quelque chose. Son défi donc et celui de la mouvance , c’est l’unité ou le déluge.