VIDEOPAS DE CAP À L'HORIZON
Dans ses conclusions des « Conversations citoyennes » de Sursaut Citoyen samedi, Mamadou Ndoye a expliqué pourquoi l'absence de réformes structurelles condamne le pays à naviguer sans boussole, malgré les promesses de transformation systémique

(SenePlus) - La première session des Conversations citoyennes 2025 s’est tenue le samedi 6 décembre 2025 à l’hôtel Noom (ex Radisson) à Dakar, marquant le lancement officiel d’un cycle public hebdomadaire autour des enjeux de refondation institutionnelle et de gouvernance démocratique. L’évènement organisé par Sursaut Citoyen en collaboration avec la Coalition de la société civile pour l’application des conclusions des Assises Nationales et de la CNRI avait pour objectif de replacer au cœur du débat national le Pacte national de Bonne Gouvernance démocratique signé par treize des dix neuf candidats à l’élection présidentielle de 2024 dont l’actuel président Bassirou Diomaye Faye.
Le conférencier principal était l’ancien Premier ministre Mamadou Lamine Loum également membre du directoire des Assises Nationales et de la CNRI. Il a livré une intervention fondatrice en rappelant en détail le contenu et l’esprit du Pacte national. Il a souligné que ce texte trace clairement la voie des réformes nécessaires rappelant qu’il constitue un engagement collectif et formel de la majorité des candidats de 2024 y compris du chef de l’État en exercice.
Le panel comprenait ensuite le Dr Selly Ba sociologue et professeur à l’UCAD ainsi que Mame Adama Gueye avocat ancien bâtonnier et fondateur du Forum Civil.
Les Conversations citoyennes se poursuivront chaque samedi de 16h à 18h au même lieu avec pour ambition d’instaurer un espace public durable de réflexion de vigilance et de construction démocratique. La prochaine session aura lieu samedi 13 décembre 2025 autour thème « Le Pacte et les Assises de la Justice un an après où en sont les réformes promises ».
L'ancien ministre de l'Éducation et coordinateur de Sursaut Citoyen, Mamadou Ndoye, a livré samedi la synthèse des discussions lors de cette première session des « Conversations citoyennes 2025 », consacrée au thème « Le Pacte national de bonne gouvernance démocratique et la refondation de l'État : les réformes urgentes dans le contexte actuel ».
Dans ses conclusions du débat, Mamadou Ndoye a mis en exergue « la gravité de la situation nationale » actuelle, caractérisée par un risque imminent de blocage financier du pays. « Nous pouvons rapidement arriver à un blocage financier du pays avec toutes les conséquences parce que si ce blocage arrive, c'est une boule de neige », a-t-il averti.
Cette crise économique survient dans un contexte de tensions multiples. L'ancien ministre s'est notamment inquiété de « la lutte de pouvoir à la tête de l'État » qui, selon lui, « peut distraire de la recherche de véritables solutions à la situation grave nationale du point de vue financier ».
Au-delà des difficultés économiques, Mamadou Ndoye a souligné l'émergence de tensions sociales préoccupantes. « Toutes les pratiques qui sont en train de créer des frustrations, des sentiments de révolte et des risques de fracture du tissu national », a-t-il déclaré, citant notamment « les questions de xénophobie qui commencent à émerger » ainsi que la résurgence de « conflits très enracinés dans la société comme entre éleveurs et agriculteurs ».
Ces tensions rappellent, selon lui, les dynamiques qui ont déstabilisé d'autres pays du Sahel : « On sait ce que ça a joué comme rôle dans tous les pays du Sahel qui ont aujourd'hui des problèmes ».
L'urgence des réformes systémiques
Au cœur de la critique de Mamadou Ndoye figure l'absence de vision claire et de réformes structurelles. « Tant que tu n'as pas les réformes qui t'ouvrent le cap, qui te donnent le cap à tout le monde, à la population, tant que tu n'as pas ça, tu n'as ni cohérence de ton action ni pertinence de ton action », a-t-il affirmé.
L'ancien ministre a établi une distinction fondamentale entre urgence et priorité politique : « La priorité à l'époque était de réformer le pays. La priorité n'était pas de dire 'je vais régler des questions de riz et d'huile'. C'était pas la priorité du tout. Ça pourrait être une urgence mais ce n'est pas la priorité. »
Cette position fait écho aux engagements pris lors de l'élection présidentielle de mars 2024, lorsque le président Bassirou Diomaye Faye avait signé le Pacte national de bonne gouvernance démocratique élaboré par Sursaut Citoyen. Pourtant, constate Mamadou Ndoye avec amertume, « personne aujourd'hui ne peut sentir que quelque part nous avons fait une réforme qui nous dit voilà où va le pays ».
« Nous avons voté pour une transformation systémique », a rappelé l'ancien ministre, soulignant le fossé entre les promesses électorales et la réalité. « Chacun sait que la transformation systémique, soit vous agissez sur le système globalement pour lui donner une nouvelle orientation, ce qu'on appelle une refondation, soit vous avez une réforme à potentiel de transformation systémique. On a rien. »
Cette absence de cap clair se traduit, selon lui, par une action gouvernementale désordonnée : « Tu n'as pas de cohérence parce que tu vas ajouter des actions à des actions qui ne te mènent pas quelque part. Et nous sommes en train de vivre dans cette situation-là aujourd'hui dans le pays. »
Un mouvement citoyen au rôle bien défini
Mamadou Ndoye a néanmoins tenu à clarifier la nature et les limites de l'action de Sursaut Citoyen. « Nous ne portons pas le poids de la transformation du pays. Nous ne portons pas ce poids du tout », a-t-il insisté, définissant le mouvement comme « un groupe informel de réflexion et d'action » sans structure territoriale.
« Ce qui nous réunit ici, c'est l'intérêt et l'engagement que nous avons pour la transformation du pays », a-t-il expliqué, précisant les trois axes principaux du pacte national : les droits et devoirs des citoyens, le mode de dévolution du pouvoir, et l'équilibre des pouvoirs.
Tout en reconnaissant les limites de leur influence directe, « nous ne pouvons pas forcer Diomaye à nous recevoir », l'ancien ministre a souligné l'impact intellectuel du mouvement : « En tant qu'intellectuels, nous pouvons avoir de l'influence sur l'opinion. Et nous avons de l'influence parce que nous avons de la résonance aujourd'hui. »
Les « Conversations citoyennes 2025 » se poursuivront samedi prochain avec une deuxième session, témoignant de la détermination du mouvement à maintenir la pression pour l'avènement des réformes promises.














