«UNE DÉMARCHE NON PARTISANE EST LE MEILLEUR MOYEN D’ENGAGER UN DIALOGUE FRANC AVEC LA JEUNESSE»
Seybani Sougou, analyste politique, décrypte la rupture de confiance des jeunes avec Macky Sall et sa coalition « Benno Bokk Yaakaar ».

Seybani Sougou, analyste politique, décrypte la rupture de confiance des jeunes avec Macky Sall et sa coalition « Benno Bokk Yaakaar ». Une rupture constatée à l’occasion des élections locales du 23 janvier 2022 avec la belle percée de « Yewwi Askan Wi » dans quelques grandes villes du pays.
L’analyste relève que même si la coalition « Benno Bokk Yaakaar » est parvenue à maintenir sa suprématie dans certains départements, notamment les zones rurales, ces élections locales ont été marquées par un désaveu sans appel à l’égard du pouvoir. M. Seybani Sougou constate que dans les grands centres urbains comme Thiès, Dakar et sa périphérie en banlieue (Guédiawaye), il y a eu incontestablement un vote sanction. Une forte défiance des jeunes et particulièrement des primo-votants contre la majorité présidentielle. Lesdites grandes villes sont des localités stratégiques à fort enjeu électoral.
D’après le consultant, les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont profondément transformé le cadre de l’engagement politique et civique. « Internet, Facebook et Whatsapp offrent aux jeunes, qui vivent dans les centres urbains, des moyens d’expression radicalement différents des canaux classiques (télé, ou médias traditionnels). Pour les jeunes, la toile est devenue un puissant vecteur de mobilisation collective. Elle favorise une posture critique à l’égard du pouvoir sans filtre, ni censure », explique-t-il. Selon l’expert en marchés publics à Paris, l’un des enseignements majeurs du scrutin du 23 janvier dernier, c’est que les jeunes ont voulu adresser un message fort au régime. Ils ont exprimé un ras-le-bol, tout en soulignant que leurs nombreuses attentes et préoccupations exprimées, lors des manifestations de mars 2021, n’ont pas été prises en compte. « Vous ne nous avez ni compris ni entendus », semblent dire ces jeunes en faisant référence au discours du président Macky Sall prononcé au lendemain desdits événements.
Le sacre des « Lions », un état de grâce pour le régime de Macky Sall
Le Sénégal, insiste notre interlocuteur, est en train de vivre un moment d’unité nationale exceptionnelle et rare avec le sacre des « Lions ». « Tous les Sénégalais, dans un élan unanime, ont tu leurs divisions, transcendé les clivages politiques et vibré à l’unisson pour les Lions et le Sénégal. Cette période d’apaisement et de concorde nationale est équivalente à un état de grâce pour un régime qui vient d’être élu. Les jeunes Sénégalais ont prouvé qu’ils étaient capables de produire des émotions positives. C’est une jeunesse pacifique et pleine d’espoir qui a manifesté sa joie dans toutes les rues et dans toutes les contrées du Sénégal », décrypte M. Seybani Sougou.
Un dialogue franc, ouvert et désintéressé avec la jeunesse, exigée
Selon lui, le climat actuel doit être l’occasion pour le régime de modifier radicalement sa politique, de mettre fin au népotisme, à la gabegie, à la prévarication des deniers publics par certains membres de la majorité. Mais aussi, de stopper les arrestations arbitraires d’opposants, tout en renforçant l’Etat de droit.
Ainsi, préconise Seybani Sougou, Macky Sall doit rétablir la démocratie pour tenter de récréer le lien perdu avec le peuple et sa jeunesse. Ce qui, à ce stade, est loin d’être gagné. « La décision urgente à prendre par Macky Sall pour décrisper la situation et qui a certainement motivé la mobilisation exceptionnelle des jeunes lors de ce scrutin, est de renoncer définitivement à une 3ème candidature qu’on lui prête à tort ou à raison. Macky Sall doit clarifier la situation et préparer sa sortie. Se mettre au-dessus de la mêlée et s’inscrire dans une démarche non partisane est le meilleur moyen d’engager un dialogue franc, ouvert et désintéressé avec la jeunesse. Celle-ci sera plus à l’écoute de ses propositions dans une telle posture », recommande l’analyste Seybani Sougou. D’après lui, comme elle l’avait fait en 2000 pour Wade, la jeunesse sénégalaise, à travers le signal des locales, a envie de fermer la parenthèse Macky Sall qui s’est amorcée en 2021 et dont le terme est en 2024. Macky Sall, conseille-t-il, doit décrypter le message pour quitter le pouvoir en paix et de façon apaisée.