LE SENEGAL GRAPPILLE UNE PLACE
Le Tip 2019, rapport du département d’Etat américain sur la traite des personnes, félicite le Sénégal pour ses évolutions. Le pays quitte le niveau 3 pour le deuxième tiers du niveau 2, mais continue toutefois de trainer des lacunes dans le domaine.

Le gouvernement du Sénégal ne remplit pas pleinement les normes minimales pour l’élimination de la traite. Des efforts importants sont toutefois consentis pour y arriver. C’est, en substance, les conclusions du rapport du département d’Etat américain sur la traite des personnes. Un document qui récapitule les occurrences de ce phénomène dans pratiquement tous les pays. Mieux, les autorités sénégalaises ont été notées positivement, de la période allant du 1er avril 2018 au 31 mars 2019. ‘‘Le gouvernement a montré des efforts globalement croissants pour respecter les normes minimales par rapport à la période de référence précédente.
Donc, le Sénégal a été élevé à la liste de surveillance du niveau 2de de ce classement’’. Ce qui veut dire que le pays est sorti du niveau 3 où il se trouvait ces trois dernières années. Ce niveau 3 signifie qu’un gouvernement ne réunit pas pleinement les standards minimums de la loi internationale contre le trafic de personnes (Tvpa) et ne fait pas d’efforts outre mesure. La liste de surveillance du niveau 2 est donc un point de plus, signifiant que le pays ne réunit pas pleinement les standards minimums, mais fait des efforts significatifs dans ce sens, en dépit de la persistance du nombre de victimes ou des pires formes de trafic. Les procédures légales n’aboutissent pas non plus, selon les exigences de la liste de surveillance. Une fois ces deux dernières conditions réunies, le pays pourrait atteindre le niveau 2 qui reconnait les efforts avérés et éventuellement le niveau 1 qui récompense les pays qui s’alignent sur les standards.
Pour les bons points de ce rapport, le département d’Etat s’est pourtant félicité que ‘‘le gouvernement a démontré globalement des efforts croissants, en condamnant six personnes impliquées dans la traite des êtres humains, y compris trois trafiquants se faisant passer pour des enseignants coraniques. Ces derniers exploitaient des enfants à la mendicité forcée, violant la loi de 2005 relative à la lutte contre la traite des êtres humains’’, alors que seuls trois individus avaient été condamnés pour mendicité forcée depuis 2005
. Les pouvoirs publics, qui ont organisé des opérations d’extraction d’enfants de la rue, ont été notés favorablement pour avoir ‘‘identifié et fourni des soins à plus de victimes de traite d’enfants et un engagement accru avec les communautés religieuses et le grand public pour élever la sensibilisation par rapport à la traite des êtres humains’’. Cependant, le rapport pointe le peu d’entrain du gouvernement dans plusieurs domaines clés. Les autorités ont ‘‘rarement utilisé la loi de 2005 contre la traite pour poursuivre les trafiquants, et toutes les peines, sauf deux prononcées au cours de la période considérée, étaient inférieures aux peines minimales prévues par la loi’’. En somme, la judiciarisation des cas de mendicité forcée laisse à désirer. Le gouvernement a appliqué des sanctions administratives à la plupart des individus qui exploitent les enfants dans la mendicité forcée, plutôt que de les poursuivre sur le plan criminel. Les coordinations entre les agences gouvernementales ont continué à être faibles.
Réglementer les “daara’’, l’issue
Le Sénégal partage sa place avec des pays comme l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Afghanistan et 34 autres nations, africaines pour la majorité. Dans les recommandations, le constat reste le même pour des solutions mille fois édictées par les organismes de défense des droits humains, les organisations de la société civile et les agences de protection de l’enfance : un durcissement des sanctions. Aussi, le rapport suggère ‘‘explicitement que les responsables de l’application de la loi et les autorités judiciaires augmentent de manière significative les efforts pour enquêter et poursuivre au pénal les infractions de traite, à la suite d’une procédure régulière’’. Ceci notamment contre ‘‘ceux qui exploitent des enfants en mendicité forcée et punissent les trafiquants reconnus coupables avec des peines de prison importantes avec la loi de 2005 contre la traite’’. Le rapport suggère également que soit approuvé, dans les plus brefs délais, le projet de loi réglementant les “daara’’ (écoles coraniques) et leur allocation en ressources et inspecteurs pour sa mise en œuvre. La continuation de la mise en œuvre de l'action nationale 2018-2020 contre la traite, la continuation du projet de cartographie des “daara’’, le développement d’un cadre pour réglementer le recrutement de main-d'œuvre à l’étranger pour prévenir l’exploitation des travailleurs sénégalais à l'étranger... sont entre autres recommandations formulées pour combattre le phénomène.
LES USA AUSSI
La loi sur la Tvpa est une législation étasunienne qui a une portée domestique aussi bien qu’un déploiement international. Elle définit le trafic humain comme ‘‘le trafic sexuel dans lequel l’acte sexuel commercial est induit par la force, la fraude ou la coercition dont la personne amenée à accomplir un tel acte n’a pas atteint l’âge de 18 ans ; ou le recrutement, l'hébergement, le transport, la mise à disposition ou l’obtention d’un individu pour le travail ou un service, en recourant à la force, à la fraude ou à la contrainte, afin de le soumettre à la servitude involontaire, l’empoisonnement, la servitude pour la dette ou l’esclavage’’.
En compagnie d’instruments internationaux comme la Convention des Nations Unies contre le crime transnational organisé (Protocole de Palerme ratifié par 173 pays en mars 2019) qui renforce le Protocole des Nations Unies pour la prévention, la suppression et la punition du trafic humain, il constitue l’un des rapports les plus guettés sur la question. A l’image du Sénégal, d’autres pays présentent cette particularité d’utiliser une justification religieuse pour le travail forcé des enfants, comme le Brésil. Le rapport déclare que certaines églises les envoient travailler dans les usines, les champs et les restaurants. En Ethiopie, c’est sous prétexte d’envoyer les enfants du milieu rural dans les grandes villes pour des travaux domestiques que l’exploitation se fait. Le niveau 1 concentre les pays occidentaux principalement et ils ne sont pas épargnés par ces pires formes d’exploitation d’humains, des enfants notamment. Au Royaume-Uni, les gangs forcent ces derniers à faire la mule pour le transport de drogue, tandis qu’aux Usa, les enfants des familles d’accueil sont la proie préférée des trafiquants. ‘‘De récents rapports ont montré qu’un grand nombre d’enfants victimes de trafic sexuel était au moins issu de ces familles’’, déclare l’avant-propos du rapport.