«COMMENT J’AI VECU LA MORT DE PAPA WEMBA SUR LA SCENE DU FEMUA»
Palabres avec…. Salif Traore A’Salfo, leader de Magic System et coordonnateur du Femua

Salif Traoré dit A’Salfo, le leader du groupe Magic Systm et principal incitateur du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua), était à Dakar pour procéder au lancement de la 13ème édition de ce festival. Il s’est prononcé sur la situation politique en côte d’ivoire et sur le choix du Sénégal comme pays invité d’Honneur. Les présidents sénégalais et ivoirien sont les parrains de cette édition qui se tiendra du 14 au 19 avril 2020.
Vous êtes à Dakar pour les besoins du lancement du Femua. Pourquoi le choix porté sur le Sénégal?
Pour la seconde étape, on a unanimement choisi le Sénégal. On n’a même pas cité les pays pour un vote. tout le monde disait le Sénégal. Parce que les liens entre le Sénégal et la cote d’ivoire sont tellement solides et intenses. On a même une rue à Treichville qui rappelle le Sénégal. Le « ceeb» sénégalais est très prisé chez nous. Donc il y a tous ces échanges culturels et historiques qui justifient amplement ce choix. Même au niveau de nos deux présidents, on voit qu’ils sont les plus complices en Afrique... nous voulons que le Sénégal vienne nous montrer son génie créateur. C’est un pays pionnier en matière de culture et nous attendons que vous veniez nous apprendre des choses. il s’agit d’une année charnière et de choix en côte d’ivoire avec les élections. nous voulons vraiment que le Sénégal nous apprenne comment il a toujours fait pour se sortir de ce genre de situation politique. Pour vous dire que l’on peut passer par la culture pour réussir beaucoup de choses.
Qu’est-ce qui vous séduit au Sénégal ?
Je dirai sans hésiter la chaleur de l’hospitalité sénégalaise. a chaque fois que je prends l’avion pour venir au Sénégal, j’ai comme l’impression de passer six heures dans les airs, tellement j’ai hâte de retrouver ce beau pays Pour moi, c’est l’hospitalité qui est la première qualité qui nous marque chez les sénégalais. il y a aussi ce lien particulier avec votre pays qui fait qu’à chaque fois que l’on vient ici, on se sent chez soi.
Quels seront les artistes au programme de ce festival ?
Nous attendons de tout finaliser avant de publier une liste. Nous avons des accords de principe et les signatures sont en train de se faire. C’est d’ailleurs pour ça qu’une autre conférence de lancement aura lieu le 12 mars prochain à Abidjan pour publier la liste définitive. Etant artiste, je n’aime pas que l’on m’annonce dans un évènement avant que je ne touche mes 50%. Donc je ne vais pas faire subir aux autres ce que je n’aime pas. « Quand on est dans la philanthropie, on ne se fixe pas d’objectifs et on fait tout pour réaliser le maximum de projets »
En 13 ans vous avez réalisé énormément de choses?
Vous savez, il y a un proverbe Zouglou qui dit que la pluie c’est comme l’argent. cela ne suffit jamais. Quand tu as dix mille, tu as un problème de cent mille. Quand tu as cent mille, tu as un problème d’un million. on a circoncis des projets et on ne s’est pas fixé d’objectifs. on a construit une école au début, et dix ans plus tard, on a construit dix écoles. Quand on est dans la philanthropie, on ne se fixe pas d’objectifs et on fait tout pour réaliser le maximum de projets. ce sera toujours inscrit dans la continuité. si chaque artiste a les moyens de construire dix écoles en Afrique, vraiment ce serait une excellente chose.
Il y a une rumeur persistante sur la participation de Youssou Ndour…
Si un artiste sénégalais doit venir en côte d’ivoire, cela dépend du ministère de la culture et de la communication. Je crois que Youssou ne sera pas l’artiste tête d’affiche du Sénégal. Je préfère vraiment ne pas répondre à cette question. On attend encore avant d’annoncer de manière officielle les artistes qui vont participer. le moment venu, tout le monde sera informé.
Comment avez-vous réussi à vous relever suite au décès de Papa Welmba sur la scène du Femua ?
(… silencieux durant un long moment ….)Je suis très peiné de remuer le couteau dans la plaie et de revenir sur ces évènements malheureux. Même s’il faut encore rendre hommage à Papa Wemba qui est effectivement décédé sur la scène du Femua. ce n’était pas une des plus faciles et vous avez eu à partager cette douleur avec nous à distance. la perception des choses était différente, ici ou là, mais on a pu et su gérer. c’est un artiste qui avait décidé ou bien souhaité. car on ne décide pas de la manière de mourir, sauf si on se suicide. Mais il avait voulu mourir sur scène et il avait prédit qu’il allait partir sur scène. et je crois qu’il est parti de la meilleure des manières. Il n y a pas un seul artiste qui ne souhaite pas partir comme ça. car il était venu communier et chanter avec les pauvres. il était venu pour partager. Aujourd’hui, on continue de prier pour le repos de son âme. ce fut très difficile, mais j’espère que cela n’arrivera plus.
Après treize ans comment renouveler le Femua.
On essaye toujours d’innover et d’insuffler du sang neuf. on se renouvelle à tout moment. On essaie plus ou moins de le rendre évolutif et à chaque fois, on essaye de faire quelque chose de nouveau pour permettre à ce festival de se régénérer et se renouveler. Par exemple, il n’y avait pas le volet pays invité et on l’a greffé au fil du temps à la douzième édition. C’est vraiment l’aspect humain et la solidarité qui ont fini par faire vivre et évoluer ce festival. Le volet social est devenu la principale artère de cet évènement.
Vous avez un budget de plus de sept cent millions comment réussissiez-vous à atteindre ces chiffres faramineux ?
Je ne parle pas trop de chiffres quand il s’agit du femua. Toutefois, je peux vous dire que même avec sept cent millions, ça ne suffirait pas à organiser ce festival. le budget va au-delà du milliard. Quand on s’occupe du bien-être des populations, on ne compte pas.
Justement la question se pose parce que vous avez démarré avec zéro franc.
C’est justement la persévérance qui nous a permis d’attendre tout cela. Aujourd’hui le Felmua a grandi. on a démarré juste par un concert avec douze personnes qui se sont déplacées. Aujourd’hui, le Femua déplace des artistes et la presse qui vient du monde entier. le festival a une programmation artistique plus complète. on accueille aujourd’hui quatre cent personnes qui viennent du monde entier. C’est ce qui se répercute sur le budget forcément.
Selon vous quel rôle les artistes doivent-ils jouer pour préserver la paix en Afrique ?
Les artistes et en particulier les acteurs de la culture, essaient d’apporter leur contribution. on a compris que notre métier est un bon canal pour véhiculer des messages positifs. Chacun essaie de se servir de sa notoriété et de sa scène pour promouvoir les valeurs d’apaisement, de fraternité, de paix et de cohésion. ce n’est pas les politiciens qui doivent nous diriger et dire ce que nous devons faire. C’est à nous de prendre conscience que notre pays ne doit plus aller à reculons. nous sommes sur une lancée et nous devons rester dans cette dynamique si on veut un pays prospère. J’invite vraiment tout le monde à agir pour que la paix ne soit pas seulement un vain mot. il faut que la paix soit un comportement. les artistes doivent plus s’engager pour la recherche de la paix. Parce que aujourd’hui c’est inclusif, cette campagne pour la paix. Il y a plus de teneur quand un artiste le dit que quand un politicien le dit. C’est nous, les ivoiriens, qui devrions contribuer à la paix en cultivant l’esprit de fraternité, d’amitié et de cohésion entre nous. nous avons une arme solide pour pouvoir prôner de vraies valeurs. Les artistes doivent s’engager
On évoque souvent la lancinante question du troisième mandat chez nous, en Guinée et chez vous. Qu’en pensez-vous ?
Est-ce que le problème se situe au niveau du troisième mandat ? Il faut toujours respecter la constitution. Le vrai combat qui vaille est celui du respect de la constitution partout en Afrique. si une constitution dit que quelqu’un a le droit de faire un second qu’il le fasse et qu’il s’en tienne à cela. Je ne maitrise pas la constitution du Sénégal pour en parler. C’est quand la constitution est contournée que l’on peut se lever pour dénoncer. Maintenant si la bible démocratique dit qu’il ne peut pas, il ne faut pas forcer. car là, c’est aller contre la volonté du peuple et les règles républicaines et c’est très dangereux. il est vrai que les constitutions vont de pays en pays et chaque pays a sa manière d’appréhender les choses. c’est important de savoir qu’il ne faut pas essayer d’enfreindre les règles. il faut toujours respecter la constitution et il n’y aura pas de problèmes.
Est-ce votre proximité avec Alassane Ouattara qui fait que vous ne voulez pas trop vous engager sur ce sujet ?
J’ai toujours cultivé la proximité avec n’importe quel président ivoirien. Je ne me suis jamais engagé politiquement au côté de l’un ou de l’autre. J’estime que tout ce que je fais, c’est au profit de la république. Donc si un chef d’état me sollicite et me veut à ses côtés, je devrais être à ses côtés.
A la vielle des élections quel appel lancez-vous à vos concitoyens?
il faut que la paix ne reste pas seulement un mot, mais un comportement. Il faudrait que nous, les ivoiriens, contribuons à la cohésion et à l’entente. il faut que l’on évite de marcher à reculons. on ne va pas construire durant vingt-cinq ans et se lever un beau jour pour tout détruire. c’est aux ivoiriens de préserver la paix en cultivant la cohésion et l’entente.