LIRE POUR EXISTER
Ally Coulibaly, parrain du 15ème du Salon International du Livre d'Abidjan, a partagé sa "merveilleuse pathologie" - l'amour incurable de la lecture - et appelé à faire du livre "une vraie cause nationale" dans son discours d'ouverture

(SenePlus) - La cérémonie officielle d'ouverture du 15ème Salon International du Livre d'Abidjan (SILA) s'est tenue le 6 mai 2024 au Parc des Expositions d'Abidjan, sous le thème évocateur "Le Dialogue des Cultures". Cet événement majeur de la vie culturelle ivoirienne et africaine a été marqué par un discours profond et inspirant du Grand Chancelier de l'Ordre National, Monsieur Ally Coulibaly, parrain de cette édition pour la deuxième année consécutive.
Dans son allocution empreinte d'humilité et de passion, M. Coulibaly a d'emblée partagé ses hésitations initiales à accepter ce rôle pour une seconde fois, craignant de contrevenir à sa vision de la responsabilité publique : "Ne jamais rechercher la gloriole, le prestige personnel, la surexposition médiatique, mais plutôt ce qui élève l'esprit ou valorise l'action."
Se définissant comme "un lecteur compulsif, éclectique parce que curieux de tout", le Grand Chancelier a qualifié son amour des livres de "merveilleuse pathologie dont on ne guérit jamais". Il a souligné l'importance vitale de la lecture dans sa construction personnelle : "Je me suis construit grâce à vous, et me suis débarbouillé de toutes les sottises dans lesquelles nous baignons."
Fort de son expérience comme étudiant à l'Université de Dakar puis comme journaliste, M. Coulibaly a évoqué sa sensibilisation précoce à l'importance de la diversité culturelle, "pour tout être humain, pour toute nation, comme pour le monde entier". Il s'est réjoui de constater que cette idée "a gagné en force et en audience" et qu'elle "tend à devenir l'une des composantes du développement durable".
Le Grand Chancelier a rappelé l'engagement constant de la Côte d'Ivoire en faveur de cette diversité, notant que le pays "s'inscrit parfaitement dans la fidélité aux valeurs humanistes qui fondent son vivre ensemble" en accueillant cette "République des lettres en miniature" que constitue le SILA.
Un passage particulièrement marquant du discours a concerné la récente restitution d'objets d'art ivoiriens détenus en France, notamment le célèbre Tambour Parleur Djidji Ayôkwé. "Quelle plus belle symbolique que le Salon International du Livre d'Abidjan pour accueillir ce moment historique ?" s'est interrogé M. Coulibaly.
Il a souligné la signification profonde de cette restitution : "Rendre des objets pillés, c'est rendre le monde au monde. C'est reconnaître, en restituant, que toutes les parties du monde ont le pouvoir de faire monde." Le Grand Chancelier a invité à voir dans ce retour du tambour un symbole de rassemblement, capable de "résonner par-delà les frontières, jusqu'aux oreilles de nos concitoyens africains, de notre diaspora, et du monde entier."
Les défis contemporains et l'avenir du livre
Abordant les enjeux actuels, M. Coulibaly a évoqué l'intelligence artificielle comme "un nouvel enjeu d'une nature particulière" qui pourrait "bouleverser toutes les hiérarchies du savoir, affecter les droits des auteurs, ébrécher les processus créatifs." Face à ce défi, il a appelé à "éviter la panique et l'affolement", préférant "utiliser l'intelligence naturelle pour dompter, soumettre l'intelligence artificielle et à terme, d'en faire une alliée."
Le Grand Chancelier a également lancé un plaidoyer pour faire du livre "une vraie cause nationale", soulignant que "la question de la disponibilité des livres accessibles à tous dans notre pays reste cruciale." Il a salué diverses initiatives, comme celle de la Première Dame qui "a acquis des autobus remplis de livres qu'elle fait circuler dans les quartiers" ou celle du musicien Alpha Blondy avec son émission "Radio Livre" sur la 97.9 FM.
Dans la dernière partie de son discours, M. Coulibaly a abordé la question de l'identité africaine, notant que "le débat sur l'acculturation de l'Afrique est loin de connaître son épilogue." Il a invité à "porter un nouveau regard sur nous-même et sur l'Afrique en général. Un regard plus lucide, moins complaisant et moins sombre."
Évoquant la "génération consciente" qui "manifeste son impatience à participer pleinement et sans complexe à la construction d'une société mondiale où les Afriques auront leur mot à dire", il a conclu sur une note d'optimisme, citant le philosophe Alain : "Le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté."
Cette 15ème édition du SILA, qui se déroule du 6 au 10 mai 2024, met également à l'honneur l'auteure Marguerite Abouet et accueille comme régions invitées d'honneur les Caraïbes, représentées notamment par une délégation de la Guadeloupe. En présence de nombreuses personnalités, dont la Ministre de la Culture et de la Francophonie, Présidente du SILA, et l'ancienne Garde des Sceaux française Christiane Taubira, cette ouverture a donné le ton d'un salon qui s'annonce riche en échanges et en découvertes.
Le Salon International du Livre d'Abidjan confirme ainsi son statut d'événement culturel majeur de l'Afrique de l'Ouest, participant activement à la promotion de la lecture et au dialogue entre les cultures.