«L’ŒUVRE INACHEVEE DE SEMBENE OUSMANE SUR SAMORY TOURE DOIT ETRE RESSUSCITEE»
L’écrivain Djibril Tamsir Niane qui a été, ce week-end à Thiès, l’invité d’honneur de la 12e édition de la commémoration de la disparition de Sembène Ousmane

L’écrivain Djibril Tamsir Niane qui a été, ce week-end à Thiès, l’invité d’honneur de la 12e édition de la commémoration de la disparition de Sembène Ousmane, écrivain et pionnier du cinéma africain, à l’initiative de daaray Sembene/Maison de la pédagogie de l’image et du numérique, a plaidé en faveur de la « réalisation d’un grand projet du père du cinéma africain sur l’Almamy Samory Touré ».
L’écrivain Djibril Tamsir Niane a rendu un vibrant hommage au père du cinéma sénégalais. L’auteur de « Soundjata : ou, l’Epopée Madingue », a invité les autorités compétentes ainsi que le monde culturel et artistique à achever la « plus grande œuvre » de Sembene Ousmane, sur « l’Almamy Samory touré ». Selon lui, « le projet devait couronner son œuvre de cinéaste. Il n’a pas pu le faire et il est là intact et je souhaite que cette œuvre soit ressuscitée ». il souligne que « Sembene Ousmane a toujours rêvé de réaliser un grand film historique. Parce qu’il était un nationaliste fondamental. Ce nationaliste a cherché parmi les héros africains : ‘’Quel personnage pouvait incarner l’Afrique dans sa résistance’’. Et il s’est tourné vers Samory Touré, parce que ce dernier, effectivement pendant 16 ans, a résisté aux Français au Soudan, l’actuel Mali, en Guinée, en Côte d’ivoire, en Haute volta. Mais également contre les Anglais au Ghana. Pour dire un peu le tour fait par ce conquérant qui a été bloqué dans ses conquêtes par l’arrivée des Français ». Le célèbre et illustre écrivain malien rappelle que « il a résisté pendant 16 ans, finalement, il a été vaincu comme tous les autres sur le continent africain. Et Sembene Ousmane, dans sa recherche de héros, a pensé à réhabiliter entièrement l’Almamy Samory. il y a travaillé pendant 30 ans. il est venu trois à quatre fois en Guinée et plusieurs fois en Côte d’ivoire. Plus d’une fois il est allé au Gabon où son héros a fini ses jours. En bref, ici et là, il avait suffisamment de documentation. Et il venait d’avoir la publication d’une œuvre immense sur l’Almamy Samory. Une œuvre monumentale qui a ratissé l’histoire de Samory, en récoltant des traditions orales un peu et partout où il est passé ». Une œuvre entièrement traduite en malinké, la langue authentique de Samory.
« Réintroduire les œuvres de Sembene Ousmane dans le programme scolaire ».
« Il a fait appel à moi en tant que historien. Puisque je suis historien, il est venu me voir chez moi, à Dakar, à l’avenue Bourguiba, pour y travailler. Et nous avons effectivement commencé le travail, moi, historien et lui, connaisseur de cinéma. Nous avons commencé ce travail qui a duré des années. Nous sommes restés 10 ans ensemble à Dakar pour faire ce film. En bref, ce film n’a pas été réalisé mais le scénario a été entièrement fait. Et il m’avait demandé de bien vouloir traduire son œuvre en malinké, la langue authentique de Samory. Je me suis mis à l’œuvre, j’ai traduit entièrement un scénario », confie Djibril Tamsir Niane, qui s’est offusqué du fait que « malheureusement l’auteur de Guéléwar, Sembene Ousmane, n’a pas pu trouver l’argent qu’il faut pour réaliser ce film. Il n’a pas pu réunir tous les fonds estimés 4 à 5 milliards de FCfa. Loin de là, le budget réuni était dérisoire pour ce qu’il voulait faire, parce qu’il voulait un film exceptionnel de trois heures de temps pour rendre compte véritablement de la grandeur de Samory. Naturellement, ce n’est pas une petite affaire que de trouver des fonds.
Sans entrer dans les détails, il n’a pas pu réunir tous les fonds. Le film n’a pas donc été réalisé faute d’argent ». Selon lui, « le cinéma africain manque de moyens. Le cinéma africain, aujourd’hui, il y a des films qu’on fait tous les jours. il y a le Fespaco organisé tous les ans. il y a également des films qui nous viennent du Nigéria. On ne peut dire que le cinéma africain n’existe pas. il existe. Mais il manque tout simplement de moyens ». Dans le lot de ce qui se fait aujourd’hui, « quels sont les pays qui retracent le passé de l’Afrique et remontent loin dans ce passé ? », s’est-il demandé. Et de répondre avec regret : « il n’y en a pas » ! Cela, souligne-t-il, « demande beaucoup de fonds, et un film, actuellement, obtient 300 à 500 millions de FCfa, les plus beaux reçoivent, peutêtre, un milliards de FCfa, je n’en connais presque pas ». M. Niang pense que « c’est le problème d’argent qui freine le développement du cinéma. C’est ce problème là que Sembene Ousmane a chopé ». Et de confier : « Le film est là, il n’est pas réalisé. Mais je pense que ce n’est pas une œuvre perdue parce qu’il existe. Je tenais simplement à venir évoquer ce fait ici et me tourner vers les gouvernements africains pour dire qu’il faut faire quelque chose non pas pour Sembene Ousmane, non seulement pour le film qu’il a réalisé, mais pour tout ce qui est en gestation en Afrique et qui n’arrive pas à sortir ».
Une occasion pour Hadja Mai Niang, directrice de Daaray Sembene/Maison de la pédagogie de l’image et du numérique, de demander à l’Etat sénégalais de « réintroduire les œuvres de Sembene Ousmane dans le programme scolaire ». L’enseignante-écrivaine-cinéaste, a aussi évoqué « l’érection d’un musée au nom de Sembene Ousmane, à ziguinchor, à Santhiaba, dans sa maison familiale, inhabitée et qui est dans un état déplorable ». D’ailleurs, annonce-t-elle, « l’année prochaine la 13e édition de la commémoration du décès de Ousmane Sembene sera organisée à ziguinchor, car, quand quelqu’un œuvre autant pour la littérature, pour le cinéma et pour le social, dans le sens de la dimension sociale de l’œuvre de Sembene Ousmane, il devient immortel, mais quand personne n’en parle, ses œuvres peuvent être vouées à l’oubli. Et Sembene Ousmane est actuel. Daraay Sembene porte son héritage social ».