BANLIEUES DE DAKAR, LA RÉVOLUTION CAPITALE
Hier très populaires, les communes de Guédiawaye et Pikine attirent aujourd’hui la classe moyenne. La métropole dakaroise, où l’opposition espère s’imposer, jouera un rôle décisif lors des élections locales de 2021

Hier très populaires, les communes de Guédiawaye et Pikine attirent aujourd’hui la classe moyenne. La métropole dakaroise, où l’opposition espère s’imposer, jouera un rôle décisif lors des élections locales de 2021, trois ans avant l’échéance présidentielle sénégalaise.
Une poignée de gamins du quartier posent leur regard curieux sur la chorégraphie de trois danseurs qui s’exécutent au rythme de l’afrobeat devant la fresque d’un ghetto-blaster géant et un portrait de Nelson Mandela. Le centre Guédiawaye Hip-hop, devenu incontournable dans la vie culturelle de cette ville de la banlieue de Dakar, accueille tous les jours les jeunes du coin. À moins d’un kilomètre de là, le chantier du futur hôtel de ville avance bon train. Située à quelques pas, l’actuelle mairie deviendra bientôt un centre commercial. Dans les allées Serigne Saliou Mbacké qui la desservent, les jardinières verdies et la peinture fraîche remplacent progressivement le sable et les gravats.
À l’échelle d’une ville de 500 000 habitants, c’est encore bien peu, mais ces aménagements tranchent avec l’image d’entassements d’habitats précaires que l’on colle d’habitude à la banlieue de Dakar. Aliou Sall, le maire de Guédiawaye, y voit les signes d’un frémissement culturel, commercial et urbain en marche dans la ville, et plus largement dans toute la périphérie de Dakar. Avec plus de la moitié des 3,6 millions d’habitants recensés autour de la capitale sénégalaise, la banlieue aspire à changer de visage.
« Jusqu’ici, la banlieue a essentiellement joué un rôle de ville-dortoir pour ceux qui travaillent à Dakar. On a totalement oublié certaines fonctions essentielles qui font une ville sur les plans culturel, économique et social. Du coup, on a aujourd’hui un déficit criant d’infrastructures que l’on pallie comme on peut », résume Aliou Sall. Pour comprendre ce diagnostic, il faut revenir soixante-dix ans en arrière. À l’époque, l’entrée de la péninsule n’est qu’une vaste étendue de plaines broussailleuses. Les premières installations dans les années 1950 découlent du départ forcé des villages qui ceinturent le Plateau (le centre-ville de Dakar), alors en plein expansion, et de l’exode rural.
Explosion démographique
Des installations spontanées, souvent anarchiques, à la suite desquelles l’explosion démographique pousse l’État à se saisir de la question de l’habitat. S’en suit la construction de plusieurs cités destinées aux fonctionnaires. « Après l’habitat spontané, puis organisé pour les fonctionnaires, est arrivée la promotion privée. C’est à ce moment que l’on n’a plus maîtrisé l’explosion démographique. Dans une ville comme Guédiawaye, on arrive à une urbanisation qui couvre 96% du territoire. Cela pose un problème d’aménagement et nous cherchons aujourd’hui à tout réorganiser », explique Aliou Sall.
Un réaménagement nécessaire pour les populations déjà installées, mais aussi pour le flot de nouveaux arrivants absorbé chaque année. Souvent des jeunes actifs ou des habitants issus de la classe moyenne qui quittent le centre de Dakar face à l’envol des prix de l’immobilier et la saturation foncière. « La banlieue de Dakar est assez représentative de l’état général du pays. Les populations sont entassées à l’entrée de Dakar, où tout est concentré, quand le reste du pays est à la traîne », analyse Ibou Sane, professeur en sociologie et en sciences sociales à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis.
Saturée, la banlieue se heurte à un casse-tête en matière d’aménagements du territoire : se moderniser, développer ses services et ses infrastructures, tout en s’attaquant à des problèmes aussi vieux que son existence. « L’assainissement reste l’un des enjeux les plus sensibles en banlieue, mais les choses évoluent. À Guédiawaye, les investissements réalisés ont permis de quasiment régler la question des inondations, notamment grâce à l’installation d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales », explique Aliou Sall, dont les administrés ont eu les pieds au sec cette année.