DAKAR ENTRE MODERNITÉ ET CHAOS
La presqu'île dakaroise, devenue mégapole par l'histoire coloniale, voit ses artères s'obstruer davantage chaque jour. Malgré les tentatives de trois présidents successifs, la capitale reste prisonnière de sa géographie et d'une planification défaillante

(SenePlus) - Étouffée dans son étroit losange atlantique, Dakar concentre le quart des Sénégalais sur 0,28% du territoire national. Entre modernisation et chaos persistant, la capitale cherche désespérément son second souffle.
Selon une analyse de Mehdi Ba pour Jeune Afrique, Dakar incarne le paradoxe d'une métropole africaine en mutation : "Les transports sont à l'agglomération ce que les artères sont au cœur et au corps humain: des connexions vitales qui permettent de maintenir en vie le reste du pays."
Cette métaphore organique illustre l'importance cruciale d'un système circulatoire efficace dans une région hypertrophiée qui abrite "près du quart des quelque 18 millions de Sénégalais" sur une superficie représentant à peine "0,28% du territoire". Résultat: une densité de population atteignant "7.277 habitants au km²", bien supérieure à celle de l'Île-de-France (1.025 hab/km²).
Plusieurs tentatives de décentralisation ont échoué. Jeune Afrique rappelle qu'"Abdoulaye Wade avait un temps prétendu faire de Lompoul la nouvelle capitale administrative du pays, et de Thiès, sa 'capitale industrielle'". Dans la même logique, "Macky Sall entendait hisser la ville nouvelle de Diamniadio au rang d'annexe de cette capitale asphyxiée par la conjonction de l'exode rural et d'un taux de natalité galopant."
Mais ces ambitions se sont heurtées à la réalité: "Dakar a tenu bon."
Si "la modernité, en particulier en matière de transports urbains, y a supplanté peu à peu l'héritage désuet d'une Afrique de carte postale", les contrastes demeurent saisissants. D'un côté, "depuis 2016, une autoroute spacieuse (mais à péage) permet de rallier l'Aéroport international Blaise-Diagne", de l'autre, on y croise toujours "les fantômes du Sénégal des profondeurs: camions préhistoriques ou taxis 7 places antédiluviens [...] sans oublier les minibus surchargés, qui penchent dangereusement d'un côté et sont autant de bombes routières à retardement..."
Même la régulation du trafic illustre ce dualisme : dans cette "capitale sénégalaise où les feux tricolores font office de vestiges ornementaux", "des policiers restent chargés de cette tâche, à l'ancienne, sifflet à la bouche."
Deux innovations majeures tentent d'apporter "un nouveau souffle à des transports urbains qui n'ont jamais été en mesure de suivre la cadence de l'explosion démographique". D'abord, la ligne de Bus Rapid Transit (BRT), "en service depuis mai 2024" entre "Guédiawaye, ville-champignon de la banlieue, et Petersen, dans le centre-ville historique".
Ensuite, le Train express régional (TER), qualifié de "frère de lait du BRT", qui constitue "une avancée notable vers un réseau de transports urbains digne du pays". Encore limité à Diamniadio, son extension vers l'aéroport est "annoncée pour le second semestre de 2025".
Malgré ces progrès, JA souligne que le TER, "aussi rutilant soit-il, peine à masquer l'absence d'un réseau ferroviaire digne de ce nom". Face à ce constat, le président Bassirou Diomaye Faye a "demandé à son Premier ministre, Ousmane Sonko, de 'présider un comité stratégique du ferroviaire'" en juillet 2024.
Un mois plus tard, "les ministres sénégalais et marocain concernés signaient deux conventions censées sceller leur 'volonté commune de renforcer les liens de coopération bilatérale' en la matière".
La conclusion de Mehdi Ba résume parfaitement l'enjeu générationnel de ce défi : "Si Abdoulaye Wade a lancé la construction de l'AIBD, que Macky Sall a inauguré après lui tout en donnant naissance au TER et au BRT, faut-il espérer que, sous le règne de Bassirou Diomaye Faye, le Sénégal accouchera d'un TGV?"