LA MAGISTRATURE NE DOIT PAS PÉRIR
EXCLUSIF SENEPLUS - Ce serait un précédent dangereux que d’aboutir à une fragilisation des magistrats. Les juges ne doivent périr pour les beaux yeux d’un leader politique ou d'un camp politique sous prétexte d’une popularité

La plus grande crainte des adeptes de l'État de droit depuis l'accession du Pastef au pouvoir est l'effondrement de la magistrature, sa désacralisation et sa souillure. Le droit positif dans sa rigueur et sa fonction est le seul rempart des démocraties surtout quand dans l'esprit des hommes naisse et accroît : la méchanceté. Hobbes, philosophe pessimiste sur la nature humaine nous montre que le droit positif est la colonne vertébrale du pacte social et la solution à l'état de nature. Toute société a besoin de lois claires, stables et coercitives pour un vivre-ensemble exempt de troubles et de conflits permanents qui exposent à chacun et tous à l’agression et à l’arbitraire. Le droit positif crée une norme commune qui dépasse les intérêts particuliers. Il n'est pas qu'un simple outil juridique. Il est le garant de la survie de la société. La vie des nations peut très souvent être bousculée par des tensions et des conflits politiques, mais l'apaisement vient toujours d'un arbitrage juridique, gage d'équilibre, d'équité, d'égalité et de justice. Les menaces et invectives proférées à l’endroit de magistrats en exercice par des autorités politiques, la demande irrationnelle et insistante des pastefiens au président de la république et au ministre de la justice pour une ouverture immédiate d’enquêtes sur les crimes de sang ciblés à dessein pour punir les uns et dédouaner les autres, le maintien du président de la république au conseil supérieur de la magistrature, le rejet de projets de loi iniques par le Conseil constitutionnel sont des preuves suivantes pour alerter sur l’avenir sombre de la magistrature qui se dessine. Attaqués, insultés, jugés, vilipendés, diabolisés, les magistrats éprouvent toutes les frustrations imaginables, mais les ravalent pour des principes de réserve, de neutralité et de déontologie. Des politiciens populistes et irresponsables sans scrupules se permettent avec témérité de les invectiver alors qu’ils n’ont quasiment pas droit de réponse. La surcharge de travail de ces valeureux praticiens du droit, le risque de dérapage langagier et la déformation possible de leurs propos font qu’ils se murent dans un silence affligeant. Une tendance politique est soumise à la corruption, elle peut être proéminente mais mène un temps court de gloire avant de faire place à d’autres en laissant sur son passage un lot de catastrophes plus ou moins réparables.
Le vent soufflé par le Pastef va polluer et faire beaucoup de mal avant de passer. Nous devons être prêts à ce qui n’est plus une éventualité, ni une probabilité mais un évènement différé auquel il faudra se préparer. Le seul rempart contre ce fléau qui nous guette et qui peut amoindrir ce danger latent et indicible est le droit pour ne pas dire la magistrature.
Le Conseil constitutionnel nous a prémuni de plusieurs chaos et continue aujourd’hui sous le règne du Pastef de montrer que la vigie la plus fiable et efficace reste la charte fondamentale et ceux dont leur rôle est de veiller à son application rigoureuse et tangible. Les juges ne doivent périr pour les beaux yeux d’aucun leader politique, ni d’aucun camp politique sous prétexte d’une popularité qui se prend pour une légitimité. Solon n’a pas tort quand il dit : « La société est bien gouvernée quand les citoyens obéissent aux magistrats et les magistrats aux lois. »
L’obéissance aux lois et l’indépendance des juges constituent les fondements de l’équilibre étatique et social. Ce serait un précédent dangereux que d’aboutir à une fragilisation des magistrats. C’est le rubicon à ne pas franchir. Certes, les magistrats sont condamnables, comme n’importe qui, mais leur fonction demeure nécessaire et doit être protégée car nos libertés et droits dépendent de leur exercice indépendant. Toutes les forces vives de la nation doivent se mobiliser pour soutenir et défendre les magistrats sans qui l’existence sociale serait intenable. Pour le triomphe continu d’une pseudo-révolution, la magistrature ne doit pas courber l’échine. Le terrain politique et démocratique est assez vaste pour accueillir la confrontation des visions, des programmes et des idées. Pastef doit investir son énergie, ses stratégies et ses compétences s’il en a dans la scène politique face à face avec ses opposants et renoncer à cette obsessionnelle envie de contrôle de la justice et des magistrats.