52 LICENCES DE PÊCHE PROMISES AUX NAVIRES CHINOIS
Le gaspillage des ressources halieutiques par les navires étrangers qui expliquerait la rareté du poisson obligeant les acteurs de la pêche artisanale à aller très loin en mer, va s’accentuer

La rareté du poisson décriée par les acteurs risque encore de devenir plus criarde. D’après le Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (GAIPES), le Gouvernement a promis 52 licences de pêche aux navires chinois. Une grande inquiétude s’est emparée du milieu sénégalais de la pêche. Suffisant pour que le GAIPES interpelle le président de la République et le ministre de la Pêche Alioune Ndoye pour leur demander des éclaircissements…
En ce temps de covid19, l’information a pu échapper à l’opinion. Or, comme il y a deux ans, une dizaine de licences de pêche ont été accordées en catimini par le gouvernement à des navires chinois. Mieux, 52 autres licences de pêche devraient suivre. Une manière de tuer complétement nos entreprises nationales et surtout la pêche artisanale. Le gaspillage de nos ressources halieutiques par les navires étrangers qui expliquerait la rareté du poisson obligeant les acteurs de la pêche artisanale à aller très loin en mer, ce gaspillage va s’accentuer. Seulement voilà, le GAIPES n’entend pas laisser passer une telle « forfaiture ». Il a décidé d’ameuter l’opinion publique et le président de la République à travers une lettre ouverte adressée au ministre de la Pêche Alioune Ndoye pour éviter un désastre pour nos ressources halieutiques.
Le GAIPES informe avoir demandé le 10 avril dernier au ministre de la Pêche le report de la session à distance de la CCALP (Commission consultative d’attribution des licences de pêche) émanant du directeur des Pêches, président de ladite commission. L’argument massue du GAIPES est que « l’importance des demandes (56 navires) mais aussi et surtout, du contexte marqué par la « guerre déclarée » par Monsieur le Président de la République contre le Covid-19, ayant abouti à l’instauration de l’Etat d’urgence dans notre pays » tout cela fait qu’il n’était pas opportun de tenir une telle réunion surtout au vu du nombre important de demandes étrangères de licences de pêche. Hélas, le GAIPES avait essuyé un refus du ministre Alioune Ndoye. Ce qui a donc poussé les armateurs à informer l’opinion travers une lettre ouverte.
L’état de dégradation des ressources encore en question
Selon le GAIPES, la rareté des ressources tant décriée n’a pas évolué. « Les ressources démersales côtières (chalutières) sont en danger et un arrêté (consensuel entre tous les acteurs) a été pris pour geler l’octroi de nouvelles licences dans ce secteur depuis 2006. Les ressources en petits pélagiques côtiers sont en surexploitation, mais sont surtout réservés aux pêcheurs artisanaux et aux populations sénégalaises. Il s’agit de la sardinelle (notre yaboye national) et du chinchard (le diaaye) essentiellement. Or sur ce segment extrêmement fragile, il y a 13 demandes de promesses de licences. Le Merlu : ressource à la limite de la surexploitation. C’est dans cette «niche » en limite de surexploitation que l’on veut loger les 39 demandes de navires. Comment peut-on mettre 39 navires dans un segment de la pêche à la limite de la surexploitation ? 39 navires après en avoir déjà introduit plusieurs dizaines entre fin 2018 et 2019 ? Monsieur le Ministre, l’état des ressources établi par les chercheurs scientifiques du Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye (CRODT) ne laisse aucune marge pour même étudier ces dossiers » indique le GAIPES à l’endroit du ministre Alioune Ndoye.
Enquête en cours sur les licences attribuées en 2018/2019
Ce qui dérange le plus les armateurs, c’est qu’une enquête en cours pour faire la lumière sur les attributions « nébuleuses » de licences à des navires chinois en 2018/2019 n’est pas encore terminée pour engager de nouvelles attributions. Ce qui les pousse à interpeler le ministre socialiste en ces termes : « Avant votre arrivée à la tête du ministère des Pêches, de nombreuses licences avaient déjà été accordées dans le secret le plus total et de manière illégale, en violation de la loi, à des navires chinois qui, encore aujourd’hui, opèrent en toute impunité dans les eaux sénégalaises. Ces navires débarquent toutes espèces de produits halieutiques en violation du Code des Pêches, au vu et au su de tous sans que ni la Direction des Pêches, ni la DITP, ni la DPSP, ni la Douane n’interviennent. Ces licences ont été accordées sur un type de pêche qui n’existe ni dans le Code des pêches, ni dans son décret d’application : « Chalutier de pêche démersale profonde option poisson et céphalopode ». Votre prédécesseur à la tête du ministère, Mme Aminata Mbengue Ndiaye, saisi, avait mis en place une commission d’enquête mixte comprenant l’administration et les acteurs pour faire toute la lumière sur ces attributions pour le moins « hors la loi ».
Cette commission d’enquête dirigée par le conseiller technique numéro1 n’ayant pas été supprimée, il nous semble logique d’attendre ses résultats et recommandations avant d’étudier, de manière aussi précipitée, de nouvelles requêtes ; d’autant que les travaux préliminaires de l’enquête avaient déjà décelé 12 licences reconnues non conformes à la loi. Depuis votre arrivée au ministère, les travaux de ladite commission sont reportés de date en date et aucune nouvelle réunion ne s’est tenue et ce, sans aucune explication. A ce jour, nous ne savons pas de manière exacte le nombre de navires chinois qui ont bénéficié de ces licences « hors la loi » dont nous avons toujours demandé le retrait pur et simple. De tout le Gouvernement du Sénégal, notre ministère est le seul département où des données aussi simples que la liste de la flotte autorisée à pêcher ne figure pas sur le site web du Ministère » soulignent, pour s’en étonner, les armateurs regroupés au sein du Gaipes.
Une « sénégalisation » douteuse des navires chinois
Dans la foulée, le GAIPES a révélé un système mafieux de « sénégalisation fictive et rapide » des navires chinois pour contourner la législation en vigueur. « Tout le monde verra que, dès que les promesses de licence seront délivrées, en quelques semaines, nous aurons dans le pavillon sénégalais 52 nouveaux navires » indique le GAIPES.
Et les armateurs d’expliquer le schéma classique de la sénégalisation utilisé pour ce contournement. « On crée une société mixte entre un Sénégalais (51%) et l’entreprise chinoise (49 %) et de fait, la nouvelle société devient sénégalaise. Pour l’instant, le capital ne dépasse jamais 2.000.000 de F CFA (deux millions de francs CFA). La société sénégalaise, sur la base d’un contrat de complaisance avec « contre lettre secrète », achète fictivement 51% des parts des bateaux chinois et dès lors demande sa sénégalisation.
La promesse de licence obtenue est jointe au dossier de demande de sénégalisation et le certificat de nationalité sénégalaise provisoire est obtenu. Sur la base de ce certificat de nationalité, la licence de pêche est sollicitée et souvent accordée. Personne ne se pose les questions suivantes dans les services administratifs concernés. Comment une société comme AMINE GROUPE au capital de 100.000 F CFA (Cent Mille F CFA) peut acquérir pour les sénégaliser six (06) chalutiers neufs ou quasi neufs d’une valeur de 5.000.000.000 de F CFA (cinq milliards de francs CFA) l’unité ? Deux autres sociétés en sollicitent chacune dix (10) pour un capital par société de 2.000.000 F Cfa (Deux millions de francs Cfa) au maximum. En fait, les vingt (20) navires appartiennent à la même société chinoise qui les a répartis sur deux prête-noms pour mieux faire passer la pilule, décidément bien amère » expliquent les armateurs.
Le GAIPES conclut son interpellation du ministre de la Pêche en ces termes : « Vous n’avez pas vécu les épopées des navires coréens avec l’apparition du poulpe au Sénégal en 1999. Ces navires, vite devenus sénégalais, ont pêché le poulpe dans nos eaux avec des licences hâtivement délivrées et sont répartis comme ils étaient venus dès qu’ils ont fini de « nettoyer » toute la ressource qu’ils étaient venus chercher tout en restant, jusqu’à ce jour, inscrits dans les registres de la marine marchande sénégalaise. Aucun, je dis bien, pas un seul de ces bateaux, n’est resté au Sénégal. Certains de ces bateaux ont été retrouvés arraisonnés aux îles Malouines pour pêche illicite. Si on n’y prend pas garde, notre pavillon national deviendra un pavillon de complaisance.
La République du Sénégal est en train de perdre son port de pêche qui, à l’instar du Boulevard Général De Gaulle « ex allées du Centenaire », est en train d’être racheté lot par lot par les opérateurs et armateurs chinois. Leurs enseignes pullulent sur les quais et les navires sénégalais n’ont plus de place sur le plan d’eau totalement encombré par des navires chinois en attente de licence ou en débarquement de retour de pêche. Le port est un endroit de défense nationale stratégique, qu’il est impossible de laisser entre les mains d’étrangers. Les navires sont une extension de notre territoire national et la ressource halieutique, une ressource stratégique : il faut s’en rappeler surtout en ces temps de pandémie et d’Etat d’urgence ». Décidément, en ces temps troublés de Covid-19, il n’y a pas que le ministre Mansour Faye à être testé positif au test de…non transparence ! Son collègue Alioune Ndoye aussi, hélas.