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par Ibrahima Malick Thioune

LA PAUVRETÉ, UN CRIME ?

La rue devient le théâtre d’une « police des pauvres », où l’occupation informelle est assimilée à une atteinte à l’ordre public. Le paradoxe est frappant : ceux qui n’ont rien sont punis précisément pour leur condition d’exclus

Ibrahima Malick Thioune  |   Publication 24/09/2025

Sous l’affichage tapageur d’un État de droit protecteur, le Sénégal s’éloigne silencieusement d’un compromis social protecteur pour s’installer dans une économie politique de la suspicion où la misère, au lieu d’appeler des droits, appelle des contrôles : la protection se contractualise, le risque se privatise, et ce qui relevait hier de la solidarité se voit requalifié en illégalisme à résorber. Les choix néolibéraux, tarification des services essentiels, privatisations, conditionnalités, PPP qui socialisent les coûts tout en privatisant les rentes, minent les sécurités collectives, étendent la précarité, densifient l’informalité ; puis, sur ce terrain rendu friable, se déploie une grammaire du soupçon qui renomme le réel pour mieux le discipliner : l’occupation de la rue devient usurpation, la vente à la sauvette incivilité, l’errance dangerosité diffuse.

De là, un appareillage de basse intensité mais à haute fréquence, arrêtés municipaux extensifs, verbalisations en chaîne, rafles, confiscations, déguerpissements, vidéosurveillance, qui ne juge pas tant qu’il trie, ne protège pas tant qu’il dissuade, ne restaure pas tant qu’il épuise. La ville-entreprise exige des corps discrets : on déplace, on disperse, on efface, et l’on baptise « ordre » ce qui n’est souvent qu’aseptisation des apparences. La pauvreté devient bruit dans la ville-entreprise, nuisance pour l’attractivité, risque pour l’investissement. Une morale implicite en fait l’armature : la respectabilité se confond avec l’invisibilité, le « bon » pauvre est celui qui se fait oublier, le « mauvais » celui qui persiste à exister dans le champ visuel ; le citoyen se redéfinit par la solvabilité, les autres deviennent objets de police. Ce régime fabrique ce qu’il prétend conjurer : en criminalisant des tactiques de survie, il accroît l’instabilité dont il tire prétexte ; en externalisant les risques, il naturalise la défaillance individuelle ; en substituant la sanction au droit-créance, il glisse d’un État social qui garantissait des capabilités minimales à un État pénal qui administre des populations présumées à risque. En d’autres mots, elle opère par anticipation (policing ex ante), profilage (catégories présomptives de suspects) et actuarialisme (ciblage des « populations à risque »), substituant à la logique des droits la gestion différentielle des corps. Ainsi, la sécurité se réduit à une cosmétique urbaine (paix de vitrine, façades propres, vies rendues invisibles) tandis que la citoyenneté matérielle se rétrécit à la mesure du portefeuille. Ce régime produit une double hétéronomie. D’un côté, il criminalise les stratégies de survie en raréfiant l’accès aux biens communs (rue, eau, abri, circulation), ce qui accroît la vulnérabilité qu’il prétend contenir. De l’autre, il délié le lien politique : les populations précarisées deviennent des objets de police plutôt que des sujets de droit, ce qui abîme la confiance, alimente l’évitement institutionnel et nourrit des économies de l’ombre. La sécurité ainsi obtenue est fragile : elle tient à la visibilité réduite des pauvres, non à la réduction de la pauvreté. En termes de justice, la substitution du pénal au social déplace la conflictualité vers le corps (contrôles, immobilisations, blessures) au lieu de traiter le contrat social (emploi, revenu, logement, services essentiels).

Trois déplacements s’imposent si l’on veut désarmer cette spirale : rétablir des droits effectifs (eau, énergie de base, santé, revenu plancher) comme socle opposable ; reconnaître juridiquement les économies de rue et co-gouverner l’espace public plutôt que le purger ; assujettir toute intervention policière touchant des actes de subsistance à une proportionnalité réellement contrôlée et à une priorité de traitement social. Faute de quoi, l’État de droit se résumera à l’esthétique d’un ordre, et la police des pauvres à la politique des autres.

Rompre avec cette trajectoire suppose un véritable renversement de rationalité, qui replace la garantie des existences avant la discipline des présences. Il s’agit, d’abord, d’affirmer la primauté des droits-créances sur les dispositifs de tri, en rendant effectivement universels l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à une énergie de base et à un revenu plancher. Corrélativement, il convient de reconnaître juridiquement les économies de rue et d’instituer des cadres de co-gouvernance de l’espace public, licences inclusives, zones négociées, infrastructures de proximité, afin de substituer à la logique des déguerpissements une véritable coproduction d’ordre. De surcroît, toute intervention policière touchant à des actes de subsistance devrait être soumise à un principe de proportionnalité renforcé, de manière à prévenir l’extension d’une pénalité de basse intensité qui frappe d’abord les plus fragiles. Dans le même mouvement, il faut déspécifier pénalement les pratiques de survie : dépénaliser ce qui relève manifestement de la nécessité et déplacer le traitement vers les dispositifs sociaux et la médiation, là où se joue la résolution durable des conflits d’usage. Enfin, aucune réforme urbaine ou économique ne devrait être adoptée sans une évaluation ex ante de ses effets distributifs, précisément pour éviter que l’action publique, sous couvert d’efficacité, ne produise de nouvelles capabilités amputées et ne réinstalle, par d’autres voies, l’injustice qu’elle prétend conjurer.

Sans cette inflexion, la ville se referme sur une sécurité de vitrine qui confond la paix sociale avec l’effacement des plus vulnérables, et l’État de droit avec la bonne tenue des trottoirs.

La criminalisation de la pauvreté repose sur une inversion des logiques : au lieu de reconnaître les conditions structurelles de la misère (inégalités, chômage, crise foncière, inflation), l’appareil juridique transfère la responsabilité sur les individus marginalisés. Cette logique, que Pierre Bourdieu qualifierait de « violence symbolique », traduit l’incapacité de l’État à offrir une protection sociale effective. La rue devient ainsi le théâtre d’une « police des pauvres », où l’occupation informelle est assimilée à une atteinte à l’ordre public, alors même qu’elle constitue une stratégie de survie. Le paradoxe est frappant : ceux qui n’ont rien sont punis précisément pour leur condition d’exclus. Cependant, comme le rappelle Alain Supiot, « un État de droit ne saurait se contenter d’ordonner l’ordre public sans garantir les conditions matérielles d’une existence digne ».

La criminalisation de la pauvreté au Sénégal est le symptôme d’une pathologie juridique plus profonde : l’incapacité du droit à se détacher des logiques coloniales et néolibérales de discipline sociale. L’urgence est de substituer à la logique punitive une approche protectrice fondée sur la justice sociale et la dignité humaine. Sans cela, le droit risque de devenir non plus l’outil de l’émancipation, mais l’arme froide de l’exclusion. De même, l’usage extensif des incriminations de « vagabondage » et « d’occupation illégale de la voie publique » , notions héritées du Code pénal colonial de 1810 transposé en Afrique occidentale française , révèle une continuité inquiétante. Ces incriminations, historiquement, « traduisent la volonté de discipliner les classes laborieuses en criminalisant leur simple existence hors des circuits productifs »

Il s’impose de requalifier juridiquement la pauvreté non comme une faute, mais comme un fait social appelant une réponse de solidarité. Des initiatives comme le « droit à la protection contre la pauvreté » défendu par Amartya et repris dans le débat sur les droits sociaux fondamentaux offrent une voie. La reconnaissance de la pauvreté comme une atteinte à la justice sociale, et non comme une déviance, permettrait de reconfigurer l’action publique en termes de redistribution, d’inclusion et de dignité humaine.

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