UNE DESTINATION AÉRIENNE HORS DE PRIX
Entre taxes et redevances excessives, commission des agences et marges des compagnies, le coût des billets d'avion au départ ou à destination du Sénégal apparaît comme l'un des plus élevés au monde. Cette situation pénalise fortement les voyageurs sénégal

Divers classements établis ces dernières années font apparaître Dakar comme étant la ville la plus chère d’Afrique par rapport au pouvoir d’achat des ménages. On pourrait dire de même que le Sénégal est la destination la plus salée au monde du fait de la cherté des billets d’avion provoquée par le cumul des frais et redevances aéroportuaires imposés par un Etat « Banabana ». Ce qui pousse en particulier nos compatriotes étudiants et émigrés vivant en Europe surtout à dénoncer l’inaccessibilité des billets d’avion. Ils supplient le nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Faye, de faire tout pour que les prix de ces billets diminuent.
Jusqu’à une époque récente, le Sénégal était une destination touristique et académique pour de nombreux touristes européens et étudiants africains. Hélas, ces dernières années, sous le régime du président Macky Sall, le coût de la vie provoqué en particulier par la cherté du loyer ont fait fuir beaucoup d’étudiants camerounais, gabonais, centrafricains, burkinabés, nigériens, congolais etc. vers d’autres pays du continent où il est possible de se loger, de se nourrir et d’étudier à moindre coût. Non content d’avoir la capitale la plus chère d’Afrique, le Sénégal est aussi sans doute la destination la plus coûteuse au monde du fait de la cherté des prix des billets d’avion des compagnies qui le desservent. Des billets inaccessibles toutes destinations, saisons et compagnies confondues !
En tout cas, rares sont les voyageurs qui osent à présent prendre les compagnies Air France et Air Sénégal dont les billets coûtent les yeux de la tête. La plupart se rabattent sur Air Algérie et Royal Air Maroc (Ram) considérés comme étant les « moins » chères. Bien que cela dépende beaucoup de la « saison » et de la date à laquelle le voyageur réserve son billet par rapport à son départ. Jusqu’à avant-hier, mardi 14 mai 2024, pour se rendre de Dakar à Paris via Casablanca ou de Dakar à Paris via Alger, il fallait débourser entre 600.000 cfa ttc (950 euros) et 800.000 cfa ttc (1200 euros) ! Et pire, en classe économique avec un voyage qui peut durer plus de 12 heures si l’on compte les escales.
Quant à Air France et Air Sénégal n’en parlons puisqu’elles étranglent les passagers à travers des tarifs particulièrement exorbitants sur la ligne Dakar-Paris-Dakar considérée comme la plus prestigieuse. Et la plus empruntée. Là, les billets d’avion oscillent entre 850.000 CFA ttc (1300 euros) et 950.000 CFA ttc (1400 euros). Autant dire que, comme les avions, les tarifs décollent !
Notre compatriote Ib. Kébé vivant en France reconnait que les prix des billets d’avion sont généralement plus élevés pendant les périodes de haute saison c’est-à-dire les grandes vacances d’été et les fêtes de fin d’année. Seulement voilà, tempête-t-il, « sur la destination Sénégal, il n’y a ni haute saison, ni basse saison sur les vols d’Air Sénégal, d’Air France et même de Royal Air Maroc où les tarifs sont exagérés. Ce qui est déplorable, c’est le fait que ces compagnies prennent la fête de Tabaski ou le grand Magal de Touba comme une période de haute « saison » du fait de la très forte demande des Sénégalais pour augmenter leurs tarifs. Ce même si ces fêtes interviennent durant une période normalement considérée comme relevant de la baisse saison ! L’avènement du président Bassirou Diomaye Faye à la magistrature suprême donne l’opportunité aux innombrables Sénégalais de la Diaspora, et particulièrement ceux de France comme moi, de revenir au Sénégal. Et surtout pour venir passer la Tabaski au pays, en famille. Malheureusement, il y a bon nombre de Sénégalais de France qui hésitent à venir à cause de la cherté des billets d’avion » déplore notre interlocuteur. « A défaut de satisfaire une vieille doléance des modous-modous visant à porter à dix ans la limite d’âge des véhicules d’occasion importés, le président Bassirou Diomaye peut aider nos compatriotes, non seulement de la diaspora mais aussi de l’intérieur du pays, à voyager à moindre coût en diminuant voire supprimant les taxes et redevances aéroportuaires. Quitte à faire appliquer une discrimination pour tout passager détenteur de passeport sénégalais pour éviter que les autres passagers des pays voisins n’en abusent » conseille Ib. Kébé, Sénégalais établi en France.
Le long périple des « Gp »…
Dans l’univers des « Gp » (Gratuité partielle), la plupart des transporteurs de colis ont pratiquement tourné le dos à la compagnie nationale Air Sénégal pour se rabattre sur Air Algérie via Alger où les tarifs semblent être moins chers. Opérant sur l’axe Dakar-Paris, Kh. Guèye, « Gp » de son état, préfère désormais emprunter les vols d’Air Algérie de Dakar à Metz (France) via Alger aux tarifs abordables puisque se situant entre 350.000 CFA ttc (550 euros) et 400.000 CFA ttc (650 euros). « Une fois arrivé à Metz qui se trouve être ma ville d’éclatement, je prends le train pour rallier Nancy, ensuite Paris où de nombreux clients attendent la réception de leurs colis » explique notre « Gp » tout en déplorant le départ de la compagnie française Corsair qui ne dessert plus la destination Sénégal. « Parce que du temps des vols économiques de Corsair, les sénégalais en partance pour Paris, ou qui quittaient cette ville à destination de Dakar achetaient des billets à bas prix. Presque toutes saisons confondues, les tarifs de Corsair ne dépassaient jamais les 600 euros ttc soit 390.000 CFA. En tout cas, tous les voyageurs sénégalais regrettent le départ de cette compagnie pour des raisons que nous ne comprenons pas » regrette notre « GP ».
Pourquoi les billets d’avion sont si chers au Sénégal
Lorsqu’on achète un billet d’avion à Dakar, on est parfois surpris par la différence entre le tarif affiché hors taxe et le prix Ttc (toutes taxes comprises). En poussant sa curiosité, « Le Témoin » a constaté que si le prix de base hors taxe du billet varie entre 200.000 CFA (euros) et 300.000 CFA (460 euros), le cumul des taxes de sûreté, d’environnement, redevances d’investissement et frais de gestion aéroportuaire imposés et perçus par l’État du Sénégal, ce cumul donc peut faire grimper le prix du billet jusqu’à 600.000 CFA (950 euros) voire 800.000 CFA ttc (1300 euros). Sans oublier les frais de service exorbitants (commission) rajoutés sur les prix de vente par les nombreuses agences de voyages et revendeurs intermédiaires n’ayant pas la capacité d’émettre directement des billets d’avion. Autrement dit des agences-revendeurs non agréés ou non accréditées par « IATA » qui rajoutent leurs marges au passage. Parfois, les commissions taxées sur les billets au niveau de l’agence peuvent aller jusqu’à 50.000 CFA ou 100.000 CFA. Une marge bénéficiaire exagérée qui alourdit davantage encore le coût du billet d’avion au détriment du client. Il est vrai qu’en dehors des marges bénéficiaires des agences de voyage sénégalaises, les taxes sur la valeur ajoutée (18%), les frais d’émission passager, les frais de gestion aéroportuaire, les taxes de sureté et d’espace aérien, les redevances d’investissement constituent une ressource pour l’Etat. Car elles permettent de financer des aérodromes ou aéroports comme celui de Blaise Diagne (Aibd).
Tout cela fait que les billets d’avion sur la destination Sénégal ou de ce pays vers le reste du monde sont parmi les plus élevés de la planète !
L’incursion des voyagistes étrangers dénoncée
Selon Mme Lo née Yacine, chef d’agence à Royal-Tours & Services, les agences de voyage sénégalaises traversent une période de crise très difficile à cause de la cherté des billets d’avion. « D’ailleurs pour maintenir nos clients, notamment ceux d’entre eux qui sont dans les affaires, nous sommes obligés de vendre à crédit. Nous profitons de cette occasion pour demander aux nouvelles autorités du pays et particulièrement au président de la République Bassirou Diomaye Faye de supprimer les redevances d’investissement et autres taxes pour alléger le prix du billet d’avion au Sénégal. Par exemple, en cette période sur l’axe Dakar-Paris-Dakar, même le billet de la classe éco sur les vols des principales compagnies aériennes a presque atteint la somme de 900.000 CFA » se désole Mme Lo. Elle interpelle aussi le Syndicat national des agences de voyages afin qu’il cherche les voies et moyens pour sauver la situation des voyagistes. Et surtout de trouver une solution pour que le transport aérien soit beaucoup plus accessible aux voyageurs sénégalais. Pendant ce temps, Mme Kh. Ba, propriétaire d’une célébré agence dakaroise de voyages, déplore l’incursion des voyagistes et hommes d’affaires indiens et guinéens dans le secteur sénégalais du transport aérien. « Sous l’ancien régime, les voyagistes indiens et guinéens raflaient tous les marchés relatifs aux voyages groupés des membres de délégations sportives ou diplomatiques de certains ministères. Des marchés nébuleux de billets d’avion qui sont toujours passés sous le nez et à la barbe des voyagistes sénégalais » dénonce Mme Ba. Une chose est sûre : le niveau élevé des taxes et redevances appliquées aux billets d’avion ne rencontre pas l’adhésion des voyagistes et voyageurs sénégalais puisque cela rend excessivement chère la destination Sénégal.