LA CROISSANCE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE PASSE DE 3,3% A 4,0% EN 2024
Perspectives économiques régionales du fonds monétaire international (Fmi), Le rebond économique tant attendu pour l’Afrique subsaharienne se profile à l’horizon.

Après avoir chuté pour la deuxième année consécutive en s’établissant à 3,3% en 2023, la croissance économique en Afrique subsaharienne devrait repartir à la hausse en 2024 et afficher un taux de croissance de 4,0%. L’annonce est du Fonds monétaire international (FMI) dans son bulletin du mois d’octobre relatif aux perspectives économiques régionales dans la région. Toutefois, l’institution financière invite les autorités à continuer leurs politiques de stabilisation pour éviter que ce rebond ne soit qu’une embellie passagère.
Le rebond économique tant attendu pour l’Afrique subsaharienne se profile à l’horizon. L’inflation diminue, les finances publiques se stabilisent et la croissance est sur le point de repartir à la hausse. Selon les perspectives économiques régionales du FMI, la croissance économique de la région va grimper pour atteindre 4,0% l’année prochaine contre 3,3% en 2023. En effet, 2023 est une année difficile pour l’activité économique des pays d’Afrique subsaharienne. Le choc inflationniste survenu à la suite de la guerre de la Russie en Ukraine a suscité des hausses de taux d’intérêt dans le monde entier, ce qui a entraîné un ralentissement de la demande internationale, une hausse des écarts de rendements sur les obligations souveraines et des pressions persistantes sur les taux de change. Ce qui a occasionné une chute de la croissance en 2023 pour la deuxième année consécutive, en s’établissant à 3,3 % contre 4,0 % l’an passé.
Par ailleurs, le ralentissement de l’activité au niveau international, la hausse des taux d’intérêt mondiaux, le creusement des spreads et la poursuite des pressions sur les taux de change ont concouru à une grave pénurie de financements. Il s’agit d’un choc de plus pour une région qui se remet à peine de la pandémie de COVID-19. Cependant, selon les estimations de l’institution financière, la croissance devrait se rétablir à 4,0% en 2024. D’autant plus que le redressement économique de la région a déjà commencé. Pour le moment, les données de PIB de la plupart des pays ne sont disponibles que pour le premier trimestre 2023. Pour autant, les indicateurs à haute fréquence montrent que l’activité globale dans la région s’est améliorée au cours du 2ème trimestre. Il faut préciser que la croissance va augmenter pour environ les 4/5 des pays de la région, ce qui marque une différence très nette avec 2023.
LE SENEGAL PARMI LES PAYS AVEC UNE CROISSANCE PLUS ELEVEE EN 2024
En outre, les experts du FMI prédisent la croissance la plus élevée pour certains pays dont l’économie est plus diversifiée. En outre, le tableau est loin d’être le même partout dans la région ; en particulier, on s’attend à ce que la divergence persiste entre les pays riches en ressources naturelles et les pays pauvres en ressources naturelles. Ces deux groupes de pays connaîtront une embellie l’année prochaine, mais pas au même rythme. Le recul des prix des produits de base continuera à peser sur les exportations de la plupart des pays riches en ressources naturelles, mais dans l’ensemble, leur croissance va tout de même s’améliorer, en passant de 2,6% en 2023 à 3,2% en 2024, principalement grâce à la consommation privée et, dans certains cas, grâce à la (re) mise en service d’un certain nombre de projets d’exploitation des hydrocarbures comme le Sénégal et le Niger, et au démarrage de la production de plusieurs projets miniers (Liberia, Mali, République démocratique du Congo, Sierra Leone). Pour ce qui concerne les pays pauvres en ressources naturelles, leur croissance devrait bénéficier à la fois de la bonne tenue de la consommation et de l’investissement, et devrait passer de 5,3% à un niveau impressionnant de 5,9%. Une reprise à deux vitesses n’étant pas une nouveauté dans la région, elle est devenue particulièrement marquée à la suite du choc sur les prix des produits de base de 2015.
DES CONDITIONS EXTERIEURES QUI S’AMELIORENT
Ces bonnes notes s’expliquent par l’amélioration depuis les Perspectives économiques régionales d’avril 2023 de l’environnement mondial. En effet, l’Organisation mondiale de la santé a annoncé la fin de la pandémie au terme de trois longues années. S’y ajoute la hausse de la consommation dans beaucoup de grands pays, ce qui a permis de revoir à la hausse, par rapport à avril, les projections encore moroses pour la croissance mondiale en 2023. Sans compter l’inflation mondiale qui recule lentement.
En effet, de nombreux grands pays ont désormais suspendu le relèvement de leurs taux directeurs, et les conditions financières internationales s’assouplissent, ce qui a permis de réduire les écarts de rendement observés sur les obligations souveraines internationales (spreads) des pays d’Afrique subsaharienne et d’atténuer quelque peu la pénurie de financement. Enfin, les chaînes d’approvisionnement mondiales se sont rétablies, et les cours des denrées alimentaires et de l’énergie ont chuté. Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont baissé de plus de 20% au cours des 18 derniers mois. Étant donné que les dépenses alimentaires représentent presque 40% du panier de consommation des habitants d’Afrique subsaharienne, il s’agit d’une bonne nouvelle pour une région en proie à une grave crise du coût de la vie et où la pauvreté a déjà pris des proportions inquiétantes. D’après les estimations, environ un tiers de la population d’Afrique subsaharienne vit avec moins de 2,15 dollars par jour. Après avoir atteint un pic de près de 10%, en glissement annuel, en mars 2023, l’inflation médiane en Afrique subsaharienne a baissé de 3 points de pourcentage. Selon l’estimation la plus récente, elle se montait à 7% au mois de juillet. Comme pour la croissance, la situation varie considérablement d’un pays à l’autre.
En moyenne, les pays en régime de change flexible présentent des taux d’inflation plus élevés que les pays en régime de change intermédiaire, et en juillet 2023, presque un tiers des pays de la région présentaient toujours une inflation supérieure ou égale à 10%. Néanmoins, d’après les dernières données disponibles, plus de 40% des pays ont vu leur taux d’inflation baisser depuis au moins 2 mois. La plupart des autres pays devraient voir leur taux d’inflation atteindre un pic prochainement, et l’inflation ne devrait augmenter au cours de l’année 2024 que dans 5 pays à savoir l’Angola, le Burkina Faso, la Guinée Equatoriale, le Niger et les Seychelles. Certains des pays dont l’inflation est élevée sont des économies relativement importantes (Éthiopie, Ghana, Nigeria), ce qui explique que le taux d’inflation régional en moyenne pondérée soit également élevé.
Cependant, si l’on s’intéresse au pays médian, on constate que les effets de la crise sur l’Afrique subsaharienne correspondent globalement aux tendances observées ailleurs, tout comme la trajectoire prospective de désinflation de la région. Élément fondamental pour la sécurité alimentaire dans la région, l’inflation alimentaire intérieure est également en baisse, ce qui tient en grande partie à une baisse générale des cours mondiaux des denrées alimentaires. D’ordinaire, lorsque les prix alimentaires internationaux chutent, l’inflation alimentaire met 6 à 12 mois pour baisser à son tour dans les pays, et la baisse des prix se transmet presque complètement aux prix des denrées importées. Cependant, selon les données fournies par le FMI, bien que l’inflation alimentaire médiane continue de dépasser les 10%, un niveau trop élevé, c’est bien moins que le pic de 16 % atteint en octobre 2022. Cette tendance récente marque, d’après les experts, une évolution bienvenue pour la région, dans la mesure où l’Afrique subsaharienne est la zone du monde qui souffre le plus d’insécurité alimentaire. D’après les projections pour 2023, 142 millions de personnes soit 12% de la population souffrent d’une insécurité alimentaire aiguë, soit 10 millions de personnes de plus que l’année dernière.
BAISSE DES DEFICITS BUDGETAIRES, RETABLISSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES…
Pour ce qui concerne la situation budgétaire, les finances publiques des pays de la région se rétablissent progressivement. En 2020, le déficit budgétaire médian, hors dons, s’est nettement creusé pour atteindre 8,2 % du PIB. Ce qui tient aux effets de la pandémie sur les recettes et à l’impératif de protection des plus vulnérables.
Par conséquent, la dette publique médiane a fortement augmenté, en passant d’environ 51,5% en 2019 à presque 59% en 2020. Cependant, rares sont les pays qui disposaient d’un espace budgétaire suffisant au début de la crise, et la plupart des autorités nationales ont depuis entamé le rééquilibrage de leurs finances publiques. Le déficit médian, hors dons, s’est réduit à 6,1% du PIB en 2022, et devrait continuer de se combler pour atteindre 5,3% en 2023. En conséquence, les niveaux d’endettement se sont largement stabilisés autour de 60% à partir de 2021, et devraient amorcer un léger repli à partir de 2024, mettant ainsi fin à une tendance haussière qui dure depuis une décennie. Jusqu’à présent, la baisse des déficits budgétaires découle presque à parts égales de la réduction des dépenses et de la hausse des recettes en pourcentage du PIB. Au-delà de ce rééquilibrage général des comptes publics, certains pays comme l’Angola, la Gambie, le Nigeria et la Zambie ont entamé d’importantes réformes des subventions à l’énergie afin de se ménager une marge de manœuvre nécessaire à des dépenses de développement.
DE GROS NUAGES A L’HORIZON ...
Selon le FMI, de gros nuages risquent de planer sur la reprise qui s’annonce pour l’année prochaine. D’après les prévisions, les niveaux d’endettement se sont stabilisés dans l’ensemble de la région, mais restent très élevés dans de nombreux cas, et plus de la moitié des pays à faible revenu de la région sont surendettés ou risquent fort de le devenir. Par ailleurs, comme la tendance est de plus en plus orientée vers les financements de marché, plus coûteux que les prêts accordés par les créanciers officiels, le service de la dette s’est envolé. De plus, quoique les spreads aient diminué après avoir atteint un pic plus tôt dans l’année, les coûts de l’emprunt demeurent élevés. Pour ce qui concerne les pays qui ne sont pas surendettés comme le Sénégal, le rendement moyen des euro-obligations en cours de remboursement dépasse 12%, contre 7% avant la pandémie. Les taux d’intérêt mondiaux devraient certes finir par baisser à mesure que l’inflation ralentit, mais les taux mondiaux à plus long terme ne devraient pas retrouver leurs niveaux d’avant la crise de sitôt. Aucune euro-obligation n’a été émise depuis avril 2022 aux taux actuels, et certains pays pourraient avoir des difficultés à refinancer des engagements à court terme. De ce fait, le cumul des montants à rembourser au titre d’euro-obligations atteindra environ 6 milliards de dollars en 2024 et en 2025, ce qui est particulièrement inquiétant. Deuxièmement, l’inflation reste trop élevée. Bien que l’inflation tende à baisser dans plus de 40% des pays de la région, elle dépasse encore les niveaux observés avant la pandémie.
Dans les pays où les anticipations d’inflation sont mal ancrées, plus l’inflation persiste longtemps à un haut niveau, plus il est à craindre que ne se déclenchent des effets de second tour incontrôlés, auquel cas les autorités monétaires finiraient par devoir resserrer leur politique de manière encore plus volontariste, et les autorités budgétaires pourraient subir des pressions supplémentaires, avec de nouvelles demandes d’augmentation des salaires de la fonction publique. A cela s’ajoute la conséquence supplémentaire de la pénurie de financement, la hausse des taux d’intérêt mondiaux et le repli des cours des produits de base qui mettent sous pression la plupart des monnaies d’Afrique subsaharienne. Concernant les pays dotés d’un régime de change flexible, et en particulier ceux qui rencontrent des problèmes de compétitivité ou présentent des réserves insuffisantes, les mesures prises pour freiner les fluctuations baissières des monnaies sont susceptibles de nuire à la croissance et d’aggraver encore la pénurie de financement. Ainsi les perspectives de prospérité à plus long terme demeurent fragiles, en particulier pour les pays dont les économies sont les moins diversifiées.