LA GUERRE ELECTRIQUE ENTRE BANQUES ET OPERATEURS DE TELEPHONIE
Banques et opérateurs de téléphonie que l’on croyait jusqu’ici complémentaires se retrouvent paradoxalement sur un terrain où les acteurs rivalisent d’arguments.

Banques et opérateurs de téléphonie que l’on croyait jusqu’ici complémentaires se retrouvent paradoxalement sur un terrain où les acteurs rivalisent d’arguments. C’est le terrain de la monnaie électronique. Une bataille rude dans laquelle tous les coups semblent permis. Entre un leader titillé par des jeunes loups aux dents longues, des précurseurs à la traîne, le secteur de la monnaie électronique est en pleine ébullition au grand bonheur du client. Entre des tarifs de plus en plus bas, des offres les plus innovantes, le consommateur a presque l’embarras du choix….En attendant peut-être que la bulle explose ?
Selon M. Djibril Diallo, ancien directeur de Tigo Cash et actuel directeur général de Transferto, le Mobile Money est l’ensemble des services qui tournent autour de la monnaie électronique et qui utilisent le téléphone mobile comme outil principal de transaction pour le client. Aujourd’hui, même si la téléphonie reste leur cœur de métier, les opérateurs de télécommunications accordent une place de plus en plus importante au Mobile Money. Orange Money, Tigo Cash et, dans une moindre mesure, E-Money (expresso) ont envahi le marché de la monnaie électronique et ne cessent de grignoter des parts de marché.
Pour en profiter au maximum et en toute légalité, ils se sont entourés d’un maximum de garanties en obéissant à la lettre aux nouvelles règles fixées par la Bceao. «Pour opérer dans la zone Uemoa, la Bceao exige, désormais, que les opérateurs de télécommunications obtiennent un agrément d’Etablissement de Monnaie Electronique (EME), afin d’opérer leurs activités dans un cadre de responsabilité étendu», explique un document de la Bceao. C’est justement cette disposition qui a chamboulé le secteur. C’est ce que semble dire Alex Corenthin, formateur en informatique à l’Ecole supérieure polytechnique et directeur des systèmes d’information de l’Ucad. « Avec de tels avantages, les opérateurs de télécommunications titulaires d’une licence de monnaie électronique n’ont aucun avantage à prêter leurs infrastructures pour gérer des transactions concurrentes. Et ce sont ces nouveaux acteurs qui ont exacerbé la concurrence», analyse-t-il.
LA RIPOSTE DES BANQUES
Tel un vrai ring, les acteurs ont chacun ajouté une corde à son arc. Pendant que les opérateurs, en plus de leur cœur de métier, envahissaient le secteur de la monnaie électronique, les banques ne se laissaient pas faire. Aujourd’hui, elles ont presque toutes un département monnaie électronique. La Société générale a Yup, la Banque de Dakar SÛR, Wave est adossée à Ecobank…«L’agrément déjà obtenu donne aux banques la possibilité de se lancer dans la monnaie électronique sans faire une nouvelle demande. Là où l’opérateur de téléphonie qui veut faire du Mobile Money doit forcément souscrire à une demande d’agrément à la Banque centrale. C’est pourquoi il ne serait pas surprenant de voir d’autres banques faire leur entrée dans le secteur de la monnaie électronique», explique cet expert bancaire. Dans une interview accordée au quotidien national Le Soleil, Fatoumata Bah, directrice marketing de Yup, à la base, faisait une analyse qui en dit long sur le chamboulement du secteur. «Ce sont les opérateurs qui ont créé le Mobile Money. Donc, en quelque sorte, ce sont les banques qui les ont rejoints, mais avec des normes bancaires. Et vu que la réglementation se durcit, les opérateurs devront, à leur tour, se transformer pour se rapprocher du modèle bancaire», indique-t-elle
FAIBLE TAUX DE BANCARISATION, TAUX DE PENETRATION DU MOBILE : des niches pour les opérateurs
Aujourd’hui, même si le Sénégal compte plus d’une vingtaine d’institutions bancaires, force est de reconnaître que le taux de bancarisation reste relativement faible. C’est pourquoi Alex Corenthin estime que c’est une niche pour les opérateurs. En effet, avec un taux de pénétration de plus de 100%, le mobile est partout. «Aujourd’hui que les opérateurs de téléphonie ont l’agrément d’établissement de Monnaie Electronique (Eme) délivré par la Banque centrale et qu’ils sont dotés d’un fort taux de couverture, le Mobile money est un outil extraordinaire d’inclusion financière. Aussi, du fait de certaines exigences, les banques commerciales sontinaccessibles à une partie de la population, alors que le mobile, aujourd’hui, est dans tous les foyers. C’est ce qui a encouragé la création du M- paiement etles opérateurs s’en donnent à cœur joie. Le Mobile money est, sans nul doute, le meilleur moyen d’inclusion financière», analyse-t-il.