LE BITCOIN N'EST PAS UNE MONNAIE
Enjeux environnementaux, concurrence entre banques et opérateurs télécoms, cryptomonnaie et changement de leadership à la tête de son groupe… Alain Nkontchou, président du conseil d’administration d’Ecobank, est le grand invité de l’économie JA-RFI

Après plusieurs années difficiles, au cours desquelles Ecobank a dû assainir son portefeuille et sa gestion au Nigeria, le groupe panafricain a retrouvé des couleurs. Pour la première fois depuis cinq ans, il redistribue, sur la base des résultats 2021, des dividendes à ses actionnaires. Artisan de ce redressement, Ade Ayeyemi, son directeur général, doit passer la main. Ce changement de leadership constitue cette année l’un des principaux dossiers d’Alain Nkontchou, nommé à la tête du conseil d’administration d’Ecobank en 2020.
Le banquier, également fondateur d’Enko Capital, société d’investissement pionnière dans la gestion de la dette africaine qui gère 900 millions de dollars d’actifs, est le grand invité de l’économie Jeune Afrique-RFI, diffusé le 14 mai sur RFI. À notre micro, il revient sur l’actualité économique récente, de la gestion des enjeux environnementaux pour les banques alors que se tient la COP15 à Abidjan, à l’adoption du bitcoin comme monnaie officielle en Centrafrique, en passant par le retour de l’inflation en Afrique. Chose rare, le financier pointe les responsabilités des banques et les appelle à prêter davantage aux entreprises.
Jeune Afrique : La COP15 sur la désertification se tient du 9 au 20 mai à Abidjan et pose la question de l’impact des activités humaines sur la nature. Les banques ont-elles conscience de leur responsabilité lorsqu’elles financent des projets agro-industriels qui sont, par essence, néfastes pour l’environnement ?
Ade Ayeyemi : Tout à fait. Nous sommes parvenus à mettre en place des mesures assez fines des besoins de protection de l’environnement et d’impact de ces projets. Cela fait partie de l’ensemble des éléments de responsabilité sociale et environnementale pris en compte par les banques dans l’obtention de crédit.
Est-ce important d’émettre des produits financiers favorables à l’environnement ?
Des banques, dont Ecobank, émettent des obligations vertes. La manière dont ces fonds sont déployés prend en compte des critères environnementaux. Il faut aller plus loin, c’est vrai, mais l’Afrique a surtout besoin de capitaux. Ce besoin est renforcé par la guerre en Ukraine et la montée des prix des produits alimentaires qui en découle. Il apparaît aussi urgent que le continent dispose, si ce n’est d’une indépendance totale, au moins d’une certaine forme d’autonomie sur le plan de la production.
L’inflation inquiète les ménages, les gouvernements, mais aussi le secteur financier. Comment analysez-vous ce phénomène ?
La poussée des prix est visible : elle s’établit à environ 12 % en Afrique subsaharienne. Cette situation demande une réponse calibrée. Ce n’est pas en montant les taux d’intérêt des banques centrales que le prix des produits alimentaires baisseront, mais c’est indispensable pour amortir le choc sur la monnaie, et pour éviter un effet de ruissellement de cette inflation. Il faut ralentir la pression sur les monnaies locales.
La montée des taux d’intérêt est-elle le seul recours pour limiter cette poussée inflationniste ?
Dans l’immédiat, malheureusement, oui, même si cela entraîne un ralentissement de l’économie. Ceci étant dit, la hausse des prix peut causer d’importantes conséquences sociales. Il faut donc aussi des subventions, pour aider les plus pauvres. Aucun gouvernement n’a un mandat pour laisser sa population souffrir, même si les situations budgétaires des États sont rendues encore plus difficiles par la crise du Covid.
Dans ce contexte, les banques peuvent-elles avoir la tentation de moins prêter ?
C’est souvent leur réaction dans un environnement incertain… Leur métier reste tout de même de savoir prendre ce risque.