THIES VIT TOUJOURS DANS LE PARADOXE DE L’ABONDANCE
Sur les revenus globaux de 161 milliards de FCFA générés par le secteur des industries extratives, les 63,3 proviennent de Thiès.

Thiès a abrité hier la première rencontre de dissémination régionale des résultats et conclusions du rapport 2019 de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) du Sénégal. Sur les revenus globaux de 161 milliards de FCFA générés par le secteur, les 63,3 proviennent de Thiès.
Mais malgré cette performance, la région vit toujours le paradoxe de l’abondance avec des industries extractives riches à côté de populations locales pauvres. Le rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) du Sénégal, couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 2019, a été publié à Dakar, à travers un atelier de lancement officiel.
Après cette étape, Thiès a accueilli hier le premier acte de la seconde phase, allant dans le sens d’une dissémination régionale des résultats et conclusions du rapport, à travers la caravane qui va sillonner après les régions de Kédougou, Saint-Louis, Fatick et Matam. Il résulte dudit rapport que les revenus générés par le secteur extractif totalisent un montant de 161 milliards en 2019, dont 147,58 milliards sont allés au Budget de l’Etat, contre 122,2 milliards FCFA pour l’année 2018. Pour la région de Thiès, la contribution des sociétés minières s’élève à 63 milliards 300 millions FCFA, ce qui en fait la première région minière du Sénégal en vertu du critère de la contribution. De ces 63,3 milliards de Fcfa, 21,1 proviennent des Ciments du Sahel (CDS), 14,8 de Dangote Industries Sénégal SA, 10,6 de la Grande Côte Opérations (GCO), 5,4 milliards de Fcfa des Industries Chimiques du Sénégal (ICS), etc. Cependant, note Abdoul Aziz Diop Coordonnateur National Adjoint du Forum Civil, Coordonnateur de l’antenne régionale de Thiès de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) et Président de la Commission Communication de l’ITIE, malgré cette contribution, la région vit toujours le paradoxe de l’abondance, avec des entreprises extractives qui font des milliards de chiffres d’affaires, et à côté des communautés riveraines et collectivités pauvres.
Pour Pape Alioune Badara Paye Secrétaire Permanent Adjoint de l’ITIE, le partage du rapport est une excellente opportunité pour dialoguer avec les acteurs au niveau local, afin de renforcer davantage l’accès aux informations fiables relatives aux projets extractifs. Selon lui, « les revenus du secteur minier proviennent pour l’essentiel de l’exploitation des calcaires par les cimenteries (SOCOCIM, Dangote, Ciments du Sahel). Les contributions pour les autres types de substances (zircon-ilménite, phosphates, basaltes etc.) sont en constante hausse parallèlement à l’augmentation de leurs productions.
En outre, les entreprises pétrolières et minières du périmètre de réconciliation ont déclaré un montant global payé aux fournisseurs en 2019, estimé à 891 milliards de FCFA dont 216,4 milliards aux entreprises nationales (209,5 milliards payés par les entreprises minières et 6,9 milliards par les entreprises pétrolières et gazières). Aussi, les sociétés du périmètre ITIE emploient 7 951 personnes en 2019. La majorité des effectifs, soit 95%, sont des nationaux. Les femmes sont au nombre de 668 et représentent 8,40% de l’effectif global. A cela s’ajoute la contribution au titre des dépenses sociales au profit des communautés, qui est d’environ 3,4 milliards FCFA ».
«L’EXPLOSION DE NGADIAGA MONTRE QU’IL FAUT ÊTRE PLUS VIGILANT DANS LE CONTRÔLE»
Mais, explique Pape Alioune Badara Paye, force est aussi de constater qu’au lieu de créer des retombées financières, les activités minières peuvent nuire à l’environnement et perturber les structures sociales et économiques d’une collectivité. D’où à ses yeux la nécessité « d’améliorer le cadre normatif de la réhabilitation, surtout celle progressive, des sites par les entreprises minières. Cela permettra de répondre à l’évolution de l’ITIE en matière de transparence environnementale grâce à la publication régulière des plans de gestion environnementale et de l’étude d’impact environnemental. La gestion des impacts négatifs potentiels du projet extractif sur le plan environnemental doit être renforcée ». D’ailleurs pour lui, l’explosion récente du puits de gaz à Ngadiaga montre qu’il convient d’être plus vigilant dans le contrôle des opérations extractives. Pour sa part, Abdoul Aziz Diop estime que le rapport donne une bonne photographie du secteur extractif, à travers des données fiables et exhaustives, sur toute la chaîne de valeurs.
De 46 milliards en 2013, la contribution globale du secteur extractif est passée à 161 milliards en 2019. Il a insisté sur les données contextuelles de Thiès, la première région minière du Sénégal en termes d’implantation et de contribution, avec 63,3 milliards en 2019 sur les 161 milliards de contribution globale du secteur ressorti dans le rapport. Il souligne qu’à titre d’exemple, seuls 542 millions sont alloués aux 53 collectivités territoriales de la région dont 50 communes et 3 départements au titre du Fonds d’Appui au Collectivités Locales 2019.
Dans le même temps, les dépenses sociales des entreprises sous forme de Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) s’élèvent à 1 075 000.000 pour 2019 avec seulement 5% pour la santé, 2% pour l’hydraulique, 27% pour l’éducation et 13% pour le sport. Pour lui, les informations fournies par l’ITIE permettent aux citoyens, propriétaires des ressources de mieux exercer leur droit constitutionnel conféré par l’article 25 de la constitution, en exigeant plus de transparence, d’équité, de redevabilité et de respect de leurs droits surtout environnementaux et socioéconomiques. Pour les gouvernants et autres décideurs, les conclusions des rapports permettent d’orienter leurs prises de décisions et de traduire les recommandations en réformes profitables à tous.