AU MALI, MALAISE APRÈS LA SUSPENSION DE FRANCE 24 ET RFI
Les deux chaînes françaises ont été mises sur liste rouge par les autorités de transition à Bamako, laissant un grand vide dans le paysage de l'information malienne. Dans le secret de l'anonymat, beaucoup s'inquiètent de cette décision

La censure est assumée. Le ton du communiqué, lapidaire. Mercredi, le gouvernement de transition au Mali a annoncé la suspension de France 24 et RFI. Les deux chaînes de l'audiovisuel français ne seraient rien de moins que la «radio Mille Collines» version malienne, allusion à cette station rwandaise qui prêchait sur les ondes le génocide des Hutus contre les Tutsis. Leur tort? Avoir relayé un rapport de l'ONG Human Rights Watch (HRW), ainsi que divers témoignages, accusant les soldats maliens d'exactions, notamment sur une trentaine de personnes «aspergées d'essence et brûlées vives» le 3 mars dernier. «Désinformation», a objecté l'armée, indiquant que ses unités «ne pouvaient pas être responsables d'une telle abjection».
De plus en plus isolées sur la scène internationale avec le départ des partenaires européens et les sanctions de la Cédéao, les autorités ont également alerté les médias maliens: est formellement prohibée toute «rediffusion, et/ou publication des émissions et articles de presse» de ces deux chaînes. «Les journalistes présents au Mali sont désormais prévenus», a réagi l'ONG Reporters sans frontières (RSF). «Les sujets qui fâchent les militaires au pouvoir conduiront à des menaces, des expulsions ou des suspensions».
Gêne à Bamako
Côté français, bien sûr, le Quai d'Orsay, puis le chef de l'État, ont condamné «avec la plus grande fermeté» cette annonce. Au Mali, loin de provoquer un tollé, la décision a reçu un accueil froid. Les communiqués des deux faîtières de la presse ont simplement pris acte. Certains ont rétorqué aussi: qui est la France pour crier à la censure, après la suspension de RT et Spoutnik? Seule à exprimer ses réserves, la CNDH, organisme national de défense des droits de l'Homme à Bamako, s'est inquiétée pour «le droit fondamental à l'information», dont «les populations ne devraient pas être privées».
De son côté, la Maison de la Presse a invité «tous les médias nationaux et étrangers à davantage de RESPONSABILITÉ (sic)», et à «œuvrer à soutenir les forces armées et de sécurité dans le noble combat contre le terrorisme». «La confraternité n'est pas de mise», grince une figure de la presse à Bamako, qui pointe une décision «clairement liberticide et stupide».