KATI, VILLE GARNISON ET FABRIQUE À PUTSCHISTES DU MALI
Comme bien d’autres, le coup d’Etat qui a fait tomber le président Ibrahim Boubacar Keïta est parti de ce camp militaire situé dans la banlieue de Bamako

Néné Bah n’envisageait pas de remballer en vitesse son stand, mardi 18 août, jour du putsch qui a chassé le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). De bonne heure, cette commerçante du marché central de Kati, commune située à 15 km de Bamako, reçoit l’information que des coups de feu retentissent dans le camp militaire de la ville. Mais elle ne s’affole pas.
La force de l’habitude ? Comme le reste des habitants de cette banlieue de la capitale malienne, elle sait sans doute qu’une longue journée commence. « Lorsque quelque chose cloche entre les militaires, cela doit se terminer en mutinerie ou en coup d’Etat », affirme ainsi Mocktar Haïdara, un septuagénaire de Kati.
Bien plus connue pour son camp militaire, le plus grand du pays, que pour son marché au bétail qui accueille les cheptels du centre et du nord du Mali, Kati est aussi surnommée la « ville garnison ». Cette cité où tous les haut gradés ont fait leurs classes est devenue le lieu symbole des coups d’Etat maliens. Le visiteur, après avoir emprunté depuis Bamako une route usée par les convois militaires, est accueilli aux portes de la ville par un panneau à l’inscription explicite : « Région militaire numéro 3 – Camp Soundiata-Keïta », du nom du fondateur de l’empire du Mali.
« Eloigner les officiers »
Il faut contourner le camp pour passer successivement de la clinique militaire aux casernes accrochées à flanc de colline, d’où l’on peut apercevoir le centre-ville. Sans oublier le Prytanée, que certains appellent la « fabrique à putschistes », là où toutes les futures élites de l’armée malienne reçoivent leur première formation. Une concentration des forces qui effraie le pouvoir malien depuis 1968, date du premier coup d’Etat perpétré dans le pays par le général Moussa Traoré. Ironie de l’histoire, lui-même sera renversé par un coup de force militaire en 1991, après plus de deux décennies au pouvoir.
En 2013, le président Ibrahim Boubacar Keïta, récemment élu, avait affirmé que « Kati ne fera plus peur à Bamako » après avoir décidé de réorganiser le commandement militaire du camp. C’est pourtant de là-bas, sept ans plus tard, qu’il annonce sa démission dans la nuit du 18 au 19 août après avoir été arrêté à son domicile. Des mesures avaient déjà été prises par le passé pour affaiblir Kati. Ainsi en 1980, l’Ecole militaire interarmes (Emia), installée dans la ville depuis sa création en 1962, avait-elle été transférée à Koulikoro, commune située à 50 km au nord. « De même, si nous ne sommes pas un gouvernorat, c’est pour éloigner les officiers », souligne Mamadou Coulibaly, chef du quartier de N’Tominikoro.