LES DESSOUS DE LA PERTE D'INFLUENCE DE PARIS AU SAHEL
La violence de la colonisation et la dépossession des peuples colonisés ont créé des ressentiments durables. La France éprouve des difficultés à concilier son héritage colonial avec les aspirations des sociétés sahéliennes

Dans un article publié le 2 septembre 2023, le journal Le Monde met en lumière les raisons de la perte d'influence croissante de la France au Sahel, autrefois considéré comme son "pré carré" en Afrique. Les récents coups d'État au Mali, au Burkina Faso et maintenant au Niger ont exacerbé le rejet de la présence française, avec des slogans anti-français et des demandes de départ militaire. Cet article analyse les différentes dimensions de cette crise et explore les facteurs qui ont contribué à cette perte d'influence.
Le poids du passé colonial et de la "Françafrique"
Le passé colonial français et la période de la "Françafrique" ont laissé des traces profondes dans les relations entre la France et ses anciennes colonies. La violence de la colonisation et la dépossession des peuples colonisés ont créé des ressentiments durables. De plus, pendant des décennies, la France a soutenu des régimes autoritaires corrompus en échange de privilèges économiques, ce qui a contribué à une image négative de la France en Afrique.
L'émergence des groupes islamistes radicaux
Une autre dimension de la perte d'influence de la France au Sahel est liée à l'émergence de groupes islamistes radicaux. Ces groupes profitent des faiblesses des États sahéliens et véhiculent un rejet des valeurs occidentales importées. Ils s'opposent au modèle politique post-colonial laïc et captent la déception d'une jeunesse en quête de sens. Ainsi, la présence française est perçue comme porteuse de ces valeurs rejetées, ce qui renforce leur opposition.
L'instrumentalisation de l'anti-françaisme par les putschistes
Une tendance observée dans les récents coups d'État sahéliens est l'utilisation de l'anti-françaisme comme levier pour asseoir le pouvoir des putschistes. En prenant la France comme bouc émissaire extérieur, ces acteurs politiques cherchent à canaliser les frustrations de la population et à gagner en légitimité auprès de leur base. Cette instrumentalisation de l'anti-françaisme contribue à la défiance envers la France et à la remise en cause de sa présence militaire.
La concurrence étrangère croissante
La perte d'influence de la France au Sahel est également accentuée par la concurrence croissante d'autres puissances étrangères. La Russie, la Turquie et la Chine cherchent à combler le vide laissé par la France en proposant leur propre modèle de partenariat. Cette concurrence affaiblit la position de la France et remet en question sa capacité à défendre ses intérêts face à ces nouveaux acteurs.
Le malaise français et les difficultés à se réinventer
Enfin, cette crise révèle un malaise français face aux évolutions en cours au Sahel. La France éprouve des difficultés à concilier son héritage colonial avec les aspirations des sociétés sahéliennes en quête de nouvelles formes de relations. Entre la nostalgie d'une influence passée et la nécessité de s'adapter aux réalités actuelles, la France se retrouve dans une position délicate, cherchant à redéfinir sa politique en Afrique.
La perte d'influence de la France au Sahel est le résultat d'un ensemble de facteurs complexes. Le poids du passé colonial et de la "Françafrique", l'émergence des groupes islamistes radicaux, l'instrumentalisation de l'anti-françaisme par les putschistes, la concurrence étrangère croissante et les difficultés de la France à se réinventer sont autant d'éléments qui ont contribué à cette situation. Pour regagner de l'influence, la France devra réexaminer sa politique en Afrique, en tenant compte des aspirations des populations locales et en proposant des partenariats plus équilibrés et respectueux.