LES MILLE ET UNE FACETTES D'ALPHA CONDE
Curieux destin que celui de cet octogénaire, opposant historique devenu le premier président démocratiquement élu de son pays et qui, à la faveur d'une nouvelle Constitution, tente de s'accrocher au pouvoir

« La Guinée is back ! » lançait tout en haut de la tribune Alpha Condé pour son discours d'investiture de nouveau président de la Guinée, le 21 décembre 2010. Il devenait alors le tout premier dirigeant démocratiquement élu de cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest, régie cinquante ans durant par des pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux.
Une première élection historique
Condamné à mort sous le régime du président-dictateur Ahmed Sékou Touré, Condé avait ensuite été emprisonné durant plus de deux ans sous le règne du général Lansana Conté. Ironie de l'histoire : c'est justement devant le magistrat qui l'avait fait condamner en 2000 à cinq ans de réclusion criminelle « pour atteinte à la sûreté de l'État », le président de la Cour suprême Mamadou Sylla, qu'Alpha Condé avait prêté serment, au Palais du peuple à Conakry, cette année-là. Sa victoire et cette fierté retrouvée des Guinéens, le « professeur Condé », comme il aime à se faire appeler, la doit largement à l'attitude historique de son principal rival, Cellou Dalein Diallo, qui avait très vite reconnu sa défaite. « L'attachement à la paix et à la Guinée une et indivisible nous commande d'étouffer notre frustration et nos souffrances pour rester calmes et sereins et d'éviter toute forme de violence. La victoire et la défaite sont constitutives de la vie, comme nous l'enseigne la religion », avait déclaré Diallo. « Contenons notre amertume électorale par la légitime fierté de représenter, malgré les fraudes et les répressions, près de la moitié des suffrages validés », avait-il conclu.
Si Alpha Condé était alors auréolé de son image d'opposant acquise après des décennies de lutte, il est accusé 10 ans plus tard d'avoir plongé son pays dans la crise pour rester au pouvoir en faisant adopter une nouvelle Constitution. Quelles sont aujourd'hui ses priorités et les grandes lignes de son programme s'il était reconduit au palais de Sékhoutouréya ?
Alpha Condé hyperprésident
À 82 ans, cet homme encore svelte, qui boite légèrement, se présente comme un modernisateur, opposé à l'excision et aux mariages forcés. Il avait d'ailleurs choisi, début septembre, de s'adresser aux femmes de son parti pour officialiser sa candidature. « Moi, je suis le candidat des femmes et des jeunes », a-t-il assuré. « Je me suis battu pendant quarante-cinq ans, j'étais opposant, mes adversaires sont des fonctionnaires qui sont devenus Premiers ministres après avoir mis le pays à terre. C'est extraordinaire que je sois considéré comme un dictateur antidémocrate ! » a-t-il lancé, agacé, récemment sur France 24 et RFI.
Il vante aussi son bilan : réalisation de barrages hydroélectriques, révision des contrats miniers et mise au pas de l'armée, alors que le pays a traversé la pire épidémie d'Ebola de l'Histoire (décembre 2013-2016). Mais, malgré la richesse de son sous-sol, plus de la moitié de la population de Guinée vit sous le seuil de pauvreté, avec moins d'un euro par jour, selon l'ONU.
Human Rights Watch dénonce pour sa part les conséquences désastreuses sur l'environnement et les populations de la « croissance fulgurante » de l'exploitation de la bauxite, principal minerai permettant la production d'aluminium, dont le pays détient les plus importantes réserves mondiales.