QUE PÈSENT LES ÉLECTEURS FRANÇAIS D'ORIGINE AFRICAINE ?
Les statistiques dites « ethniques » sont proscrites en France, mais de nombreuses données permettent d’estimer le poids de l’électorat originaire du continent. Et de l’interroger sur ses intentions de vote

À chaque échéance électorale, le casse-tête est le même. Lorsqu’il s’agit de mesurer les intentions de vote des électeurs français d’origine africaine – ou même étrangère en général – les sondeurs se heurtent à un problème qui semble a priori rédhibitoire : en France, il est interdit d’identifier les citoyens en fonction de leurs origines, de leur religion, de leurs opinions ou de quelque critère touchant à leur vie personnelle que ce soit. Depuis la révolution de 1789, un Français est français, tout simplement, et tous les citoyens sont, sur le papier du moins, égaux. Il en découle qu’il est interdit d’opérer entre eux quelque distinction que ce soit.
Pour nous, ce type de statistiques, basées sur de l’autodéclaration, est pourtant nécessaire. Beaucoup d’ONG, d’associations et de chercheurs le demandent également. Utilisées notamment aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Suisse ou encore en Hollande, ces statistiques permettent de prendre la juste mesure de l’ampleur des discriminations et, donc, de mieux les combattre.
Question de confiance
Plusieurs difficultés découlent de ce constat lorsqu’on souhaite, néanmoins, savoir comment se positionnent les descendants d’immigrés africains. Les instituts de sondage comme l’Ifop, notre partenaire sur la présente enquête, n’ont pas à leur disposition de panel de Français d’origine africaine prêts à répondre à leurs questions. Ce serait illégal. Il faut donc s’adapter et Frédéric Dabi, le directeur du pôle Opinion de l’Ifop, explique comment : « Les personnes qui ont répondu à ce sondage, au nombre de 1 108, font partie d’un panel plus large de 27 102 personnes auprès duquel nous réalisons nos enquêtes d’opinion. Ce sont des gens de 18 ans et plus déclarant avoir au moins un parent ou un grand-parent africain. »
Bien sûr, admet le sondeur, tout est question de confiance puisque l’identification des répondants repose sur leurs seules déclarations. Il estime toutefois que l’échantillon sondé est fiable. L’institut l’a aussi construit en appliquant des quotas afin de reproduire les équilibres de la société française en termes de sexe, d’âge, de profession ou encore de région et de taille d’agglomération de résidence (agglomération parisienne ou province, zones urbaines ou rurales…). Puis les interviews ont été réalisées sous forme de questionnaires en ligne, du 31 janvier au 10 mars 2022. L’ensemble du panel n’avait donc pas forcément connaissance des développements les plus récents de l’actualité (évolution de la crise Covid et guerre en Ukraine, notamment) mais malgré cela, les sondeurs n’ont pas enregistré de modification significative des réponses lors de la dernière période. Frédéric Dabi précise également que compte tenu de la taille de l’échantillon interrogé, la marge d’erreur se situe entre 1,4 (pour les scores les plus extrêmes) et 3,1 points (pour les scores moyens).