UKRAINE : L'EUROPE RENTRE DANS LE MONDE D'APRÈS
Pour contrer un Poutine sans limites qui a brandi la menace nucléaire, l’Union a promis de fournir des armes à Kiev. Une décision historique pour les Européens

Il ne faut pas s’y tromper. Demain, l’Europe ne sera plus la même. Un tabou est tombé. Cette Europe, qui s’enorgueillit tant de cette paix qu’elle a construite, soixante-dix sept ans après la tragédie de la Seconde Guerre mondiale, s’apprête à acheter et à fournir des armes en son nom – celui de l’Union européenne – à l’Ukraine attaquée par les forces russes. Pour la première fois de son histoire. Le tournant est majeur.
La journée de dimanche n’a été que cela. Une succession de tournants historiques. Jusqu’au vertige. Le premier a été celui de l’Allemagne qui a, pour la première fois depuis 1945, décidé de livrer des armes à l’Ukraine et promis d’investir massivement dans sa défense. Pour un pays dont l’histoire violente a freiné, année après année, toute velléité militaire offensive, cette décision est extraordinaire. Mais dictée par des circonstances hors du commun et un sentiment d’urgence qui a semblé gagner, au fil du week-end, toutes les capitales européennes.
Folle menace
L’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine a sidéré le monde. Mais aussi prouvé un point que les démocraties occidentales avaient jusqu’à présent refusé de regarder en face : le président russe n’a pas de limites. De la Tchétchénie à la Géorgie, de la Crimée à la Syrie, rien ne l’arrête. Aujourd’hui c’est l’Ukraine, aux portes de l’Europe. Et demain ? La Moldavie ? La Pologne ? Les pays baltes ? Soudain, le fantôme du passé est là. Tous les pays d’Europe de l’Est, où la mémoire de l’histoire, celle de l’occupation nazie, puis du joug soviétique, est encore tellement vive, ont sonné l’alerte. Et l’Union européenne a répondu, l’Allemagne en tête, mais aussi la Suède qui a, elle aussi, rompu sa doctrine de ne pas livrer d’armes à un pays en guerre. La dernière fois, c’était en 1939 lorsqu’elle avait assisté la Finlande attaquée par l’URSS.
A ces annonces historiques se sont greffées de nouvelles sanctions internationales fortement alourdies alors que, côté russe, on agitait la folle menace d’un recours à l’arme nucléaire. Pendant que l’Ukraine et Kiev, sa capitale, résistent à l’invasion russe, l’aide tant militaire qu’humanitaire au pays agressé se met en place. Et l’annonce de pourparlers entre Russes et Ukrainiens, censés s’ouvrir à la frontière ukraino-bélarusse, près de Tchernobyl, est passée au second plan tant la voie de la négociation semble illusoire.