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14 mai 2025
UNE INJUSTICE VIENT D'ÊTRE RÉPARÉE AVEC LA NOMINATION DE JEAN BAPTISTE TINE
Jean Baptiste Tine a été le Haut commandant de la Gendarmerie nationale. Il a été à la tête de l’institution durant les événements de mois de mars 2021 impliquant le leader du Pastef. Il a été par la suite démis de ses fonctions
Le Général Jean Baptiste Tine a été choisi comme ministre de l’Intérieur dans le premier gouvernement d’Ousmane Sonko. Il va désormais gérer la sécurité publique de tout le territoire sénégalais. Ce choix porté sur sa personne est selon l’ancien capitaine de la gendarmerie une injustice réparée. Pour Seydina Oumar Touré, ce n’est que justice rendue.
«J’adresse mes sincères et vives félicitations aux nouveaux membres du gouvernement du Sénégal, particulièrement au général de corps d’armée Jean Baptiste Tine, nouveau ministre de l’Intérieur. Une injustice vient d’être réparée ce soir. Dieu est juste », a-t-il témoigné.
Pour rappel, Jean Baptiste Tine a été le Haut commandant de la Gendarmerie nationale. Il a été à la tête de l’institution durant les événements de mois de mars 2021 impliquant le leader du Pastef. Il a été par la suite démis de ses fonctions par le président sortant Macky Sall pour être nommé ambassadeur.
KHADY DIENE GAYE, UNE PREMIERE FEMME AU DEPARTEMENT DES SPORTS
Le président Bassirou Diomaye Diakhare Faye et son premier ministre Ousmane Sonko ont choisi Madame Khady Diène Gaye pour diriger les secteurs que sont les sports, la jeunesse et la culture. Une première depuis l’accession du Sénégal à l’indépendance
L’histoire peut enfin commencer au ministère des sports. Hier, vendredi 5 avril 2024, le président de la République Bassirou Diomaye Diakhare Faye et son premier ministre Ousmane Sonko ont choisi Madame Khady Diène Gaye pour diriger les secteurs que sont les sports, la jeunesse et la culture. Une première depuis l’accession du Sénégal à la souveraineté internationale.
À la demande générale de nos internautes, wiwsport répond à leur question «qui est Khady Diene Gaye ?» On les appelle les «hommes ou dames de l’ombre». Dans leur exercice au quotidien, ils se chargent de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques du ministre de leur secteur. Ils sont les inspecteurs de la jeunesse et des sports, la compétence de Khady Diène Gaye.
Juriste de formation, elle a obtenu son Diplôme d’Etudes Approfondies (DEA) en droit. C’est après une formation à l’INSEPS que l’ancienne étudiante de l’UGB est devenue Inspectrice de la Jeunesse et des Sports. Une compétence qui l’amènera au ministère des sports où elle travaillera à la direction de la formation puis au service régional de Dakar, de nombreuses années avant une décision inopinée.
UNE AFFECTATION A KAOLACK EN RAISON DE SA PROXIMITE AU PARTI PASTEF !
Auparavant chef de service régional de Dakar, Madame Khady Diène Gaye a été affectée dans une autre région en raison de son soutien au parti PASTEF. Avec la nomination d’un nouveau ministre des Sports Yankhoba Diatara à l’époque, ce dernier mis au parfum de la proximité de la dame avec le parti PASTEF dont elle est membre de la coordination des cadres, a décidé de l’affecter à Kaolack. Une décision qui n’aura aucun impact sur les convictions de cette dame qui a d’ailleurs travaillé sur le programme sportif de la Coalition Diomaye Président. Elle est décrite comme une dame de fer, qui est à cheval sur les principes du travail organisé et bien fait. Aujourd’hui, elle fait partie des 4 femmes choisies pour faire partie du premier gouvernement du duo Diomaye – Sonko. Mieux, elle brise le plafond de verre parce que c’est la première fois dans l’histoire du Sénégal indépendant qu’une femme occupe le département des sports qui retrouve par la même occasion, son intitulé originel, c’est à dire ministère de la Jeunesse et des Sports. Elle aura aussi la lourde charge de gérer en même temps le département de la Culture. Un énorme challenge à relever.
LE NOUVEAU GOUVERNEMENT ET LES DERNIERS HOMMAGES A BOUN DIONNE A LA UNE DE LA REVUE DE PRESSE DE L’APS DU WEEKEND
La livraison du week-end de la presse quotidienne présente les ”visages” du nouveau gouvernement, en même temps qu’elle pleure le rappel à Dieu de l’ancien Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne.
Dakar, 6 avr (APS) – La livraison du week-end de la presse quotidienne présente les ”visages” du nouveau gouvernement, en même temps qu’elle pleure le rappel à Dieu de l’ancien Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne.
”Des étoiles, des rebelles et des technocrates” : cette formule, belle, est utilisée par le quotidien L’As pour parler de la première équipe gouvernementale mise en place sous le magistère du nouveau chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Diakhar, élu à l’issue du scrutin présidentiel du 24 mars dernier.
”Une équipe choc pour s’attaquer aux urgences”, souligne le même journal au sujet de ce gouvernement très attendu et dont la composition a été dévoilée vendredi soir.
Une liste de 25 ministres et cinq secrétaires d’Etat dans laquelle les alliés du nouveau président comptent ”cinq portefeuilles dédiés à des leaders de la coalition présidentielle”, indique le quotidien L’As, citant des personnalités telles que Cheikh Tidiane Dièye, Moustapha Guirassy, Abdourahmane Diouf, Serigne Guèye Diop.
“Des soutiens récompensés, une volonté de rupture saupoudrée de similitudes avec le premier gouvernement de Macky Sall et la rationalisation des ministères” caractérise le nouveau gouvernement, analyse le journal Le Quotidien.
En plus de l’entrée “en force des membres de Pastef [parti dont est issu le président et son Premier ministre Ousmane Sonko] et des alliés”, Le Quotidien note ”des nominations-réhabilitations”, avec Jean-Baptiste Tine (Intérieur et Sécurité publique) et Ousmane Diagne (Justice).
”Procureur de la République sous Abdoulaye Wade, Ousmane Diagne avait refusé, lors des manifestations contre Wade, de +prendre+ des personnes déférées par la police alors qu’il n’était pas au courant de leur placement en garde-à-vue”, écrit Libération.
“Retour en force des bannis”
S’agissant de Jean-Baptiste Tine, nouveau ministre de l’Intérieur, le journal rappelle qu’il ”avait été brutalement limogé de ses fonctions en juin 2021. Le patron de la gendarmerie à l’époque avait manifesté son opposition contre les sanctions dont étaient victimes le capitaine Seydina Touré mais aussi certains recrutements qui lui étaient conseillés par le régime”.
Pour ce qui concerne le général Birame Diop, “nommé ministre des Forces armées, il est très aimé par les troupes. En tant que chef d’état-major général des armées, il a sensiblement changé les conditions de vie des troupes”, sans compter qu’il se serait ”opposé à certaines +actions+” lors des troubles politiques de mars 2021, ajoute Libération.
Suffisant pour que Enquête évoque “le retour en force des bannis du [régime de Macky Sall]”, avant de livrer une analyse générale selon laquelle la nouvelle équipe ”marque une rupture significative avec les pratiques antérieures, en privilégiant l’expérience professionnelle et l’expertise au-delà des affiliations politiques”.
Une approche qui ”promet de redéfinir le paysage politique et administratif, en mettant l’accent sur les compétences et les résultats plutôt que la politique”, souligne le même journal, selon lequel “Sonko marque son empreinte”.
“Casting prometteur”, pour une “rupture en marche”
“Une belle présomption de compétence”, donc, selon la manchette du quotidien Les Echos, dont l’avis semble corroborer celui de Vox Populi, lequel quotidien relève : “Des compétences, chacune à sa place pour un +gouvernement de ruptures et de transformation systémique+”.
Selon L’Info, “Sonko 1 acte la rupture”, “une rupture en profondeur tant chantée et vendue aux populations sénégalaises”. Walfquotidien ne semble pas dire autre chose, en affichant à sa une : “Préjugés favorables”. “Dans ce premier gouvernement de Bassirou Diomaye Faye, écrit cette publication, figurent des hommes qui ne sont pas étrangers des départements qu’ils dirigent”.
”La +rupture+ en marche”, titre également Sud Quotidien, en signalant sur au moins un point en particulier, qu’un délai d’un mois a été donné aux ministres pour démissionner des autres postes qu’ils occupent, une manière d’éviter le cumul des mandats.
Le Soleil, à son tour, parle de la rupture ”comme credo” du nouveau gouvernement dont il décline les priorités, entre jeunesse, éducation, formation et emploi, lutte contre la vie chère, la justice, la souveraineté économique et la consolidation de l’unité nationale, sans oublier le renforcement de la sécurité.
L’Observateur, enfin, parle de ”casting +prometteur+” avec cette nouvelle équipe. “Plusieurs nouvelles têtes ont fait leur entrée”, fait observer le journal, en signalant dans le même temps ”la part belle réservée aux technocrates, même si les alliés et membres de Pastef n’ont pas été oubliés”.
Si la publication du nouveau gouvernement est le sujet le plus en exergue dans les quotidiens, les journaux ne manquent pas de rendre un dernier hommage au Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne, décédé vendredi suite à une maladie.
“La nation perd un illustre commis de l’Etat”, dit Le Soleil, dont la manchette se confond presque avec celle de L’Observateur (“Mahammed Boun Abdallah, un commis de l’Etat s’en est allé”).
Tous les quotidiens pleurent le rappel à Dieu de cet ancien chef de gouvernement – sous Macky Sall -, candidat à la dernière présidentielle. Il avait été évacué en France à la veille du scrutin du 24 mars dernier.
“Dionne, fin d’une vie bien remplie”, écrit Walfquotidien à propos de celui qui fut une figure majeure du régime de Macky Sall (2012-2024), dont il a été le directeur de cabinet et le Premier ministre pendant de nombreuses années.
par Ndongo Samba Sylla
SORTIR DU SYSTÈME DETTE : FAYE-SONKO FACE AU LEGS DE L’ÉMERGENCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Près de 18 milliards de dollars, soit environ 11 000 milliards de francs CFA devront être payés aux créanciers du Sénégal en 2024-2029. Dans ce contexte, tenir ses promesses sur les plans social et économique sera une gageure
L’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, président fraîchement élu, et de son ami et mentor, Ousmane Sonko, nouveau Premier ministre, charrie les espoirs de la majorité des Sénégalais. La jeunesse, en particulier, a consenti de lourds sacrifices pour la réalisation de l’alternance politique. Elle attend avec impatience des ruptures majeures qui pourront accélérer les transformations économiques sans lesquelles chômage, sous-emploi, marginalisation et précarité continueront d’obérer son avenir.
Le duo Faye-Sonko a pu bénéficier de la confiance de nos compatriotes pour avoir articulé un discours et un programme en résonance avec les préoccupations des jeunes et des segments les plus vulnérables et avec les demandes de bonne gestion et de transparence publique. Les ambitions louables et la vision socioéconomique progressiste de leur mouvement devront cependant composer avec le bilan financier « salé » de l’« émergence » qui a été promise par le régime précédent.
Si Macky Sall peut se prévaloir d’avoir obtenu durant ses deux mandats un taux annuel moyen de croissance économique supérieur à ceux observés pour ses prédécesseurs, cela est dû notamment au fait qu’il a bénéficié d’un contexte international plus favorable (ce dont témoignent les performances assez similaires de quelques pays voisins) et qu’il ne s’est pas privé de recourir activement à l’endettement extérieur. En 2012, Macky Sall a hérité d’un stock de dette publique extérieure (public and publicly guaranteed) de 4,2 milliards de dollars, soit 23,7 % du Produit Intérieur Brut (PIB), qu’il a porté à 14,5 milliards de dollars en 2022, soit 52,5 % du PIB, selon les données de la Banque mondiale.
Certes, au regard des perspectives de croissance économique associées à l’exploitation du pétrole et du gaz, le ratio entre le stock de dette publique et le PIB pourrait diminuer, se diront certains, pour se rassurer. Mais ce raisonnement ne serait pas tout à fait approprié, notamment parce que le ratio dette publique/PIB est un indicateur pratiquement inutile, quand bien même il serait fort prisé.
Les gouvernements souverains sur le plan monétaire (qui ne s’endettent que dans leur propre monnaie et qui évoluent en changes flottants) n’ont pas de contrainte de solvabilité tandis que ceux dont la souveraineté monétaire est moindre peuvent faire défaut à tout moment. En 2022, le gouvernement du Pérou était endetté en monnaie étrangère et pour partie en monnaie nationale. Il a fait défaut avec un ratio dette sur PIB de l’ordre de 33,4 % tandis que le gouvernement japonais, avec un ratio d’endettement de 254 %, cette même année, ne peut jamais faire défaut, du fait de sa souveraineté monétaire.
En matière de solvabilité extérieure, le taux de croissance économique agrégé est moins important que l’évolution des revenus extérieurs, notamment la croissance des revenus d’exportation contrôlés par le gouvernement. Parce que la dette extérieure est payée en devises fortes. Si vous avez par exemple un service de la dette de 100 dollars, le fait de pouvoir taxer votre économie pour obtenir l’équivalent en monnaie nationale de cette somme (aspect budgétaire) ne résout pas votre problème (le paiement en dollar). Si les 100 dollars ne sont pas disponibles dans le système financier domestique, la dette extérieure ne pourra pas être honorée.
Entre 2010 et 2021, le ratio entre le stock de dette extérieure et les recettes d’exportation s’est empiré, passant de 136 % à 466 %. Sur la même période, la part du service de la dette dans les revenus d’exportation a bondi de 5 % à 28 %. En d’autres termes, l’évolution de l’endettement extérieur a été beaucoup plus rapide que celle des revenus d’exportation.
L’un des péchés économiques des plans d’« émergence » au Sénégal, comme sur le reste du continent, a été de stimuler des dynamiques d’endettement en monnaie étrangère qui n’ont ni vraiment dopé leurs exportations ni permis de réduire relativement leurs factures d’importations (par le biais de leur substitution avec la production locale). S’il en a ainsi été, c’est parce que les plans d’« émergence » ont souvent consisté à prendre des dettes en devises fortes pour financer des projets d’infrastructures exécutés par des entreprises étrangères.
Le problème est le suivant : ces projets ont beau être très rentables, pour la plupart ils ne génèrent que de la monnaie nationale, pas des dollars ou des devises fortes. C’est-à-dire que ces projets, financés en devises fortes, ne peuvent pas se rembourser d’eux-mêmes en devises fortes. Pour payer le service de la dette extérieure qui leur est associé, et également permettre la conversion en devises fortes puis le rapatriement des profits et des dividendes obtenus en monnaie nationale par les entreprises étrangères, les gouvernements doivent compter sur les sources traditionnelles de revenus extérieurs et/ou sur de nouveaux emprunts en monnaie étrangère.
Quand la plupart des projets financés par l’emprunt étranger ont ce type de profil, il suffit d’un choc négatif sur les sources traditionnelles de revenus (baisse des prix des matières premières) ou d’une hausse des taux d’intérêt sur les marchés financiers internationaux pour qu’une crise de dette souveraine pointe son nez.
Alors que les paiements cumulés au titre du service de la dette extérieure ont atteint 7,8 milliards de dollars entre 2012 et 2023, le duo Faye-Sonko fera face entre 2024 et 2029, c’est-à-dire d’ici à la prochaine élection présidentielle, à un service de la dette publique extérieure de l’ordre de 11,6 milliards de dollars. Jamais, auparavant, dans l’histoire du pays, un gouvernement n’aura été confronté à une charge de la dette aussi importante en termes absolus et en un temps aussi court. De 1960 à 2017, le service annuel de la dette publique extérieure n’a jamais dépassé 300 millions de dollars. Depuis 2021, le cap du milliard de dollars a été franchi et a continué d’augmenter. Si le service de la dette intérieure est pris en compte, c’est près de 18 milliards de dollars, soit environ 11 000 milliards de francs CFA qui devront être payés aux créanciers du Sénégal durant la période 2024-2029. De telles sommes représentent une ponction importante à la fois sur les finances publiques et les ressources du pays.
Avec la Côte d’Ivoire et le Bénin, le Sénégal fait partie des rares pays africains pour lesquels le montant du service de la dette attendu pour la période 2024-2029 est supérieur au cumul du service de la dette observé pour la période 2012-2023. La responsabilité du système CFA dans l’endettement extérieur chronique des pays membres n’est pas difficile à établir. L’absence de financements adéquats, notamment en ce qui concerne les secteurs agricole et industriel, décourage la production intérieure. La surévaluation du taux de change pénalise les exportations, rend la production locale peu compétitive et facilite les importations. Ce qui crée une situation de déficit permanent de la balance commerciale et plus généralement de perte chronique de devises dans les transactions courantes.
Dans la plupart des pays du Sud, les déficits prolongés de la balance courante entraînent souvent une dévaluation/dépréciation de leur taux de change. Dans le cas des pays de l’UEMOA, le maintien des déficits extérieurs et de la parité fixe vis-à-vis de l’euro n’a été possible qu’à la condition de renforcer la dépendance financière extérieure (dettes en monnaie étrangère et investissements directs étrangers). Nulle surprise dès lors que dans tous ces pays la croissance économique ait pour carburant le capital étranger et qu’elle soit « extravertie ».
À côté d’une dette extérieure de plus en plus pesante, il faut tenir compte des passifs contingents – c’est-à-dire des engagements financiers qu’un État prévoit d’honorer au cas où un scénario non désirable se produit – qui sont légion dans les contrats de partenariat public privé (PPP) signés par le régime précédent et qui sont de véritables bombes à retardement budgétaires.
Par ailleurs, les rapatriements de profits et de dividendes sont censés augmenter considérablement avec l’entrée du Sénégal dans l’économie pétro-gazière, selon les projections du FMI (décembre 2023). Dans la balance des paiements, les « revenus primaires » renvoient aux intérêts sur la dette extérieure, aux profits et dividendes rapatriés et aux rémunérations des travailleurs expatriés.
En 2022, les revenus primaires transférés depuis le Sénégal s’élevaient à 944 milliards de francs CFA dont 323 milliards au titre des intérêts sur la dette publique. En 2028, ils devraient atteindre 1159 milliards de francs CFA (dont 428 milliards pour les intérêts sur la dette publique). Cette exportation du surplus économique constitue ce que les économistes du développement appelaient « sous-développement ». À l’ère néolibérale, le même phénomène est qualifié d’ « émergence » du fait de l’illusion créée par le constat de taux de croissance économique élevés !
Dans un tel contexte, tenir ses promesses sur les plans social et économique sera d’autant plus une gageure que les dispositions du budget 2024 ajoutent quelques difficultés supplémentaires. Ce dernier a été présenté d’une manière qui exclut du calcul des dépenses et du déficit publics des amortissements d’un montant de 1248 milliards de francs CFA devant être refinancés. Il prévoit notamment une réduction de moitié des subventions à l’énergie et une élimination graduelle de celles portant sur les produits alimentaires. Si ces mesures sont conformes avec les exigences des bailleurs de fonds qui réclament un « retour à l’orthodoxie budgétaire », elles sont cependant en porte-à-faux avec l’engagement du nouveau gouvernement de soulager les ménages par rapport à la cherté de la vie.
En marge du « système » politicien, le duo Faye-Sonko devra faire face à un adversaire plus coriace : le séculaire « système dette », c’est-à-dire les conditions qui maintiennent les pays du Sud dans un schéma structurel de dépendance financière et de crises économiques récurrentes.
Outre la nécessité d’une gestion transparente et rationnelle des ressources publiques, il faudra un plus grand contrôle technique et fiscal sur les secteurs exportateurs, un modèle économique davantage orienté sur l’élargissement des marchés intérieurs ainsi que la souveraineté monétaire, un pilier nécessaire, quoique non suffisant, pour s’extirper graduellement du « système dette ».
Par Mouhamadou Lamine BOB
OSER LA DECENTRALISATION
Je demeure convaincu qu’une décentralisation assez poussée est gage de développement à la base et donc garantissant plus de stabilité et de possibilités de voir les populations bénéficier des retombées tout en étant acteurs à part entière
Au vu de tout ce qui a été développé pour mettre en place une politique de décentralisation accompagnée de lois et règlements, je reste sur ma faim quant à la concrétisation. Je demeure convaincu qu’une décentralisation assez poussée est gage de développement à la base et donc garantissant plus de stabilité et de possibilités de voir les populations bénéficier des retombées tout en étant acteurs à part entière.
Ma réflexion a comme point de départ, le niveau d’opérationnalisation de cette politique de décentralisation avec peut-être un agenda dont le rythme d’exécution reste assez lent. Il est évident que si cette opérationnalisation doit passer uniquement par des mesures et décisions devant concerner l’ensemble des collectivités territoriales en même temps, leur niveau varié en termes de capacités organisationnelles, de gestion (programmatique et financière) et de redevabilité ne permet pas une application simultanée et intégrale.
Ainsi et de manière concrète, il serait plus judicieux de penser à une approche par échelle. Il s’agit en effet de pouvoir stratifier ou catégoriser, les mesures et décisions d’application de la politique et de les mettre en œuvre en fonction des capacités de chaque collectivité territoriale. Cette approche nécessitera d’emblée une concertation et des travaux pour sortir avec une matrice d’application des mesures liées à la décentralisation (domaines et sous domaines liés aux compétences transférées) incluant les programmes prévus par l’Etat et les budgets y afférents, en fonction du niveau de capacité des collectivités territoriales. Les évaluations des collectivités territoriales seront faites pour les catégoriser selon leurs capacités afin de leur allouer des responsabilités accrues en matière de transfert effectif de compétences (programmes et budget pour exécution), mais ce sera aussi l’occasion d’identifier les lacunes et de proposer des actions de remédiation pour permettre à chaque localité, de bénéficier de l’encadrement nécessaire pour progresser. Il sera possible de mettre à contribution les services techniques déconcentrés, la société civile locale pour planifier et réaliser les actions d’évaluation, mais aussi d’encadrement, de suivi et de supervision. Evidemment, la tutelle sera toujours présente pour assurer le lead et un bon déroulement des actions avec les moyens appropriés.
Cela va permettre de progresser dans l’opérationnalisation de la politique de décentralisation avec un accompagnement de ces dernières sous forme d’encadrement afin de progresser et être capable dans le futur, de démontrer les capacités à gérer plus de programmes à exécuter dans la localité concernée. Ainsi, on pourrait progressivement se retrouver avec des collectivités territoriales capables de gérer l’intégralité des programmes (budget et exécution) prévues dans leurs localités et cela va booster la dynamique économique avec une administration locale de plus en plus capable. Au niveau central, les rôles et responsabilités vont progressivement se focaliser sur la supervision, l’encadrement et le suivi de ces programmes que les collectivités territoriales vont gérer. Dans le long terme, il est possible que certaines instances de niveau régional n’aient plus leur raison d’être puisque tout pourra se faire au niveau départemental ou communal.
Texte Collectif
PLAIDOYER POUR LA SAUVEGARDE DU PATRIMOINE SENGHORIEN
La bibliothèque personnelle de Léopold Sédar Senghor, reflet de ses lectures et de ses relations intellectuelles, sera dispersée aux enchères à Caen en avril 2024, risquant de voir disperser un pan de l'histoire littéraire africaine
Le 16 avril 2024 à l’hôtel des ventes de Caen en France, est programmée la vente d’« une – grande – partie de la bibliothèque personnelle » (pas moins de 304 lots composés d’un à plusieurs ouvrages) du premier président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor. En regardant à la loupe ces ouvrages, l’on découvre avec stupeur que seront vendus entre autres : l’exemplaire du prodigieux Discours sur le colonialisme de l’ami Aimé Césaire dédié à « ce vieux Léopold Sédar Senghor, (…) parce que je suis sûr que malgré les appartenances politiques, il déteste le colonialisme, destructeur de culture, de finesse [sic] et de civilisations », des ouvrages du poète Aragon, également adressés à Ginette Eboué son épouse, ou encore l’exemplaire d’un ouvrage déterminant dans la construction de sa pensée, Ainsi parla l’oncle de l’Haïtien Jean-Price Mars, qui rend « un fervent hommage d’admiration au grand poète noir » …. Ces ouvrages sont dédiés au poète, au député, au Président de la République ou encore à l’ami Senghor. Sans viser l’exhaustivité, évoquons aussi les ouvrages d’Ousmane Sembène, d’Ousmane Socé Diop, de Birago Diop, de Fily Dabo Sissoko ou encore de Joseph
Zobel, de Paul Niger, de Léon-Gontran Damas et de Richard Wright…. Ils disent autant sur les lectures de Senghor que sur ses relations avec les auteurs et le réseau amical, politique et intellectuel qu’il a tissé et dans lequel il s’insère. Ajoutons enfin des ouvrages de son ami René Maran, le premier Goncourt noir avec Batouala. En première page du livre Les Pionniers de l’Empire, Maran désigne Senghor comme « l’une des gloires de la race à laquelle je suis fier d’appartenir ». Camille Maran avait d’ailleurs eu la généreuse et visionnaire idée en son temps de donner à celui qui venait d’être élu président de la République du Sénégal une partie importante de la bibliothèque et des archives de son époux : le fonds René Maran est à la disposition des étudiants et des chercheurs à la Bibliothèque Centrale de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il y existe aussi un fonds Senghor que pourraient enrichir ces ouvrages. Dans le cas contraire, c’est tout un pan de l’histoire littéraire sénégalaise, ouest-africaine et afro-américaine qui risque d’être dispersé à travers l’éclatement promis de cette bibliothèque de la négritude inédite et unique.
Cette vente intervient à peine quelques mois après l’annonce de celle des cadeaux diplomatiques, décorations militaires et autres bijoux personnels de Senghor, en octobre 2023, vente à laquelle l’État du Sénégal est parvenu à sursoir, après avoir racheté l’ensemble des lots, désormais conservés au Musée des
Civilisations Noires à Dakar. La commissaire-priseuse Me Solène Lainé avait elle-même convenu, non sans une pointe d’enthousiasme, « qu’on ne voit jamais ce type de vente aux enchères » (cité dans l’article du parisien du 20 octobre 2023, Bertrand Fizel, « Des objets rares ayant appartenu à Léopold Sédar Senghor aux enchères à Caen »).
La dispersion du patrimoine senghorien entre la France et le Sénégal principalement, mais aussi en Allemagne et aux Etats-Unis, relève de la géographie senghorienne. Dans le cadre des activités de notre groupe, près d’une trentaine de fonds d’archives de/sur Senghor, plus ou moins importants en termes de volume, a été identifiée. Or la majeure partie est inaccessible au public sénégalais. Une grande part des photographies, objets, œuvres d’art, archives (correspondances, manuscrits et autres papiers de Senghor allant des années 1950 à 2001), est en effet conservée dans la maison familiale de Verson en Normandie, qui est conformément aux vœux de Léopold Sédar Senghor et de son épouse, propriété de la municipalité depuis juillet 2022, avec tous les biens qui la composent.
Il est temps que les Sénégalais puissent librement accéder à ce patrimoine, sans avoir à parcourir la moitié du globe et à affronter des services consulaires peu généreux et accueillants. A l’heure où le tout récemment investi 5ème président du Sénégal Bassirou Diomaye Diakhar Faye parle avec force de la nécessité pour le Sénégal de recouvrer pleinement sa souveraineté, le Groupe international de recherche Léopold Sédar Senghor (UCAD/ENS) souhaite attirer l’attention sur l’urgente nécessité de préserver et de valoriser le patrimoine du premier président du Sénégal et poète Léopold Sédar Senghor. À travers les traces qu’il a laissées et qu’il nous a léguées, c’est toute une partie de l’histoire et du patrimoine sénégalais qui apparaît et qui risque à nouveau de disparaître.
Pour le Groupe de recherche international Léopold Sédar Senghor
(Université Cheikh Anta Diop de Dakar/École normale supérieure (France))
Pr Mamadou Ba (Lettres Modernes, UCAD)
Dr Edoardo Cagnan (ITEM, CRNS/ENS)
Coline Desportes (Doctorante en Histoire de l’art, EHESS)
Dr. Alioune Diaw (Lettres modernes, UCAD)
Dr Mohamed Lat Diop (EBAD, UCAD)
Pr. Babacar Mbaye Diop (Philosophie, UCAD)
Dr Laura Gauthier-Blasi (Littérature, Université d’Alcala)
Maëlle Gélin (doctorante en Histoire, Sciences Po Paris)
Dr Sébastien Heiniger (ITEM, CRNS/ENS)
Dr. Céline Labrune Badiane (ITEM, CRNS/ENS)
Pr Amadou Ly (Lettres modernes, UCAD)
Dr. Claire Riffard (ITEM, CRNS/ENS)
Pr Felwine Sarr (Romance studies, Duke)
Dr. Serigne Seye (Lettres modernes, UCAD)
Dr Mouhamadou Moustapha Sow (Histoire, UCAD)
Pr. Cheikh Thiam (Etudes africaines, Amherst College)
«MANGOUKOUROTO» SUR FOND D’INTERPELLATIONS DU PRESIDENT DIOMAYE
Le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), par sa faction «Mangoukouroto» qui tend la main au nouveau président de la République, rappelle ce dernier sur l’urgence de négociations et d’un règlement rapide de la crise Casamançaise.
Le Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance (MFDC) notamment la faction de «Mangoukouroto» se lâche. Sur fond d’interpellations, les partisans de feu Abdou Elinkine Diatta, réunis dans leur fief de Mangoukouroto, au quartier Soucoupapaye, dans la périphérie de Ziguinchor, disent ne pas se reconnaître dans les récentes sorties du nouveau président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye. «Qu’il sache que le dossier Casamançais l’attend…», martèlent ces membres du MFDC qui réclament des négociations et un règlement rapide de cette crise
Le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC), par sa faction «Mangoukouroto» qui tend la main au nouveau président de la République, rappelle ce dernier sur l’urgence de négociations et d’un règlement rapide de la crise Casamançaise. «Que le nouveau président sache que le dossier Casamançais l’attend», a laissé entendre le porte-parole de cette faction du MFDC de Mangoukouroto, Hamidou Djiba, qui, félicitant le nouveau président, l’interpelle. «Diomaye, je le félicite d’avance d’avoir pris le «trône». Moi je lui souhaite une exaltante mission. Mais qu’il sache que ce dossier Casamançais l’attend parce que dans ses deux discours, il n’en a pas fait cas. Peut-être ce n’est plus une priorité pour eux. Mais alors on verra bien puisque c’est une crise qui est là qui demeure toujours. Vous essayez de faire les oubliettes, d’ignorer et c’est ça la résolution de cette crise. Nous interpellons… Diomaye, au nom du MFDC, de prendre ses responsabilités parce que nous l’attendons. Peut-être que lui, au moins, n’utilisera pas la façon de faire de ses prédécesseurs d’autant plus il est sous le couvent d’un fils de la Casamance. C’est là où nous l’attendons. Peut-être que ce fils Casamançais va prendre les armes contre ses frères, on verra bien…», lance-t-il.
Le porte-parole de cette faction du MFDC met en garde. «Il ne faudrait pas que cette crise devienne la guerre des cent ans. Nous interpellons ces gens-là pour qu’ils prennent la chose à bras-le-corps, qu’ils foncent parce qu’il faut régler cette crise. Sinon, il n’y’aura jamais de paix… », martèle-t-il. Avant d’exiger des négociations pour une solution rapide de cette crise. «Nous leur tendons la main, comme d’habitude, ces nouvelles autorités. Nous sommes là, à ‘’Mangoukouroto’’, nous les seuls interlocuteurs valables. Il n’y a qu’un seul MFDC, celui de ‘’Mangoukouroto’’. C’est avec ce MFDC que l’Etat doit discuter…», largue ce membre du MFDC fidèle de feu Elinkine Diatta.
Et comme si cela ne suffisait pas, il lance des flèches vers les autres factions du MFDC qu’il taxe de «corrompus», à qui on a remis de l’argent... «Ceux de Diakaye n’ont jamais travaillé pour le MFDC. A un moment donné, ils sont sortis ; ils ont trahi, ils ont fait… du banditisme… Pour nous, ils ne sont pas du MFDC et nous ne les insérons même pas dans le MFDC», déclare-t-il.
Une sortie au vitriol de ces membres du MFDC qui renseigne bien sur les attentes de cette faction du MFDC du nouveau régime. Une sortie à l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la naissance de leur leader charismatique, Abbé Diamoucoune Senghor, né un 04 Avril, dans leur fief de Mangoukouroto, dans le quartier Soucoupapaye, à la périphérie de de Ziguinchor.
par Aminata Dia
UN GOUVERNEMENT DE RUPTURE ? PAS POUR LES FEMMES
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette équipe cristallise un système patriarcal bien ancré. Aucun changement systémique, pour reprendre les mots du président, ne peut s’opérer de manière durable sans une gouvernance inclusive et équitable
Ça y est ! La liste tant attendue des membres du gouvernement du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko est tombée ce vendredi 5 avril 2024 : 25 ministres et 5 Secrétaires d’État. Si l’on y rajoute le Premier ministre Ousmane Sonko, le ministre Directeur de Cabinet du président de la République Mary Teuw Niane et le Secrétaire général du gouvernement Mohamed Al Aminou Lô, le décompte s’élève à 33 personnes. Nombre de ministres femme : 04, à savoir un dixième (si l’on rajoute dans le décompte le président de la République) des personnes représentées.
Selon le dernier rapport de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), la population résidente au Sénégal, recensée en 2023, est de 18 032 473 habitants, dont 8 900 614 femmes (49,4%) et 9 131 859 hommes (50,6%). Les femmes représentent donc près de la moitié de la population sénégalaise, mais ne sont représentées qu’à hauteur d’un dixième dans le gouvernement qui a pour but de les servir et de répondre à leurs attentes.
Certains s’offusquent qu’on puisse s’en offusquer. "Après tout, où est le problème ? L’essentiel n’est-il pas d’avoir un gouvernement avec des personnes compétentes et vertueuses ? Pourquoi s’attarder sur des futilités ? À l’heure de la cohésion sociale, à quoi ça sert de critiquer la faible représentation des femmes ? L’idée n’est pas de mettre des femmes pour mettre des femmes et remplir des quotas ou de s’attarder sur des questions de parité et de féminisme - Ces questions de toute façon ne sont pas de chez nous ni de notre culture". D’autres encore diront, d’accord, il y a une sous-représentation des femmes, mais le gouvernement a été mis en place pour répondre aux attentes des Sénégalais et pour se focaliser sur des priorités bien établies. Là, encore, en quoi la représentation de près de la moitié de la population est prioritaire ?
Mon cœur a mal, honnêtement, d’avoir à tout simplement écrire et expliquer en quoi cette faible représentation est problématique. L’enjeu n’est pas “de donner des postes aux femmes” mais de comprendre qu’aucun changement systémique, pour reprendre les mots de notre cher président, ne peut s’opérer de manière durable sans une gouvernance inclusive et équitable. Alors, j’anticipe sur la question : “en quoi un gouvernement sans les femmes n’est pas inclusif et équitable” ? En quelques points :
Les questions de genre ne sont pas l’apanage des femmes, mais un sujet transversal qui touche à tous les secteurs d’activité : les défis économiques, sécuritaires, numériques, migratoires, sanitaires, éducatifs, agricoles, pour ne citer que ces quelques exemples sont intersectionnels. Intersectionnel veut dire qu’ils touchent aussi bien les hommes que les femmes, mais de diverses manières. Les exemples sont pléthores, mais j’en citerai deux. Le premier : les défis auxquels sont confrontés les jeunes filles en termes de scolarisation et d’accès aux études supérieures sont différents de ceux des jeunes garçons. Bien que la scolarisation des enfants dans leur ensemble doive être promu, il est essentiel d’avoir un regard genre qui permette d’identifier les barrières spécifiques auxquelles sont confrontées les jeunes filles (être refusé le droit à la scolarisation au profit du garçon dans la maison, les lourdeurs des tâches ménagères, les mariages/grossesses précoces, les questions de sécurité qui s’appliquent différemment, les règles douloureuses, etc.) afin d’établir des programmes adaptés à leurs besoins. Le deuxième concerne les femmes agricultrices qui rencontrent, elles aussi, des challenges différents que ceux rencontrés par les hommes agriculteurs (l’accès à la terre et au financement est très différent pour les hommes et les femmes, surtout en milieu rural sans compter les différences dans la gestion des revenus). Il ne s’agit pas de se focaliser uniquement sur les défis des femmes, mais de comprendre que n’importe quelle politique publique, et ce, dans n’importe quel secteur, a des implications genre. Sans la prise en compte de cette question, les programmes établis ne seront pas adaptés aux besoins spécifiques des personnes à qui elles sont destinées, qu’elles soient hommes ou femmes.
Les femmes ne sont pas un groupe monolithique : la suppression du ministère de la Femme et sa transformation en ministère de la Famille et des solidarités est problématique. Elle pose une question centrale : la confusion entre les questions de genre et d’équité sociale et les questions familiales. Les deux sont liées et s’entrecoupent, mais elles sont différentes et se doivent d’être différenciées. Le rôle de la femme ne se limite pas à la cellule familiale et même au sein de cette celle familiale, les prérogatives données par le droit sénégalais aux hommes et aux femmes doivent être revisitées. Par exemple, la question de l’autorisation de sortie de territoire que les mères doivent faire signer par le père de leur enfant avant de pouvoir voyager avec ce dernier (qu’il soit leur conjoint légal ou pas) montre l’importance de penser les questions d’équité et de justice sociale en profondeur.
La représentation des femmes est un enjeu de bonne gouvernance, de paix, de cohésion sociale, de justice et de “rupture” : la norme, c’est la non-représentation des femmes dans les instances de décision. La norme, c’est d’œuvrer au développement de leur pays dans les plus hautes sphères de responsabilité, sans elles autour de la table pour partager leur perspective. La norme, c’est d’attribuer leur succès à leur collaborateur homme ou encore leur respectabilité à leur rôle de mère ou d’épouse. La norme, c’est leur objectivation sur la scène médiatique et publique. La norme, c’est leur demander de se taire, de parler doucement, de bien se tenir, d’être polie, de sourire, de ne surtout pas être en colère, de baisser la tête. La norme, c’est de les violenter verbalement, physiquement, financièrement, moralement, spirituellement, intellectuellement. La norme, c’est le harcèlement sexuel, le non-respect de leur intelligence et le doute sur leurs compétences. La norme, c’est leur demander de fournir 10 fois plus d’efforts pour dix fois moins d’avantage et de reconnaissance. La norme, c’est de leur offrir des fleurs le 8 mars ou de leur organiser des caravanes, mais pas de créer des espaces et des opportunités pour qu’elles-mêmes soient au pouvoir et décident de leur destin. La norme, c’est de tout mettre sur leurs épaules, de les acclamer pour leur courage, de les couvrir de louanges pour leurs sacrifices et leur dévotion à la souffrance jusqu’à ce qu’elles en meurent à petit feu. La norme, c’est de les critiquer lorsque leurs enfants échouent : après tout, “sa liguéyou ndey la — c’est le travail de ta mère”. La norme, c’est s’offusquer que les femmes osent s’offusquer de ne voir que quatre femmes représentées dans ce nouveau gouvernement. La rupture, ça aurait été un gouvernement représentatif et inclusif des femmes, chose que ce premier gouvernement du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye n’a pas fait. Au contraire, il cristallise un système patriarcal bien ancré. Or, gouverner pour la paix sociale, la réconciliation, la justice, la rupture, le changement systémique demande de créer des espaces pour un leadership inclusif. Cela implique que les hommes au pouvoir soient conscients du privilège que leur confère leur identité d’homme dans notre pays afin qu’ils puissent apprendre à se décentrer et à inclure d’autres identités dans le système.
Je finirai par ces mots de ma maman Aminata Dieng Dia : “les nouvelles autorités doivent entendre cette indignation. Il n’y a pas de considération sur le profil ou autres justifications qui tiennent. Ce déséquilibre au niveau ministériel doit être rattrapé par la nomination de femmes gouverneurs et préfets pour conduire les politiques déconcentrées, de femmes comme Directrice Générale de sociétés nationales pour implanter le leadership féminin comme levier de transformation et de production de richesses.”
Pour la rupture et le changement systémique souhaité et annoncé, je prie que ces besoins d’inclusion, de mutualité et de représentation équitable soient entendus pour un Sénégal plus juste et prospère.
par l'éditorialiste de seneplus, ada pouye
DU BALAI !
EXCLUSIF SENEPLUS - La radicalisation politico-intellectuelle a porté ses fruits, mais au prix de centaines de vies, de blessés, de prisonniers et de disparus. Il est temps de promouvoir une décentralisation axée sur les dynamiques sociologiques locales
« La barbarie est toujours possible, cependant s’il y a des peuples qui se laissent arracher des mains la lumière, il y en a d’autres qui l’étouffent eux-mêmes sous leurs pieds ».[1]
La victoire triomphale à l’élection présidentielle du 24 mars 2024, saluée de tous, cache encore bien des secrets. Le mouvement social initié par le Pastef depuis 2019, autour du "Projet", et intensifié pendant les années Covid, a profondément marqué notre démocratie néocoloniale. Cette radicalité décomplexée a redéfini la sociologie politique. L'échec des partis traditionnels, attachés à un modèle occidental dépassé, a ouvert la voie à une jeunesse audacieuse et avide de justice, d'abord dans les universités Gaston Berger et Cheikh Anta Diop, puis dans une organisation réelle, loin des schémas habituels, malheureusement confrontée à une répression sauvage.
Les arrestations massives de jeunes et de maires ont conduit au mouvement F24, une plateforme rassemblant des organisations de la société civile, des partis politiques, des syndicats, des chefs d'entreprise, des défenseurs des droits de l'homme, des mouvements religieux et des figures remarquables, tous unis contre un troisième mandat et l'instrumentalisation politique de la justice. Les réseaux sociaux ont joué un rôle crucial dans cette mobilisation, qui s'inscrit dans la tradition sénégalaise de soutien aux alternances, illustrée notamment par le Forum civil et les coalitions stratégiques électorales en 2000, les Assises nationales, M23 et Y'en a marre en 2012, et plus récemment F24, AAR sunu élections et la diaspora.
Le Sénégal a rarement connu un tel bouillonnement intellectuel, avec une forte implication des universitaires défendant farouchement la Constitution et éclairant les "7 sages". Des pétitions internationales, des tribunes, des panels sous Zoom et des éditoriaux ont amplifié la mobilisation nationale et internationale.
Les mouvements de la société civile ont défendu les droits des citoyens, s'articulant autour des enjeux politiques et sociaux, s'intensifiant dans la lutte pour le contrôle du débat public et la rationalisation de la démocratie participative. Les avocats ont également joué un rôle crucial, soutenant la résistance malgré les dangers.
La méthode de mobilisation sociale, innovante et diversifiée, a été payante, avec des rassemblements, des manifestations, de la désobéissance civile, des grèves, des pétitions et la vente d'articles patriotiques, tous témoignant de la participation massive de toutes les couches de la société. Ce modèle de mobilisation citoyenne est une étude de cas pour la conquête des droits citoyens.
Alain Touraine définit le mouvement social comme une action collective visant un changement social, dépassant la simple contestation pour remettre en cause le pouvoir et sa domination.
Nous avons assisté à une reconfiguration et une agonie du système néocolonial, symbolisées par un conflit permanent et des débats autour de l'orientation sociétale, économique, culturelle et politique. La radicalisation politique et intellectuelle a porté ses fruits, mais au prix de centaines de vies, de blessés, de prisonniers et de disparus.
Il est temps de tourner la page, de balayer les institutions néocoloniales sans légitimité sociétale, de promouvoir une décentralisation basée sur les dynamiques sociologiques locales, de mettre fin à l'administration néo-coloniale, à l'accaparement foncier, à la corruption endémique.
Au travail, citoyens !
Exigeons une gouvernance responsable devant la souveraineté populaire.
Aucun délai ni état de grâce n'est permis.
[1] Alexis de Tocqueville “de la démocratie en Amerique
CES DOSSIERS BRULANTS QUI ATTENDENT LE GENERAL JEAN-BAPTISTE TINE
Rationalisation et financement des partis politiques, remplacement de l’actuelle Cena par la Ceni, le général Jean-Baptiste Tiathié Tine aura du pain sur la planche
Nommé tout nouveau ministre de l’Intérieur, le général Jean-Baptiste Tiathié Tine, ancien Haut commandant de la Gendarmerie nationale qui avait été démis de ses fonctions en pleine crise des manifestations de mars 2021 par l’ancien président de la République, aura du pain sur la planche.
En effet, c’est lui qui aura la lourde tâche de mettre en œuvre les nouvelles réformes politiques annoncées par le président Diomaye Faye lors de son message à la Nation à l’occasion de la célébration du 64e anniversaire de l’indépendance.
Parmi ces mesures, nous pouvons citer entre autres, la rationalisation des partis politiques et leur financement mais aussi les réformes électorales avec le remplacement de l’actuelle Cena par la Ceni. 27 ans après ses prédécesseurs, général Lamine Cissé (1997 - 2000) et général Mamadou Niang (2000 - 2003) qui s’étaient illustrés par leurs brillants résultats à la tête de ce département, l’ancien patron de la Gendarmerie nationale est donc attendu dans la mise en œuvre de ces réformes très attendues par les Sénégalais.