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29 mai 2025
LE REPORT DE MACKY FAIT CHUTER LES EUROBONDS DU SÉNÉGAL
Les euro-obligations du Sénégal ont fortement chuté après que le président Macky Sall a reporté sine die les élections présidentielles et que les autorités ont coupé l’accès à l’internet mobile.
iGFM - (Dakar) Un malheur ne vient jamais seul dit l’adage. Depuis que le président Macky Sall a engagé le pays dans la très polémique logique de report de la présidentielle, la valeur des Eurobonds du Sénégal a chuté.
Les euro-obligations du Sénégal ont fortement chuté après que le président Macky Sall a reporté sine die les élections présidentielles et que les autorités ont coupé l’accès à l’internet mobile dans un contexte de crise constitutionnelle. C’est ce que rapporte Bloomberg. Pis, la chute des eurobonds et renforcée par l’incertitude qui prévaut actuellement au pays de la Téranga.
«La police a renforcé la sécurité dans la capitale lundi, au lendemain d'affrontements avec des partisans de l'opposition dans les rues de Dakar qui ont conduit à l'arrestation de responsables, dont l'ancienne Première ministre Aminata Touré et la candidate à la présidentielle Anta Babacar Ngom», écrit le groupe financier américain spécialisé dans les services aux professionnels des marchés financiers et dans l'information économique et financière.
UN MAGISTRAT RECADRE ISMAILA MADIOR FALL
La sortie de Ismaila Madior Fall, ministre des affaires étrangères, n’a pas du tout plu au magistrat Youssoupha Diallo, ex-procureur. Il a tenu à porter la réplique à l’ex-ministre de la Justice qui, à la Rts, s’exprimait à propos de la loi sur le report.
La sortie de Ismaila Madior Fall, ministre des affaires étrangères, n’a pas du tout plu au magistrat Youssoupha Diallo, ex-procureur. Il a tenu à porter la réplique à l’ex-ministre de la Justice qui, à la Rts, s’exprimait à propos de la loi sur le report de la présidentielle ainsi que sur le sort des recours déposés devant Conseil constitutionnel. Ci-dessous son texte.
Réponse au Pr Ismaïla Madior FALL : RESPECTER LA SEPARATION DES
POUVOIRS!
En dépit de son droit de réserve, le magistrat peut, comme l'y autorise l'article 11 de son Statut, traiter dans les médias des sujets d'ordre professionnel ou technique.
Dans une interview accordée à un organe de presse, le Pr Ismaila Madior FALL, ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur, avec le drapeau national mis en exergue, s'est prononcé sur beaucoup de points suite au report annoncé de l'élection présidentielle du 25 février 2024 et le vote par l'Assemblée nationale d'une loi entérinant ce report au 15 décembre 2024.
Sur l'éventualité d'un recours devant le Conseil constitutionnel, il est revenu en détails pour faire des développements sur la nature de la loi votée à l'Assemblée nationale. Il la qualifie de loi constitutionnelle et estime qu'elle est particulière et couverte d'une certaine « injusticiabilité». Ajoute-t-il, conformément à sa jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel « se déclare incompétent pour contrôler la loi constitutionnelle... le pouvoir constituant est souverain ... si elle était attaquée le Conseil constitutionnel se déclare incompétent ».
Etant membre du Gouvernement actuel, du pouvoir exécutif, il devrait s'abstenir de prendre une telle position dès lors que le Conseil constitutionnel pourrait être saisi de recours contre cette loi. Cette démarche publique, empreinte de certitude dans son propos affirmatif, viole la séparation des pouvoirs proclamée et garantie par la Constitution du Sénégal avec son corollaire, l'indépendance de la justice. Les révolutionnaires de 1789 l'ont déjà gravée dans l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, en ces termes : « toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».
Ce principe général de droit qui prévoit des attributions propres pour les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire comporte des implications plus avancées, à savoir, le respect par un membre d'un pouvoir donné des attributions de l'autre pouvoir. Toute déclaration tendancieuse de nature à porter atteinte, à influencer ou à gêner l'office du juge est à proscrire. Ces pouvoirs coexistent dans un Etat démocratique; les hommes ou femmes qui les incarnent doivent par conséquent faire preuve de retenue sous peine d'installer la confusion des rôles, décrite par Montesquieu dans L'Esprit des lois comme l'un des « plus grands dangers ».
Du respect de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs dépendent la perception positive ou négative du citoyen de sa justice et sa confiance dans les Institutions de la République.
Youssoupha DIALLO Magistrat
LES VÉRITÉS DU PRÉSIDENT BÉNINOIS SUR LE REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE AU SÉNÉGAL
ace à la presse ce jeudi 8 février, n’est pas allé par quatre chemins pour marquer son désaccord face à ce qui se passe dans ce pays.
Le président béninois Patrice Talon s’est prononcé sur la situation au Sénégal. L’actuel patron de la Marina, face à la presse ce jeudi 8 février, n’est pas allé par quatre chemins pour marquer son désaccord face à ce qui se passe dans ce pays.
«Ce qu’on observe au Sénégal est regrettable», a martelé le Président du Bénin, Patrice Talon. Ce pays de l’Afrique de l’Ouest, qui, jusqu’ici était encore exemplaire sur le plan de la démocratie et de l’alternance au pouvoir, a perdu cette réputation suite aux derniers événements. En effet, le président Macky Sall a dans un premier temps annulé les élections présidentielles avant de s’offrir un bonus à la tête de son pays.
Le Parlement sénégalais, après une séance plénière houleuse, a adopté la proposition de loi qui permet au président de demeurer au pouvoir malgré la fin de son mandat constitutionnel. Elle a adopté par avec 105 voix pour et une voix contre. Avant l’avis du président béninois, de nombreuses voix s’étaient élevées pour condamner cette attitude des autorités sénégalaises.
Par le canal d’un communiqué, la Commission de la Cedeao a exigé, mardi 6 février dernier, un rétablissement du calendrier électoral. « La Commission de la CEDEAO encourage la classe politique à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour rétablir le calendrier électoral conformément aux dispositions de la Constitution du Sénégal », a noté la déclaration de la Commission de la Cedeao.
On retiendra également du document de l’instance sous-régionale l’appel allant dans le sens de la préservation de la paix. Au Sénégal, l’opinion publique est formellement contre ce choix opéré par Macky Sall et ses députés. Les imams et les évêques ont également marqué leur opposition au report des élections. Sur le réseau social X, le célèbre chanteur sénégalais Youssou Ndour a laissé un message où il exprimait formellement son opposition à un report des élections.
« Sans équivoque, je ne suis pas d’accord avec le report de l’élection présidentielle. Nos rendez-vous démocratiques s’imposent à nous tous et le peuple souverain sera le dernier juge ! La situation au Sénégal m’inquiète encore plus, car il y a trop d’animosités dans ce pays et ce n’est pas Nous », a publié sur le réseau social anciennement appelé Twitter le chanteur sénégalais.
VIDEO
ME MAME ADAMA GUEYE SUR LE REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE
"On ne peut pas priver des millions d'électeurs le droit de choisir leur président", a déclaré l'avocat fondateur du Forum civil.
La décision de reporter l'élection présidentielle provoque un tollé sans précédent. Sous pression de la communauté internationale, le chef de l'État demande l'apaisement. Mais la contestation grandit face à ce report de dernière minute jugé illégitime
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 08/02/2024
Le président sénégalais Macky Sall fait face à la pression après avoir ordonné le report de l'élection présidentielle prévue initialement le 25 février au 15 décembre. Cette décision controversée a suscité un tollé de l'opposition et de la société civile qui dénoncent un "coup d'Etat constitutionnel".
Sous pression internationale, M. Sall a demandé à son gouvernement de prendre des "mesures d'apaisement" suite aux protestations. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a enjoint le Sénégal à "rétablir de toute urgence" le calendrier initial lors d'une réunion de ses ministres des Affaires étrangères au Nigeria. L'Union européenne et les États-Unis ont également exprimé leurs inquiétudes quant au risque de troubles et à l'atteinte portée à la démocratie sénégalaise.
Cependant, comme l'a déclaré le ministre des Affaires étrangères Ismaïla Madior Fall sur France 24, "nous privilégions aujourd'hui la logique politique interne". Le report a été approuvé par l'Assemblée nationale avec les voix du camp présidentiel et d'un candidat recalé, selon l'AFP.
Cette décision constitutionnellement douteuse pourrait ramener le pays à la case départ du processus électoral et alimente les soupçons d'une manœuvre pour éviter une défaite du candidat du pouvoir ou maintenir M. Sall plus longtemps. Des tentatives de manifestations ont été matées et des interpellations ont eu lieu. Une journée ville morte est prévue vendredi dans la capitale Dakar par un collectif d'organisations de la société civile.
Face à l'une des plus graves crises politiques depuis des décennies, M. Sall a réaffirmé sa confiance au Premier ministre Amadou Ba, désigné candidat malgré les critiques dans son propre camp.
MACKY SALL ACCUSÉ DE TUER LE SUFFRAGE UNIVERSEL
Le comité "Doleel PIT-Sénégal" appelle à l'union des forces vives de la nation pour empêcher "la dérive du camp libéral (APR/ PDS) et de la démission nationale". Il exhorte syndicats, partis politiques et société civile à intensifier la protestation
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 08/02/2024
En reportant sine die la date de la prochaine présidentielle, le président Macky Sall plonge le Sénégal dans l'inconnu et brise la vitrine démocratique du pays, selon les opposants.
"Sa parole n'est plus digne de confiance" déclare le Comité pour la Plate-forme de Réflexions "Doleel PIT-Sénégal ngir defaraat reewmi" dans son communiqué du 7 février 2024. Beaucoup avaient en effet vu venir cette dérive dictatoriale, à travers les agissements du chef de l'État ces dernières années : son fameux "ni oui ni non", la dissolution de la Commission électorale nationale autonome (CENA), la répression des manifestations de mars 2021 et juin 2023, l'emprisonnement de leaders de l'opposition comme Ousmane Sonko.
En reportant l'élection, Macky Sall montre selon ses détracteurs "sa peur bleue des lendemains de l’alternative" que représentait l'opposant pressenti pour la victoire au premier tour, Ousmane Sonko. Le président sortant se substitue ainsi au peuple souverain et remet en cause les décisions du Conseil constitutionnel, devenant aux yeux de beaucoup "le fossoyeur patenté de la République".
Face à cette dérive anticonstitutionnelle, le comité "Doleel PIT-Sénégal" appelle dans son communiqué à l'union de toutes les forces vives de la nation pour empêcher "la dérive du camp libéral (APR/ PDS) et de la démission nationale". Il exhorte syndicats, partis politiques et société civile à intensifier la lutte par des mouvements de protestation. Le comité demande aussi aux organisations internationales comme l'ONU, l'UA ou la CEDEAO d'exiger fermement le respect du calendrier électoral par Macky Sall.
LA CEDEAO AU PIED DU MUR
Son impuissance jugée "évidente" après le report de l'élection au Sénégal. Ses communiqués ne suffisent plus, selon des experts. Réunie en urgence ce jeudi, l'organisation doit retrouver les moyens d'agir pour stabiliser la région
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 08/02/2024
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) tient ce jeudi une réunion d'urgence à Abuja, au Nigeria, pour discuter de "la situation sécuritaire et politique actuelle dans la région", selon son Conseil de médiation et de sécurité. Cette réunion intervient dans un contexte de crises majeures au Sénégal, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, mettant à l'épreuve l'influence de l'organisation ouest-africaine.
"Le report de l'élection présidentielle sénégalaise est une 'nouvelle crise dont la Cédéao n'a pas besoin'", déclare à l'Agence France-Presse (AFP) Djidenou Steve Kpoton, consultant politique béninois indépendant. "Son impuissance face à la situation est évidente", ajoute-t-il. Au Sénégal, l'annonce samedi du report de la présidentielle du 25 février 2024 par le président Macky Sall a provoqué la pire crise politique depuis des décennies dans ce pays d'habitude stable.
Selon Rama Salla Dieng, maîtresse de conférences en études africaines à l'Université d'Edimbourg, la Cédéao "publie des communiqués, mais lorsqu'il s'agit d'agir, elle ne fait rien". "Un coup d'État est un coup d'État, il y avait des élections planifiées avec une date fixée. On a l'impression qu'ils sont vraiment impuissants", estime-t-elle. Depuis leurs coups d'État respectifs, le Burkina Faso, le Mali et le Niger se sont officiellement retirés de la Cédéao cette semaine, compliquant encore davantage la situation.
Face à cette série de crises, certains experts appellent à une réforme de l'organisation. "On ne peut pas continuer comme si de rien n'était", affirme Mme Dieng, appelant à consulter le public sur le rôle de la Cédéao. Reste à savoir si cette dernière, créée il y a près de 50 ans, sera capable de s'adapter aux nouveaux défis sécuritaires et politiques en Afrique de l'Ouest.
par Ndèye Aram Dimé
AUX JUGES DE SAUVER L'HONNEUR DE LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE
Vous ne devez rien à un président et quelques députés usurpateurs. Assumez la vocation qui vous est dévolue de droit et qui est de protéger la Constitution
Rendez au Sénégal ce qu'il vous a donné. S'il y a une seule dette, vraiment une seule, est venu le temps de l'honorer. Je commence par cette banalité qui aurait dû à elle seule suffire.
J'ai passé la nuit dans la solitude d'une blessure profonde, à tourner et retourner dans tous les sens l'évènement politique absurde qui vient de se dérouler sous nos yeux.
Deux partis politiques ont décidé de museler toute une Nation en imposant un coup de force. Le décret annoncé par Macky Sall le 3 février, indûment adopté et qui prétend abroger un précédent décret convoquant le corps électoral pris sur la base d'une compétence liée ne suffit pas. Les violences à l'encontre des députés de l'opposition, qu'on attaque et réduit au silence, ne suffit pas. La soixantaine de jeunes tués pour avoir osé exprimer leur ras-le-bol et les milliers de détenus politiques écroués pour avoir aménagé un contre espace d'expression face à la dictature de Macky Sall, n'ont pas non plus suffi. Il a fallu en sus qu'on nous inventât de toutes pièces une "crise" et nous imposât une rhétorique qui ne traduit en rien la réalité.
Puis, lorsque nos députés ont tenu à restaurer cette réalité par le vote, le PDS/Wallu et certains députés de Benno Bokk Yakaar soutenus dans leur forfait d'usurpation par Amadou Mame Diop, président de l'Assemblée nationale, ont poussé le vice aussi loin que de soumettre cette réalité à leur répugnante volonté. Rien dans l'histoire politique du Sénégal n'égale en violence cette scène de forces de sécurité empêchant l'opposition de voter et de représenter le peuple. Rien ne sera jamais aussi insultant, méprisant et souillant que cette scène où Amadou Mame Diop prétend faire le décompte en à peine quelques secondes et en l'absence de l'opposition, pour proclamer 104 voix en faveur du report de l'élection présidentielle du 25 février au 15 décembre 2024.
Messieurs les juges,
Il y a eu trop de morts. Beaucoup trop de morts dont nous ne pouvons faire qu'approximativement la comptabilité. Que direz-vous à leurs mères qui les pleurent encore ? À leurs enfants qu'ils ne verront pas grandir ? Aux femmes, aux époux, à ceux qui comptaient sur eux pour survivre ? Parviendrez-vous à regarder vos propres enfants dans les yeux sans baisser la tête ? Est-il uniquement question de privilèges ? Ces privilèges valent-ils vraiment votre dignité ? Valent-ils de tourner le Sénégal en dérision à la face du monde ?
Vous ne devez rien à un président et quelques députés usurpateurs. Vous le savez mieux que nous. Assumez la vocation qui vous est dévolue de droit et qui est de protéger la Constitution. Nous voulons croire que quelque part, dans ce pays, la justice peut encore s'affirmer dans un sursaut d'indépendance républicaine ; comprendre qu'elle n'est redevable qu'à la République. Ne faites pas de nous d'imbéciles naïfs de croire en vous.
N'acceptez pas de tremper vos mains dans le sang déjà versé et celui qui pourrait encore l'être davantage. Vous avez toutes les cartes en main : il suffit de dire le droit.
L'injustice, Messieurs, n'attend pas le jugement pour hurler. Si elle crève vos tympans et que malgré cela vous en veniez à arbitrer en faveur de l'iniquité, du mépris et du cynisme de l'exécutif et du législatif en faillite, j'espère que la mauvaise conscience vous plongera dans des nuits sans aube ; mais que surtout avant toute justice divine, la République et les citoyens sauront se rappeler à votre souvenir ici-bas. Laissez les faux calculs à ceux qui ont déjà failli, vous pouvez encore laver l'honneur de notre démocratie et paver une bonne fois pour toute, le chemin à une justice indépendante.
Vous avez les cartes en main. Les véritables maîtres du jeu, c'est vous. Nos espoirs ? C'est encore vous. Notre avenir, ne vous y trompez pas, c'est également le vôtre.
Ndèye Aram Dime est consultante en affaires publiques et politiques.
par Ndeye Aminata Dia
LA TERREUR QUI SÉVIT AU SÉNÉGAL
Il est là l'enjeu de ce moment : restaurer notre foi. Notre foi que le pouvoir du président Macky Sall est bel et bien fini et que son règne est terminé. La foi que justice sera rendue à tous les prisonniers politiques qui peuplent nos prisons
7 février 2024, 04 jours après l'annonce du report de l'élection présidentielle, prévue le 25 février 2024 par le président Macky Sall, les rues de Dakar, la capitale sénégalaise, sont fluides.
En lieu et place des embouteillages habituels et des klaxons caractéristiques du paysage urbain, les voitures circulent sans encombres. Une personne qui ne suit aucun média, ni ne sait rien de l'actualité politique du pays pourrait facilement qualifier la ville de calme, d'apaisée et de tranquille.
Certains s'en offusquent même sur la toile : "comment est-ce que les Sénégalais peuvent vaquer à leurs occupations comme si de rien n'était ?" "Pourquoi les gens ne descendent-ils pas dans les rues?" "Les Sénégalais sont passifs, il ne va rien se passer et ce report de Macky passera comme lettre à la poste", soulignent beaucoup avec réprobation et indignation. "On pensait que le pays serait à feu et à sang. Qu'une foule de personnes s'en irait vers le palais pour montrer leur indignation et résister à ce coup d'Etat constitutionnel!", appuient d'autres, le cœur lourd de désolation et de désespoir. De ces complaintes, j'entends un cri, une souffrance, un refus même d'accepter ce qui se passe : "ce n'est pas possible. Mais dites-moi que ce n'est pas possible. Ça ne va tout de même pas passer."
"Ce n'est pas possible... Ça ne va tout de même pas passer", une phrase longtemps répétée devant les exactions du Président Macky Sall ces douze dernières années. Déclaration de patrimoine de 12 milliards à son arrivée au pouvoir alors qu'il a été fonctionnaire de l'État tout au long de son parcours? "Ce n'est pas possible". Traque des biens mal acquis pendant les deux ans qui ont suivi son élection? "Ce n'est pas possible". Référendum? "Ce n'est pas possible".
Introduction du parrainage dans le processus électoral ? "Ce n'est pas possible". Faire volte face pour effectuer un mandat de 7 ans au lieu de 5 comme initialement promis? "Ce n'est pas possible". Réduction de l'opposition à sa plus simple expression à travers l'arrêt des opposants, la dislocation du parti socialiste (PS), l'achat des consciences, la promotion de la transhumance, la restriction des libertés de manifester et d'expression et l'élimination des leaders politiques dans son propre parti : "ce n'est pas possible." Jusqu'au troisième mandat où pour une fois, beaucoup ont alerté que c'était bel et bien possible. Là, coup de surprise : "je ne me présenterai pas pour un troisième terme". Cette décision acclamée et félicitée des quatre coins du monde a aussi créé une bouffée d'oxygène dans le pays. Le suspens, maintenu pendant trop longtemps, a cédé place à un sentiment d'espoir : l'espoir d'une fin de règne avec tout ce que cela comporte comme peurs et comme foi en de meilleurs lendemains.
Le calme revenu après cette décision de ne pas poursuivre un troisième mandat devient un nid propice au renforcement de la répression : les arrestations reprennent en masse en commençant par Ousmane Sonko, le président du parti les Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l'Ethique et la Fraternité, Pastef-Les Patriotes en abrégé suivi des cadres de ce même parti. Coup de maître : le parti le Pastef-Les Patriotes lui-même est dissous. Certains membres du parti s'exilent pour échapper au destin de leurs camarades. La non-poursuite de ce troisième mandat coûte cher à bon nombre de nos concitoyens - Mais puisque Macky part de toute façon et que les élections sont proches, à quoi bon contester maintenant ? "Lou metti yaggoul, diekh na ba paré. - L'épreuve n'est pas longue, c'est bientôt fini."
Pendant ce temps, le nombre de jeunes qui choisissent la voie de l'immigration clandestine augmente. En pirogue ou en avion par la voie du Nicaragua, des communautés entières se vident de leurs jeunes qui, certains de n'avoir aucune perspective dans leur propre pays, choisissent la fuite vers l'étranger à leurs risques et périls. Périr, beaucoup d'entre eux le font en mer. La toujours, on compte les jours : « Lou metti yaggoul, diekh na ba paré. - L'épreuve n'est pas longue, c'est bientôt fini." Pendant ce temps, des mères pleurent leur fils ou filles en prison et non jugés, des épouses pleurent leurs époux. D'autres, leurs amis, frères, sœurs, cousins, tontons, collègues, voisins. La déchirure est profonde dans le cœur des familles divisées, des vies confisquées, des lendemains arrêtés pour seule cause : l'expression d'une perspective différente, d'un mécontentement assumé par rapport à leur chef de l'État. Pire, ils se voient traités de "terroristes", de "criminels", d' "islamistes", de "personnes coupables d'appel à l'insurrection", de « fauteurs de trouble », de « jihadistes » pour ne citer que ces quelques exemples. Diabolisés, criminalisés, déshumanisés, leur vie est présentée comme sans valeur, leur histoire comme inexistante, leur personne comme éliminable.
Ce récit maîtrisé d'un pays en danger, d'une République attaquée, "de forces occultes" contre lesquels il faut lutter en mobilisant la "pleine force de l'État" est tenu, télévisé et plébiscité par le président de la République, chef suprême de l'armée et commandant des forces de l'ordre, qui, prenant sérieusement leur mission de protéger leur pays en danger, voit en toute personne qui affiche une contestation minime : un "dissident", un "criminel à maîtriser".
La violence n'arrive pas du jour au lendemain. Elle a des fondements et un mode de fonctionnement. Elle se construit dans les mots utilisés, les paroles échangées et les histoires partagées. Ces histoires répétées deviennent des imaginaires qui s'ancrent dans les consciences et donnent vie à des actions menées sans même qu'on s'en rende compte. De la même manière, la peur est une émotion contagieuse. Elle prend racine dans notre cœur et se mue dans le corps. Elle attaque les membres, fragilise la voix jusqu'à ce qu'elle devienne aphone et paralyse le reste du corps petit à petit, là encore sans même qu'on s'en rende compte. Il est là le drame de ce que nous vivons : ce calme apparent n'est pas un signe de faiblesse ou de lâcheté comme le dénoncent certains, c'est le miroir de la terreur qui s'est installée tout au long de cette décennie et qui nous a atteint jusqu'au plus profond de notre être. C'est le miroir d'une lassitude et d'un désespoir inouï. « Lou metti yaggoul, diekh na ba paré. - L'épreuve n'est pas longue, c'est bientôt fini" : la nôtre ne semble pas finir. Devant ce constat effrayant, cette incertitude concertante, ce doute qui jaillit, la force de l'action est diminuée. L'envie même d'agir s'éteint.
La foi s'amenuise.
Il est là l'enjeu de ce moment : restaurer notre foi. Notre foi que le pouvoir du président Macky Sall est bel et bien fini et que son règne est terminé. La foi que justice sera rendue à tous les prisonniers politiques qui peuplent nos prisons. La foi que les besoins d'expression, de sécurité, de choix, d'autonomie, d'harmonie, de paix, de stabilité seront assouvis. La foi, finalement, qu'au bout de l'épreuve, se trouve bel et bien la libération et que notre dignité, bien que bafouée, n'est pas morte.
En écrivant ces lignes, j'ai sincèrement foi que le président Macky Sall en tant qu'être humain a les mêmes besoins : les besoins de sécurité et de protection pour lui et sa famille, les besoins de choix, d'autonomie, d'impact, d'influence, de reconnaissance et de contribution. Contribuer à la construction d'un Sénégal prospère et émergent", pour reprendre ses mots. Besoin qu'il s'est évertué de remplir à sa manière ces douze dernières années. Ce moment pourrait nous faire oublier l'ensemble de ces réalisations sur le plan des infrastructures, mais même si ce n'est qu'une journée, il s'est évertué à sa manière d'apporter sa pierre à l'édifice. L'idée n'est pas ici de défendre ses actions ou de justifier les dérives, mais juste de reconnaître son humanité. Ces besoins sont valides comme le sont ceux du peuple sénégalais. Nul n'est au-dessus de l'autre. Le reconnaître n'invalide pas notre peine ni n'efface nos souffrances. Le reconnaître, c'est différencier l'homme des actions qu'il entreprend. C'est aussi souligner que la stratégie que le président Macky Sall a employée et continue d'employer pour remplir ses besoins est en conflit manifeste avec toutes les valeurs qu'il a eu à défendre avant son accession au pouvoir, les fondements de notre démocratie et les besoins du peuple qui l'a élu et qui aujourd'hui veut le voir partir. Mais le déshumaniser reviendrait à agir de la même manière que lui et à faire le même choix que celui que nous condamnons, perpétuant ainsi un cycle de violence sans fin.
Je finis donc par ce message : de grâce président, il n'est pas trop tard. Lorsqu'on a un besoin donné, on peut penser qu'il n'y a qu'une seule manière pour y arriver, mais cela n'est pas vrai. À tout moment, il y a toujours plusieurs options qui s'offrent à nous, plusieurs voies et choix possibles. Une fois un choix effectué, on peut aussi penser qu'il est trop tard pour revenir en arrière. Par peur et par honte, on peut continuer à s'enfoncer dans le chemin initial, incapable de changer de cap en pensant que c'est déjà trop tard. Seulement, il n'est jamais trop tard. On peut toujours changer de cap et choisir autrement. De la même manière que chacun d'entre nous peut choisir différemment, vous le pouvez aussi. Pour votre paix, celle de vos concitoyens et celle du Sénégal dans son ensemble, de grâce, choisissez autrement et respectez la Constitution en rétablissant le calendrier électoral pour des élections à la date du 25 février 2024. "Lou metti yagg na, diott na mou diekh - L'épreuve a duré, le temps de la fin a sonné."
Texte Collectif
STOPPER LE COUP CONSTITUTIONNEL
Macky Sall s’aventure à entraîner le Sénégal sur la voie de l’instabilité, de l’anarchie et des troubles civils, et toutes les forces démocratiques en Afrique et dans le monde devraient converger dans une lutte unie pour stopper cette dérive
Nous, intellectuels africains et activistes de la société civile réunis à Abuja ce 7 février 2024, tenons à exprimer notre choc et notre profond dégoût face à l'utilisation des gendarmes pour expulser physiquement les parlementaires de l'opposition de l’Assemblée nationale la veille, en vue de l'adoption d'un projet de loi inconstitutionnel prolongeant le mandat du président Macky Sall pour un troisième mandat et reportant l’élection présidentielle qui étaient prévues le 25 février 2024.
Cet acte constitue une violation flagrante de l'État de droit et des droits démocratiques du peuple sénégalais. C’est également une violation de la Charte de l’Union africaine, de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, ainsi que du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, auxquels le Sénégal a adhéré et intégré dans son droit interne.
Nous exhortons donc le gouvernement sénégalais à respecter la sacralité du processus démocratique.
Nous avons suivi avec un vif intérêt la détermination du peuple sénégalais à bloquer toutes les tentatives du président Macky Sall de se procurer un troisième mandat ainsi que son annonce de ne pas rechercher un tel mandat illégal, catégoriquement interdit par la Constitution du Sénégal. Il est désormais clair que sa déclaration publique n’était qu’une ruse pour tromper le peuple et poursuivre son ambition mégalomane de prolonger son règne.
C'est pour cette raison qu’il a déployé la police pour arrêter brutalement toutes les manifestations, couper Internet et continuer à utiliser le système judiciaire pour emprisonner et intimider tous ceux qui s’opposent à son ambition de continuer à gouverner par des moyens extraconstitutionnels.
Le président Sall s’aventure à entraîner le Sénégal sur la voie de l’instabilité politique, de l’anarchie et des troubles civils, et toutes les forces démocratiques en Afrique et dans le monde devraient converger dans une lutte unie pour stopper cette dérive et maintenir le Sénégal dans sa tradition démocratique.
Nous appelons le peuple sénégalais à maintenir sa lutte opiniâtre pour la préservation de la démocratie. Il s'agit d'une lutte commune pour tous les Africains et les forces démocratiques ;
Nous appelons la CEDEAO, l’UA et l’ONU à déclarer ouvertement que les actions du président Sall et des crapuleux législateurs qui ont soutenu son projet de loi anticonstitutionnel sont contraires à la Constitution, tout en exigeant un retour immédiat à l'ordre constitutionnel et au calendrier électoral prévu.
Le constitutionalisme et l’organisation des élections en temps voulu sont les fondements de la démocratie qui doivent être préservés.
Ont signé cette déclaration :
⎯ Prof Adele Jinadu
⎯ Prof Adebayo Olukoshi
⎯ Dr Kole Shettima, Abuja, Nigeria
⎯ Dr Emmanuel Akwetey, Institute for Democratic Governance, Accra, Ghana
⎯ Prof Jibrin Ibrahim, Senior Fellow, Centre for Democracy and Development, Abuja
⎯ Prof Mohammad Kuna, Usman Danfodiyo University Sokoto, Nigeria
⎯ Dr Charmaine Pereira, Independent Scholar, Abuja
⎯ Princess Hamman-Obels, The Electoral Hub, Abuja
⎯ Moussa Tchangari, Alternative Espaces Citoyens, Niamey
⎯ Adagbo Onoja, Abuja, Nigeria
⎯ Dr. Sa’eed Husaini, Abuja, Nigeria
⎯ John Odah, Abuja, Nigeria
⎯ Samson Itodo, Yiaga Africa, Nigeria
⎯ Professor Victor Adetula, University of Jos, Nigeria
⎯ Professor Istifanus Zabadi, Bingham University, Nigeria
⎯ West Africa Civil Society Institute
⎯ Professor Warisu O Ali, Abuja
⎯ Professor Remi Aiyede, University of Ibadan
⎯ Bernadette French
⎯ Gloria Ukpong, The Electoral Forum, Abuja, Nigeria
⎯ Everest Amaefule, The Electoral Forum, Abuja, Nigeria
⎯ Okechukwu Ndeche, Dispute Resolution Practitioner, Abuja, Nigeria
⎯ Dr. Lassane Ouedraogo, Researcher, CDD West Africa, Abuja, Nigeria
⎯ E.A. Johnson, Electoral Practitioner, The Electoral Forum