En 1879 et 1880, deux lois inaugurent, en France, la longue tradition de la « grâce amnistiante » qui prévoit que toute personne graciée par le président, dans un délai déterminé et habituellement court, bénéficie d'une amnistie. A l’origine, cette disposition avait l'ambition de vider les maquis de leurs occupants et profitait prioritairement aux personnalités les plus symboliques Le Président Senghor la convoque en 1964 suite aux tragiques événements politiques qui ont conduit à la mort de quarante sénégalais. Au nom de la Sûreté de l’État, la puissance publique avait usé de la violence, dont il a le monopole, pour réprimer la révolte. Il faut rappeler que, nous étions à l’ère du parti unique, pour ne pas dire « Parti-Etat ». Le parrainage de dix députés sur les quatre-vingt était nécessaire et suffisant pour être candidat à l’élection présidentielle. Naturellement, en 1963, les « élus nommés par le parti » n’avaient autorisé que le candidat poète pour un plébiscite électoral programmé.
Depuis lors, nous avons fait des progrès dans la protection et l’encadrement des libertés qui sont essentiels à la démocratie. Du reste, cet intermède historique nous éveille sur nos acquis: la liberté de s’exprimer, marcher, manifester, choisir librement nos dirigeants et revendiquer une justice équitable. Et ces droits consacrés vont avec des obligations ; surtout celles consignées dans la loi fondamentale qui les supporte. Il en est ainsi du respect des institutions, du bien public et de la vie autant que la dignité des hommes.
Dans le déroulé de la vie républicaine , les textes juridiques ne peuvent avoir une qualité exhaustive et éternelle, à moins que l’on ne soit dans le corpus canonique. Il sont surtout un gardefou à l’intime conviction des juges. La société en confie la garde à un homme choisi à intervalle régulier, dans l’espoir et la bonne foi, pour sa vision et sa vertu : Il est le gardien de la constitution.
Sa personne se confond dès lors avec l’institution présidentielle dont le respect est forcé même quand la personne qui les incarne ne force plus le respect. Ainsi nous n’avons le droit de nous tromper dans le choix de l’homme qu’à des intervalles prédéfinis par le calendrier républicain. Et qu’advient-il quand il ne respecte plus les institutions ou le terme de son mandat, abuse de la violence d’état, bride les libertés, réprime mortellement la révolte que cela engendre et prêche pour l’impunité quand la reddition approche ?
Alors, la conscience des nations consacre des régulateurs qu’elle se fait le devoir d’écouter quand la morale s’enivre : guides religieux restés vertueux, intellectuels courageux, notables et personnalités rendues remarquables par les péripéties de l’histoire et dont la parole vaut encore. Leur silence les couvrirait de la réprobation publique comme celle qui s'attache à une action condamnable. Qui sait où leur mutisme peut mener: à la dissolution d’institutions qui refusent d’être inféodées, à des lois iniques sur le parrainage de candidats à l’élection, à une assemblée muselée d’élus, ou au pouvoir conféré d’une « grâce aministiante»?
Prenons alors garde ; le cri étouffé de la révolte réveille parfois les conscrits et rarement pour le progrès des sociétés humaines.
Pr Macoumba Gaye
Cancérologue UCAD
Par Fadel DIA
GAZA ET LA FORFAITURE DES DIRIGEANTS ARABES
Personne n’en a parlé ou presque, et c’est une raison pour en parler, le 25 février, un soldat de l’armée de l’air des Etats-Unis, Aaron Bushneck, 25 ans, s’est immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington aux cris de « Free Palestine !»
Personne n’en a parlé ou presque, et c’est une raison pour en parler, mais le 25 février dernier, un soldat de l’armée de l’air des Etats-Unis âgé de 25 ans, Aaron Bushneck, (retenez ce nom !) s’est immolé par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington aux cris de « Free Palestine !»
On en a parlé un peu, même si c’était souvent dans les pages intérieures des grands journaux, voire à la rubrique des chiens écrasés : l’Afrique du Sud a pris le risque d’attraire Israël devant la plus haute juridiction internationale pour actes de génocide et de crimes contre l’Humanité. La CIJ a bien prononcé un verdict qui impose à Israël de prendre « des mesures pour empêcher tout acte interdit par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide », mais il ne s’est rien passé depuis car le gouvernement israélien a pour règle d’ignorer toutes les résolutions votées à son encontre.
On en a parlé un peu plus, parce que c’était Lula, parce qu’au dernier sommet de l’Union Africaine le président brésilien a osé dire que « ce qui se passe à Gaza ne s’est produit à aucun autre moment de l’histoire »…sauf « lorsque Hitler a décidé de tuer les juifs ».Contrairement à ce que prétendent les autorités israéliennes, il n’a jamais évoqué l’Holocauste ,mais l’état moderne d’Israël considère que l’Holocauste est la seule et unique Naqba de l’histoire de l’Humanité, son gouvernement s’abrite toujours sous le paravent de ce crime pour exercer un chantage et pour commettre d’autres crimes. Plutôt que de se justifier, il a pris une mesure dérisoire compte tenu de l’enjeu en déclarant Lula persona non grata sur son territoire, encore faudraitil que ce dernier ait l’envie ou le besoin de fouler le sol du pays de Netanyahu!
Lula n’est pas seul, en Amérique Latine, à défendre la cause palestinienne puisque le gouvernement de la Colombie a décidé de renoncer à effectuer ses commandes d’armes en Israël, ce qui est sans doute la première vraie sanction que subit ce pays.
On pourrait poursuivre cette énumération qui n’a d’autre objet que de montrer que les plus ardents défenseurs de Gaza, et de la cause palestinienne en général, ne sont pas les dirigeants arabes. Alors que partout ailleurs, et l’exemple de l’Ukraine en est une parfaite illustration, les nations se coalisent pour défendre leurs voisins et ceux qui partagent leur culture, les rois, émirs et présidents arabes, à une ou deux exceptions près, manquent à leur responsabilité humaine, à la solidarité culturelle et aux fondements qui ont présidé à la création de la Ligue Arabe. Comme si de rien n’était, les pays arabes sont restés au service des fournisseurs d’armes à Israël, Doubaï est leur boite de nuit, pour ne pas dire leur lieu de débauche, Bahreïn, les Emirats, l’Arabie Saoudite leurs terrains de jeu préférés. Aucun de ces pays n’a eu la décence de demander, pour cause de deuil, le report du « Dakar », des tournois de tennis ATP ou des courses automobiles de Formule 1 qui s’y tiennent, pour le seul plaisir des Occidentaux. Le Qatar, non content de verser un salaire de près de 50 milliards CFA à un footballeur qui ne porte pas ses couleurs et ne joue pas sur son territoire, offre à la France 10 milliards d’euros (presque l’équivalent du budget annuel du Sénégal !), quand il y a tant de miséreux dans le monde, y compris dans les pays arabes.
Jusqu’où les pays arabes laisseront-ils aller Israël ?
On croyait avoir atteint l’horreur quand l’armée, la plus sophistiquée du monde, démolit au canon tous les hôpitaux de Gaza et suspend leur ravitaillement en électricité et en oxygène, sur un territoire qui est, dans le monde, celui qui compte le plus de mutilés, d’estropiés, de traumatisés et d’oisifs ! Voilà que survient le « massacre de la farine » qui aurait fait plus de 100 victimes, tuées par les tirs à balle réelle de l’armée israélienne. Qui peut croire que les soldats israéliens super armés, casqués et protégés par des gilets pare- balles, puissent être mis en danger physiquement par un groupe d’affamés qui tiennent à peine sur leurs jambes, dont certains n’ont pas pris un repas depuis des jours, qui ne bénéficient d’aucun soin de santé, qui n’ont pas pris un bain depuis des mois ?
Un ministre israélien avait dit que les Gazaouis étaient des bêtes et qu’il les traiterait comme telles et l’armée israélienne en a donné une nouvelle illustration en bombardant la petite enclave ( à nouveau plus de 100 morts !) quelques heures seulement après le « massacre de la farine » dont les morts n’avaient pas encore tous trouvé une sépulture ! Il en est ainsi depuis quatre mois, au vu et au su des pays arabes, et la énième offensive militaire israélienne contre la population de Gaza a fait déjà plus de 30.000 victimes civiles, en quatre mois, des femmes et des enfants en très grande majorité, soit trois fois plus que la guerre en Ukraine qui dure depuis deux ans et qui, elle, oppose deux armées !
Gaza est un désert médiatique interdit aux journalistes étrangers et où déjà 122 journalistes arabes ont été tués par l’armée israélienne. Le seul témoin de sa désintégration c’est son bourreau mais, désormais sûrs de leur impunité, ce sont les soldats israéliens eux-mêmes qui, comme le révèle Le Monde, diffusent sur TikTok notamment, les images des exactions des tortures, des violences et des humiliations qu’ils font subir aux populations locales et qui traduisent, selon le même journal, une « forme de déshumanisation de la population palestinienne. » Si cela ne rappelle pas les crimes commis par les nazis, comme le disait Lula, cela en ressemble fort et si les gouvernements arabes se taisent devant cette tragédie, qui parlera à leur place ?