Les travaux de développement du champ de Sangomar au large des côtes Sénégalaises contenant du pétrole et du gaz sont en bonne voie, tout comme celui du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta) situé à la frontière maritime Sénégalo-Mauritanienne. Ces productions d’hydrocarbures devraient sans doute faire baisser graduellement la facture des consommateurs Sénégalais à partir de 2024.
Les retombées attendues de l’exploitation du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta), situé à la frontière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie, tout comme celles du champ Sangomar, situé en eaux Sénégalaises peuvent valablement impacter positivement et au 31décembre 2022, le taux d’exécution des travaux de développement de Sangomar serait de 78,2%. Ce qui serait même largement en avance par rapport aux prévisions d’exécution des travaux. Et pour ce qui est du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta), Kosmos a annoncé la semaine dernière un taux d’exécution des travaux de développement de la phase 1 à plus de 90%.
Cette dynamique de développement des deux champs respectifs, corroborée à la tendance haussière des prix des hydrocarbures sur le marché international, laisse de réelles chances au Sénégal d’en tirer de larges profits. Fort de cette logique actuelle du marché, le spécialiste de la régulation pétrolière et non moins expert maritime agréé, Pape Mamadou Touré laisse espérer que « le Sénégal peut raisonnablement s’attendre à voir ses factures baisser et ce, progressivement, en fonction de la montée en puissance de l’exploitation de ces ressources pétrolières et gazières à compter de 2024 »
Prenant en considération le contexte général, le spécialiste de la régulation fait savoir que le Sénégal est en accord avec « l’opérateur British Petroleum (BP) qui va acheter une partie de la production de son gaz. Et pour ce qui concerne Woodside gérant du champ de Sangomar, la société va faire son enlèvement par le mécanisme de cession directe et le Sénégal se donnera les moyens de vendre le reste de son pétrole à l’étranger ». Sur ce, l’ingénieur en régulation pense qu’il y a « des opportunités stratégiques à saisir si l’on tient compte de l’évolution des cours mondiaux des produits pétroliers et gaziers ». A l’en croire, « autant le Sénégal a supporté des coups en tant qu’importateur, autant il gagnera en tant que pays producteur ». Toutefois, M. Touré de préciser que « l’Assemblée nationale a un grand rôle à jouer dans la transparence en termes de recettes budgétaires enrôlées mais aussi de la production journalière »
Commentant les informations officielles de l’Etat qui renseignent qu’effectivement l’industrie pétrolière va démarrer au dernier trimestre de l’année 2023, M. Touré salue cette bonne perspective pour les finances publiques. « C’est une très bonne nouvelle pour qu’on puisse opérationnaliser l’activité pétrolière à partir du dernier trimestre 2023 et en tirer quelques ressources financières publiques ». L’Etat de par le code pétrolier va satisfaire ses engagements Itie (Initiative pour la transparence dans les industries extractives), en publiant un certain nombre de « données financières sur toutes les revenues obtenues, de même que les pétroliers pour s’assurer d’un certain nombre de flux sortant et entrant »
CHEIKH HADJIBOU SOUMARE INVITE MACKY SALL À S’EXPLIQUER SUR UN PRÉTENDU VERSEMENT D'ARGENT À MARINE LE PEN
l'ancien président de la Commission de l’Uemoa a notamment interpellé le chef de l’Etat sur le montant de 12 millions d’euros soit environ 7,9 milliards qu’il aurait remis à cette personnalité politique française
Candidat déclaré à l’élection présidentielle du 25 février prochain, l’ancien Premier ministre, Cheikh Hadjibou Soumaré non moins président du mouvement « Démocratie et République » a adressé le samedi 4 mars dernier une lettre ouverte au chef de l’Etat, Macky Sall.
Dans cette correspondance, Cheikh Hadjibou Soumaré par ailleurs ancien président de la Commission de l’Uemoa a notamment interpellé le chef de l’Etat sur le montant de 12 millions d’euros soit environ 7,9 milliards qu’il aurait remis à une personnalité politique française. « Avez-vous donné récemment de l’argent à une personnalité politique française ? Dans l’affirmative, est-ce un montant de 12 millions d’euros soit environ 7,9 milliards argent d’un pays catalogué pays pauvre très endetté. Surtout quand on sait que la haine et le rejet de l’autre ont toujours été utilisés par le parti, comme véhicule d’une ascension politique ? », a martelé l’ancien Premier ministre.
Avant d’ajouter : « Lui avez-vous envoyé à l’issue de votre rencontre, une note revêtue de votre sceau ? ». « Si par extraordinaire tout cela était avéré, éclairez le peuple Sénégalais d’avoir agi ès qualité de président de la République du Sénégal ou de chef de Parti politique et avec quel argent ? », insiste encore le président du mouvement « Démocratie et République » qui souligne que les sommes en cause couvrent très largement dans le budget 2023, les programmes prévus pour les jeunes. Il s’agit notamment selon lui, des programmes Éducation à la Citoyenneté (3,5 milliards), Protection sociale et gestion de leur regroupement (1,0 milliard), Pilotage, coordination et gestion administrative (3,4 milliards) qui font au total 7,9 milliards. Loin de s’en tenir là, Cheikh Hadjibou Soumaré a interpellé le chef de l’Etat sur l’organisation de la présidentielle : « Etes-vous sérieusement dans la logique du report des élections présidentielles prévues en février 2024 ?», a-til lancé.
UNE MANNE, MILLE ATTENTES
Pays en voie de développement avec un Pib minimal estimé à 3 909,9 milliards de FCFA au troisième trimestre de 2022, une agriculture en panne de perspectives et un secteur industriel mal en point, le Sénégal espère se tirer d’affaires avec le petrole
Pays en voie de développement avec un Produit intérieur brut minimal estimé à 3 909,9 milliards de FCFA au troisième trimestre de 2022, une agriculture en panne de perspectives et un secteur industriel mal en point, le Sénégal espère se tirer d’affaires avec l’exploitation des gisements de pétrole et de gaz dans le champ de Sangomar (Sud Dakar) et Grand Tortue Ahmeyim (Gta) sur la frontière Sénégalo-Mauritanienne. Les retombées financières sont estimées à 20 000 milliards de francs Cfa sur 30 ans, soit en moyenne 700 milliards par an. Retour sur les défis, enjeux et fortes attentes des autorités comme des populations sur une manne gazière et pétrolière de l’ordre de 100 000 à 120 000 barils par jour pour le champ Sangomar, et d’environ 2,3 millions de tonnes de Gaz naturel liquéfié (Gnl) par jour pour Grand Tortue Ahmeyim (Gta). Des réserves qui pourraient permettre au pays d’engranger d’importantes ressources financières en plus des impôts, taxes et autres redevances mais qui, à contrario, seraient objet de réelle fixation pour la présidentielle de 2024 et la magistrature suprême.
Au Sénégal, entre 2014 et 2016, d’importantes quantités de pétrole et de gaz ont été découvertes. Cependant, les grandes sociétés pétrolières et gazières n’avaient pas fini de livrer tout le secret du potentiel de ces ressources naturelles qui, si elles sont bien gérées, pourraient impulser un progrès décisif du pays. Une nouvelle donne qui pourrait sans doute marquer un tournant décisif dans l’histoire politique et économique du Sénégal. En effet, ces découvertes qualifiées de classe mondiale interviennent au moment où le Sénégal amorce une nouvelle phase pour l’émergence, à l’horizon 2035, à travers le Plan Sénégal Émergent (Pse). Les résultats prometteurs escomptés de l’exploitation des ressources gazières et pétrolières suscitent de grands espoirs et alimentent des débats de plus en plus passionnés
Situé à 100 km au large des côtes Sénégalaises, le gisement offshore de Sangomar profond, anciennement connu sous le nom SNE a été découvert en 2014. Ses réserves, selon les dernières réévaluations, sont estimées à 2,5 milliards de barils de pétrole brut et la production évaluée entre 100 000 et 120 000 barils par jour. S’agissant du gisement Grand Tortue Ahmeyim (Gta), à la lisière maritime entre le Sénégal et la Mauritanie, découverte en 2015, il est estimé à environ 2, 5 millions de tonnes de Gaz naturel liquéfié (Gnl) par jour. Sa capacité de production est estimée à plus de 10 millions de tonnes par an, à compter de 2026, avec les phases 2 et 3. Dans le document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (Dpbep/2023-2025), le Sénégal devrait engranger quelques 888 milliards de francs CFA de recettes (environ 1,4 milliard d’euros), dont 51 milliards pour le compte des deux derniers mois de début d’exploitation de l’année 2023, selon certaines prévisions, puis 327 milliards FCFA en 2024 et enfin 501 milliards FCFA en 2025. A préciser que ces recettes sont basées sur des hypothèses de cours du baril de pétrole et du mètre cube de gaz qui peuvent évoluer à la hausse ou à la baisse d’ici 2025.
En ce concerne le pétrole, le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (Dpbep) du ministère des Finances et du budget les économistes table sur un cours du baril à 90 dollars et un cours du mètre cube de Gaz naturel liquéfié (Gnl) à 10% du cours du Brent. Mais, si la tendance haussière se maintient ou alors prend l’échelle, le Sénégal pourrait avantageusement tirer un meilleur profit de ses découvertes pétrolière et gazière. S’agissant du champ Gta appartenant au Sénégal et la Mauritanie, l’exploitant à savoir British Petroleum (BP) s’est déjà engagé à acheter la moitié de la production. Et dans ce co-projet, le Sénégal et la Mauritanie partagent la production.
Avec les réalisations des phases II et III du projet, la production de gaz devrait atteindre 10 millions de mètres cubes avec l’entrée en production d’une dizaine de puits. « Les ressources probables récupérables sont estimées entre 15 et 20 Trillion cubic feet (Tcf), soit entre 420 et 560 milliards de mètres cubes de gaz naturel », chiffre le Dpbep. Mais si d’ici la fin de la phase 1, des outils technologiques de pointe venaient à être élaborés, alors le Sénégal gagnerait davantage en extrayant le maximum d’hydrocarbures. D’où le grand intérêt pour ces ressources qui renseignent sur les enjeux, mais aussi et surtout sur les grands défis tels que la bonne gouvernance, la transparence, la gestion environnementale et sécuritaire.
Contenu local dans le secteur des hydrocarbures : l’État de concert avec les compagnies pétrolières, le privé national et la société civile
Le jeudi 15 décembre 2022 à Dakar, s’est tenue sur initiative du Secrétariat technique du Comité national de suivi du contenu local, une journée du contenu local dans le secteur des hydrocarbures. Cette rencontre d’échanges et partage réunissait tous les acteurs du secteur du pétrole et du gaz (Etat, compagnies pétrolières, secteur privé national, société civile etc.). Objectif : revisiter les voies et moyens offerts par le cadre juridique et réglementaire permettant aux entreprises sénégalaises de bénéficier des opportunités d’investissement et de croissance dans le secteur du pétrole et du gaz. Le Secrétaire général du ministère du Pétrole et des énergies Cheikh Niane, avait mis en évidence le dispositif d’accompagnement de l’Etat en faveur des entreprises sénégalaises pour lever les contraintes de conformité, de gouvernance auxquelles elles sont souvent confrontées lorsqu’elles doivent intervenir dans le secteur du pétrole et du gaz. M. Niane indiquait que le Gouvernement a mis en place tout un dispositif pour permettre aux entreprises sénégalaises de se mettre aux normes et standard du secteur et de renforcer leurs capacités pour « faire face à la forte concurrence dans les activités pétrolières et gazières en vue d’atteindre l’objectif de 50% de Contenu local à l’horizon 2030 fixé par l’Etat du Sénégal ». Toutefois, il avait tenu à rappeler que l’industrie pétrolière est connue pour « son élitisme puisque requérant une technicité pointue qui appelle d’importants moyens financiers en guise d’investissement » a-t-il rappelé.
Bonne gouvernance du secteur pétrolier et gazier : Codes et instruments juridiques sur piste
Avec ses deux importants projets pétroliers et gaziers (Sangomar) et Grand tortue ahmeyim (Gta) en cours de développement pour une mise en production en 2023 et un troisième (Yakaar Teranga) proche d’une décision finale d’investissement, le Sénégal a adopté le 24 janvier 2019, le projet de loi portant code pétrolier, abrogeant et remplaçant la loi N°98-05 du 08 janvier 1998. Il a également adopté à la même date la loi sur le contenu local dans le secteur des hydrocarbures. Ce nouveau code s’inscrit dans un contexte de réformes du cadre juridique des activités pétrolières au Sénégal avec des règlementations attendues notamment sur la gestion des revenus pétroliers. Pour le gaz, l’Assemblée nationale a adopté le 27 janvier 2020 la Loi n° 2020-06 portant Code gazier. Ce nouveau code beaucoup plus élaboré dans son objet et son champ d’application, fixe la réglementation relative à la valorisation des ressources gazières, dans le respect des normes de qualité, de sécurité, de préservation et de protection de l’environnement, le tout dans une perspective de développement durable. Au registre du champ d’application, le Conseil des ministres du 29 décembre 2021 a adopté le projet de loi relatif à la répartition et à l’encadrement de la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz. Lequel projet de loi définit les modalités de gestion et de répartition des recettes issues de l’exploitation des hydrocarbures entre le budget national, un Fonds de stabilisation, et un Fonds intergénérationnel.
Concertation nationale sur la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz : le souci du consensus national
Dans un souci d’une bonne gouvernance des ressources pétrolières et gazières, le chef de l’Etat Macky Sall a présidé, à Diamniadio 2022 une concertation nationale sur la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz. Etaient présents à cette journée des acteurs politiques, des religieux, des coutumiers, la société civile, le secteur privé. Lors de cette rencontre de réflexions, le chef de l’Etat a indiqué que cette concertation s’inscrivait dans son ambition de garantir une gestion prudente, inclusive et durable de nos ressources pétrolières et gazières...L’objectif était de construire un consensus autour de la gestion des recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz, de promouvoir la transparence et de partager toutes les informations sur le secteur pétrolier et gazier du Sénégal. Ainsi, de l’avis du président Macky Sall, cette journée de concertation marquerait une étape importante dans le processus d’exploitation des hydrocarbures du Sénégal. A dite vrai, la découverte des hydrocarbures a fini par profondément restructurer le débat économique et politique au Sénégal. Et cela d’autant que les secteurs pétroliers et gaziers devraient porter la croissance à deux chiffres sur 20 ans. Si tout va dans le bon sens, le Sénégal pourrait même, selon des analystes, devenir dans les 10 ans un pays émergent. Les énormes retombées attendues seraient même devenues, disent certains esprits, un enjeu de cristallisation autour de la présidentielle de 2024 et de la magistrature suprême. Reste maintenant à souhaiter que les diverses concertations menées au plan national puissent nous éviter le «syndrome hollandais» et la pseudo-malédiction du pétrole.
Par Henriette Niang KANDE
DEMOCRATIE TROUBLEE
Faut-il donc qu’il y ait une malédiction de la fonction présidentielle pour qu’en quelques mandats, après avoir cru échapper au Charybde de Maitre Abdoulaye Wade, et Diouf avant lui, on soit contraint de craindre le Scylla de Macky Sall ?
Alors que nous étions censés avoir réglé la question constitutionnelle depuis notamment les réformes des années 90, nous revenons fréquemment sur nos textes. Avant l’alternance intervenue en mars 2000, nous avions connu la vulgate du « régime parlementaire », combat que l’opposition de l’époque menait alors de toutes ses forces.
La Constitution de 2001, outre qu’elle n’a pas d’un point de vue formel et scientifique, opéré une quelconque rupture par rapport à sa devancière, vient à l’épreuve de sa pratique, nous rappeler cruellement que nous n’avons pas tellement avancé sur ce point.
S’il est vrai que la consolidation démocratique a été évoquée en 2016, parce qu’elle devait constituer un préalable à l’assainissement des mœurs politiques, économiques, il va de soi que la prépondérance du chef de l’Etat qui prend des décisions impériales au nom du peuple, enracinée dans notre pays dès après les évènements de décembre 1962, et qui s’est dangereusement accrue, a quelque chose d’ubuesque, de caricatural même, et ne s’inscrit nullement dans la modernité politique.
Aujourd’hui, observateurs et analystes s’accordent à dire que dans l’approfondissement de la démocratie, l’essentiel n’est pas uniquement dans le texte. Il est aussi un esprit. La démocratie est une affaire d’hommes et de femmes, sans doute plus que d’arrangements institutionnels ou de réformes constitutionnelles. Il importe que les hommes politiques aient une certaine culture de la démocratie, qui, à l’échelle des individus, se traduit par l’exemplarité des comportements, l’ouverture à l’autre, le sens de l’écoute et des nuances, toutes choses qui manquent certainement aujourd’hui dans notre pays, et dont le déficit pourrait, demain, même si l’on changeait encore de Constitution, nous jouer à nouveau de vilains tours. Avouons-le : c’est bien la qualité des ressources humaines qui est en cause, une certaine manière de faire de la politique dans notre pays. La démocratie est une éthique, elle n’admet ni les coups bas ni les hommes petits. « Quelques-uns naissent dans la grandeur, d’autres conquièrent la grandeur et elle se donne librement à certains autres », écrivait Shakespeare qui aurait dû ajouter : « certains n’y parviendront jamais ».
Et Ismaïla Madior Fall, ci-devant ministre de la Justice, principal rédacteur de la réforme constitutionnelle de 2016, à force de la retourner dans tous les sens, en a affaibli la légitimité. Lui, qui s’est essayé à la politique en se présentant aux élections locales puis législatives s’est vu habillé d’une selle de cheval taillée pour un veau. Paralysé par la défaite, il a fini par faire considérer à quelques-uns, que notre Constitution est réduite à une simple matérialité : de l’encre sèche sur du papier glacé, ou pire encore, une illusion textuelle. Quand ceux qui enseignent dans les universités sont les mêmes qui participent, par leur tortuosité active, leurs accointances ou leur silence complice, aux mille indigences qui déshumanisent, il est impossible d’espérer que les générations futures soient des citoyens conscients de leurs devoirs et de leurs droits. A cela, il faut ajouter la pauvreté des débats actuels. D’ailleurs, avons-nous souvenir d’une aussi grave défaillance du débat démocratique aux cours des crises traversées ? Face aux attaques ad hominem qui agitent quelques garants de la bonne ou de la mauvaise conscience, il semble urgent de faire un point sur la vie intellectuelle aujourd’hui. L’absence de règles de retenue mutuelle représente un facteur de risques.
La crispation sur les questions d’actualité brûlante atteste, contrairement à ce qu’on dit souvent, que notre démocratie reste à parfaite. Les plus pessimistes disent même qu’elle est en voie de déclassement. Les cahots qui secouent le pays présentement, oscillent entre une pluralité débridée de plus de 300 partis politiques reconnus, les tentations de coalitions, la mise du pouvoir judiciaire sous la coupe de l’exécutif, le rôle ambigu des médias, mais surtout celui des réseaux sociaux, ( les uns donnent des news, les autres donnent des views), tenant lieu de nouveaux comptoirs de café, où l’on refait le Sénégal, et qui ne sont, en fin de compte pas si indépendants, par rapport aux « factions » politiques qui s’affrontent.
C’est ainsi qu’il est difficile de décrypter, tant le brouillage des pistes est flagrant, chacun y allant de ses invités ou de ses commentaires, le plus souvent navrants, avec parfois des saltimbanques de service qui font l’opinion, la pensée commune à laquelle chaque citoyen est prié de se conformer.
La mayonnaise a fini par prendre en constituant deux camps, assez inégaux mais pareillement odieux dans leur manière de penser l’autre. Dans ce délire collectif, la violence s’est insinuée partout, dans toutes les strates de la société et des affaires sordides éclatent chaque jour, à nous étalées, en long et en large, avec parfois des situations inimaginables, quand on pense à ce qu’était la vie plus réservée d’avant. Entre un Macky Sall qui sait où il va, mais refuse jusqu’ici de le faire savoir, lui, le candidat de la rupture en 2012, que quelques esprits soupçonnent de vouloir être dans la continuité, et un grand corps malade mais exalté dans un salon de massage, en soustrayant la richesse du sentiment (?), sujet d’une histoire haute en couleurs qui se raconte en noir et blanc, la tension qui couvait, a engendré une qualité de haine parfaite, qui était sûrement latente. On a l’habitude de dire que la politique est un jeu d’échecs. Il peut également être un jeu de dames.
AU-DELA DE L’ALTERNANCE
De cette crise que nous vivons, des ingrédients sont distillés, d’abord pensés pour fracturer la société, insuffler la peur, la méfiance et la suspicion, quelques esprits évoquent, « une transition armée ». Si le cas se présente, il est clair qu’il s’agira d’une reculade, d’une régression majeure que l’on ne peut même pas imaginer, même dans ces instants troubles que traverse le pays. L’irruption de l’armée sur la scène politique résonnerait comme une éruption volcanique. Même si elle devait durer le temps d’une rose, une mainmise de l’armée sur l’Etat aurait des effets catastrophiques : comme un hymen perdu et l’exception sénégalaise rangée dans un musée. Une telle expérience s’accompagne toujours de l’abrogation, à tout le moins la suspension de la Constitution, emporte le chef de l’Etat, les institutions et la légalité se fait la malle en prenant le large. Si cette armée, qui a su résister au fruit défendu en 1962 dans le choc Senghor/Dia, puis en 1968 et dans d’autres circonstances, succombe au pouvoir, elle ferait pareil qu’ailleurs : travailler à être crainte par les populations et surveiller ses propres rangs au sein desquels quelques autres auraient compris que le pouvoir est au bout du fusil.
Dans cette crise qui fait que le Sénégal semble être dans une zone d’indétermination définie par une absence de marqueurs délimitant un espace où normes, droits, responsabilités, sanctions et récompenses perdent toute signification et à une année de l’élection présidentielle qui à elle seule pourrait constituer un quinquennat, les candidatures se font jour. Déjà, parmi les postulants et d’après leurs prises de parole respectives, certains, se réunissant avec eux-mêmes, croient dès à présent aboutir à une unanimité, dispersant la nuit et accompagnant la course du soleil, arrogants et fiers comme Artaban. Même Dieu est plus modeste. Un autre, amène à se poser des questions. Habitant dans une cité résidentielle, il refusa de payer sa quote-part du gardiennage, sous prétexte qu’il n’était qu’un locataire. Ce sont les détails qui font les grandes choses. D’autres, encore frileux, attendent « d’être poussés », confirmant leur nature : le jour où ils se mouillent, c’est soit il pleut, soit le matin sous leur douche. Il faudrait aussi craindre la candidature de quelques « hardis », gardant l’habit dans le meilleur des cas, décoloré, ou dans le pire des cas, à l’envers. Talleyrand soutenait, lui qui était un spécialiste, que la trahison n’était qu’une affaire de dates. On pourrait soutenir que la politique en général ne relève que de la chronologie et du bon choix des séquences. De pompeux cornichons dont la déclaration de candidature aura l’effet d’un clapotis dans un verre d’eau, prétendront vouloir nous diriger, ignorant leur capacité à créer un souffle national, et d’autres profitant de l’occasion, lanceront leur propre marque sur le « marché », pour faire croire que rien que leur nom correspond à la substance, la façade à l’intérieur et le panache externe à l’éclat interne.
Il n’y aura pas que des « cas », me retorquerez-vous avec juste raison. Mais à cela, je cite l’ancien président Gbagbo : « Miss Côte d’Ivoire n’est pas la plus belle fille de Côte d’Ivoire, c’est la plus belle de celles qui se sont présentées ». Nous, on ne demande des candidats qui sauront panser et penser notre pays. Pas de séducteur (trice) narcissique, ni protecteur (trice) sur-agité (é), ni maman-berceuse. Un homme (ou femme) politique en somme.
Si les Sénégalais ont démontré leur capacité à provoquer le changement politique, jouant sur les ressources à leur disposition qu’ils ont accumulées dans les combats des régimes de Diouf, de Wade et qu’ils redéploient face à Macky Sall, peuvent-ils aller plus loin que faire tomber le régime et s’offrir une alternance tous les 7/ 5 ans ? Si alterner l’alternance de l’alternance devient la seule finalité peut-on s’attendre à autre chose que la déception ? Faut-il donc qu’il y ait une malédiction de la fonction présidentielle pour qu’en quelques mandats, après avoir cru échapper au Charybde de Maitre Abdoulaye Wade, et Diouf avant lui, on soit contraint de craindre le Scylla de Macky Sall ?