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19 juin 2025
«NON, LA SITUATION N’EST PAS MAÎTRISÉE, ELLE EST JUSTE DÉSHONORANTE…»
«Il n’y a qu’au Sénégal qu’on tue des jeunes lors d’une manifestation et l’on dit que la situation est maîtrisée par les FDS. Non, la situation n’est pas maîtrisée, elle est juste déshonorante. La vie est sacrée», a posté Birahime Seck du forum civil
Le compte rendu de plusieurs médias de la marche interdite du vendredi 17 juin 2022, de l’inter-coalition Yewwi Askan Wi (YAW) et Wallu Senegal, n’est pas bien apprécié de tous.
Alors que beaucoup de journaux de la presse écrite ont barré à leur «Une», le lendemain samedi, que la manifestation a été maîtrisée, allant même jusqu’à tresser des lauriers aux Forces de l’ordre, le Coordonnateur du Forum civil, Birahime Seck, dénonce une situation déshonorante. «Il n’y a qu’au Sénégal qu’on tue des jeunes lors d’une manifestation et l’on dit que la situation est maîtrisée par les FDS. Non, la situation n’est pas maîtrisée, elle est juste déshonorante. La vie est sacrée», a-t-il posté.
Les victimes sont une personne tuée à Dakar, suite à l’explosion d’une grenade lacrymogène ayant incendié une gargote à côté de la mosquée Massalikul Jinaan de Colobane. Les deux autres morts ont été enregistrés dans la région de Ziguinchor.
Il s’agit du jeune Idrissa Goudiaby, tué à Ziguinchor et d’un autre manifestant tombé à Bignona. Cette dernière victime, Alex Abdoulaye Diatta, âge de 26 ans, a été atteinte par balle réelle, si l’on en croit une source hospitalière, après les affrontements dans la capitale du Fogny.
VIDEO
ABDOULAYE BATHILY SORT DU BOIS
Lutte pour la démocratie, liberté de manifester, combat de la jeunesse… L'ancien ministre regrette la situation qui prévaut dans le pays, après de longues années de lutte pour des élections libres, démocratiques et transparentes
L’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique (LD) est revenu sur les fondements de la démocratie au Sénégal. Pr Abdoulaye Bathily regrette la situation qui prévaut dans le pays, après de longues années de lutte pour des élections libres, démocratiques et transparentes. L’historien qui revient sur la loi portant sur la liberté de manifester déplore la «dégradation des mœurs politiques» au Sénégal. Toutefois, il est d’avis que la jeunesse se battra avec «les armes et les moyens de son époque» pour la transformation du pays. Il s’exprimait samedi dernier, 18 juin 2022, en marge de la cérémonie de dédicace de son ouvrage intitulé «Passion de Liberté».
L’impasse politique qui s’accentue dans le pays, ne laisse pas indifférent l’ancien secrétaire général de la Ligue démocratique (LD). Présentant, avant-hier, samedi 18 juin 2022 au public, son livre intitulé «Passion de Liberté», Pr Abdoulaye Bathily dit regretter que le Sénégal en soit encore là, après des années de «sacrifices» qui ont permis «d’acquérir de nouveaux droits» mais aussi d’avoir des «élections libres, démocratiques et transparentes». «En 1983, le président de la Cour suprême a dit qu’on pouvait voter sans Carte d’identité, sans isoloir. Nous sommes des Sénégalais. Pourquoi avoir peur de dire qu’on va voter pour ? Non. Il fallait lutter pied-à-pied contre tout ça, jusqu’à l’alternance : première, deuxième. Mais la lutte ne s’arrête pas à l’alternance politique. Ça, c’est une étape. Passion de Liberté aussi. Audelà de l’alternance politique, il faut l’alternative c’est-à-dire la transformation qualitative de la société et nous n’y sommes pas encore. Les alternances se sont succédées ; mais c’est comme un travail de Sisyphe, la répétition des erreurs, des fautes et tout le monde admet», regrette Pr Abdoulaye Bathily.
L’ancien secrétaire général de la LD a également donné son avis sur la liberté de manifester au Sénégal. «Comment (comprendre) aujourd’hui, pour nous qui venons de si loin, difficilement de si loin, qu’il soit encore difficile de tenir une réunion ou une manifestation ?», s’est-il interrogé ? Non sans rappeler les fondements de son opinion. «La loi 78-02 qui règlemente les manifestations, c’est à partir de la lutte du Syndicat unique et démocratique des enseignants (SUDES) qui a été créé en 1976 parce que les partis politiques n’existaient pas. Il n’y avait que le PDS (Parti démocratique sénégalais). On ne pouvait même pas parler de réunion. Ça a été une lutte âpre pour que cette loi 78-02 vienne donner un semblant de droit. Mais on a vu, dès le départ, que chaque fois qu’on déposait une demande de manifestation, que ce soit, par la suite au niveau politique et au niveau syndical et autres, on dit oui le droit est là, mais toujours les préfets, les gouverneurs disent : on va restreindre ça. Pour quelle raison ? On n’a pas suffisamment de forces pour encadrer la manifestation ; mais on a suffisamment de forces pour la réprimer (…)», a dit Pr Abdoulaye Bathily.
L’historien qui dit avoir toujours milité pour «une démocratie apaisée», n’a pas manqué de se prononcer sur la corruption et les détournements de fonds. «A l’époque, quand on parlait de corruption, de détournements, c’est comme si Dieu nous regardait : vous n’avez rien vu encore. J’ai même été dans un gouvernement de majorité présidentielle, j’ai eu l’honnêteté de le dire avec mes collègues du Parti socialiste (PS), du PGS à l’époque dans le gouvernement. Rare était un ministre qu’on dira, il était millionnaire ou il avait une ou deux maisons. Ça n’existait presque pas ou on ne pouvait compter ça sur les bouts des doigts», a fait savoir l’historien.
«IL Y A UNE DEGRADATION DES MŒURS POLITIQUES AU SENEGAL»
Ce qui permet au professeur de dire qu’il y a, aujourd’hui, «une dégradation des mœurs politiques dans notre pays». «Ce n’est peut-être pas au Sénégal seulement parce que je voyage souvent sur le continent et je le vois ; mais il faut balayer devant sa porte. Il y a une dégradation des mœurs politiques, l’ébranlement de la fibre morale des citoyens parce que les dirigeants ne donnent pas l’exemple. Pour qu’une société avance, il faut qu’elle accepte la critique. Il faut qu’elle sache se remettre en cause. C’est de cela qu’il s’agit aujourd’hui», a-t-il soutenu. En ce sens, il considère son nouveau livre comme une «réflexion sur les problèmes de notre pays aujourd’hui, de l’Afrique d’aujourd’hui, dans le monde tel qu’il est».
«LA JEUNESSE SE BATTRA AVEC LES ARMES ET LES MOYENS DE SON EPOQUE»
Cependant, l’ancien Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Afrique centrale affiche son optimisme quant à la transformation du Sénégal par la jeunesse. «Je ne suis jamais pessimiste. Une société se pose toujours des questions et elle en a la solution. Il n’y a que les naïfs ou les ignorants qui pensent que c’est leur tour, ils sont là et qu’ils peuvent s’imposer. Il y a des dynamiques sociales qui s’imposent toujours aux individus avec leur ambition. Le Sénégal se transformera. Cette jeunesse-là que je vois aujourd’hui, elle se battra avec les armes et les moyens de son époque, qui ne sont pas les armes et les moyens de notre époque. Ça aussi, nous devons avoir nous-mêmes l’humilité. Nous ne sommes pas plus héroïques que cette jeunesse. La jeunesse est un moment dans la vie. Les jeunes d’aujourd’hui seront les vieux de demain ; donc moi, c’est avec beaucoup d’optimisme que je vois l’avenir de ce continent parce que partout où je vais, ce bouillonnement même jusque dans les excès, il faut l’accepter parce que les excès aussi sont produits par ceux qui sont en face. La passion de liberté a pris chacun d’entre nous. C’est cette passion de liberté que je vois chez les jeunes d’aujourd’hui. Je les encourage à ça naturellement, avec humilité. Il faut améliorer les choses ; mais c’est par la lutte, comme disait Thomas Sankara, qu’on se libère. Ce n’est pas par la soumission qu’on se libère», a déclaré Pr Bathily.
«PASSION DE LIBERTE» OU LE REFUS DE LA SOUMISSION, DE L’INJUSTICE, LE COMBAT POUR LA LIBERTE...
Pr Abdoulaye Bathily indique que son nouveau livre, «Passion de Liberté», consiste à «apporter sa part d’expérience à la jeune génération». «Ma vie individuelle n’a pas en réalité d’intérêt si elle ne peut pas servir à la collectivité dans un sens ou dans un autre. Et, en tant qu’homme public, j’ai essayé dans ma vie d’apporter une contribution à l’évolution de notre société. Ma passion de liberté, j’ai essayé de la montrer à travers mon itinéraire, que ce soit face aux brimades, à l’école coranique, à l’école primaire, au Prytanée militaire, à l’université, dans l’Armée où nous étions conscrits de force, mais je n’ai jamais accepté tout cela comme une fatalité. L’homme doit toujours essayer de se surpasser. Ma passion de liberté, c’est le refus de la soumission. Ma passion de liberté, c’est le refus de l’injustice. Ma passion de liberté, c’est le combat pour la liberté des autres.
Ma passion de liberté, c’est pour tout un chacun l’amour de la patrie, de son pays, de notre continent, l’Afrique, passion de lutter pour la liberté de ce continent meurtri, ce continent soumis que nous devons avoir comme devoir de libérer de manière collective», a déclaré l’ancien Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en Afrique Centrale. Il a profité de l’occasion pour annoncer la sortie prochaine de ses deux ouvrages sur la crise au Mali et sur son expérience sur l’Afrique Centrale.
MOMAR THIAM DÉNONCE UN EXCÈS DE LA FORCE PUBLIQUE
« La force publique est allée trop loin » dans la violation des libertés d’Ousmane Sonko, Barthélémy Dias et Cie, vendredi dernier, lors de la manifestation interdite de Yewwi Askan Wi
« La force publique est allée trop loin » dans la violation des libertés d’Ousmane Sonko, Barthélémy Dias et Cie, vendredi dernier, lors de la manifestation interdite de Yewwi Askan Wi : telle est la conviction du Dr Momar Thiam, expert en communication, qui était l’invité de Sud Fm et de l’émission Objection hier dimanche 19 juin.
Une assignation à résidence sans aucun fondement juridique, c’est ce à quoi la force publique a contraint les leaders de l’opposition, le vendredi 17 juin 2022. Ces derniers qui avaient décidé de tenir leur rassemblement à la place de la Nation malgré l’interdiction préfectorale ont vu leur liberté de circulation (d’aller et de venir), pourtant consacrée par la Constitution, allègrement violée.
De l’avis du Dr Momar Thiam, expert en communication, la force publique « est allée trop loin ». « À partir du moment où on interdit à Ousmane Sonko, Barthélemy Dias, Déthié Fall, Ameth Aïdara de sortir de chez eux, alors que la Constitution consacre la liberté de circuler, d’aller et de venir, on viole ce texte fondamental. Et plus grave encore, on interdit à Ousmane Sonko, même si d’un point de vue stratégique il l’a bien joué, d’aller prier, on est en train de violer la liberté de culte », a-t-il dénoncé sur les ondes de Sud Fm.
D’après l’invité de l’émission Objection du dimanche 19 juin, « ce sont des dispositions constitutionnelles qui ont été bafouées. Ce sont les droits les plus élémentaires qui ont été violés. Là, la force publique est allée trop loin »
DAME JUSTICE PREND LE RELAIS
Suite et pas fin de la manifestation interdite de la coalition Yewwi Askan Wi. Les députés Déthié Fall et Mame Diarra Fam, le maire de Guédiawaye Ahmed Aïdara et autres vont devoir faire face au juge ce jour, lundi 20 juin
Suite et pas fin de la manifestation interdite de la coalition Yewwi Askan Wi. Les députés Déthié Fall et Mame Diarra Fam, le maire de Guédiawaye Ahmed Aïdara et Cie vont devoir faire face au juge ce jour, lundi 20 juin. Après tout un week-end sous les liens de la détention, ces responsables politiques qui ont été arrêtés vendredi dernier vont répondre devant Dame justice.
La manifestation interdite de la coalition Yewwi Askan Wi, réprimée par la police et les diverses forces de l’ordre le vendredi 17 juin, prend à partir de ce jour, lundi 20 juin, une nouvelle tournure avec l’entrée en scène de Dame justice. Après le ministère de l’Intérieur et ses services de maintien de l’ordre qui ont déployé moult stratégies pour contenir les velléités de la coalition de l’opposition de passer outre l’interdiction préfectorale de manifester à la place de l’Obélisque, c’est au tour de son homologue de la Justice, particulièrement le parquet, de prendre le relais.
Les principaux leaders de la coalition Yewwi Askan Wi interpellés, vendredi, sont présentés au parquet ce lundi. Il s’agit du mandataire national de la coalition Yewwi Askan Wi, le député Déthié Fall, arrêté alors qu’il s’apprêtait à se rendre chez Ousmane Sonko et du nouveau maire de Guédiawaye Ahmed Aïdara, interpellé lui aussi dans son fief en partance pour la place de l’Obélisque. Il en est de même de la parlementaire libérale Mame Diarra Fam qui a été alpaguée par les forces de l’ordre au même titre que plusieurs autres personnes dont 6 éléments de la sécurité d’Ousmane Sonko.
Interpellé sur la question hier, dimanche, le ministre de la Justice Malick Sall qui participait à une ziarra dans la banlieue dont le thème, cette année, est axé sur «La Paix», a été formel. «Vous savez quand on viole la loi, on doit en assumer les conséquences. Tout simplement», a déclaré Me Malick Sall de façon laconique avant de déclamer: «Le pays est notre pays à tous. Si on le brûle, on le brûle pour tous ».
Pour rappel, les membres de Yewwi Askan Wi arrêtés vendredi, dans le cadre de la mobilisation politique de l’opposition ayant fait trois morts entre Dakar, Bignona et Ziguinchor, ont passé tout le week-end dans les liens de la détention. L’opposition voulait organiser un rassemblement pour contester le rejet de la liste nationale des titulaires menée par Ousmane Sonko pour les élections législatives prévues le 31 juillet
Quand on est Jamaïcain, on a souvent le reggae dans ses veines. Yrneh Gabon, l’artiste jamaïcain qui a retrouvé ses racines sénégambiennes en Afrique a, lui aussi, le reggae dans les siennes. Démonstration en images
En matière artistique, Yrneh Gabon, le balante de Jamaïque est n’a pas de limite. Du design, au mix media, de l’art plastique au chant…, il est dans toutes les sauces.
Dans cette vidéo, il révèle ses talents de chanteur sur quelques notes de musique sur les morceaux de Bob Marley, son compatriote comme « Get Up Stand Up » ou encore « Redemption Song ».
Puis, il rappelle comment il a retrouvé ses origines balantes du Sénégal, de la Gambie et de la Guinée Bissau.
Pour mémoire, Yrneh Gabon est un Jamaïcain qui est tombé amoureux du Sénégal depuis quelques années. Il est de retour au pays de la téranga dans le cadre de la 14è édition de l'art africain contemporain de Dakar où il est mis Le Lac Rose au cœur de son exposition.
Né en Jamaïque et vivant aux États-Unis, il a retrouvé ses origines africaines et il n’exclut pas de rentrer défensivement un jour en Afrique. Même s’il n’a envie de rien précipiter.
par l'éditorialiste de seneplus, Jean-Claude Djéréké
MODIBO KEÏTA, PATRIOTE, SOUVERAINISTE ET PANAFRICANISTE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il était écouté sur la scène internationale et estimé par son peuple. L’Afrique digne et combattante se souviendra toujours de lui parce que la souveraineté du continent lui tenait à cœur
Jean-Claude Djéréké de SenePlus |
Publication 19/06/2022
Modibo Keïta voit le jour le 4 juin 1915 à Bamako. Le pays ne s’appelle pas encore Mali mais Soudan français. De 1925 à 1931, il commence sa scolarité à l’École primaire urbaine de Bamako. C’est ensuite le lycée Terrasson de Fougère (devenu depuis lycée Askia Mohamed) qui l’accueille en 1931. Trois ans plus tard, il entre à l’École normale supérieure William Ponty de Dakar dont il sort major de sa promotion. Il débute sa carrière d’instituteur en septembre 1938. Son bulletin portait les observations suivantes : “instituteur d’élite, très intelligent mais anti-français, agitateur de haute classe à surveiller de près.”
Modibo Keïta était-il vraiment anti-français ? Non. Il était plutôt anti-colonialiste et nationaliste, C’était un homme digne qui souffrait de voir l’Afrique sous domination coloniale. À cette époque, les Africains ne sont pas autorisés à faire de la politique. Modibo Keïta va contourner l’obstacle en créant avec Mamadou Konaté l’Association des lettrés du Soudan. Dans “L’œil de Kénédougou”, journal qu’il met sur le marché en 1943, il ne se prive pas de critiquer le pouvoir colonial. Que ce soit à Bamako ou à Sikasso, il attaque l’assimilation coloniale, éveille les consciences. Avec son collègue et ami, le Voltaïque Ouezzin Coulibaly, il crée le syndicat des enseignants de l’Afrique occidentale française (AOF). Les colons, qui le voient comme un homme dangereux, ne tardent pas à l’arrêter. Modibo Keïta est condamné à six mois d’emprisonnement. Il purge la moitié de sa peine à la prison de la Santé (Paris) en 1946. L’année suivante, il devient le secrétaire général du premier bureau de la section soudanaise du RDA (Rassemblement démocratique africain). En 1956, il est élu maire de Bamako. C'est dans la même année qu’il intègre l'Assemblée nationale française. Il en sera le premier vice-président africain. Il participe alors à l'élaboration de la loi-cadre Defferre. En juin et en novembre 1957, il est secrétaire d'État dans les gouvernements Bourgès-Maunoury et Gaillard. En 1958, il devient président de l'Assemblée constituante de la Fédération du Mali qui comprend le Sénégal et le Soudan français, puis le chef de gouvernement de la fédération du Mali, le 20 juillet 1960. Mais des divergences naissent entre Modibo Keïta et Senghor. Elles conduiront à la mort de la fédération.
Le 22 septembre 1960, le Soudan français accède à l’indépendance et change de nom. Modibo Keïta est le tout premier président de la nouvelle République du Mali. L’échec de la fédération du Mali ne le décourage pas. Avec Sékou Touré et Kwame Nkrumah, il fonde l’Union des États Africains (UEA), participe à la constitution du Groupe de Casablanca qui milite pour une monnaie, une banque centrale et une armée communes. Mieux encore, il fait inscrire dans la Constitution que le Mali est disposé à abandonnner partiellement ou totalement sa souveraineté pour l’unité de l’Afrique. Ce panafricanisme assumé mais aussi sa volonté de traiter d’égal à égal avec la France et son soutien au Front de libération nationale algérien sont mal vus à Paris et à Abidjan mais Modibo Keïta n’en a cure. Il critique les essais nucléaires menés par la France dans le Sahara. Sur le plan interne, il donne au Mali une monnaie, utilise l’argent du Prix Lenine qui lui a été décerné en 1963 pour offrir à Bamako son premier Centre de protection maternelle et infantile (PMI). En 1966, il cède à la jeunesse malienne son champ de Moribabougou. Son salaire mensuel est de 62 500 F CFA. On lui doit une quarantaine de sociétés et entreprises d’État. Les Programmes d’ajustement structurel (PAS) les feront disparaître toutes. Modibo Keïta avait coutume de reverser au Trésor public le reste de ses frais de mission. Lorsqu’il demande l’évacuation des troupes françaises du territoire malien, c’est l’affront de trop pour Paris qui organise un coup d’État contre lui, le 19 novembre 1968. Moussa Traoré est installé à la tête du pays pendant que Modibo Keïta est conduit au camp de Kidal (au Nord-Est du pays). Les conditions dans lesquelles il est détenu sont épouvantables. Il y rendra l’âme, le 16 mai 1977. Ses geôliers auraient empoisonné la bouillie de mil qu’il avait réclamée à sa nièce et un médecin, Faran Samaké, lui aurait administré de force une piqûre. Le médecin en question se donnera la mort en 1978, emportant son secret avec lui.
Modibo Keïta était écouté sur la scène internationale. Il était estimé et respecté par son peuple parce qu’il était intègre, digne et patriote, parce qu’il vivait simplement. L’Afrique digne et combattante se souviendra toujours de lui parce que la souveraineté du continent lui tenait à cœur. Pour Issoufou Saïdou Djermakoye, ancien secrétaire général adjoint de l'ONU et ex-ministre nigérien de la Justice, Modibo “s'inscrit parmi les géants de l'histoire de l'indépendance africaine”. Il ajoute que “l'Afrique reconnaissante ne l'oubliera jamais, qu’elle continuera toujours à raconter ses hauts faits et le sacrifice qu'il a consenti pour qu'elle aspire à de meilleures destinées”. Pour sa part, Mamadou Dia, ancien président du conseil de gouvernement du Sénégal, le présente comme “un de nos pharaons modernes, qui aura consacré toute son intelligence et toute son énergie à la grande œuvre de reconstruction de l'unité africaine”. De là où il se trouve, il doit certainement être fier d’Assimi Goïta et de Choguel Maïga qui tiennent courageusement tête à la France et sont déterminés à conquérir la vraie indépendance de leur pays.
Depuis son arrivée au pouvoir, Jupiter s‘est fait un devoir de balayer tous les obstacles susceptibles de contrecarrer des ambitions dont l’accomplissement renverserait la démocratie dans notre pays
Un jour, des historiens du quotidien raconteront sans doute avec moult détails l’odyssée rocambolesque d’un président de la république arrivé au pouvoir par le truchement d’un grand malentendu que le destin nous avait malicieusement caché. Il se pourrait même que ce mystérieux veinard grandi dans la misère sociale de son bled d’origine rapporte lui-même – quand sa conscience l’exigera de lui - les chroniques d’une ascension fulgurante strictement encadrée par des lobbies afro-élyséens spécialistes des parrainages fraternels qui perpétuent des intérêts politiques, économiques et stratégiques en Afrique francophone. Dans cette conquête effrénée de pouvoir et d’influence, figure en bonne place l’étouffement de la presse et la maîtrise/orientation de ses centres d’intérêt vers les horizons du superflu. La corruption sera passée par là.
Hyper-puissance
Le Sénégal pouvait se prévaloir jusqu’à une époque récente d’être une des vitrines démocratiques que le continent pouvait encore offrir au monde. Sa démocratie pluraliste et apaisée s’appuyait surtout sur une presse de qualité animée par des personnalités fortes, indépendantes et conscientes de leurs missions au service de la société, des citoyens et des libertés fondamentales face à des pouvoirs tentaculaires et naturellement soucieux d’élargir sans cesse le spectre de leur hyper-puissance.
Aujourd’hui, sa presse – une certaine presse - en arrive à célébrer les performances répressives de policiers et de gendarmes déchaînés contre des citoyens pourtant victimes des abus de pouvoir de l’autorité politique suprême ! Cette même presse – biberonnée par la magie sans traces du guichet automatique de billets – ne choisit pas seulement de reléguer au purgatoire de ses préoccupations professionnelles le meurtre ou l’assassinat de trois jeunes sénégalais à Dakar, Bignona et Ziguinchor. Oui, 3 jeunes gens sont tombés sous les tirs d’agents des forces de sécurité, dans l’indifférence totale de certains organes de presse.
Démocratie bananière
De manière cynique, cette même presse observe également un silence bavard sur les causes fondamentales et premières de cette furie mortelle des policiers et gendarmes : la violation flagrante et assumée par Jupiter et ses sbires de principes élémentaires qui font la démocratie et qui ont pour nom liberté de manifestation, liberté de marche, liberté de rassemblement, liberté d’expression, liberté de culte... C’est la mise entre parenthèse de ces valeurs sociétales indissociables de la démocratie pluraliste qui est factuellement, et jusqu’à preuve du contraire, la cause des désordres ayant cours sous nos yeux. Les atermoiements, justifications précaires et aveuglements n’y changeront rien.
Ce traitement particulier des événements du 17 juin 2022 n’est que le produit de l’offensive permanente du pouvoir visant à contrôler la presse et les journalistes au Sénégal. Cette posture de soumission aboutit à transformer en faits divers les drames de personnes désarmées et fauchées par des tirs de balles réelles – au détriment du bon sens qui doit commander toute doctrine de maintien de l’ordre - les arrestations musclées d’opposants, les bouclages militarisés des domiciles de certains d’entre eux…
Sans limites
Mais le pire de l’agenda de Jupiter avec lequel une certaine presse se rend complice, c’est sa désormais volonté absolue de fouler aux pieds les engagements légaux, politiques et moraux qu’il a pris devant le peuple sénégalais de faire 2 mandats et de partir. Tous les actes qu’il pose semblent converger dans ce sens, le dernier en date étant ce veto du Sénégal (en compagnie du Togo et de la Côte d’Ivoire) contre un amendement interdisant le dépassement de 2 mandats présidentiels dans le Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La presse en fait-elle un objet pertinent de débat ? Pourquoi ne pas se poser de question sur la cohérence qu’il peut y avoir entre organiser en mars 2016 un référendum populaire dont l’un des pivots essentiels était la « sanctuarisation définitive » du principe des 2 mandats consécutifs dans la Constitution, et l’opposition du Sénégal à la formalisation de ce même principe dans les textes de la Cédéao ?
C’est la défense ouverte et assumée des engagements publics de la plus haute institution de notre pays qui aurait fait l’honneur et la crédibilité de la presse sénégalaise. Depuis son arrivée au pouvoir, Jupiter s‘est fait un devoir – et un plaisir malin - de balayer tous les obstacles susceptibles de contrecarrer des ambitions – longtemps enfouies ou nées en cours de route au gré des délices du pouvoir – et dont l’accomplissement renverserait techniquement et concrètement la démocratie dans notre pays. La machinerie est en marche, elle ne s’arrêtera pas en l’absence d’oppositions diverses.
Salut public
C’est à cette mission de salut public de première noblesse que les journalistes indépendants de notre pays peuvent être invités. Les prébendes et largesses de Jupiter sont certes alléchantes, mais que valent-elles face au changement de nature rampant de la démocratie pluraliste et représentative qui nous a sauvés de tant de soubresauts ? Que valent-elles face à l’égoïsme d’un Jupiter dont la morale se base sur « la fin justifie les moyens », un point un trait ?
Dans le confort institutionnel, administratif et judiciaire que lui garantissent ses relais corrompus dans une bureaucratie d’Etat noyautée au profit de sa volonté de puissance, seuls la presse et le peuple sont en mesure de le ramener à la raison garante de notre sécurité collective. Un dixième des « misères » que les journalistes ont infligé à Me Abdoulaye Wade suffirait pourtant à le remettre à sa place ! Mais le Sénégal a changé, sa presse avec !
par Gado Alzouma
L’AUGMENTATION DE LA POPULATION N’EST PAS UN FREIN AU DÉVELOPPEMENT
Le Niger est beaucoup plus menacé par l’insécurité, la corruption, l’incompétence des dirigeants, les mauvais choix de politiques publiques, les inégalités de toute sorte, etc., que par l’augmentation de la population
Monsieur Kiari Liman-Tinguiri, économiste et ambassadeur du Niger aux États-Unis, a récemment publié dans Jeune Afrique un article1 tout entier consacré à critiquer une tribune2 que j’ai publiée dans le même journal il y a déjà plusieurs mois, notamment l’idée que la croissance démographique est une chance pour le Niger et l’Afrique. Monsieur Liman-Tinguiri nous a semblé souvent mieux inspiré que dans cet article qui souffre de surprenantes lacunes venant de quelqu’un qu’on présente à tort ou à raison comme l’un de nos plus solides intellectuels. Mais à y bien réfléchir, il ne saurait en être autrement car quand on se donne pour tâche de tordre le cou à la réalité, on s’expose inévitablement à de telles déconvenues.
Je réaffirme donc ce que j’avais dit : bien que la population ait plus que doublé au cours des deux dernières décennies, les Nigériens d’aujourd’hui et les Africains en général sont mieux nourris, vivent plus longtemps, sont en meilleure santé et mieux éduqués que ceux d’hier. Ces faits sont inscrits dans les chiffres. Je pense que monsieur Liman-Tinguiri aurait dû commencer par admettre cette réalité que je ne suis pas le seul à reconnaître. Même une institution comme l’Agence Française de Développement (AFD) le dit sans ambages dans un rapport daté de 2021 et intitulé Au Sahel, le développement économique et social est une réalité (traduit de l’anglais par l’auteur) : « Entre 1990 et 2019, dit l’ADF, l'indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a augmenté de manière significative dans la région du Sahel. A +1,9% par an en moyenne sur la période, le taux de croissance de l'IDH était trois fois plus élevé au Sahel qu'il ne l'était dans le monde. Il a également augmenté plus dans cette région que dans les autres pays en développement ou régions du monde — presque deux fois plus, en fait — notamment par rapport à l’Asie du Sud, l’Amérique latine et même le reste de l’Afrique ». Or, la région du Sahel est aussi la région où la croissance démographique est la plus rapide au monde. C’est ainsi qu’au cours de la période mentionnée (1990-2019), la population y est passée de 155.111.857 d’habitants à 342 017 998 d’habitants, soit plus que le double.
Au regard de ces chiffres impressionnants (une croissance démographique rapide couplée à une croissance économique encore plus dynamique, de l’ordre de 4 à 5% avec des pics jusqu’à 7 ou 8% dans certains pays), on ne peut décemment soutenir que la forte augmentation de la population est un frein au développement.
Monsieur Liman-Tinguiri croit trouver dans la comparaison entre le revenu moyen français et le revenu moyen nigérien, tels qu’ils étaient en 1961 et plus tard en 2020, la preuve que mon « plaidoyer populationniste » ne tient pas la route. « L’argument est d’autant moins convaincant, dit-il, que le niveau de vie a augmenté davantage là où la croissance de la population a été beaucoup moins rapide que la nôtre ». On n’aurait rien à redire à cette thèse si l’auteur ne s’était avisé de prendre des libertés avec la méthode scientifique en sélectionnant soigneusement le cas qui accrédite sa thèse tout en passant sous silence les nombreux exemples qui la contredisent. Surtout que comparer le Niger à la France, dans ce cas précis, n’est pas très judicieux. Il aurait fallu comparer la France à des pays de niveau de développement semblable.
Or, de tous les pays européens, la France a l’un des taux de croissance démographique les plus élevés (de l’ordre de 0,3% ; au 17eme rang sur 47 pays classés). Ce qui accréditerait donc ma thèse (bien que ce ne soit pas exactement ce que je dis) plutôt que la sienne. Alors que tous ses voisins sont maintenant passés en dessous du seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme en âge de procréer), la France maintient une fécondité relativement dynamique. Si monsieur Liman-Tinguiri avait voulu donner plus de force à son argumentation, il aurait pu choisir l’Allemagne qui a un taux de fécondité plus faible (1,54 enfants par femme en âge de procréer contre 1,86 pour la France) tout en maintenant une croissance économique plus dynamique et un revenu par habitant plus élevé. En revanche, l’Italie, qui connaît une baisse dramatique de sa population (avec un taux de fécondité de 1,33), a un revenu par habitant plus faible et ne fait pas aussi bien économiquement que l’Allemagne (0,1% de taux de croissance économique contre 0,2% pour l’Allemagne) ou même l’Espagne (0,3% de taux de croissance économique) qui se trouve pourtant dans la même situation démographique (taux de fécondité de 1,33). On voit donc qu’en s’appuyant sur la thèse de monsieur Liman-Tinguiri, on peut aisément soutenir une chose et son contraire. Or, toutes choses étant égales par ailleurs, nous devrions observer les mêmes tendances si l’argument de Monsieur Liman-Tinguiri avait le moindre soubassement scientifique.
Plus loin, monsieur Liman-Tinguiri enfonce le clou en adoptant exactement la même démarche malheureuse et totalement désinvolte (au point qu’on hésite à lui répondre sur cet aspect pour ne pas tomber dans le même travers) et qui consiste à choisir au pied levé les cas qui accréditent sa thèse en passant sous silence ceux qui la contredisent. Cette fois-ci, il prend les exemples du Sénégal, du Bénin, de la Guinée et du Nigéria qu’il présente tous comme des pays ayant connu une croissance de leurs revenus plus élevée que le Niger en raison d’une fécondité plus basse. « Ces quatre pays, dit-il, ont en commun d’avoir un taux de croissance de la population inférieur d’au moins un point à celui du Niger (3,8 %) en 2020 avec 2,5 % au Nigeria, 2,7 % au Sénégal et 2,8% au Bénin et en Guinée ». Il a sans doute échappé à Monsieur Liman-Tinguiri que quand on classe les pays africains selon le revenu par habitant, ce n’est pas le Niger (qui a pourtant le taux de croissance démographique le plus élevé) qui est le dernier. Le Niger se classe devant plusieurs pays dont la République Centrafricaine dont le taux de croissance de la population est de deux (2) points moins élevé que le sien. Ce qui aurait donc boosté son développement et l’aurait placé devant le Niger si la thèse de Monsieur Liman-Tinguiri répondait à une logique autre qu’idéologique. On note également le cas du Malawi avec un taux de croissance démographique de 2,69% (plus d’un point en dessous du Niger) et un revenu beaucoup moins élevé que celui du Niger. On peut aussi citer Madagascar avec 2,68% de taux de croissance démographique contre 3,8% pour le Niger et un revenu par habitant moins élevé que celui du Niger : 565 dollars en 2020 pour le Niger contre 506 dollars pour Madagascar. Figure également dans cette liste la Sierra Léone : 2,10% de taux de croissance démographique et un revenu par habitant de l’ordre d’un peu plus de 490 dollars, soit beaucoup moins que le Niger, etc. Ici encore, on peut soutenir la thèse de Monsieur Liman-Tinguiri comme on peut la réfuter allégrement selon l’exemple qu’on choisit de donner.
Au lieu donc d’utiliser le revenu par habitant qui n’est qu’une moyenne, d’ailleurs critiqué par Amartya Sen (dans Development as Freedom) aux thèses duquel Monsieur Liman-Tinguiri dit pourtant souscrire, ainsi que par le PNUD qui l’a abandonné comme seul critère pour juger de la performance des pays en matière de développement (et ce, depuis…1990 !), il vaut mieux s’en remettre à des indicateurs plus fiables tels que l’espérance de vie, le taux de pauvreté, le taux de scolarisation, etc. Ce que j’ai fait.
Monsieur Liman-Tinguiri me reproche aussi d’avoir dit, sur la base des chiffres fournis par l’INS (Institut National de la Statistique), que la pauvreté reculait au Niger : « Alzouma Gado ne semble pas réaliser que malgré la baisse du taux de pauvreté, il y a aujourd’hui plus de personnes pauvres au Niger que jamais auparavant ! Et pourquoi ? Parce que la population augmente plus rapidement que la baisse du taux de pauvreté ». Ici, vous aurez remarqué que monsieur Liman-Tinguiri insiste sur l’augmentation des chiffres absolus. Or c’est seulement la baisse du taux de pauvreté qu’on peut tenir pour réellement significative et c’est surtout l’évolution de ce taux que tous les rapports sur la pauvreté s’attachent à examiner chaque année. En revanche, le nombre d’individus pauvres peut bien augmenter en chiffres absolus dans une population sans que cela ait une incidence négative sur le taux de pauvreté. Ce nombre peut même augmenter pendant que la pauvreté recule au sein de la population générale tout simplement parce que la population générale aura augmenté plus vite entre-temps. En chiffres absolus, un pays peut compter plus de pauvres que la population entière du Niger tout en étant considéré comme moins pauvre que le Niger parce que le taux de pauvreté y serait moins élevé en proportion de la population d’ensemble.
La thèse de monsieur Liman-Tinguiri revient à dire que la pauvreté augmente parce que la population croît au lieu de diminuer. Or cette assertion est fausse. Comme partout ailleurs dans le monde, la fécondité tend à baisser au Niger même si la population continue d’augmenter en chiffres absolus. En effet, le rythme auquel la population augmente tend à baisser tout comme un coureur de fond avance tout en ralentissant dans les derniers kilomètres avant de s’arrêter. On note par exemple que le taux de fécondité dans l’EDSN (Étude Démographique et de Santé au Niger) de 2012 était de 7,6 enfants par femme en âge de procréer alors qu’il n’est plus que de 6 enfants par femme dans l’EDSN de 2017 et cette tendance à la baisse continue de la fécondité se confirmera certainement dans les enquêtes à venir.
En outre, partout dans le monde, c’est un relatif développement économique et une amélioration des conditions de vie des populations et d’autres facteurs tels que l’urbanisation qui ont entrainé une baisse de la fécondité. À l’inverse, penser que le développement économique résultera mécaniquement d’une baisse de la fécondité soutenue par des politiques antinatalistes me semble une absurdité.
Par ailleurs, monsieur Liman-Tinguiri soutient que « l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance ne signifie pas qu’une proportion très grande de Nigériens vivent aujourd’hui très longtemps : les plus de 65 ans ne représentaient en 2020 que 2,60 % – 628 000 personnes pour une population de plus de 24,2 millions ». Il a sans doute échappé à Monsieur Liman-Tinguiri que la pyramide des âges au Niger est caractéristique d’une population jeune avec une base élargie et un sommet nécessairement rétréci en raison de la forte natalité et de la baisse de la mortalité infantile et infanto-juvénile. Nonobstant cette circonstance, il reste certain que l’espérance de vie augmente dans toutes les tranches d’âge et qu’une proportion plus grande et toujours croissante de Nigériens vit au-delà de 65 ans. Le rythme auquel le nombre de vieillards augmente s’est d’ailleurs accéléré ces dernières années car le taux des plus de 65 ans est passé de seulement 2,50% de la population en 2010 à 2,75% aujourd’hui. Dans le passé, il nous aurait fallu 20 ans au lieu de 10 pour assister à une telle évolution puisque le pourcentage des plus de 65 ans n’est passé que de 2,30% en 1990 à 2,50% en 2010.
Je pense qu’il s’agit là d’une évolution positive pour nous. En Afrique, et plus particulièrement au Niger, pour l’instant les tendances démographiques n’indiquent pas, comme ailleurs dans le monde, un accroissement plus élevé des inactifs mais vont vers un accroissement de plus en plus élevé du nombre de personnes actives. En d’autres termes, plus on avance dans le temps, plus le fameux « taux de dépendance économique » tend à baisser. En raison du fait que l’espérance de vie augmente et que tout ceci est croisé à une lente baisse de la fécondité, il en résulte une augmentation de la population active et une baisse relative des inactifs ; ce qui est l’idéal recherché. Ce, d’autant plus qu’il s’agit ici de jeunes qui sont aussi des consommateurs, de futurs travailleurs et de futurs créateurs. Ce sont les jeunes qui ont des aspirations à la consommation élevées (par exemple s’acheter un moyen de déplacement, une maison, un smartphone, des vêtements de toute sorte, s’adonner aux loisirs (services), etc.) et ceci ne peut que soutenir la croissance.
Il est donc faux de claironner que le Niger va vers la catastrophe en raison du nombre de jeunes que les budgets sociaux, supposément, ne pourront pas supporter dans l’avenir. Le Niger est beaucoup plus menacé par l’insécurité, la corruption, l’incompétence des dirigeants, les mauvais choix de politiques publiques, les inégalités de toute sorte (y compris de genre), etc., que par l’augmentation de la population qui est plutôt un atout. Ceux qui ne trouvent que les comportements reproductifs de nos populations à blâmer pour mieux dissimuler ces vérités gênantes (et surtout leur incurie) se contentent de transposer les chiffres du présent dans l’avenir sans prendre en considération les tendances d’évolution des autres facteurs qui, eux aussi, sont en train de changer. Ils répètent inlassablement que la population double tous les 18 ans tout en oubliant de dire que ce n’est pas seulement la population qui aura augmenté dans 18 ans mais aussi très probablement tous les autres facteurs : production agricole ; PIB ; espérance de vie ; taux de scolarisation ; baisse de la mortalité ; etc., qui auront concomitamment évolué.
C’est pour cette même raison que le Niger d’aujourd’hui se trouve dans une meilleure situation qu’il n’était en 1980 bien que la population ait plus que triplé entre-temps. Or, nous avons toutes les raisons de croire que ce qui est vrai du passé le sera aussi du futur.