Elle est aujourd’hui une des figures de proue des mouvements de femmes engagées dans la résolution du conflit en Casamance. Mme Thiam Ndèye Marie Diédhiou, présidente de la Plateforme des femmes pour la paix en Casamance (Pfpc), dépeint une femme casamançaise traditionnellement très forte et qui a poussé les hommes au combat, mais qui œuvre aujourd’hui pour le retour de la paix.
Dans votre intervention au panel du Gingembre littéraire, vous avez souligné que les femmes en Casamance étaient passées d’actrices du conflit à celles de la paix. Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’il y ait ce changement ?
Les femmes ont accompagné les hommes dans la prise de décision d’aller à la guerre. Et ce n’est pas fortuit parce que c’est dans l’ancrage même de l’éducation de la femme casamançaise. La femme qu’on appelle la belle-sœur, dans la société casamançaise, a le droit d’intervenir dans la gestion des conflits dans sa famille, dans la famille de son mari et dans le village, le quartier. La femme dans la gestion des conflits, ce n’est pas nouveau, c’est notre tradition. Donc quand il y a eu cette première marche en 1982, marche des élèves du lycée Djignabo, les femmes sont intervenues en tant que médiatrices. Et plus tard quand il y a eu ce conflit armé, les femmes étaient au-devant de la scène. Aussi bien de la marche de 82 que lors de celle de 83, les femmes ont effectivement pris part parce que pour elles le Mfdc était le cadre idéal pour que l’injustice sociale soit résolue en Casamance. Elles ont pris part à ce conflit, étaient des actrices dans la prise de décision, ont accompagné les combattants, tant du point de vue logistique, de l’économie du Mfdc. Plus tard quand elles se sont rendu compte qu’elles étaient les premières à subir les conséquences du conflit avec les viols, les violences, elles ont pris une autre décision, celle de s’impliquer pour le retour de la paix en Casamance. C’est comme ça qu’elles sont devenues aujourd’hui des actrices majeures de la résolution du conflit en Casamance.
Vous dépeignez des femmes très fortes, qui ont une grande place dans la société. Pourtant quand on regarde le champ économique ou politique, elles y sont quasi absentes paradoxalement. Quelle explication donner à cela ?
Effectivement, si on regarde la scène politique, les femmes sont sur le terrain politique. Ce sont elles qui élisent les hommes, mais elles-mêmes ne sont pas à un niveau stratégique. Mais au plan traditionnel, les femmes ont droit à la parole, elles prennent des décisions qui sont respectées par tout le monde. Aussi bien par les hommes que par les femmes. Maintenant au plan politique, au niveau des instances de décision, les femmes ne sont pas présentes parce qu’elles n’ont pas la formation qu’il faut pour accéder à ce niveau, mais aussi ce sont les hommes qui ne leur font pas la place. Et les femmes sont reléguées au second plan.
N’est-il pas temps alors de revendiquer plus de places ?
On a dépassé ce moment-là. Aujourd’hui, les femmes sont présentes dans les mairies des communes comme adjointe au maire ou comme conseillères municipales, dans les Conseils départementaux aussi, à l’Assemblée comme au Conseil économique, social et environnemental. Même si leur nombre est faible, elles sont là quand même.
Pour quoi ces femmes luttent-elles aujourd’hui ?
Mon combat à moi, c’est le retour de la paix, c’est aussi le combat de la plateforme. Nous travaillons afin que toute la population du Sénégal s’implique dans la résolution du conflit.
Certaines personnes, Salif Sadio pour ne pas le nommer, pensent et disent tout haut que la guerre n’est pas finie. Comment réagissez-vous à cela ?
Je pense qu’un processus de paix n’est pas linéaire. Il y a des hauts et des bas. Mais il faut noter quand même qu’il y a des avancées. On n’est plus au moment où on ne pouvait pas rester dehors jusqu’à certaines heures. Aujourd’hui, on a de moins en moins de braquages, d’attaques. On peut donc considérer qu’il y a des avancées. Il y a des fractions du Mfdc qui sont en train de discuter et avec des plénipotentiaires sénégalais. Cela veut dire qu’on n’est pas encore à la paix puisque les armes ne sont pas encore déposées parce qu’il n’y a pas de signature d’accord de cessez-le-feu. Mais il y a des avancées par rapport à la résolution du conflit.
LA MYTHIQUE CHAMBRE 09 DE REBEUSS
''C’est au réveil qu’on apprend qu’il y a eu un décès dans la chambre. Tout ça fait que vous perdez le moral très vite, alors que vous avez besoin de toutes vos forces, y compris le mental, pour survivre là-bas.'' se rappelle Fallou
Supprimée à l'arrivée de la pandémie du coronavirus au Sénégal, la chambre 09 la Maison d'Arrêts et de Correction de Rebeuss continue de hanter l'esprit de ceux qui y ont séjourné. Ceux-là en parlent encore la gorge nouée, en pensant aux brimades, aux violentes bagarres entre détenus, à la chaleur étouffante… sans compter les rackets, les chantages. Une vie de bagnards où les plus faibles sont broyés et soumis à des actes innommables. L'Observateur redessine les contours de l’ancienne chambre 09.
Les images ignobles des centres de redressement de Kara Sécurité dévoilées par la gendarmerie ont eu le mérite de raviver un sentiment d’indignation. Celui éprouvé par tous les détenus ayant séjournéRebeuss dans une cellule pas comme les autres : la chambre 9. Une minuscule pièce, 11m sur 7, où s’entassait un monde fou : plus de 200 détenus. Et où les conditions de vie étaient des plus exécrables. Inhumaines. Même supprimée, elle laisse des souvenirs intarissables. Lorsque Abibou Babou la découvre pour la première fois, ce fut comme une gifle. Une gifle si forte qu'il a mis beaucoup de temps pour s'en relever. C'était il y a 45 ans… en 1975. Âgé aujourd'hui de 60 ans, Abibou Babou fait partie de la quatrième promotion des gardiens de prison (c'est ainsi qu'on les appelait à l'époque). Ses premiers pas dans ce corps l'ont mené à la prison de Rebeuss qu'il appelle «La centrale». Stagiaire à l'époque, ce retraité au visage ridé, ventre bedonnant vit au quartier Minam de Thiaroye. Comme tous ses ex-collègues, il garde encore, dans un coin de sa mémoire, l'image de la chambre 09. «A l'époque, on entendait beaucoup parler de cette chambre pendant notre formation, on était alors tous pressé de la découvrir», souffle Abibou Babou. Qui hélas va la découvrir, estomaqué. «J’étais ébahi lorsqu'au premier jour je m’y suis aventuré», témoigne Abibou Babou. Accueilli par une chaleur moite et l’odeur fermentée de la sueur des détenus, l'ex-gardien désorienté confie avoir freiné des quatre pieds pour ne pas vider ce qu'il avait dans le ventre. «C'était une odeur pareille à celle des poubelles et j'ai dû me retenir pour ne pas vomir», se rappelle encore l'ex-gardien de prison Abibou Babou qui ne remettra les pieds dans cette chambre que 48 heures plus tard. Cette fois-ci, il reste figé à la porte après avoir longé le mur qui conduit à la chambre 09. «Je ne voulais pas comme la première fois que l'odeur nauséabonde et la chaleur me fouettent le visage, j’ai pu l’éviter en longeant le couloir pour parvenir à la chambre», se rappelle-t-il. Debout à l'entrée de cette cellule, il laisse promener son regard sur les détenus «entassés comme des sardines». Sonné, il découvre des détenus souffrant de malnutrition et la plupart, le corps couvert de boutons. Fallou Fall, ayant séjourné pendant 5 ans à ladite cellule (2001 à 2006) en détention préventive, confirme tout le mal qui se racontait sur cette «cellule de torture». «On a beau être un caïd, on ne s’habitue jamais à cette chambre. Déjà avant, j’entendais souvent parler de cette chambre qui renvoie l’image d’un local lugubre où les gens s’entassent et où seuls les plus forts ont la chance de résister. Cette image est revenue dans ma mémoire lorsqu’au premier jour de mon arrivée à la Prison de Rebeuss, revenant du parquet, le garde pénitentiaire m’a informé que désormais ma place sera à la chambre 9. J’ai frissonné, mais ce n’était rien par rapport à ce que j’ai ressenti quelques minutes plus tard, lorsqu’on a ouvert la porte de la chambre. J’ai été accueilli par un brouhaha indescriptible», se rappelle Fallou, ex pensionnaire de la prison de Rebeuss. Qui, comme pour confirmer l’ancien gardien de prison, déclare : «Je me suis demandé comment quelqu’un peut continuer à vivre dans ces conditions et personnellement si j’allais m’en tirer...» Plus loin que Abibou Babou, l’ancien pensionnaire de la chambre 9 se rappelle des morts d’hommes dans ce trou : «Il y avait également des détenus malades, leur santé se dégradait de jour en jour. Des décès, il y en a eu quand j’étais là-bas. Et j’avoue que ces décès m’ont marqué. C’est au réveil qu’on apprend qu’il y a eu un décès dans la chambre. Tout ça fait que vous perdez le moral très vite, alors que vous avez besoin de toutes vos forces, y compris le mental, pour survivre là-bas.»
«Le Béribéri et la gale faisaient beaucoup de victimes, les contaminations étaient fréquentes»
L’activiste rappeur «Fou Malade» a séjourné dans cette fameuse chambre. Pour décrire la vie dans cette ancienne cellule de la prison de Rebeuss, il y va sans gants. «C’est pendant mon deuxième séjour en prison que j’ai découvert l’horreur à la chambre 9. Nous étions 200 individus à nous y entasser. Et pendant la chaleur se développe un phénomène appelé «Tabou Sakh ou Tabou Diel» (des abcès desquels on extirpe des vers). C’était inhumain», se souvient le rappeur. Il laisse entendre que tout le monde était sensible face aux dures conditions des pensionnaires de cette lugubre chambre. «Des détenus qui craquent, qui disjonctent et qui engagent des bagarres très (il insiste) violentes qui conduisent souvent à de graves blessures. Les gens étaient couchés les pieds collés à la tête du codétenu. Il n’y a pas de mots pour décrire ce qui se passe dans cette chambre. En période de forte chaleur, j’y ai vu des détenus changer de peau comme s’ils étaient en train de muer comme les reptiles...», souffle Malal Talla, de son vrai nom. Une situation que l'ex-gardien de prison raconte d'une voix traînante parce que lourde de souvenirs. En s'intéressant de près aux détenus, Abibou Babou qui venait de boucler juste quelques semaines à la prison centrale comme stagiaire, découvre l'origine des deux maladies qui affectent le plus les pensionnaires de la chambre 09. Il confie : «Le Béribéri était essentiellement dû à la mauvaise alimentation constituée essentiellement de couscous assaisonné juste avec un liant obtenu à base de feuilles de baobab séchées et pilées (Lalo), alors que la gale était la conséquence logique de la promiscuité et de l'absence d'hygiène.» La gale très contagieuse se propageait alors très vite dans la chambre 09 au point que tous les jours, aux heures de promenade, on assistait à la ruée de détenus dans la cour pour exposer leurs habits au soleil. «L'image m'est restée encore plusieurs années après que j'ai quitté la prison centrale (Rebeuss) à la suite d'une affectation. C'était une manière pour les détenus vivant dans la chambre 09 de désinfecter leurs habits. Et cela donnait lieu à une énorme bousculade au point qu'on était obligé d'intervenir», revit Abibou Babou.
LE BOS DU PSE VEUT IDENTIFIER LES CAUSES STRUCTURELLES DES INÉGALITÉS
’’Le Projet d’Appui au Système d’Élaboration, de Monitoring et d’Evaluation des Politiques Publiques sensibles au genre (PASEMEPP) va contribuer à identifier les causes structurelles des inégalités au Sénégal’’, a notamment assuré El Ousseynou Kane
Dakar, 7 déc (APS) – Le Bureau opérationnel de suivi (BOS) du Plan Sénégal émergent (PSE) entend contribuer à l’identification des causes structurelles des inégalités dans le pays par le biais de son Projet d’appui au système d’élaboration, de monitoring et d’évaluation des politiques publiques sensibles au genre (PASEMEPP), a souligné lundi à Dakar, son directeur général.
’’Le Projet d’Appui au Système d’Élaboration, de Monitoring et d’Evaluation des Politiques Publiques sensibles au genre (PASEMEPP) va contribuer à identifier les causes structurelles des inégalités au Sénégal’’, a notamment assuré El Ousseynou Kane à l’atelier national de restitution dudit projet.
Me Kane a ainsi souligné la nécessité pour le projet de travailler conjointement avec les structures étatiques qui ont une plus grande maîtrise des enjeux et défis à relever.
’’Le BOS veut mettre à la disposition des autorités des données d’analyse et d’aide à la prise de décision fondées sur des outils scientifiques, et d’autre part permettre à ONU Femmes de résoudre les problèmes concrets rencontrés par les femmes dans la prise des décisions des politiques publiques’’, a réaffirmé son directeur général.
Il a expliqué qu’il n’était pas possible d’atteindre ces objectifs sans l’apport des innovations dans les approches et méthodologies ainsi que des outils d’analyse et d’aide crédibles.
Pour la représentante du bureau ONU Femmes au Sénégal, le PASEMEPP a été conçu sur la base de l’évaluation de la composante multilatérale du programme d’appui stratégique de l’équité et du genre.
’’Ce projet aussi complexe qu’il soit devient un projet innovant qui a mis en place un cadre harmonisé et mis ensemble des acteurs clés du développement du Sénégal’’, a ajouté Dieynaba Wane Ndiaye.
UN GAP DE 40% À COMBLER
En 2019, le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) a collecté 100 mille dons de sang, pour des besoins estimés à 160 mille, soit un gap de 40% à combler, a révélé lundi, son directeur général , le professeur Saliou Diop.
Diass (Mbour), 7 déc (APS) – En 2019, le Centre national de transfusion sanguine (CNTS) a collecté 100 mille dons de sang, pour des besoins estimés à 160 mille, soit un gap de 40% à combler, a révélé lundi, son directeur général, le professeur Saliou Diop.
‘’Quelque 100 mille dons de sang ont été collectés en 2019, pour des besoins estimés à 160 mille poches, soit un gap de 40% qu’il nous combler en 2020’’, a-t-il notamment dit au cours d’une activité de don de sang au niveau de l’Aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Diass (Mbour, ouest).
Cette journée de don de sang est une activité qui coïncide avec le troisième anniversaire de l’AIBD. Elle est à l’initiative de la société ‘’Téranga sûreté aéroportuaire’’ (TSA) qui, en partenariat avec le CNTS et l’ensemble des acteurs de la plateforme aéroportuaire, inscrit cette organisation dans ‘’une démarche citoyenne et solidaire’’ des enjeux de la santé publique.
‘’Ce don de sang est une contribution très efficace, puisque le don de sang est une activité utile à notre système de santé. La situation actuelle a été aggravée par la pandémie de Covid-19’’, a estimé le directeur général du CNTS.
Il pense qu’en 2020, il y aura, ‘’probablement’’, une réduction de 10% par rapport au nombre de dons que ses services ont reçu en 2019. ‘’Cela montre exactement qu’il faut beaucoup d’engagement, de contribution que nous attendons des communautés’’, espère Pr Diop, saluant la participation de TSA aux efforts de rendre disponible le produit sanguin dans les hôpitaux du Sénégal.
‘’Si nous avons suffisamment de sang, nous allons réduire la mortalité maternelle et infantile parce que 25% des causes de décès des femmes qui accouchent sont liées au manque de sang’’, a-t-il fait savoir.
Saliou Diop qui a estimé que le sang est un ‘’produit crucial’’ qui permet de traiter le cancer, l’insuffisance rénale, entre autres maladies, espère avoir une collecte d’au moins 200 poches de sang, à la fin de la journée.
Pour sa part, le directeur général de TSA, Jean-Martin Jampy, a souligné que la capacité de résilience du Sénégal face à la pandémie de Covid-19, qui a été saluée par le monde entier, a créé dans ce pays une ‘’solidarité impressionnante’’.
‘’Aujourd’hui, en décidant de participer à cet acte citoyen, le personnel de TSA porte cette image d’un personnel conscient des enjeux de santé publique qui vont de plus en plus influer désormais sur le transport aérien’’, a-t-il fait valoir.
Magnifiant la participation des autorités aéroportuaires dans cette activité du CNTS, afin de pouvoir les aider dans leur ‘’noble mission’’ de ‘’sauver des vies en donnant du sang’’, Jean-Martin Jampy dit avoir entendu le cri du cœur du CNTS qui, toute l’année, organise des campagnes de sensibilisation pour renforcer la banque nationale de sang.
2 DÉCÈS ET 76 NOUVEAUX CAS OFFICIALISÉS LUNDI
Le docteur El Hadji Mamadou Ndiaye a dans la foulée confirmé la guérison de 30 patients et le décès de deux autres ce dimanche.
Dakar, 7 déc (APS) – La tendance haussière des contaminations de Covid-19 s’est maintenue lundi avec l’officialisation par les autorités sanitaires de 76 nouvelles infections et de deux décès supplémentaires.
Les nouvelles infections proviennent de tests virologiques réalisés sur un échantillon de 1.231 individus au cours des dernières 24h, soit un taux de positivité de 6, 17 %, a notamment indiqué le directeur de la Prévention, au ministère de la Santé et de l’Action sociale.
S’exprimant lors du point quotidien sur la maladie retransmis en direct à la télévision publique (RTS), le docteur El Hadji Mamadou Ndiaye a précisé que 31 parmi ces nouveaux cas étaient des contacts suivis par les services sanitaires.
Il a également signalé un cas importé à partir de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass (AIBD), le reste (44) étant issus de la transmission communautaire.
Ces infections de source inconnue sont localisées dans différents quartiers de la région de Dakar (37) et de celles de Matam (5) et de Thiès (2).
Le docteur El Hadji Mamadou Ndiaye a dans la foulée confirmé la guérison de 30 patients et le décès de deux autres ce dimanche.
Depuis son apparition au Sénégal, le nouveau coronavirus a infecté 16.553 individus. 340 patients en sont morts et 15.806 autres ont recouvré la santé.
Actuellement, 406 patients, dont 11 dans un état grave, sont pris en charge dans des structures hospitalières ou suivis à domicile, d’après les données du ministère de la Santé et de l’Actions sociale.
ADULEES PAR LA TRADITION ET MARGINALISEES PAR L’ECONOMIE ET LA POLITIQUE
En Casamance, seules 2% des femmes accèdent à la terre par achat, moins de 15% par affectation et 25% par héritage. Une situation paradoxale dans cette région où les femmes occupent traditionnellement une place de choix
La Casamance est une terre de brassage culturel. C’est aussi une région où traditionnellement la femme occupe une place de premier plan. A travers son rôle nourricier, elle symbolise la vie et est la gardienne des traditions. Mais paradoxalement, sur les plans économique et politique, les femmes sont marginalisées. Selon la juriste Diana Sally Dabo, en Casamance, seules 2% des femmes accèdent à la terre par achat, moins de 15% par affectation et 25% par héritage. Elle participait au premier panel de la 2e édition du «Gingembre littéraire» de continentpremier.com, organisé cette année à Ziguinchor et Sédhiou.
La Casamance est une terre de brassage avec une grande diversité ethnolinguistique. Toutes les sociétés traditionnelles qui la composent partagent des valeurs. Elles se retrouvent essentiellement autour d’une constante, le rôle majeur de la femme dans la préservation de la cohésion sociale. Pour la 2e édition du Gingembre littéraire, organisée par Gorgui Wade Ndoye de Continentpremier.com à Ziguinchor, le démarrage a été marqué par un panel exclusivement féminin durant lequel les participantes ont débattu autour du thème «Casamance, terre des femmes». Mais malgré ce rôle prépondérant que les femmes jouent sur le plan traditionnel, force est de constater que sur le plan économique ou politique, elles sont loin d’être représentatives. C’est le constat de la notaire Me Diana Sally Dabo. «Tout n’est pas si rose», fait remarquer la notaire qui apportait un éclairage juridique sur la thématique.
Pour preuve, elle donne des chiffres édifiants. En effet, en matière d’accès au foncier, seules 2% des femmes ont accès à des terres par achat, moins de 15% par affectation et 25% par héritage. «Elles sont ouvrières manœuvres, mais pas propriétaires», indique Me Dabo. «Les papiers restent au nom d’un homme et il est important de les pousser à faire des demandes d’affection de terre au même titre que les hommes», plaide Me Dabo.
Pourtant, ce sont les femmes qui représentent 70% de la main-d’œuvre dans la production agricole en zone rurale. Et la Casamance ne fait pas exception. En outre, dans cette région, la culture du riz est du domaine des femmes. Mais le constat de Me Dabo montre qu’elles sont surtout organisées en Groupements d’intérêt économique (Gie) pendant que très peu de sociétés sont dirigées par des femmes. «Les femmes sont marginalisées économiquement, socialement et politiquement», conclut la paneliste qui déplore le manque d’information des femmes qui fait que les terres sont toujours gérées par les hommes.
Résultat, les femmes n’ont droit qu’à de petites parcelles infertiles, incultivables et sont souvent sans moyens d’accéder aux intrants. «La Casamance est en zone rurale et il y a très peu de titres fonciers. Nous sommes dans le domaine national et la coutume qui gère et règle les problèmes va à l’encontre de certaines règles de droit. Et il est important de rappeler que même s’il y a un homme chef de famille, la femme a autant de droits et ne devrait pas être écartée des héritages.»
Selon Me Dabo, «les femmes ignorent même qu’elles ont les mêmes droits que les hommes quant au foncier, puisque le Sénégal a signé et ratifié toutes les conventions internationales sur cette question». Sur le plan traditionnel, «elles sont défavorisées par les règles coutumières de succession. Quand il s’agit de sortir du cadre familial, c’est l’homme qui reprend la main et qui est souvent dans un rôle politique. Les maires sont très souvent des hommes par exemple et les femmes sont très peu représentées», constate-t-elle.
Rôle prépondérant dans la tradition diola Si les femmes sont loin d’occuper les premières places dans les secteurs économiques et politiques, dans le champ traditionnel, elles sont aux premières loges. C’est ce que Mme Ndèye Marie Thiam, présidente de la Plateforme des femmes pour la paix, a tenu à souligner. La place prépondérante des femmes dans les sociétés traditionnelles leur confère un leadership dans la société, indique-t-elle. «Les femmes donnent leur avis et ont le droit d’intervenir dans les conflits en s’interposant si besoin en est entre les belligérants», dit-elle. Mme Thiam estime que la femme casamançaise est le pilier de la société. «La socialisation des femmes se fait par les sœurs aînées et après l’initiation au bois sacré, chaque génération se sent responsable vis-à-vis des autres groupes d’âge de la société», explique-telle. Dans ces sociétés essentiellement matrilinéaires, on célèbre le pouvoir de donner la vie, de la porter et de la préserver. Et aux premières heures du conflit casamançais, les femmes se sont fortement mobilisées pour participer au conflit.
Ainsi, Mme Thiam indique que ce sont elles-mêmes qui ont pris en charge certaines bases rebelles du front nord comme Diaakay en assurant la «protection mystique», aussi bien des combattants que des lieux de retraite. «Les femmes se sont engagées dans ce conflit parce qu’elles étaient conscientes des problèmes de justice sociale, de gestion du foncier.»
Le conflit se poursuivant au fil des années, elles ont aussi été particulièrement touchées par les exactions, les violences, les déplacements de population et la détérioration du niveau de vie. C’est ainsi qu’aujourd’hui, indique Mme Thiam, elles ont changé de posture pour s’impliquer dans la recherche d’une solution à ce conflit et pour le retour de la paix.
A partir de 2010, des mouvements de femmes commencent alors à émerger pour revendiquer un règlement définitif de la crise. C’est le cas de la Plateforme des femmes constituée par les associations Usoforal et Kabonketor. Si l’on a longtemps parlé de «Monsieur Casamance» pour désigner les principaux négociateurs, de nos jours les femmes revendiquent aussi leur pleine implication dans ce processus de paix.
«L’ELEVE MACKY SALL A BATTU LE MAITRE ABDOULAYE WADE»
Pape Samba Mboup approuve les retrouvailles libérales marquées aujourd’hui par le ralliement de Idrissa Seck et Oumar Sarr au camp du pouvoir, et est aussi très en colère contre Serigne Modou Kara
Pape Samba Mboup approuve les retrouvailles libérales marquées aujourd’hui par le ralliement de Idrissa Seck et Oumar Sarr au camp du pouvoir. Sur cette prouesse et d’autres, il est formel : «L’élève Macky Sall a battu le maître Abdoulaye Wade.» Il y invite également son ancien mentor, son «idole», Abdoulaye Wade. Karim aussi, «s’il est un Libéral». C’est aussi un Alfred sensible qui veut se réconcilier avec Wade et qui supplie le Président Macky Sall de tout faire pour que Wade-fils soit aux côtés de son père très âgé. C’est aussi un Mboup très en colère contre Serigne Modou Kara. «Il ne faut pas que l’on condamne des lampistes et qu’on laisse les commanditaires», a-t-il dit. Il le dit en connaissance de cause puisque ses deux neveux ont vécu ces centres de redressement.
Que pensez-vous de ce gouvernement dit d’ouverture ?
J’approuve ce gouvernement d’ouverture. Qu’un président de la République pense qu’il doit rassembler des hommes et des femmes qui ont de l’expertise, c’est une très bonne chose. Quand quelqu’un comme Idrissa Seck laisse tout tomber pour servir le pays, malgré la désapprobation de gens malintentionnés, je crois qu’il doit être félicité pour son patriotisme. C’est le cas aussi de Aïssata Tall Sall, de Oumar Sarr du Pds et consorts. Pourtant, c’est Oumar Sarr lui-même qui nous a renvoyés du Comité directeur du Pds, Farba Senghor et moi. Néanmoins, je me réjouis qu’il ait accepté la main tendue du président de la République.
Oumar Sarr et les autres n’avaient pas compris…
Ils n’avaient pas compris ou alors il faisait semblant de ne pas comprendre. Mais Farba et moi étions les premiers à attirer l’attention du parti sur le fait que nous risquons de ne pas avoir de candidat et qu’il faut, en conséquence, en trouver un autre parce qu’il est impensable que le Pds, ce grand parti, rate une seule élection. Si on réveillait Boubacar Sall et tant d’autres militants qui se sont battus, ils n’en reviendraient pas. C’est ce que nous voulions éviter au Pds. Et quand nous l’avons dit, le Comité directeur, présidé par Oumar Sarr, nous a renvoyés. Mais je comprends Oumar Sarr, Babacar gaye, El Hadj Amadou Sall parce que tout simplement à un moment donné, ils ne pouvaient pas abandonner Abdoulaye Wade au milieu du gué.
Et pourtant vous l’avez fait, vous et Farba Senghor…
Nous ne l’avons pas fait, on nous a renvoyés. Ils savaient que ça n’irait nulle part. Il faut reconnaître que le Pds, c’est fini. Aujourd’hui, ils sont avec le Président Macky Sall. Alors, il vaut mieux tard que jamais ! Ils ont fait le bon choix. Quand le président de la République vous appelle à venir participer à la construction du pays, on ne peut pas le refuser. Certains ne sont contents que lorsque le pays est en ébullition.
Mais c’est quand même des gens qui ont combattu le régime de Macky Sall…
Mais la politique n’est pas une science exacte. Elle est fluctuante. Il doit y avoir de la morale aussi, non ?
Je vous dis que la politique est une cascade de changements. Même le monde entier a changé à cause du Covid-19. Il y a des gens qui avaient certaines pensées et qui les ont revues. Le Covid-19 a fait que certains politiciens ont changé de position.
Comment comprenez-vous le ralliement de Idrissa Seck au camp du pouvoir ?
Idrissa Seck est un patriote, nous avons travaillé ensemble. Le pays traverse une situation due à la pandémie de Covid-19. Si le Président a fait appel à lui, c’est parce qu’il a de l’expertise. Il est à encourager. Encore une fois, la politique est une succession d’événements qui peuvent changer des postures.
C’est la politique qui change ou ce sont les hommes ?
C’est la politique qui fait changer les hommes. La preuve, par deux fois, Abdoulaye Wade est entré dans un gouvernement de Diouf. Chaque fois qu’il entrait, j’étais avec lui. La première fois, on était dans la Conférence nationale des chefs des partis de l’opposition (Conacpo) qui regroupait les Majhemout Diop, Mbaye Niang, Mamadou Dia, Dansokho, Landing, Bathily. Un jour, il a été reçu par Abdou Diouf et le lendemain il est allé rejoindre le gouvernement sans rien dire aux autres, ce qui avait mis fin d’ailleurs à la Conacpo. C’est que quand il a discuté avec Abdou Diouf, il a compris qu’il devait collaborer avec lui parce que la situation le demandait. Et il l’a fait deux fois. Les réunions se tenaient tous les soirs chez Mamadou Dia, et moi je faisais partie des plénipotentiaires.
C’est quand même la famille libérale qui est en train de se reconstituer autour de Macky Sall…
Je souhaite que tous les Libéraux se retrouvent autour de Macky parce que c’est un Libéral et il travaille. En tout cas, ceux qui sont au Pds aujourd’hui ne sont pas des Libéraux authentiques, mais des «Karimistes» ou militants de la Génération du concret. Il n’y a que Meïssa Sall, Lamine Thiam, Assane Ba. L’autre jour, dans la salle de réunion des leaders de Benno bokk yaakaar, quand j’ai vu des gens comme Oumar Sarr, Modou Diagne Fada, Farba Senghor, je me suis dit que tous les Libéraux significatifs sont là.
Idrissa Seck aussi…
Oui Idrissa Seck. On l’a poussé à la sortie. Nous on nous a renvoyés. D’ailleurs, je refuse qu’on me traite de transhumant parce que si on ne m’avait pas renvoyé de ce Pds, j’y serais encore aujourd’hui.
Vous aviez aussi la latitude de rester dans l’opposition, non ?
Mais quand on m’a renvoyé, aucun responsable de l’opposition n’a fait appel à moi. Ils m’ont laissé en jachère pendant presque 2 ans, jusqu’au jour où Macky a pris son téléphone pour me dire : «Puisque on t’a renvoyé du Pds, tu es un Libéral comme moi, alors viens me soutenir.» Je ne pouvais pas dire non. Ce n’est pas parce qu’on m’a renvoyé du Pds que je vais mettre fin à ma carrière politique. J’ai quand même des ambitions.
Lesquelles ?
J’ai l’ambition de servir le pays n’importe où. Même le fait de vous parler c’est servir le pays parce qu’on peut s’en inspirer pour le développer.
Racontez-nous vos retrouvailles avec Idrissa Seck lors de la réunion des leaders de Bby !
Non, mais on se voyait déjà souvent puisque j’allais chez lui. A part nos divergences politiques, nous n’avons pas de problème. Nous sommes des cousins. J’ai l’habitude de l’appeler Ndiomborton et il en était content. Parce que c’est un fils de Wade, le ndiombor. Idy est un homme entier, loyal, un intellectuel, un cadre qui ne sait pas tricher. Quand il se donne il le fait entièrement.
Aujourd’hui qu’on parle de retrouvailles libérales, quel appel lanceriez-vous à Karim Wade et son père ?
Karim Wade ? Je n’ai pas d’appel à lui lancer. Je n’ai pas de ses nouvelles. On ne s’appelle pas. Mais franchement, j’aurais souhaité qu’on le laisse venir auprès de son père qui est très âgé et qui a besoin de l’affection de ses enfants. Maintenant, je souhaite que tous les Libéraux se retrouvent sans exception. Si Karim est un Libéral, il a sa place là-bas.
Vous ne savez pas si Karim est un Libéral ?
Non, je ne sais pas. Il n’avait pas la carte du Pds.
Comment ça, alors qu’il a été même le candidat du Pds…
Il est venu avec sa Génération du concret. Peut-être qu’on lui a confectionné une carte antidatée (Rires).
Mais on dit que c’est Karim qui ne veut pas rentrer…
Ah non, il ne peut pas venir parce qu’il n’a pas les 138 milliards qu’il doit au Peuple sénégalais. La justice l’a condamné et il doit rembourser. Donc il ne peut pas venir s’il n’est pas amnistié.
Justement, on parle d’un projet de loi d’amnistie qui serait dans le circuit…
Moi je ne suis pas dans le circuit.
Mais vous le souhaiteriez ?
Je souhaite, je ne sais pas par quelle alchimie, qu’on lui permette d’être auprès de son père. C’est une question d’humanité parce que ce pauvre Abdoulaye Wade a quand même fait beaucoup pour ce pays. Il ne mérite pas ça, bien que ce soit son fils qui est à l’origine de ce qui lui est arrivé. Si son fils n’était pas impliqué dans les affaires de l’Etat, on n’en serait pas là aujourd’hui. Abdoulaye Wade n’a qu’à en vouloir à son fils.
Que demanderiez-vous au Président Sall aujourd’hui à propos de Karim Wade ?
Je demande au Président de réunir toute la famille libérale autour de lui.
Y compris Karim Wade ?
Toute la famille libérale. Ceux qui veulent être autour de lui n’ont qu’à venir. Même Karim Wade a sa place aux côtés de Macky. Après ses bonnes relations avec Abdoulaye Wade, il ne peut pas en vouloir à son fils. C’est pourquoi je demande à Macky d’essayer de voir avec la justice comment il peut faire pour qu’il permette à ce gosse-là d’être aux côtés de son père qui a besoin de lui.
Après cette prouesse du ralliement de Idy et d’autres Libéraux, peut-on dire que l’élève Macky Sall a battu le maître Abdoulaye Wade ?
Ah oui, il l’a battu. D’abord Macky a réussi à déboulonner Abdoulaye Wade. Ensuite, il a eu quand même l’audace, la perspicacité et l’intelligence de terminer les chantiers de Wade, mais il en a fait beaucoup d’autres d’ailleurs. Il a même fait plus que Wade. Il a encore d’autres projets qui vont bientôt naître, sans compter ceux qui sont en construction. Je trouve qu’il fait du bon travail. Il a compris que, comme le disait Abdoulaye Wade, pour développer un pays, il faut des infrastructures solides. Sur ce plan, le Sénégal n’a plus rien à envier aux autres pays africains.
Wade voulait que les Libéraux conservent le pouvoir pendant 50 ans. Est-ce qu’aujourd’hui Macky Sall serait dans cette logique-là ?
C’est possible. Les libéraux peuvent conserver le pouvoir pendant un siècle parce qu’il y n’a plus rien à part eux. Si les Libéraux se retrouvent, ils seront là autant d’années qu’ils le voudront.
Mais dans l’opposition aujourd’hui il y a d’autres forces…
Il y a juste quelques gens qui font de l’agitation.
Certains pensent que Idrissa Seck a laissé le boulevard à Ousmane Sonko qui est arrivé troisième…
Je n’ai rien contre Ousmane Sonko. Il est de la Casamance comme moi. Je lui souhaite un jour d’être président de la République. Mais ce n’est pas comme ça qu’il faut travailler. Abdoulaye Wade est resté 26 ans dans l’opposition. Il ne peut pas venir aujourd’hui et dire qu’il faut que je sois demain président de la République.
Mais ça se sont les Sénégalais qui décident non ?
En 2019, les Sénégalais ont décidé qu’il ne soit pas président de la République. Il n’a qu’à faire comme ses aînés, c’est-à-dire travailler et être patient parce qu’il y a des réalités. Il faut connaître le pays, le mailler et cela prend du temps.
Mais il a quand même un noyau contre le système dont il parle…
Pour un coup d’essai, il a fait un coup de maître parce qu’il est arrivé troisième. Qu’il continue à travailler ! Quand son tour viendra, il sera Président.
Comment voyez-vous l’antisystème revendiqué par Sonko ?
Je ne sais même quel contenu il met dans l’antisystème. Il est jeune et draine beaucoup de jeunes avec lui. Et avec le discours qu’il tient, il charme certains activistes, des jeunes. Mais tous les jeunes sont des rebelles. Quand ils voient un rebelle qui veut être Président, ils le suivent.
Il a incarné ce que Wade a incarné à un moment donné…
Voilà ! Wade a commencé comme ça au début. Mais il mettait les formes. Il ne tirait pas sur tout ce qui bouge, il restait conciliant. Et chaque fois qu’il fallait entrer dans le gouvernement pour le Sénégal, il le faisait. Il n’était pas radical comme Sonko. Je le conseille d’être moins radical et moins fougueux et d’avoir de la patience comme il a débuté comme ça. Parce que pour sa première élection présidentielle, il est devenu troisième. Il a dépassé des gens qui étaient là avant lui. Donc il peut espérer un jour. Mais ce n’est pas demain ni après-demain. C’est une longue bataille. Il n’a qu’à demander à Wade. Ce n’est pas parce que l’on dénonce des choses, que l’on attaque ou que l’on dise de gros mots que des gens vont voter pour vous. Mais ce n’est pas ça.
Quel est votre avis sur le débat autour du 3ème mandat qui est agité ?
D’abord, je trouve qu’il est prématuré de parler d’un troisième mandat. Je crois qu’on ne doit pas installer le Sénégal tout le temps dans des polémiques. L’heure est au travail. Maintenant, pour le troisième mandat, seul le Conseil constitutionnel est habilité à dire si Macky Sall peut être candidat pour une troisième fois ou non. Tout le reste, c’est des spéculations. Macky n’a pas dit qu’il veut un troisième mandat. Vous l’avez entendu le dire ?
Non, mais certains de ses proches y sont favorables aujourd’hui…
Ce sont ses proches, mais pas lui. Chacun peut avoir son opinion. Il va prendre toutes ces opinions et en faire la synthèse pour prendre la bonne décision.
Personnellement, souhaiteriez-vous qu’il brigue un troisième mandat ?
On dit qu’on ne change pas une équipe qui gagne. Je sais qu’il travaille bien. Pour dire la vérité, j’aurais souhaité qu’il reste encore parce qu’il a des chantiers à faire et il est en train de réconcilier les Sénégalais.
Mais c’est ce qu’on disait de Me Wade aussi non, qu’on aurait souhaité qu’il reste parce qu’il travaillait ?
Oui, on le disait de Me Wade. Mais il y a eu une interférence de son fils, Karim, qui a tout gâché, qui nous a ramenés dans l’opposition avec sa Génération du concret. N’eut-été le fils, peut-être que Abdoulaye Wade serait encore là. Son fils l’a poussé à se défaire de Macky. Ils en ont fait un martyr et Macky faisait ombrage à Karim, comme Idrissa Seck d’ailleurs à un moment donné.
Vous aussi, vous avez quand même combattu Idrissa Seck…
J’ai combattu Idrissa Seck à l’époque pour Wade. Quand il me dit fait ça, je le fais. C’était quand même mon idole.
Il reste toujours votre idole ?
Oui, il est toujours mon idole.
Vous avez de ses nouvelles ?
Je n’ai pas de ses nouvelles.
Vous n’allez pas le voir ?
J’ai tout fait, mais on me bloque.
Qui est-ce qui vous bloque ?
Là-bas à l’entrée, on ne peut pas aller comme ça voir quelqu’un. On appelle, on demande une audience, mais il n’y a jamais de suivi. Mais j’aimerais bien le voir. J’ai dit à tout le monde que je veux vraiment me réconcilier avec Abdoulaye Wade, je veux parler avec lui pour ma talli sama baammeel. Il a beaucoup fait pour moi, comme j’ai beaucoup travaillé pour lui aussi.
Vous voulez le voir avant qu’il nous quitte ?
Oui, j’aimerais le voir avant de rejoindre l’autre pays-là, mon château là-bas (rires) c’est clair, je n’ai fait aucun mal dans ma vie.
L’autre actualité, c’est quand même cette affaire des centres de redressement de Serigne Modou Kara. Qu’est-ce que vous en pensez ?
C’est un précédent dangereux. Ici au Sénégal, il faut qu’on se dise la vérité. On a l’habitude de punir les lampistes et de laisser tomber les commanditaires. Je crois que c’est une affaire qu’il faut définitivement régler. Ce n’est pas normal que des personnes qui ont confiance en vous vous confient leurs enfants pour les redresser, vous les torturer, vous leur donnez du chanvre indien. Moi, j’ai vécu l’expérience avec ces centres-là. J’avais deux neveux qui étaient un peu désaxés. J’étais au pouvoir et je lui parlé de mes neveux. Il me dit qu’il a un centre où ils seront bien traités.
Qui est-ce qui disait ça ?
Modou Kara lui-même, au téléphone. Il m’a envoyé ses hommes qui sont venus chercher les enfants. Mais il fallait voir comment ils sont venus chez moi : comme des commandos. Je leur ai donné un matelas, un téléviseur, parce qu’ils devaient partager la même chambre et une chaîne à musique pour qu’ils ne s’ennuient pas. Au bout de quelque temps, quand j’ai été les voir dans le centre, ils m’ont dit : «Ici, on passe notre temps à chanter, à fumer du chanvre indien.» Vous vous rendez compte ! Quand ils m’ont dit ça, j’ai appelé le marabout. Je lui ai dit : «Moi je ramène mes neveux à la maison.» Il me rétorque : «Ah, tu me dois 19 millions en une semaine.» Je dis : «Mais où est-ce que je vais trouver 19 millions ? Pour moi, vous le faisiez pour Dieu.» Il me dit : «Non, tu dois payer.» Et c’est comme ça qu’ils ont confisqué tout ce que les enfants avaient amené. C’est vous dire que j’ai vécu cette situation, je sais ce qui se passe.
Vous avez fini par payer ou pas ?
Pourquoi payer ? On leur donne du chanvre et vous voulez que je paie. L’Etat doit sévir parce que j’ai appris qu’il y a même des morts. Je félicite les gendarmes qui ont eu le courage d’aller dans ces centres-là. La justice doit aller jusqu’au bout de cette affaire. Il ne faut pas que l’on condamne des lampistes et qu’on laisse les commanditaires. Ces gens-là n’osent rien faire sans lui (Kara) et l’argent qu’ils récoltent ils le lui remettaient. C’est lui le chef des centres et il ne peut pas ne pas savoir ce qui s’y passe.
Il a quand même demandé pardon…
Mais c’est facile, la loi est là pour tout le monde.
Ce n’est pas du redressement ?
Quel redressement, c’est de l’abrutissement parce qu’on les diminue physiquement et psychologiquement.
C’est aussi la responsabilité des parents, non ?
Mais les parents ne savent pas ce qui se passe à l’intérieur de ces centres-là et les enfants n’osent pas leur dire parce qu’on les menace. Moi ce sont mes neveux qui m’ont raconté ce qui se passait là-bas.
Mais vous aussi vous saviez qu’il y avait de la torture dans ces centres et vous ne l’avez pas dénoncé…
Non ils n’osaient pas torturer mes neveux parce qu’ils me connaissaient, mais on leur donnait du chanvre. Et puis, je ne pouvais pas porter plainte parce que ce serait un coup d’épée dans l’eau. Ça n’irait nulle part.
Est-ce que ce n’est pas ce qui risque de se passer aujourd’hui encore ?
En tout cas, il faut que ça s’arrête, ce n’est pas normal, il est justiciable comme tout le monde. Il ne doit pas y avoir une justice pour fils à papa et une justice pour les cultivateurs.
Par Madiambal DIAGNE
L’ARMEE MONTE EN PUISSANCE
Le Sénégal est en train de redéfinir sa carte sécuritaire. Dans cette logique, il a choisi d’installer davantage de bases militaires dans les zones frontalières et régions sensibles, tout en permettant des déploiements rapides des troupes
Une vidéo virale a circulé les derniers jours sur les réseaux sociaux, mettant en scène le gouverneur de la région de Tambacounda, Mamadou Baldé, entouré de quelques officiers militaires, donnant l’air de faire un point de presse sur une supposée attaque armée contre le Sénégal. La vidéo a suscité de vives craintes dans les chaumières, mais il s’avère que cet enregistrement faisait partie d’un scénario bien écrit des dernières manœuvres militaires de l’Armée sénégalaise dans l’Est du pays. Les forces de sécurité et de défense se préparent ainsi, pour s’aguerrir contre une menace terroriste, plus que jamais présente à nos frontières terrestres. En effet, On assiste depuis plusieurs années, à la déliquescence inexorable de l’autorité de l’Etat dans de vastes territoires de la sous-région ouest-africaine. C’est notamment le cas, dans certaines grandes parties du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Nigeria. Les enjeux sécuritaires de notre sous-région conduisent à un renforcement de la stratégie de défense nationale et une politique de mise à niveau des capacités matérielles et opérationnelles des forces de défense et de sécurité. La fragilité de pays voisins et la multiplication d’attaques de groupes terroristes, extrémistes et/ou sécessionnistes posent l’impératif d’intégrité territoriale à l’Etat du Sénégal. Cet enjeu est porté par le bras droit de l’Etat, à savoir les forces de défense et de sécurité qui, depuis cinq ou six années, abordent la problématique de la sécurité nationale avec le paradigme de risque terroriste et de périls insurrectionnels, le danger du trafic de drogue et de la criminalité qui en découle. Macky Sall semble avoir été à l’école de Fénélon qui disait : «Il faut toujours être prêt à faire la guerre, pour ne pas être réduit au malheur de la faire.»
Des bases avancées pour mailler le territoire
Le Sénégal est en train de redéfinir sa carte sécuritaire. Dans cette logique, il a choisi d’installer davantage de bases militaires dans les zones frontalières et régions sensibles, tout en permettant des déploiements rapides des troupes. Les deux préoccupations majeures que sont les troubles au Mali voisin et l’exploitation prochaine des hydrocarbures en haute mer, imposent des capacités de réponse pour éviter tout péril. L’Est du pays est donc un front sur lequel l’Etat anticipe et essaie de dresser des remparts pour bloquer toute poussée extrémiste pouvant venir du Mali ou de la Mauritanie.
La série d’exercices Falémé 2020 qui s’est donc tenue en fin novembre, atteste de la préoccupation des autorités militaires d’être prêtes à répondre à toute attaque venant de l’Est du pays. Comme le soutient le chef d’Etat major des Armées, le général Birame Diop, l’objectif recherché à travers les manœuvres et la nouvelle stratégie des forces de défense et de sécurité «est de mieux former et mieux préparer les éléments des forces de défense et de sécurité à d’éventuelles attaques des terroristes ou à toute autre attaque de quelque nature qu’elle puisse être. Depuis quelque temps, la sous-région fait face à des défis sécuritaires complexes et très aigus, dont la prise en charge nécessite une posture d’anticipation». Dans un même ordre d’idées, le chroniqueur Yoro Dia soulignait dans ces colonnes, en commentant la construction d’une base à Goudiry, qu’il faut pour l’Etat du Sénégal «éviter l’effondrement du Mali» qui «est le premier problème de sécurité nationale du Sénégal, car cela entre dans le cadre d’une logique de défense préventive, qui veut qu’on n’attende pas les jihadistes à nos frontières, mais les contenir au Mali, c’est-à-dire aider les Maliens à les contenir». Le péril terroriste est considéré comme une menace première, mais n’empêche que d’autres préoccupations sécuritaires sont prises en compte, notamment dans les zones frontalières. La Gendarmerie nationale a ainsi décidé, pour la zone Sud, d’autonomiser la région de Kolda en y établissant une légion territoriale afin de pouvoir couvrir les zones frontalières et de faire face aux trafics et éventuelles menaces propres à cette zone. L’idée d’ensemble est donc d’arriver à couvrir tout le territoire national pour permettre d’anticiper sur les questions sécuritaires et d’y répondre au plus vite.
Une montée en puissance à encourager
Dans une chronique en date d’octobre 2019 intitulée «Nos hélicoptères qui tombent comme des pierres», nous soutenions, face à l’obsolescence du matériel de certaines de nos armées, de renforcer la politique de mise à niveau des équipements des troupes sénégalaises. Nous affirmions que «la mission des Armées est d’assurer la défense et la préservation du bien commun. Pour une telle mission, il faut mettre les moyens conséquents tant en hommes qu’en équipements. Aucune considération d’économie, de rentabilité ou de gains pécuniaires ne doit être prise en compte dans la mise à disposition des ressources des Armées. Le général Mamadou Mansour Seck, dans sa thèse soutenue en 1974 à l’Ecole supérieure de guerre de Paris, publiée dans un livre intitulé Nécessité d’une armée, soutient qu’il est «inconséquent de parler de rentabilité» concernant les Armées et leurs ressources». Il va de soi que le prix de la paix est nécessairement l’effort de guerre. Cet effort est aussi bien humain que matériel.
Il est annoncé l’acquisition par l’armée de l’air d’avions de chasse de type L-39 Albatros, dans un programme conjoint avec la République Tchèque. De même, il est à noter l’acquisition d’un avion de transport de troupes CN 235 qui permettra un convoyage plus facile dans certaines zones. La Marine nationale n’est pas en reste, avec les enjeux posés par l’exploitation des hydrocarbures en haute mer, les pêches illicites, l’émigration clandestine et l’interception des trafics en tous genres. Des commandes de navires ont pu être faites. Trois patrouilleurs OPV58S pour des opérations de surveillance et d’interception ont été commandés chez le groupe français Piriou. Des missiles anti-navires font également partie des nouveaux outils dont se dote la marine sénégalaise.
La publication «Confidentiel, la lettre quotidienne», en date du 5 décembre 2020, renseigne que les nouveaux navires commandés par la marine sénégalaise ont commencé́ à impressionner. D’ici deux à trois ans, l’Armée sénégalaise sera sans doute la plus équipée du voisinage, avec des missiles de dernière génération. On y souligne que «le 21 octobre, le général Birame DIop, chef d’état-major général des forces armées du Sénégal, et l’amiral Oumar Wade, chef d’état-major de la marine du Sénégal, ont assisté à la cérémonie de découpe de l’acier du premier des trois patrouilleurs hauturiers commandés par le Sénégal. L’OPV 58 S sera équipé de missiles anti-navires MARTE MK2 / N. Avec la capacité de frapper à des distances de plus de 30 kilomètres et grâce à leur capacité de feu, ces missiles donneront les moyens à la marine sénégalaise de faire valoir sa supériorité maritime. Les navires bénéficieront également du système de défense aérienne SIMBAD-RC et de ses missiles MISTRAL – cette combinaison offrant une capacité de défense extrêmement efficace contre toutes les menaces, y compris les missiles anti-navires, les avions de combat, les UAV, les hélicoptères, ainsi que les petites menaces de surface. Plusieurs pays voisins se sont approchés de la France pour voir les moyens de pouvoir acheter comme le Sénégal de telles armes. Deux obstacles pour eux : le budget et la confiance de la diplomatie française. Connu pour être un pays stable, le Sénégal a la confiance du monde occidental pour s’armer à sa guise en vue de se défendre pour ses futures installations pétrolières».
Certains bâtiments livrés depuis 2017, dont les patrouilleurs «Fouladou» et «Kédougou», contribuent à la surveillance renforcée des eaux sénégalaises. Ils permettent aussi une projection sur les côtes ouest-africaines, sécurisant les voies de passage de navires commerciaux au départ des ports de Dakar et de Ziguinchor. La décision de renforcer les bases navales d’Elinkine et l’érection d’une unité de marine dans les îles du Saloum et à Saint-Louis, avec des capacités de couvrir le cours du fleuve Sénégal, rentre également dans cette stratégie des forces de défense et de sécurité d’anticiper un tout sécuritaire.
Cette montée en puissance des Armées sénégalaises sous la gouvernance de Macky Sall, est l’action publique la plus silencieuse et déterminante dans la stratégie de sécurité de notre pays. Un ami m’interpellait en septembre dernier, lors de la réception par le ministre des Forces armées Sidiki Kaba de plus de 200 véhicules de transport et de combat. Il considérait ces acquisitions comme surdimensionnées, pour un pays comme le nôtre, jouissant de stabilité. Je lui répondis que c’est pour conserver cette stabilité et surtout se mettre à niveau face à des menaces plurielles que ces investissements étaient faits, en réponse aux attentes des troupes sénégalaises. Il peinait à accepter une telle idée, faisant perdurer le débat sur l’opportunité des dépenses militaires pour les nations. Il faudra une sensibilisation de l’opinion sénégalaise sur les enjeux sécuritaires et toute cette dynamique d’anticipation et d’avant-garde de nos forces armées, car le mal toque à nos portes et aucun effort pour l’endiguer n’est à négliger.
Les retards pour l’armée de l’air
On l’a dit, le Sénégal a passé commande d’aéronefs pour renforcer son arsenal aérien. L’armée de l’air a beaucoup souffert de l’indisponibilité de trois de ses hélicoptères de combat, dont un tombé à Toubacouta dans le cadre d’une mission civile, un autre tombé en Centrafrique et un autre gravement endommagé par le souffle d’un avion militaire en Centrafrique. Le Sénégal resterait encore à attendre de trouver un accord avec l’Onu pour d’éventuels dédommagements relatifs à ces incidents. Mais il demeure que l’armée de l’air éprouve un réel besoin de se voir doter, dans les plus brefs délais, de moyens d’intervention aérienne. C’est aussi l’occasion de s’interroger, comme de nombreux officiers d’ailleurs, sur la politique qui consiste à mettre à la disposition des troupes pour des missions d’intervention à l’étranger, des moyens aériens alors que les troupes restées au pays n’arrivent presque plus à voler faute d’engins en bon état de navigation.
Il serait néanmoins intéressant de jeter un coup d’œil sur les tableaux indiquant l’évolution des dépenses consacrées à la défense et à la sécurité de 2015 à maintenant. On se rend compte que les allocations budgétaires consacrées au ministère des Forces armées, au ministère de l’Intérieur, au ministère de la pêche et de l’économie maritime et à la Direction générale des douanes pour l’acquisition de matériels et équipements sécuritaires sont sensiblement les mêmes, d’une année à une autre. De 2016 à 2019, le budget du ministère des Forces armées n’a évolué que de 180 milliards à 200 milliards de francs Cfa. Autrement dit, si dans le même temps, le Sénégal arrive à pouvoir s’offrir des équipements nouveaux, plus opérationnels et répondant mieux aux besoins tactiques des troupes, c’est sans doute parce que ces crédits ont été mieux dépensés. La présumée nouvelle puissance de feu du Sénégal semble avoir pris de court les observateurs. Depuis 2016, le Sénégal n’apparait pas sur le classement du Global Fire Power, organe américain spécialisé pour évaluer la puissance de feu des pays.
La concertation comme clé
Les autorités sénégalaises, dans ce virage sécuritaire, œuvrent dans une logique conciliante afin d’avoir toutes les préoccupations des différentes composantes des populations et des réalités des différents territoires. A cet effet, le Centre des hautes études de défense et de sécurité mène des consultations pour la mise en place du Document de sécurité nationale. Une équipe est à la rencontre dans chaque région des acteurs de la sécurité et des différentes composantes de la société. Le but de cet exercice est de rendre les dispositifs sécuritaires du mieux conformes aux enjeux de chaque terroir. Dans une dynamique de motivation et de garder le moral des troupes, il est noté une orientation de plus en plus sociale dans la gestion des troupes, des navettes sont mises à disposition pour convoyer les agents des casernes à leurs domiciles lors des permissions. Il a toujours été incongru de voir des militaires sénégalais sur le bord de nos routes, faire de l’auto-stop pour rejoindre leurs casernes. Des programmes immobiliers sont également en gestation dans Dakar et les différents commandements territoriaux pour loger les troupes et leurs familles. Le Président Sall affirme attacher du prix à la construction de nouvelles casernes militaires et de police, afin d’assurer de meilleures conditions sociales aux éléments opérationnels. Aussi, une prise en charge renforcée des blessés au front s’organise pour éviter que ne soient laissés en rade des compatriotes qui ont effectué des sacrifices pour notre sécurité commune.
Par Mamoudou Ibra KANE
MANDELA LIBRE, L’AFRIQUE EXULTE
Mandela aime le Sénégal et admire les Sénégalaises qu’il trouve élégantes. Le président Abdou Diouf, qui l’a en haute estime, s’est beaucoup investi des années durant pour la libération du prisonnier le plus célèbre du monde
Mandela aime le Sénégal et admire les Sénégalaises qu’il trouve élégantes. Le Président Abdou Diouf, qui l’a en haute estime, s’est beaucoup investi des années durant pour la libération du prisonnier le plus célèbre du monde. Sur son instruction d’ailleurs, toutes les écoles publiques, avaient inscrit au tableau cette sentence prémonitoire : « l’apartheid est un crime contre l’humanité ». Journaliste chevronné, Mamoudou Ibra Kane, au détour de rencontres multiples et variées, gagne la sympathie du Président Douf qui lui confie mezza voce : « J’ai sauvé Mandela d’une humiliation… » A lire dans ce haletant livre, également disponible en version anglaise. Morceaux choisis…
Dimanche 11 février 1990, il est 3 heures de l’après-midi en heure locale, 13 heures en temps universel et à Dakar. Pour la première fois depuis 30 ans, “la fumée blanche” s’échappe de la prison de Victor Verster de Paarl, située à 60 km de la ville du Cap, en Afrique du Sud. Elle annonce la sortie imminente du pape. Habemus papam, “nous avons un pape”. Ici, paraphrasant la formule consacrée et sacrée quand un pape est élu au Vatican, il s’agit de dire : “Nous avons un homme libre”. Celui dont il est question est le pape du combat contre la ségrégation raciale enAfrique du Sud. La « fumée blanche » embaume l’atmosphère au pays de Chaka Zoulou.
Annonciatrice de la liberté. Et telle la blanche colombe, la paix. Le prisonnier le plus célèbre du monde, « M. Mandela sera libéré devant la prison Victor Verster, demain dimanche (veille de la libération : Nda), 11 février 1990, à 3 heures. » Difficile d’être plus précis. Le détenu numéro 466/64 sortira donc de prison. Il sort. Il est sorti. Sous les vivats d’un peuple enfin libéré. Enfin libre ! C’est la fin de vingt-sept longues années de bagne. C’est d’abord l’île de RobbenIsland, la plus célèbre des prisons sud-africaines, qui accueille le condamné à vie du procès de Rivonia, de juin 1964 à avril1982, puis la prison de Polls moor, jusqu’en décembre 1988, et enfin Victor Verster, jusqu’au jour de sa libération. La trentaine d’années de privation de liberté n’a pas ramolli la combativité de Nelson Mandela. Rolihlahla, un autre de ses prénoms, ne signifie-t-il pas “fauteur de trouble” ? Le poing droit levé vers le ciel en signe de victoire, Madiba, costume gris et bien cravaté, est imité dans son geste par son épouse Winnie. Les deux amoureux et compagnons de lutte se tiennent la main. Plus exactement et contexte de retrouvailles oblige, la main lisse de la dame de fer se loge, se love dans celle dure et complice de son roc d’époux.
Mandela le rocailleux “vieux crocodile”, comme d’aucuns le surnomment. Contexte. Nous sommes le 11 février. Trois jours après, c’est la Saint-Valentin. Eh oui, l’amour ça se fête aussi devant… la porte d’une prison ! Nelson et Winnie, toujours amoureux ? Peut-être oui. Peut-être non. Oui et non à la fois. On connaît la suite de l’histoire. Les nuits passées au violon ont eu raison d’Eros, le dieu de l’Amour. La distance entre le Valentin et sa Valentine finira par casser leur union contractée “pour le meilleur et pour le pire”. Le poing ferme sur la photo du jour de sa libération témoigne pour Madiba, que le combat n’est pas fini. Ce combat n’a pas de fin. Il continue. Il va continuer pour le chef historique de la lutte contre l’Apartheid. Il continuera tant que le monstre n’est pas mort. Alors qu’il était à la force de l’âge, 45 hivernages l’année de son arrestation, son grand âge de 72 ans au moment de sa libération, le motive encore davantage. Paradoxalement. Mandela, l’homme des paradoxes. Le combat, il le poursuivra sans haine pour ses geôliers. “Sans faiblesse coupable ni cruauté inutile”, aurait dit, dans ses envolées poétiques, le premier président du Sénégal Léopold Sédar Senghor.
Le chef de l’Etat sud-africain d’alors, Frederik Willem de Klerk semble séduit par le trait de caractère de l’homme dontil vient d’annoncer, la veille, la libération “sans condition” : « J'ai rencontré un monsieur âgé, digne et intéressant. Notre conversation a été courtoise. »
MANDELA ET LE SENEGAL
L’attention du Sénégal pour Nelson Mandela et son combat et, inversement, la reconnaissance du chef de l’ANC envers le pays de Cheikh Anta Diop, ont des racines lointaines, solides et profondes. Une relation robuste et solidement enracinée comme le baobab, arbre emblème que les deux pays ont en commun. C’est en Afrique du Sud que se trouve justement « le baobab le plus gros au monde (38m d’envergure) ». Des baobabs le Sénégal en regorge à une quantité industrielle quoique la main de l’homme et les besoins d’industrialisation et de construction d’infrastructures modernes en ont décimé une bonne partie. D’où l’urgence de protéger et de sauver ce patrimoine commun qu’est le Baobab, qui fait désormais, sur décret présidentiel, partie des symboles forts de la Nation sénégalaise au même titre que le Lion et l’Hymne national. Tous, à commencer par les pouvoirs publics, semblent avoir pris conscience que le développement nécessaire de Diamniadio et de toutes les autres Parcs industriels, ne doit pas se faire au détriment du Baobab.
MANDELA : « LES SENEGALAISES SONT ELEGANTES»
Dans son autobiographie, « Un long chemin vers la liberté » (Fayard, 1995), Mandela relate lui-même son coup de foudre pour Dakar lors de sa première visite, le 1er juin 1962, à quelques mois de son arrestation qui le conduisit en prison pendant de longues années.
Accompagné d’Oliver Tambo, en provenance de Conakry (Guinée), le commandant en chef des troupes de l’ANC s’en souvient en enfourchant Pégas: « La grâce des bateaux de pêche très fins qui glissaient dans le port de Dakar n’avait d’égale que l’élégance des Sénégalaises qui se glissaient dans la ville, vêtues de robes flottantes et la tête recouverte d’un turban. » S’en suit une vraie ivresse d’amour pour la capitale sénégalaise du héros Mandela transformé en Eros sur le coup… de foudre. Déclaration d’amour : « Je me promenais sur la place du marché voisin, enivré par les épices et les senteurs exotiques. Les Sénégalais sont beaux et j’ai beaucoup aimé notre bref séjour dans leur pays. La société montre comment des éléments très disparates – français, islamiques et africains – peuvent se mêler pour former une culture unique et distincte. »
En juin 1962, le président du Sénégal s’appelle Léopold Sédar Senghor. Le pays, ancienne colonie française, obtient son indépendance deux ans plus tôt. Un Exécutif à deux têtes dans un régime parlementaire, gouverne un petit pays de 3 206 749 d’habitants. Rien à voir avec les 15 millions actuels ! Le taux démographique moyen de 2,5% est passé par là ! Une population très jeune. Senghor, 54 ans, président de la République et Mamadou Dia, 50 ans, président du Conseil de Gouvernement - équivalent de Premier ministre - et homme fort du régime, forment un duo de rêve avant de se livrer à un duel fratricide, en décembre de la même année. Le miel des débuts de l’indépendance, « indépendance chacha ! », se transforme en fiel de la réalité du pouvoir entre les deux amis et compagnons politiques.
Au-delà du charme de Dakar, Nelson Mandela n’oublie pas de raconter l’anecdote d’une tout autre crise. Son camarade Olivier Tambo pique une crise d’asthme alors qu’ils se rendaient ensemble au palais présidentiel. Devant le refus du malade de retourner à l’hôtel sans pour autant aller à l’hôpital, l’auteur d’Un long chemin vers la liberté est d’une mémoire d’éléphant qui fait sourire : « Je l’ai porté sur mon dos pour monter dans le bureau du président. Senghor était très inquiet de voir Oliver dans cet état et il a insisté pour que son médecin personnel le soigne. » Après s’être assuré qu’Olivier Tambo était hors de danger, le poète-président, témoigne Mandela, n’avait pas manqué de les entretenir de ses recherches sur Chaka et de se montrer curieux à propos du « grand guerrier sud-africain » à qui Senghor a consacré de belles proses.
De son séjour dakarois et de son entretien avec le premier président du Sénégal, en juin 62, dans le cadre de la campagne de collecte de fonds pour la lutte armée que son mouvement avait décidé de mener dès juin 61 contre le régime raciste d’Afrique du Sud, le leader de l’ANC n’obtient pas l’aide financière escomptée pour l’entraînement de ses soldats. A la place de l’argent, Léopold Sédar Senghor leur octroie des passeports diplomatiques et l’achat de leurs billets d’avion pour Londres. Le premier président du Sénégal Léopold Sédar Senghor avait refusé poliment mais fermement, en 1962, de donner de l’argent à Nelson Mandela pour acheter des armes. Son successeur Abdou Diouf accepte, 30 ans plus tard, de satisfaire le besoin d’argent exprimé par le héros de l’abolition de l’Apartheid. Faut-il y voir une contradiction ? Ce serait parler trop vite en répondant par l’affirmative. Dans le cas de Senghor, il s’agissait d’une option diplomatique de l’Etat sénégalais de ne pas encourager le recours à la violence, fut-elle légitime pour l’ANC et fut-ce contre l’horrible régime de l’Apartheid d’Afrique du Sud.
Dans le cas de Diouf, il était plutôt question d’éviter à Mandela l’humiliation de l’expulsion qui n’aurait honoré personne sauf… son auteur. C’est la dignité d’un homme exceptionnel qui était en jeu. Dans les mêmes circonstances, des années plus tard, il n’est pas dit que le président Senghor aurait refusé de réparer la « gêne d’argent » de Mandela pour régler un besoin personnel.
A l’opposé, il n’est pas évident non plus que le président Diouf aurait accepté, dans le contexte senghorien, de remettre de l’argent à son hôte pour l’achat d’armes. Entre le prédécesseur et le successeur à la tête de l’Etat sénégalais il n’y a jamais eu de contradiction fondamentale. Au-delà de Léopold Senghor et d’Abdou Diouf la diplomatie sénégalaise a toujours été un long fleuve tranquille de continuité. Malgré les différentes alternances politiques, les actes de rupture ont été très rares. Le 31 décembre 1980, Abdou Diouf, alors Premier ministre depuis une décennie, succède à son mentor Léopold Sédar Senghor au fauteuil présidentiel. Il s’inscrit dans la continuité et accentue le soutien politique du Sénégal au combat de l’ANC. Un soupçon de rupture dans la continuité diplomatique du Sénégal caractérise plutôt la présidence Diouf à l’égard de l’Afrique du Sud. Il fait inscrire sur tous les tableaux noirs des écoles pour ne pas dire «sur tous les murs du Sénégal», une petite phrase aux grands effets : «L’Apartheid est un crime contre l’humanité. »
Plus qu’une phrase, le cri de guerre et de ralliement déclenche une prise de conscience anti-apartheid dans le pays, y compris et surtout chez les élèves et étudiants sénégalais. A défaut d’être une idylle, ce fut un moment de retrouvailles avec les jeunes à travers le combat de Mandela.
THE GREAT SECRET
En Afrique et ailleurs, tout le monde se réclame de lui. Tout le monde s’inspire de lui. Tout le monde veut être comme lui. Mais personne n’est comme lui. “Lui c’est lui et (nous) c’est (nous)”. Nelson Mandela, un dieu ? Oui et non à la fois. Oui pour l'ensemble de son œuvre. Non pour respecter sa vision de son propre-moi, de son vivant. Non, par respect à sa mémoire après sa mort. Il faut être Madiba pour se la jouer modeste de cette sorte le jour même de sa libération, il y a 28 ans, son jour de triomphe et de gloire. “Je suis ici devant vous non pas comme un prophète mais comme votre humble serviteur », avait-il tenu à couper court à toute tentative de déification de sa personne, dès les premières heures de sa sortie de prison. Il n'était qu'un homme et rien de ce qui est humain ne lui était étranger. Il avait ses joies et ses peines. Il était heureux un jour et malheureux un autre jour. Il était comme monsieur-tout-le-monde. Eh oui, lui l’immense Mandela ! A cette exception près, que le héros de la lutte contre la politique ségrégationniste d'Apartheid en Afrique du Sud savait bien contenir ou cacher, selon les situations, ses états d'âme. Mais, comme tout le monde, il savait aussi ouvrir son cœur aux autres et s’ouvrir aux autres.
La suite le démontre. Vendredi, 13 janvier 2016. Le vendredi 13 du mois, selon la mythologie, est un jour de chance ou de malchance. Mythe ou réalité ? Les accros des jeux d’argent guettent ce jour rare dans le calendrier grégorien. Après tout, en matière de jeu de hasard, il s’agit de gagner et de beaucoup gagner ou de perdre et de tout perdre. Autant tenter sa chance !Nous avons rendez-vous avec une haute personnalité politique sénégalaise. “Ce vendredi 13 du mois nous portera-t-il chance ? Sera-t-il un jour de poisse ?” La question, je l’avoue, ne m’a pas quitté un seul instant tout au long du chemin qui me mène à la résidence présidentielle Pasteur, lieu du rendez-vous. Du Grand Rendez-Vous ! Grand comme mon hôte du jour.
La demeure pour les grands hôtes de la République fait face à l’hôpital des indigents, Aristide Le Dantec, situé en plein centre-ville sur la côte Est de Dakar la capitale sénégalaise. Il est un peu avant 19 h GMT et en heure locale. Le climat est doux. C’est l’hiver dakarois en cette mi-janvier 2016. Je suis devancé de quelques minutes par mon grand frère et ami Hamidou Sall. Poète et écrivain à la plume belle, inspirée, pointue, mais aussi lisse et, quand il le faut, nerveuse, l’ancien Conseiller spécial de l’ancien Secrétaire général de la Francophonie Abdou Diouf, s’est volontiers et généreusement offert de me conduire chez le maître des lieux. Le maître de céans n’est personne d’autre que… le président de la République du Sénégal, de 1981 à 2000. Abdou Diouf nous attend à l’heure convenue. La ponctualité est la politesse des rois, a-t-on coutume de dire. L’homme haut de ses deux mètres est toujours sobrement mais soigneusement habillé. Costume strict et croisé, de couleur gris sombre, chemise bleu-ciel et cravate bien assortie, le successeur de son “illustre prédécesseur”, Léopold Sédar Senghor, nous salue avec le sourire et la courtoisie qu’on peut lui témoigner.
Accueil à la sénégalaise sans toutefois, les longs salamalecs d’usage. Il nous reçoit dans un salon au décor aussi sobre que son hôte. Le prétexte, sinon la porte d’entrée est de lui offrir mon dernier livre dédicacé, “Le Sénégal : chroniques d’une alternance de braises[1]”. Agé de 81 ans, cheveux bien blanchis, Diouf n’a cependant rien perdu de sa tenue et de sa retenue républicaine, encore moins de sa mémoire d’homme d’Etat et d’homme tout court. Un proche le décrit comme “un être doué d’une très grande intelligence et d’une mémoire prodigieuse”. Une mémoire d’éléphant pour ainsi dire. Une bonne nouvelle pour un journaliste à la recherche de scoop quand bien même l’ancien président de la République du Sénégal aurait la réputation de ne pas se livrer au premier visiteur a fortiori au premier venu. Curieux de surcroît comme un pisse-copie ! Des visiteurs du jour et du soir, Dieu sait qu’il a l’habitude d’en recevoir ! Après le prétexte et le contexte, le moment est venu d’attaquer le texte. D’en venir au fait. D’entrer dans le vif du sujet. “Monsieur le Président, lui demandé-je, est-ce vrai que le Sénégal sous votre présidence, a soutenu financièrement Nelson Mandela pour acquérir une maison en Afrique du Sud ?”
LE FOND DE LA CAISSE
Aucun événement présent ou passé dontje me souviens ou dont j’ai entendu parler n’eut autant d’impact sur l’opinion publique mondiale que lamort deMandela ; et pas pour ses richesses mais pour la qualité humaine et la noblesse de ses sentiments et de ses idées
FIDEL CASTRO
(Premier chef d’Etat rencontré par Mandela, après sa libération) Le geste financier du président Abdou Diouf à l’endroit de Nelson Mandela lui avait permis de se libérer d’une énorme gêne matérielle. Une grosse épine venait de lui être enlevée du pied. Imaginons le spectacle si Dakar le lui avait refusé… Le héros de l’Apartheid expulsé de sa maison et se retrouvant avec famille et bagages dans la rue ! Ses petits-enfants exclus de l’école ! Ce serait non seulement un cas de conscience gênant pour les gouvernants, mais aussi une honte pour le Sénégal et pour tout le monde. Le mot n’est pas trop fort, c’est la terre entière qui aurait tremblé. Le monde se serait effondré de gêne, si une telle mésaventure était arrivée à Madiba. Mais une question légitime se pose pour le contribuable sénégalais. Y avait-il une base légale à l’appui dont avait bénéficié l’ancien prisonnier ? Dans de nombreuses démocraties comme du reste dans les dictatures, il existe une rubrique budgétaire dénommée «fonds secrets» et/ou fonds politiques. Ou encore fonds spéciaux. Ces fonds vulgairement appelés dans le langage courant « caisse noire », sont mis à la disposition du Chef de l’Etat et laissés à sa discrétion. Au Sénégal, ces fonds, qui suscitent régulièrement débat quant à leurs utilisations et destination, sont votés par les députés, à l’occasion de chaque session ordinaire de l’Assemblée nationale. Cette session s’ouvre chaque année en octobre et se clôt en décembre, suivant le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Les médias et le public raffolent de ce qui est communément appelé « marathon budgétaire », marqué parfois pour ne pas dire souvent, par de rudes passes d’armes entre la majorité et l’opposition.
Plusieurs de ces échanges, de propos aigres-doux, sont restés dans les mémoires des Sénégalais sur des sujets aussi divers que le coût de la vie : le prix du sac de riz, le prix au producteur d’arachide, le prix du loyer, le prix de l’électricité et de l’eau ; les tarifs de transport, la construction d’une route, d’une autoroute ou d’une voie ferroviaire ; l’achat de l’avion de commandement du Président de la République ou même le montant des fonds affectés au Chef de l’Etat et à sa discrétion. « Il peut les donner à qui il veut ou même les brûler sans avoir de comptes à rendre à personne », avait déclaré dans une célèbre émission de radio, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck.
Aveu de culpabilité, avaient estimé certains observateurs. Qui ne se recrutaient pas que chez ses détracteurs. L’homme politique faisait, à cette époque, l’objet de poursuites judiciaires pour « enrichissement illicite » présumé. Par la suite il sera blanchi par la justice sénégalaise. Sa boutade avait certes choqué plus d’un, mais elle n’en était pas moins relativement vraie en ce qui concerne l’usufruit et le fruit dont le Chef de l’Exécutif dispose sur les deniers qui sont à sa guise.
En effet, les dépenses liées à l’utilisation des fonds spéciaux ou fonds politiques à disposition du Président de la République, échappent à tout contrôle, pas même à celui de la Cour des comptes dont « le champ de compétence est défini par la Constitution et par la loi organique n° 2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des comptes . Il s’agit du contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics, du contrôle de l’exécution des lois de finances, du contrôle du secteur parapublic et de la sanction des fautes de gestion. » La mission de contrôle des dépenses des deniers publics est également dévolue à l’Inspection générale d’Etat. Seulement, à la différence de la Cour des comptes, l’IGE est placée sous l’autorité directe et exclusive du Président de la République.
L’article 2 de la loi régissant l’Inspection générale d’Etat en définit le champ de compétence
LEOPOLD SEDAR SENGHOR
De 35 millions de francs CFA de prévisions initiales en 1960, les fonds politiques sont montés en prévisions, durant le règne du premier Président du Sénégal, à 680 millions de francs CFA en 1977/1978.
ABDOU DIOUF
Jusqu’au 19 mars 2000, date de départ du président Abdou Diouf du pouvoir, les fonds politiques oscillaient entre 640 et 650 millions de francs, atteignant très rarement un milliard de francs CFA.
L’HERITAGE DILAPIDE
Nulle pierre ne peut être polie sans friction, nul homme ne peut parfaire son expérience sans épreuve.
CONFICIUS
Nelson Mandela aurait eu 100 ans cette année 2018. Le patriarche de la nation arc-en-ciel est âgé de 95 ans quand il disparait le 5 décembre 2013. Il n’est pas sûr qu’il serait fier de ses héritiers politiques, s’il était encore de ce monde. Au vu de la gestion de son patrimoine politique, on peut parier qu’il est en train de se retourner dans sa tombe de Qunu.
Mercredi 14 février (2018), c’est la Saint-Valentin, fête des amoureux. Dans la vie politique sud-africaine, c’est le jeu du « je t’aime, moi non plus » entre le déjà ex-président Jacob Zuma, contraint à la démission et son parti l’ANC, qui ne veut plus le voir, pas même en photo à la tête du pays. Et de deux au pays de Mandela ! Deux comme Jacob Zuma et Thabo Mbéki. Deux comme deux présidents de l’Afrique du Sud post-Madiba - le premier ayant succédé au second – qui se voient pousser à quitter le pouvoir par la petite porte avant même le terme de leurs mandats respectifs. L’héritage du géant Nelson Mandela est ainsi dilapidé. Quel gâchis ! Un gâchis qui, au-delà de la responsabilité des deux héritiers politiques et successeurs de Madiba au pouvoir, incombe à tout l’ANC. L’African National Congres, excellent dans le combat contre l’Apartheid, mais médiocre dans la gouvernance du pays. Zuma avait réussi à faire démissionner Mbéki, en 2008, à un an de la fin de son second mandat. Zuma est à son tour victime, en 2018, de sa propre arme.
Qui l’a forcé, dix ans après, à partir à un an du terme de son deuxième mandat. Thabo Mbeki dont le bail présidentiel, à l’époque, devait normalement s'achever en 2009, avait été appelé par l’ANC à quitter sa fonction après des soupçons d'instrumentalisation de la justice pour écarter son rival du nom… de Jacob Zuma. Mbeki de se défendre : « Nous avons toujours protégé l'intégrité de la justice (...) Nous n'avons jamais porté atteinte au droit des services du procureur général d'engager des poursuites ou de ne pas en engager. » Et de nier ainsi toute ingérence dans les poursuites pour « corruption » de Jacob Zuma. Pour qui sonne le glas aujourd’hui ? Assurément pour Zuma, obligé par l’ANC, une décennie plus tard, de rendre le tablier pour, ironie de l’histoire, « corruption » et « vol » de deniers publics parmi les plus de 700 chefs d’accusation (!) qui l’attendent devant la justice. « L'histoire ne se répète pas, ou alors comme une farce… », prévenait Marx quand d’aucuns soutenaient que « l’histoire se répète toujours deux fois ». Mais, pour d’autres et ils n’ont pas tort, «l’histoire se répète car personne n’écoute la première fois.»
Au tour de Cyril Ramaphosa d’occuper le fauteuil laissé vacant par Jacob Zuma. Ramaphosa, cet autre héritier de Mandela qui, pour la petite histoire, lui tenait le micro le jour de sa libération, il y a 28 ans de cela. En attendant, le constat est triste. Jacob Zuma, Thabo Mbeki et l’ANC n’auront pas été dignes de l’héritage de Nelson Mandela, lui qui s’est retiré du pouvoir après seulement un mandat de 5 ans alors qu’il aurait pu en solliciter d’autres et d’autres encore. Ce n’est pas le peuple sud-africain pour lequel il s’est tant sacrifié qui le lui aurait refusé. On comprend mieux aujourd’hui, pourquoi il n’avait pas estimé nécessaire de continuer. Il était hors de question pour l’immense Madiba d’être grabataire et/ou de mourir au pouvoir. Chez lui il y avait une vie après le pouvoir. « Je ne fais plus de politique, je me contente d’observer cela de loin, et quand les gens viennent me voir et me demandent : « Que faire dans cette situation ? », je leur réponds : « Non, allez voir ceux qui font de la politique, moi je n’en fais plus, je me suis retiré de ce milieu.»
L’ETAT ACCUSÉ D’AVOIR MIS LA POSTE À GENOUX
Les bourses sociales sont en train de mener au bord du gouffre l’un des plus grands champions de la politique d’inclusion sociale et financière du pays, à cause d’une redevance de plus de 42 milliards FCFA
Dans le bilan du Plan Sénégal Emergent (Pse), une large part est occupée par les bourses sociales. Cependant, cette politique sociale de l’Etat est en train de mener au bord du gouffre l’un des plus grands champions de la politique d’inclusion sociale et financière du pays, à cause d’une redevance de plus de 42 milliards FCFA.
La Poste nationale est au bord de l’agonie ! La cause, une mauvaise politique sociale de l’Etat. En effet l’Etat, qui devrait protéger cette entreprise eu égard regard à sa mission de service public, est en réalité le premier à piller ses ressources. Comme si la prolifération des institutions financières avec une concurrence débordante ne suffisait pas, l’Etat du Sénégal doit 42 milliards de francs Cfa au groupe La Poste.
Dans le solde actuellement reconnu par laDirection générale à la protection sociale et à la solidarité nationale (Dgpsn), l’Etat doit verser un montant de plus de 42 milliards de francs Cfa à la Poste comme paiement des bourses sociales. C’est ce qu’indique Ibrahima Sarr, secrétaire général du Syndicat National des Travailleurs de la Poste (Sntp). Il explique que l’Etat a cessé de verser à la Poste la rémunération du service public dont le montant est actuellement évalué à 11,5 milliards Fcfa. Un montant qui, selon Ibrahima Sarr, «n’est pas une subvention, encore moins un financement, mais une obligation de l’Etat, à la lumière du contrat de concession d’un service universel qui le lie à la Poste».
Actrice incontournable de l’inclusion sociale et financière et concessionnaire du service public postal, le syndicaliste trouve «paradoxal et déplorable que La Poste n’ait bénéficié de la part de l’Etat d’aucun financement pour l’investissement ou pour appui à l’exploitation encore moins au développement ».Alors que d’autres sociétés nationales telles que la Sonacos, la Senelec, Dakar Dem Dikk, la Rts etc, bénéficient de tels appuis pour soutenir leur croissance. Au lieu de cet accompagnement, se désole-t-il, «l’Etat grève les ressources de la Poste par une accumulation de créances, notamment avec des paiements des bourses de sécurité familiale».
Le postier affirme par la même occasion qu’une première reconnaissance de dettes, signée le 03 septembre, fait ressortir un solde de trente quatre milliards six cent soixante quatre millions cinq cent quatre vingt quatorze mille cinquante francs (34.664.594.050 F). En plus de ce problème, la pandémie de covid-19 a considérablement affecté l’exploitation au niveau de la Poste par la fermeture des frontières, la baisse drastique des transferts et des envois de courrier, la diminution de l’épargne du fait du quasi-arrêt de l’activité économique.
SITUATION FINANCIERE INSOUTENABLE, BAISSE DU CHIFFRE D’AFFAIRES, L’AVENIR DE 4 600 EMPLOYES …
Les agents de la Poste vivent dans un contexte d’incertitudes caractérisé par l’angoisse et l’appréhension née de la situation difficile de l’entreprise. «Cependant, il existe une lueur d’espoir entretenue par la volonté commune de tous les postiers d’agir ensemble pour proposer des solutions opérantes dans le but de sauver l’avenir de 4 600 travailleurs», affirme Ibrahima Sarr. Constatant cette situation difficile dontla principale cause estl’inaction des pouvoirs publics, les travailleurs de la Poste exigent de l’Etat le paiement immédiat de toutes les créances de la Poste vis-à-vis de l’Etat, notamment celles au titre des bourses sociales de sécurité familiale, le refinancement de la Poste Sn, l’attribution à la Poste de tous les marchés publics de prestations de paiement de masse entre autres. Sur le plan institutionnel et réglementaire, les syndicalistes demandent une révision des textes, une réforme des statuts de la Poste et une matérialisation des relations entre la Poste et le ministère chargé du secteur etc.